lundi 18 août 2014

Un lot extraordinaire de Pedraza de Yeltes



   Il est rare, extrêmement rare, d'assister au combat d'un lot aussi complet que celui lidié en ce samedi 14 août dans les arènes de Dax.
   Et d'abord à la pique où 17 fois les Pedraza partirent à l'assaut de la cavalerie en galopant puis en poussant  longuement et sans jamais relâcher leur pression sur le cheval, avec toute leur bravoure de véritables toros de combat. Le point d'orgue étant le tercio d'anthologie offert par Miralto, troisième toro de la tarde. 4 grandes piques prises de plus en plus loin, la dernière depuis l'opposé de la piste, et tenues d'une main de fer par cet authentique maestro qu'est Tito Sandoval.
   Puis, à l'exception du deuxième, tous nobles avec de la fixité et le désir, toujours, d'aller jusqu'au bout de leur charge. La noblesse des authentiques braves.
   Il est certain que ce lot marquera de son empreinte la temporada et il faut féliciter les organisateurs dacquois pour l'avoir présenté en leur feria. Il est certain aussi que la présence physique et le comportement de ces toros remet en cause quelques idées reçues.
   La première concerne le poids. Lorsque j'en ai pris connaissance (autour de 600 kg) sur le programme distribué à l'entrée, j'ai un peu tordu le nez, craignant que des toros si lourds ne tiennent pas la distance. Il n'en a rien été. Au contraire, leur masse physique leur a sans doute donné un surcroit de puissance. Bien élevé et doté de bravoure et de caste il semblerait que l'encaste Parladé - Domecq (contrairement à d'autres) ait plus à gagner qu'à perdre à fleurter avec les 600 kg.
   On accuse souvent les toros d'origine domecq de n'être que des toros de troisième tiers et c'est souvent vrai. Les Pedraza de Yeltes ont prouvé qu'il pouvait en être autrement. Tous ont eu suffisamment de ressources physiques  pour que leur caste puisse à la fois s'exprimer pleinement au cours du premier tiers, mais aussi, par la suite, au dernier tiers au cours duquel ils ont développé des charges puissantes et longues - y compris les deux de Ferrera qui avaient été sciemment massacrés aux piques ( le 4 avant de s'arrêter, visiblement au bout du rouleau, avait chargé avec une étonnante vivacité). Les toros de Pedraza de Yeltes ont été sans conteste des toros complets.
   Il faut en venir maintenant aux points noirs de la course car, trois fois hélas, il y eut aussi beaucoup de ratés en cette après-midi qui aurait dû être triomphale et qui ne le fut pas en raison de l'insuffisance de certains éléments humains. La fameuse équation taurine Toros + Matadors = Constante fut une fois de plus parfaitement respectée.
   Antonio Ferrera s'est contenté de toucher le cachet. Il gâcha deux grands toros et repartit sous les sifflets. Honte à lui!
   On connait les limites de Javier Castaño muleta en main, on les accepte en contrepartie des qualités de sa cuadrilla. Mais voir les deux toros de bandera qui lui échurent aujourd'hui mourir tristement sous une kyrielle de pinchazos mal portés par un torero de troisième catégorie laissa en bouche un goût amer.
   En comparaison, Diego Urdiales fait figure de génie. Pourtant sa tarde - même si c'est à lui que l'on doit les moments de meilleur toreo - fut loin d'être glorieuse. Il connut d'abord les affres des trois avis face à un toro haut, puissant et incertain de comportement auquel il répondit lui-même par l'incertitude de ses actions. Si l'on ajoute à cela les préalables atermoiements sur la troisième pique  qui finalement ne fut pas donnée et l'affolement de sa cuadrilla dans les dernières minutes, les trois avis sonnèrent comme une fatalité.
   Il eut le mérite de reprendre confiance face au cinquième au point de réussir une assez bonne faena suivie d'une entière desprendida. Le tout ne méritant pas les deux oreilles accordées par un président inconséquent. Car, de ce fait, la grande tarde de toros offerte par les Pedraza de Yeltes se termina dans le ridicule avec la sortie a hombros dans l'indifférence générale d'un matador qui avait reçu trois avis pendant que le public réclamait à pleins poumons la présence dans le ruedo d'un mayoral par trop discret.
  Dacquois, il va falloir apprendre aussi à mettre en scène le triomphe des élevages!




mardi 12 août 2014

Des taureaux en Belgique

Bien que possédant de nombreux aficionados et plusieurs clubs taurins, la Belgique, dont le territoire appartint longtemps à la couronne espagnole, n'est pas terre taurine. Pourtant le culte du taureau y pointe parfois sa corne.
























Du nord au sud, d'est en ouest, à travers tout le pays, s'affiche le logo de la bière la plus populaire de Belgique, la Jupiler.
























Deux taureaux semblent monter la garde devant la cathédrale de Bruxelles (sculpture de Matthieu Michotte).


























Au hasard de la visite des prestigieuses collections des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique on peut tomber nez à nez avec cette sculpture de Léon Mignon.





















Dans la capitale européenne l'Enlèvement d'Europe s'imposait. Placée devant l'immeuble du Conseil de l'Union Européenne cette œuvre de Léon de Pas semble symboliser la fragilité de la démocratie face au pouvoir des technocrates et des lobbyistes (pas moins de 10 000 d'entre eux gravitent dans les parages!).



















Et oui! Il existe bel et bien une plaza de toros à Bruxelles!
La Maestranzita  en el parc Mini- Europe, vue depuis l'Atomium.

photos : Velonero et Laetitia D.

vendredi 8 août 2014

Hommage à Hubert Yonnet

   De retour d'un séjour en terres septentrionales, je remonte, sur mon ordinateur, le cours de l'actualité taurine et apprend la nouvelle de la mort d'Hubert Yonnet.
   Chacun sait qu'Hubert Yonnet a été un éleveur remarquable. N'oublions pas qu'il fut aussi, en particulier lorsqu'il était à la tête des arènes d'Arles, un organisateur exemplaire. Pour lui rendre hommage, cette photo de Cassaïre, novillo combattu à Roquefort en 2005 par Alberto Aguilar.


  Cassaïre, sixième novillo de l'après-midi, prit 4 piques pour une chute et fut honoré d'une vuelta al ruedo.


   Je garde aussi comme précieux souvenir la novillada lidiée en Arles par El Lobo, Morenito d'Arles et Diamante Negro pour la feria pascale de 1997. Six novillos qui représentaient par leur trapío, bravoure, noblesse, poder et caste tout ce qu'un aficionado (et un bon torero) peuvent attendre de mieux d'un toro de combat.

photo : Christophe Georgeval
   

dimanche 27 juillet 2014

Roquefort : le retour des novillos de La Quinta

































Vendredi 15 août
11h. novillada sans picadors
erales de L'Astarac, Malabat, Alma Serena, Casanueva
Luis David Adame - El Adoureño

18h. novillada
La Quinta
Gonzalo Caballero - Borja Jimenez - Andres Roca Rey

Photo
Photo


 Photo


Les novillos du fer de La Quinta fouleront le sable du ruedo roquefortois pour la sixième fois. Il y a une dizaine d'années ils ont été les protagonistes de novilladas de haut niveau.

2002   La Quinta
Emilio Laserna - Javier Solis - Sanchez Mora
 Lot magnifique, tercios de pique de qualité et vuelta pour Bolichero, cinquième novillo de l'après-midi.

2003   La Quinta
Javier Solis - Miguelin Murillo - Luis Bolivar
 Le lot entier est de qualité exceptionnelle (vuelta du 1, Escandalo et du 4, Pavito), novilleros et picadors à l'unisson : une tarde pour le souvenir.

2004   La Quinta
Salvador Cortes - Carlos Doyague - José Luis Torres
 Vuelta pour le 3 Cantinero et triomphe de José Luis Torres.

2008   La Quinta
Antonio Nazaré - El Payo - Javier Cortes
 Retour en juin des La Quinta après une interruption due à la langue bleue, un lot un peu inégal mais encasté.

2009   La Quinta
Javier Cortes - Ignacio Gonzalez - Angelino de Arriaga
 Déception dans un ensemble où la fadeur domine.


photos au campo (mars 2014) : Xavier Martin


mercredi 23 juillet 2014

Madeleine 2014 : novillada et corrida de Victorino Martin

La novillada matinale
   Les novillos de l'éleveur gersois Jean Louis DARRÉ "CAMINO de SANTIAGO" ont apporté de la diversité et de l'intérêt à la matinée. Le premier bis faible de pattes (ça commençait mal car il remplaçait le titulaire invalide), le deuxième fuyard, puissant et mobile, le troisième noble et le quatrième manso mobile.
   Gines MARIN a laissé sa carte de visite : toreo fin et élégant, sincérité et aisance technique. Deux oreilles du trois et un novillero que l'on a envie de revoir.
   Louis HUSSON avec les deux mansos ne perdit pas pied et en termina par une grande estocade qui lui valu une oreille.

Corrida de VICTORINO MARTIN
   Le lot de Victorino en trois mots : trapío, fixité, noblesse. Avec trois très bons toros. Le 1 à la charge puissante, un de ces toros dont on dit qu'ils transmettent; le 3 un toro muy serio qui est allé à mas dans la muleta assurée d'Alberto Aguilar; le 5 enfin, mal mis en valeur au premier tercio puis avec une noblesse pastueña exigeant un toreo de qualité. 13 piques pour l'ensemble avec des poussées irrégulières.
   Diego URDIALES a conquis le public et son triomphe fut des plus légitimes. Quel engagement! Quelle sincérité! Quelle sûreté pour un torero qui torée si peu! Et quelle beauté dans son toreo!
   Maintenant une question. A 39 ans, après 15 ans d'alternative, Diego faisait sa présentation aux arènes du Plumaçon. Que penser d'un système taurin qui a caché aux Montois (et à bien d'autres) un torero d'une telle qualité?
   Alberto AGUILAR a connu une bonne tarde, rassurante dans une temporada qui, après une blessure cet hiver en Amérique qui lui a laissé des séquelles physiques bien visibles, s'avère difficile pour lui. Mais toujours cette faiblesse à l'épée.
   Manuel ESCRIBANO est passé à côté du 5. Profilé, superficiel, allant a menos ... et souffrant de la comparaison avec ses compañeros, il ne dut qu'à une excellente estocade de couper l'oreille. Le bon public montois sut lui signifier qu'il était en droit d'attendre mieux devant un tel toro.
  

mardi 22 juillet 2014

Madeleine 2014 : corrida de La Quinta

   Était clairement exprimée chez les aficionados à la sortie de cette deuxième corrida des fêtes de Mont de Marsan qui fut pourtant une corrida que l'on pourrait qualifier d'entretenida et qui vit le triomphe d'un matador (Ivan Fandiño) et le succès d'un autre (Antonio Ferrera) une très nette insatisfaction.
   Le cartel avait tellement fait rêver que la prosaïque réalité d'une assez bonne tarde ordinaire ne pouvait qu'avoir un petit goût de grise banalité.
   On attendait d'abord les toros de La Quinta. Leur bonne temporada 2013 avait ravivé ici le souvenir de l'immense lot de 2008, étaient présent aussi dans la mémoire de beaucoup les grands toros des corridas-concours vicoises ainsi que les excellentes novilladas roquefortoises d'il y a quelques années.
   Il y avait ensuite la perspective du duel El Juli - Ivan Fandiño, duel entre deux idoles montoises, l'ancienne et la nouvelle, mais duel aussi entre deux conceptions radicalement opposées de l'éthique taurine.
   Or, les toros de La Quinta ont été nettement en dessous des attentes; quant au duel il n'a pas eu lieu en raison de l'abdication de l'un des combattants.

   D'entrée, Espartero premier toro de La Quinta se chargea de doucher les espérances. Haut, maigre, pustuleux et invalide, il avait sans doute, grâce à l'opportunité de ce voyage vers Mont de Marsan, évité la triste fin de l'abattoir que ses six herbes semblaient devoir lui promettre. Il donna le ton de la course, celui de la faiblesse qui réduisit le tercio de pique à une simple formalité. Dès lors, malgré quelques retours de caste, surtout en fin de combat, la tarde ne pouvait dépasser le niveau d'une corrida pour vedette qui fonctionne. C'était nettement insuffisant en regard des espoirs de l'aficion.
   Celui qui ne fonctionna pas en revanche ce fut El Juli. Nous avons assisté de manière tout à fait inattendue à un surprenant effondrement moral de sa part. Des caricatures de julipiés ratés à son premier au renoncement à toute faena à son second (alors que le toro s'était montré d'une grande noblesse à la cape) jusqu'à la sortie sous les sifflets, le Juli a bu ce jour le calice jusqu'à la lie.
   Faut-il y voir un simple accident de parcours lié à un lieu - le Sud Ouest de la France - dans lequel il ne se sent plus en territoire conquis? Doit-on penser qu'il a surestimé ses forces et que ses épaules ne sont pas assez larges pour assumer à la fois la competencia sur le sable des arènes et la guérilla qu'il mène contre les organisateurs  dans les coulisses? ... Ses prochaines actuations nous en diront peut-être davantage...
   Tout cela ne doit pas occulter les satisfactions de la tarde. A commencer par Ivan Fandiño venu, lui, en découdre et repartant avec trois oreilles; et le plaisir de revoir, après tant d'années, Antonio Ferrera qui sut faire apprécier sa maturité rayonnante.
   A propos d'Antonio Ferrera, il est bon de se souvenir qu'il avait, lui aussi, en ses jeunes années, osé défier le Madrilène (rappelons-nous une certaine tarde dacquoise). Il avait alors été écrasé par le système Juli qui l'avait ostracisé sans ménagement.

Mais la temporada suit son cours. On attendra avec intérêt le combat des novillos de La Quinta à Hagetmau et à Roquefort ainsi que la répétition du cartel montois en août à Bilbao  tant "la corrida est le spectacle mêlé d'une déception et d'une espérance toujours renouvelées¹"

¹Bernard Marcadé, Ai no corrida, in Artpress 2 n°33 "L'art de la tauromachie" (une excellente surprise que ce numéro et une lecture passionnante)

mardi 15 juillet 2014

Jacques Faget de Baure, premier aficionado orthézien

   Avocat, homme politique (il sera député des Basses-Pyrénées sous la Restauration), historien, Jacques Faget de Baure, né à Orthez en 1755, est sans doute le premier aficionado local ... d'une longue lignée.

   Le voici vers 1780 à Pampelune, précisément pour la San Fermin : "Tout était en mouvement : les vieillards eux-mêmes étaient dans une agitation qu'il est difficile de concevoir."

   Il assiste bien sûr à un encierro :
   "Ces taureaux sont des animaux sauvages, on va les chercher au sommet des montagnes. On les attire en leur présentant des vaches, que l'on se hâte ensuite de chasser devant eux. Ils les suivent, entraînés par un penchant aveugle. On les conduit ainsi jusqu'à Pampelune; au moment où ils doivent entrer dans la ville, tous les habitants se rangent des deux côtés de la rue, laissant entre eux un passage libre. Les taureaux, toujours précédés par les vaches, s'élancent impétueusement à travers deux files de manteaux qui voltigent sur leur passage; des applaudissement retentissent autour d'eux; leur course est si rapide qu'ils ne se détournent jamais. On les prendrait pour des conquérants qui ne daignent pas jeter les yeux sur leurs conquêtes."

   Et, bon sang ne saurait mentir, il nous offre une profession de foi toriste :
   "Le taureau est réellement le héros de ce spectacle. C'est sur lui que l'intérêt se réunit. Il est fier, impérieux, indomptable. Il a la force, la beauté, le courage : il est malheureux. Que faut-il de plus pour en faire un héros de tragédie?"

source : Bartolomé et Lucile Bennassar, Le voyage en Espagne anthologie des voyageurs français et francophones du XVIème au XIXème siècle, Robert Laffont bouquins.

vendredi 11 juillet 2014

Expertise des cornes 2013

   Les anti-taurins, nos meilleurs ennemis, se complaisent dans le rôle de petits roquets qui nous mordillent les mollets. Leurs visages haineux et leur agitation hystérique entrevus ces derniers temps à proximité des arènes en arriveraient, par comparaison, à nous faire passer pour les meilleures personnes du monde, auprès de nous mêmes comme auprès des nombreux quidams sans opinion bien définie sur les toros mais éberlués par leurs pantomimes grotesques et agressives.
   Leur action a également permis, on le sait, de renforcer la légalité de la corrida en France.
   En ce qui concerne la lutte qu'ont toujours menée les aficionados pour le respect de l'éthique de la corrida et en particulier contre la pratique de l'afeitado, j'ignore dans quelle mesure la perspective de les voir s'emparer de tout scandale impose la prudence aux mauvais penchants du mundillo. On peut en tout cas penser que les expertises de cornes réalisées sous la houlette de l'UVTF permettent de contenir le phénomène. Car, parmi les aficionados, qui ferait confiance aux matadors du G5 et à leurs éminences grises si la bride ne leur était pas un peu tenue?

   Voici donc publié le rapport portant sur les armures prélevées durant la temporada 2013 dans les arènes françaises de première catégorie (sauf Nîmes qui semble craindre ce contrôle et refuse de s'y soumettre).
   Rien de nouveau sous le soleil, les résultats ressemblent comme deux gouttes d'eau à ceux de l'an passé.
   Fuente Ymbro continue à abuser de l'arreglado (6 au total; soit 2 par course, ce qui correspond au maximum autorisé), de même que Dax chez les villes (8 arreglados déclarés dans la temporada!).

Au tableau d'honneur des élevages (ni afeitado, ni arreglado) :

      - José ESCOLAR GIL
     - Domingo HERNANDEZ ''GARCIGRANDE''
     - La QUINTA
     - Adelaida RODRIGUEZ

vendredi 4 juillet 2014

Soria (3)


Domingo de Calderas

   Si le catholicisme espagnol avec son culte des reliques, des saints et des innombrables vierges fleurte souvent avec le paganisme, la procession du domingo de Calderas est, elle, entièrement païenne. Chaque Cuadrilla dont les membres sont habillés de vêtements traditionnels accompagne dans les rues de la ville sa Caldera, un petit paso fleuri et décoré au centre duquel trône l'essentiel : la nourriture, disposée dans un chaudron (caldera). Poulet, viande de toro,chorizo, œufs, fruits, pain et vin traversent ainsi la ville depuis la plaza Mayor jusqu'au Parque Municipal.
















































































Corrida d'El Torreon : un Fandiño de haut niveau

   La corrida d'EL TORREON est discrète de présentation, médiocre de caste et souvent faible de pattes. 6 toros, 6 piques.
   Le public a quasiment rempli les arènes. C'est un public gentil sans être triomphaliste et qui garde certains critères. Ainsi le deuxième toro est sérieusement protesté pour sa faiblesse et son manque de trapío.
   Sébastien CASTELLA fait preuve de professionnalisme mais il lui a manqué l'étincelle que les toros n'apportaient pas.
   Ivan FANDIÑO, au contraire, est en permanence animé par une éclatante volonté de triompher. Avec, en plus, un toreo à la hauteur de ses ambitions. Sa faena  au cinquième fut marquée par la sincérité, le dominio et la profondeur. Deux oreilles méritées après une bonne entière.
   Sans pousser le contre-ut, Alejandro Talavante construit bien ses faenas et se montre efficace épée en main (oreille et oreille).
























NB
Jueves la Saca
On peut voir sur l'affiche de la feria une photographie qui interroge. Il s'agit de l'évènement taurin le plus original de la feria, attesté depuis le XVIème siècle. Au cours de ce qui s'apparente à une abrivado, les douze novillos qui seront combattus le lendemain sont amenés depuis le monte Valonsadero situé à cinq kilomètres de la ville jusqu'à la plaza de toros.
Pour plus de précisions sur cet évènement et bien d'autres, tant ces fêtes semblent regorger de richesses, voir le site très complet : sanjuaneando.com

jeudi 3 juillet 2014

Soria (2)

Sabado Agés

   Dans le déroulement des Sanjuanes de Soria chaque jour a sa spécificité. Le samedi, les douze Cuadrillas (sorte de peñas qui sont l'émanation de chaque quartier de la ville) organisent la distribution à la population de la viande des douze novillos (un par quartier)  tués la veille lors des novilladas non piquées données dans des arènes survoltées. Dans la soirée a lieu la vente aux enchères des abats.


Corrida d'Adolfo Martin

   Demi-arène d'un public composé essentiellement d'aficionados pour une corrida d'Adolfo MARTIN brave sous neuf piques et de jeu inégal par la suite. Difficile le lot de Javier CASTAÑO, faible et sans caste celui de Manuel ESCRIBANO, les meilleurs pour Morenito de ARANDA avec le bon troisième, un toro complet, ovationné à l'arrastre, et le noble sixième.
   L'évènement de la course fut la blessure de David Adalid par le cinquième toro. La fameuse cuadrilla de Javier Castaño s'est montrée toute l'après-midi très en-dessous de sa réputation; lors de sa dernière paire, David Adalid, déjà hésitant et sans réussite lors des poses précédentes, trébuche devant le toro qui le prend au sol et lui inflige un coup de corne dans la cuisse.
   L'ovation de la tarde sera destinée à Luis Carlos Aranda pour une magnifique paire au sixième. Son maestro, Morenito de Aranda, avec une actuation certes pleine de classe, mais manquant d'entrega et de dominio et achevée par des épées calamiteuses, ne saura profiter d'un sorteo particulièrement favorable.
  






















Photos Velonero

mercredi 2 juillet 2014

Soria (1)


Soria inspiratrice de poètes

                     ¡Soria fria! La campana
                    de la Audencia da la una.
                     Soria, ciudad castellana
                   ¡tan bella! bajo la luna.
                       Antonio Machado


   Petite capitale de province, éloignée, depuis la fin de la transhumance et du commerce de la laine, des grands axes de communication et de production, Soria a su retenir l'intérêt des poètes. Ce sont tour à tour Gustavo Adolfo Becquer, poète romantique du XIXème siècle, puis Antonio Machado et Gerardo Diego au début du XXème qui trouvèrent dans le charme de la vieille cité castillane, de ses alentours ... et de ses femmes une inspiration pour leur œuvre poétique.




















 Antonio Machado devant le lycée de Soria ou il fut professeur de langue française de 1907 à 1912. Ces cinq années révélèrent au poète l'âpre terre de Castille qui sera l'une des sources les plus fécondes de son œuvre en particulier dans le magnifique recueil "Campos de Castilla" paru en 1912.
























Proverbios y cantares VIII

Entre el vivir y el soñar
hay una tercera cosa
Adivínala.
Proverbios y cantares V



















Il épouse en 1909 Leonor, jeune Soriana de 16 ans qui décède de la tuberculose en 1912.

Soñé que tú me llevabas
por una blanca vereda,
en medio del campo verde,
hacia el azul de las sierras,
hacia los montes azules,
una mañana serena.

Sentí tu mano en la mía,
tu mano de compañera,
tu voz de niña en mi oído
como una campana nueva,
como una campana virgen
de un alba de primavera.

¡Eran tu voz y tu mano,
en sueños, tan verdaderas! ...
Vive, esperanza, ¡quien sabe
lo que se traga la tierra!




















Gerardo Diego, poète avant-gardiste ... et taurin, fut lui aussi nommé, quelques années plus tard, professeur au lycée de Soria. On le voit ici devant le luxueux Casino Numancia dont il était socio. Le troisième étage du casino est aujourd'hui un musée dédié aux poètes de Soria.



J'ai rêvé que tu m'emmenais  sur un blanc sentier 
parmi la verte campagne,  vers l'azur des sierras,
vers les montagnes bleues,  par un matin serein.
J'ai senti ta main dans la mienne,  ta main de compagne,
ta voix d'enfant à mon oreille  comme une cloche neuve,
comme une cloche vierge  d'une aube de printemps.
Ta voix et ta main, en rêve,  étaient si vraies!...
Vis mon espérance! qui sait  ce qu'emporte la terre!


photos: Velonero




jeudi 26 juin 2014

Corridas en Catalogne en 2014

Céret

samedi 12 juillet
18h. corrida  Adolfo Martin
Diego Urdiales - Fernando Robleño - Camille Juan

dimanche 13 juillet
11h. novillada  Vale do Sorraia
Diego Fernandez - Roberto Blanco - Vicente Soler

18h. corrida  Felipe Bartolomé
Frascuelo - David Mora - Esau Fernandez

lundi 14 juillet
18h. corrida  Victorino Martin - Escolar Gil
Fernando Robleño - Paulita - Alberto Aguilar
























Millas

dimanche 10 août
novillada-concours
Francisco Galache - Valdefresno - Flor de Jara
Aurelio Hernando - Jalabert "Le Laget" - La Interrogacion
Tomas Angulo - Antonio Linares - Clemente


Correbous

Quelques photos du correbou qui a eu lieu ce mois-ci à Badalona dans la banlieue de Barcelone :









dimanche 22 juin 2014

Corrida de La Brède : des Fuente Ymbro en demi-teinte

6 toros de FUENTE YMBRO pour Alberto AGUILAR (silence, silence), PEREZ MOTA (silence, une oreille) et Juan LEAL (silence, deux oreilles); arènes presque pleines.

    Les toros de FUENTE YMBRO - bien présentés pour la catégorie de la plaza - ont soufflé le chaud et le froid. Le glacé même pour les trois premiers, faibles et sans caste. Sans doute les effets à retardement du pienso néfaste de l'an dernier dont ils avaient dû avoir double ration...
   Heureusement les trois derniers relevèrent le niveau. Le 4 s'engouffre avec noblesse dans la cape d'Alberto AGUILAR puis prend bien - comme la plupart de ses frères - la pique (7 pour l'ensemble du lot). Le torero replace le toro pour une seconde rencontre puis il se ravise et demande le changement de tiers. Grave erreur Alberto! Le toro, encasté, mobile, jamais fixé, va prendre l'ascendant sur le matador qui, pensant avoir hérité d'une perita en dulce, se retrouve avec un bonbon au poivre. Échec du Madrilène et silence sur les étagères.
   Nous en sommes à ce moment de la course à quatre silences pour quatre toros; vraiment inhabituel en ces lieux ... La situation est grave mais pas désespérée ... car le cinquième toro de l'après-midi ne va pas faire mentir l'adage en se révélant le meilleur de la soirée. Brave en deux piques puis d'une noblesse qui transmet, il sera arrastré sous l'ovation. PEREZ MOTA confirme la bonne impression laissée à Vic avec une faena complète et de bon goût constituée de séries aux passes templées et longues (au détriment sans doute d'une position plus croisée) déclenchant les olés de l'après-midi. Mise à mort un peu longuette. Une oreille.
   Avec le sixième, un manso noble, Juan LEAL trouve un partenaire idéal pour la tauromachie de proximité qu'il semble affectionner. Le jeune torero fait preuve de maîtrise dans ce toreo qui s'inscrit dans la lignée des Damaso Gonzalez et autres Paco Ojeda 2, et il faut dire que c'est parfois impressionnant. Deux oreilles donc après une mise à mort rapide... Mais attention à ne pas négliger le toreo fondamental, c'est celui qui permet les grandes carrières...























Volapié de Perez Mota

mercredi 11 juin 2014

Ma feria de Vic 2014 (2) : corrida de Dolores Aguirre

   Nous sommes mercredi. A peine deux jours se sont écoulés depuis la corrida de Dolores Aguirre et j'ai l'impression qu'elle a déjà trouvé sa place dans la Chanson de geste  des héros de l'aficion. Cantinillo, ultime toro de la soirée, Alberto Lamelas son matador, Gabin Rehabi son picador, Destinado le cheval qu'il montait et Alain Bonijol pour son intervention y figureront à coup sûr.
   J'ai vu peu de corridas de Dolores Aguirre et le hasard a voulu qu'elles fussent chaque fois d'une grande toréabilité (j'emploie ici ce mot bizarre à dessein). Mais avec la corrida vicoise de lundi, cinqueña et de tamaño supérieur, nous étions dans une autre dimension de la tauromachie. Hors de la norme assurément mais dans une réalité du combat taurin dont il est bon, de temps en temps, de sentir l'existence. Comme un retour du refoulé qui nous exploserait à la gueule.
   Ici, le sens des mots que nous avons forgés pour qualifier le comportement du toro de combat devient incertain. La mansedumbre, par exemple, peut se transformer en qualité lorsqu'elle s'allie avec la caste et la férocité au point de provoquer des émotions que peu d'autres élevages sont capables de susciter aujourd'hui. La puissance et la dureté sont portées à de telles dimensions qu'elles marqueront profondément la mémoire des spectateurs et plus encore certainement celle de tous les coletudos présents dans le ruedo. De cette corrida restera donc le sentiment d'avoir assisté à quelque chose d'étrange, de rare, d'exceptionnel et pour tout cela de terriblement nécessaire.

Quelques images de la tarde
   - le galop inépuisable de Comadroso I (2) au troisième tiers, semblant chercher une muleta capable de le dominer
   - les banderilleros de Javier Castaño en difficulté face à Comadroso (5) - ce ne sont donc pas des extra-terrestres!
   - Gabin Rehabi s'avançant avec foi et innocence dans le terrain de Cantinillo (6) tel Don Quichotte partant à l'assaut des moulins
   - la course d'Alain Bonijol vers son cheval resté seul face à la férocité de Cantinillo
   - les quatre banderilles posées à l'unité par la cuadrilla de Lamelas  avec la compréhension du public (même les plus obtus des spectateurs - et dieu sait s'ils sont nombreux ici - avaient compris le danger)
   - la pâleur impressionnante d'Alberto Lamelas lorsqu'il s'est saisi des trastos
   - les olés courts et écorchés d'angoisse pendant la faena
   - la clameur de délivrance du public lorsque Cantinillo a été foudroyé par le descabello
   - la beauté  et la sérénité de Destinado lors de son tour de piste final sans caparaçon.

Quelques mots sur la faena d'Alberto Lamelas
   Bien sûr il n'était pas question de temple, de repos, d'esthétisme, mais la faena d'Alberto Lamelas fut une vraie faena et non pas seulement un acte d'héroïsme sans effet sur le toro. Elle fut composée de séries construites et terminées par des remates, le torero imposant son trajet à son adversaire. Donnée dans un même terrain, sans passes inutiles, elle fixa le toro. De fait celui-ci se trouva igualado dès la dernière passe. Habitué à charger le leurre durant la faena, il le suivit sans problème lorsque, au moment de vérité, la main gauche du matador dévia son ultime charge. Ainsi, on peut penser que, sans cette faena, l'estoconazo final n'eût pas été possible ou bien se serait terminé en tragédie. La faena de Lamelas peut donc être considérée comme un acte de courage extrême mais aussi comme le parfait exemple d'une lidia exactement adaptée à la condition du toro.




mardi 10 juin 2014

Ma feria de Vic 2014 (1)























Corrida entretenida de Cebada Gago avec un grand final

   Il y eut d'abord le trapío. Un lot de toros homogène dans la finesse des formes, la préciosité des capes, le sérieux des armures.
   Il y eut ensuite la mobilité et parfois la noblesse, avec pour bémol, chez certains, une pointe de faiblesse de pattes.
   Il y eut enfin Castañuelo, la quintessence de ce que peut offrir un élevage de solera comme celui de Cebada Gago.
   Il paraît que les figures - et même certaines demi-figures - refusent de toréer les Cebada Gago. Tant mieux pour les matadors plus modestes lorsque, tel Perez Mota ce jour, ils sont mûrs pour assumer une rencontre à côté de laquelle il ne faut pas passer quand on désire sortir de l'anonymat. Il y a parfois une justice dans les toros; beaucoup de carrière sont nées ainsi.
   De fait, dès la réception à la cape, Perez Mota sut mettre à profit  la charge soutenue de son adversaire. Une charge longue, noble, profonde qui, à la fois, permettait et nécessitait un toreo de qualité;  un toro pour triompher a lo grande. Le Gaditano torea avec sincérité, classicisme, sans fausse note et avec un temple extraordinaire qui déclencha les olés longs du public vicois. Estocade desprendida. Deux oreilles pour le matador et vuelta pour le toro (toro de trois piques, il faut le préciser), unanimement ratifiées.
   On revit Luis Vilches avec plaisir. Il eut en partage deux toros nobles et mobiles, idéaux pour reprendre confiance (une oreille).
   Face à un lot plus compliqué, Alberto Aguilar, diminué par sa blessure madrilène, passa en pointillé.


Echec des Pagès-Mailhan

   Les toros de Pagès-Mailhan faisaient leur présentation à la feria de Vic. Ce fut une désillusion.
   Leur comportement comme leur physique fut d'une grande homogénéité. Sortie vive autorisant tous les espoirs, puis après un tour de piste, une mollesse, une fadeur, une insignifiance telle qu'un ennui mortel envahit les gradins pendant une heure et demi. On en serait presque venu à regretter la sirène matinale des anti-taurins qui seule aurait pu nous tirer de notre torpeur.
   Le quatrième qui semblait posséder un soupçon de caste fut sciemment saboté par Morenito de Aranda. Ainsi reste-t-on un torerito de troisième zone.
   Un Cebada Gago sorti en sixième position permit par sa noblesse au local Thomas Dufau de couper une oreille.
   Quant à Joselito Adame, on veut bien croire que des jours meilleurs viendront pour lui; sa sincérité les mérite.


NB : Je n'ai pas assisté à la corrida d'Adolfo Martin. On me souffle que leur absence de caste et leur soseria généra également un ennui profond et que Manuel Escribano a été très généreusement récompensé avec les deux oreilles du quatrième.

lundi 2 juin 2014

Novillada de Captieux : un roi pour un roi

6 novillos de EL TAJO LA REINA pour Fernando REY, CLEMENTE, Andrés ROCA REY; arènes pleines

   Les novillos de EL TAJO LA REINA, de présentation correcte, ont fait preuve de bravoure sous 9 piques et de noblesse à la muleta. Plus délicat le lot de CLEMENTE avec un premier adversaire retors et orienté (son nord indiquait clairement la taleguilla du Bordelais) et un second (le plus fort de l'encierro) dont la charge tournera vite à la soseria.
    Pour CLEMENTE les années se suivent et ne se ressemblent pas. Il avait fait ici-même l'an dernier sa présentation en novillada piquée dans une tarde euphorique. Il connut en revanche cet après-midi une tarde de douleur, véritable chemin de croix. Un méchant accrochage lors d'un quite par chicuelinas à son premier le laissa complètement KO sur le sable capsylvain. Moment d'angoisse pour tout le public que ce corps inerte ramené à la barrière. Peu à peu le jeune Bordelais reprendra ses esprits mais il portera durant toute la tarde les séquelles physiques et mentales de la cogida. Les épreuves ont ceci de positif qu'elles révèlent une personnalité. Et CLEMENTE, dans le combat obstiné qu'il mena au troisième tiers face à ce novillo qui ne pensait qu'à l'envoyer ad patres, montra qu'il possédait ce grain de folie supplémentaire nécessaire pour espérer réussir dans la voie qu'il a choisie.
   Fernando REY, qui avait laissé de bons souvenirs dans la région en novillada non piquée, se montra aujourd'hui basto et sans temple. Un roi dépassé. Sauvons de son actuation un quite réussi par zapopinas.
   Le jour favorable était pour le Péruvien Andrés ROCA REY, aux allures de jeune prince dans son magnifique costume bleu roi. Bien que débutant con los del castoreño, il fit preuve de maturité, mais aussi d'élégance, dans un toreo moderniste, final encimiste compris, semblant plus à son aise à droite qu'à gauche, avec estoconazo final (une oreille, deux oreilles). Un roi moderne pour une génération plus jeune ... mais quel sera son avenir?













Andrés Roca Rey  (photo Velonero)

jeudi 29 mai 2014

Souvenir d'une grande corrida vicoise : la corrida-concours du dimanche 30 mai 2004

   Pour la première fois depuis 2002, il n'y aura pas de corrida-concours cette année à Vic. Pourtant au cours de ces corridas-concours s'inscrivirent, sur le sable des arènes Joseph Fourniol, quelques-unes des plus belles pages de la feria du Toro. Qui ne se souvient de Camarito de Palha lidié en 2009, des excellents toros de Victorino Martin primés en 2002 et 2003 ou de ceux de La Quinta en 2004, 2005, 2008 et 2012?
   Il y a très exactement dix ans, la corrida- concours du dimanche matin fut une des corridas les plus accomplies et les plus fortes en émotion qu'il m'ait été donné de voir dans ma vie d'aficionado.

   Dès le premier toro nous sommes sur les cimes. Negrero est un magnifique exemplaire cárdeno de La Quinta. Il fait preuve d'une bravoure parfaite en quatre piques. Il poursuit El Fundi à la sortie des banderilles puis se montre noble sur les deux cornes. Le maestro de Fuenlabrada réalise une excellente faena, à la fois dominatrice et artistique, en particulier sur la corne gauche. Il termine par une grande estocade. Deux oreilles pour le maestro et vuelta pour le toro, proche de la perfection.
   Puis sort du toril un très beau Victorino, très armé. Sa course est si vive qu'il heurte un burladero de plein fouet et reste mort sur le sable de la plaza. Un froid s'abat alors sur l'arène : peine pour ce toro brave qui meurt sans avoir pu combattre, dépit pour ce moment perdu - un combat qui s'annonçait beau et qui s'évanouit absurdement.
   Mais la course se poursuit. Voici qu'apparait, hors-concours, un immense toro cinqueño de Criado Holgado. Il va prendre cinq piques en venant fort et de loin, cinq piques qui semblent lui donner chaque fois un surcroît de puissance et de codicia. A la muleta, le petit Robleño se bat comme un lion. Un derrote lui coupe la cravate en deux. A la mort c'est mission impossible. Ovation pour Fernando Robleño et pétition de vuelta pour le remplaçant qui a réussi à faire oublier le Victorino.
   Le troisième toro de Cuadri va permettre une pause dans les émotions. Il a le type massif de la maison ainsi que la bravoure et la noblesse mais c'est un invalide croulant sous les kilos.
   Voici maintenant le San Martin, de format plus réduit, rond, negro lucero, calcetero. Il prend deux piques qui durent plus de cinq minutes chacune car il refuse obstinément de quitter le cheval malgré les nombreux tirages de queue dont il est l'objet. Sa noblesse ne sera pas exploitée par Fernando Robleño.
   Le cinquième appartient à la ganaderia de Fuente Ymbro. Grand, haut, armé discrètement, il fait preuve de caste et d'âpreté et sera parfaitement lidié et dominé par El Fundi, grand torero à la maturité rayonnante (une oreille).
   Le dernier toro de Clemares Perez Tabernero, après un tour de piste au galop, se révèle invalide. Il sera remplacé par un deuxième sobrero de Criado Holgado, autre cinqueño puissant et brave (deux chutes de l'excellente cavalerie d'Alain Bonijol). Robleño l'affronte avec courage et parvient au cours d'une faena vibrante à  dominer la violence du tío par de bonnes séries de derechazos. Hélas, sa petite taille l'empêche à nouveau de tuer correctement ce qui réduit son succès à une forte ovation.
   Ainsi se termine la course, témoignage de la grandeur de la fiesta brava et désormais souvenir précieux dans la mémoire des aficionados présents.

jeudi 22 mai 2014

Madrid 8 juillet 1793, la mort d'un picador

   La mort rôde toujours dans les plazas de toros. C'est l'essence même de la tauromachie  de permettre sa présence et de jouer avec. La suerte (le hasard) et bien sûr les progrès de la médecine font que, le plus souvent, elle ne parvient pas à ses fins.
   Parfois pourtant la suerte tourne à l'aigre.
   Mala suerte pour le picador José Muñoz le 22 mai 1999 à Vic-Fezensac.
   Mala suerte, quelques deux cents ans plus tôt, le lundi 8 juillet 1793, pour le picador Bartolomé Carmona à Madrid.
   Ainsi en  témoigne le Diario de Madrid (il s'agit là d'un extrait d'une des toutes premières reseñas de corrida) :

   El cuarto, de Castilla la Vieja, entró muy ligeramente a una vara y a seis banderillas de fuego. A la sexta saltó la barrera con la banderilla encendida. Lo mató Pedro Romero. Este toro no entró a la espada sin levantar la cabeza a una altura tan desmedida que frustraba enteramente la acción de la espada. Despues de la primera estocada que fue bien puesta pero que por esta causa no pudo ser profunda, acometió al caballo en el que estaba Bartolomé Carmona, quien no huyo a la carrera como hubiera podido, y cogió el caballo de manera que no tan solo hirió a éste de muerte sino que en la caída que dio Carmona le sucedió la desgracia de recibir un golpe fuerte en la nuca, que de resultas murió parece a breve rato; lo mató Romero a la segunda estocada puesta con mucha inteligencia.

   Le quatrième, de Castilla la Vieja, prit une pique par surprise puis six banderilles de feu. A la sixième il sauta la barrière avec la banderille allumée. C'est Pedro Romero qui devait le tuer. Ce toro arriva à la mort en levant la tête à une hauteur si démesurée qu'il empêchait totalement de porter une estocade efficace. Après le premier coup d'épée qui fut bien placé mais qui pour cette raison ne put entrer profondément, le toro fonça sur le cheval monté par Bartolomé Carmona, qui ne s'enfuit pas au galop comme il aurait pu le faire, et renversa le cheval de telle manière que non seulement il le blessa à mort mais que lors de la chute que fit Carmona celui-ci eut le malheur de recevoir un violent coup sur la nuque dont il mourut peu de temps après; Romero tua le toro à la seconde estocade placée avec beaucoup d'intelligence. 























Goya La mort du picador 1793

mardi 13 mai 2014

Juin 2014 en Gironde



Juin c'est le mois des toros en Gironde avec, cette année encore, deux cartels de grand intérêt.

CAPTIEUX
dimanche 1er juin 17h
novillada
El Tajo La Reina
Fernando Rey - Clemente - Andrés Roca Rey







LA BRÈDE
samedi 21 juin

11h 30 novillada sans picadors
Frères Bats "Alma Serena"
El Adoureño - David Menes

18h corrida
Fuente Ymbro
Alberto Aguilar - Perez Mota - Juan Leal

La Brede 2014




mardi 6 mai 2014

La trastienda


La trastienda
 film de Jorge Grau  avec Maria José Cantudo  1975

   Nous sommes en 1975, Franco vient de mourir. Depuis quelque temps déjà, les Espagnols qui vivent près de la frontière se précipitent dans les cinémas de Biarritz ou de Perpignan pour voir des films pornographiques ou tout simplement érotiques. La chape de plomb de plusieurs siècles de catholicisme, renforcée par trente-cinq ans de dictature, est prête à se fissurer. L'heure n'est certes pas encore aux débridements de la movida madrilène dont témoignera quelques années plus tard le cinéma de Pedro Almodovar, mais Jorge Grau, avec La trastienda, sera le premier à profiter des ouvertures que permet désormais la censure. La trastienda restera en effet dans l'histoire du cinéma espagnol comme le premier film dans lequel on voit une femme nue. La belle Maria José Cantudo y gagnera une renommée nationale.
   Le scénario du film est cependant d'une grande banalité : un très catholique chirurgien pamplonais s'éprend d'une jolie et aguicheuse infirmière au grand dam de son épouse légitime qui n'est pourtant pas elle-même irréprochable (occasion d'une scène réellement sulfureuse). Bref, pas de quoi révolutionner le septième art.
   Pour l'aficionado, l'intérêt vient de ce que le film se déroule en pleine feria de San Fermin 1975. Depuis le riau-riau du 6 juillet jusqu'au pobre de mi du 14, l'action dramatique est parfaitement scandée par les différents moments de la fête, ce qui nous vaut, d'un point de vue documentaire, un témoignage remarquablement riche et fidèle sur ce qu'étaient les sanfermines dans les années 70.
   1975, c'est aussi l'année de l'encierro dramatique du 9 juillet au cours duquel Gregorio Gorriz Sarasa, bloqué par le monton qui s'était formé à l'entrée des arènes sera tué par "Navarrico" d'Osborne. Sans montrer la cornada fatale, les caméras de Jorge Grau témoignent longuement du tragique de l'encierro.

vendredi 2 mai 2014

Aire : la novillada-concours



Puisqu'il s'agissait d'un concours - bien que sans vainqueur déclaré - je classerai (forcément subjectivement) les élevages par ordre de mérite.

1- François ANDRÉ (sorti en 1) or. Cobaleda (Vega - Villar)
cárdeno claro, léger, cornalon
remate aux planches
4 piques en venant avec un franc galop, la dernière de très loin (très bien le piquero, Pepe Aguado, ovationné)
noble mais un peu soso au troisième tiers
commence à chercher les planches à mi-faena, défaut qui lui a sans doute coûté le prix.

2- Jean Louis Darré "L'ASTARAC" (sorti en 5) or. J. Riboulet "Scamandre" (Parladé - Gamero Civico)
noir, musclé, discrètement armé
mal mis en valeur et trop châtié en 3 piques où il rentre violemment et pousse avec force
noble mais va a menos pour finir parado.

3- BLOHORN (sorti en 3) or. domecq
colorado
3 piques sans brio
noble, répète bien ses charges à la muleta.

4- GALLON (sorti en 2) or. domecq
noir, bien armé, joli novillo
3 piques avec indécision
noble mais de parcours réduit.

5- TARDIEU (sorti en 4) or. nuñez
noir, grand, ensellé
2 piques inégales
noble sans alegria.

6- MALABAT (sorti en 6) or. El Palmeral (Atanasio Fernandez)
negro bragado meano, léger, corniabierto
fuyard, difficile à fixer
3 piques dans la pagaille
inabordable sur les deux cornes après quelques passes.

Chez les bipèdes :
Curro DE LA CASA eut une mauvaise journée : sans transmission, embrouillé, mauvais tueur. A noter la présence de David Adalid (salut au 4) dans sa cuadrilla.
Francico José ESPADA montra quelques beaux gestes, doux et templés, tout en restant un peu distant, mauvais tueur.
Daniel SOTO débutait en novillada piquée; vaillant, varié à la cape; bonne faena face au Blohorn, il perd l'oreille à la mort; s'en sort bien avec le garbanzo negro de Malabat qu'il tue habilement. Un début encourageant.

Sans atteindre les sommets, la tarde fut toujours entretenida.

prix au meilleur novillo : non attribué
prix au meilleur picador : Pepe Aguado






samedi 26 avril 2014

Madeleine 2014 : les cartels
























mardi 15 juillet
concours landais

mercredi 16 juillet
Zalduendo
Morante de la Puebla - J. M. Manzanares - Thomas Dufau

jeudi 17 juillet
matin : novillada sans picadors

La Quinta
Antonio Ferrera - El Juli - Ivan Fandiño

vendredi 18 juillet
Fuente Ymbro - El Tajo La Reina
J. J. Padilla - Ivan Fandiño - Joselito Adame

soir : corrida portugaise

samedi 19 juillet
matin : novillada J. L. Darré "Camino de Santiago"
Gines Marin - Louis Husson

Victorino Martin
Diego Urdiales - Manuel Escribano - Alberto Aguilar

dimanche 20 juillet
Miura
Rafaelillo - Fernando Robleño - Javier Castaño


   Y'a pas à dire, le duo Casas - Sara a conconcté des cartels qui tiennent la route. Après une première période au cours de laquelle ils avaient tenté d'imposer leurs goûts (toreristes) aux Montois, les voilà revenus, depuis une paire d'années, à un plus grand respect de l'aficion locale. C'est une preuve d'intelligence de leur part.
   Le final Victorino Martin - Miura fait pendant au final Victorino Martin - Escolar Gil de l'an dernier. Ça a de la gueule ... Encore faudra-t-il que les Miura ne ressemblent pas à ceux, un tantinet pitoyables, qui avaient foulé le ruedo montois en 2010 lors de leur dernière sortie ici.
   Trois postes occupés sur quinze possibles, les organisateurs n'ont pas abusé du G5. Avec Enrique Ponce, Sébastien Castella et Finito de Cordoba en réserve, on aurait même très bien pu se passer de la totalité de ces messieurs sans que la feria perde en catégorie.
   Autre bon point, Simon Casas n'a pas cherché à placer à tout prix ses poulains.Plusieurs resteront à la maison sans que l'on y trouve à redire.


mercredi 23 avril 2014

Toros en Zaragoza



















   Depuis quelques années les arènes de Zaragoza subissent les aléas d'une gestion cahotique. C'est aujourd'hui l'entrepreneur Simon Casas qui s'y colle avec, en raison de la crise, un cahier des charges revu à la baisse par la diputación provincial de Zaragoza, propriétaire de la plaza, et l'avantage de succéder à une empresa qui avait fait, semble-t-il, l'unanimité contre elle.














Pour le bonheur des aficionados, la désormais traditionnelle corrida-concours a réussi à résister à tous les vents contraires. Elle aura lieu samedi 26 avril à 17h 30 avec un cartel particulièrement attrayant :

Zalduendo           Cuadri                Alcurrucen
Adolfo Martin     Fuente Ymbro   Ana Romero
Antonio Ferrera  Javier Castaño   Paulita
























   Les aficionados pourront cumuler les plaisirs en se rendant au palais de Sastrago (pas très loin des arènes) où se tient jusqu'au 4 mai l'exposition Picasso arte y arena.
 

mardi 15 avril 2014

Novillada de Garlin

Bravoure des novillos de Pedraza de Yeltes   Les domecqs de Salamanca, issus de l'ancien élevage de Matias Bernardos (via El Pilar) ont déjà commencé à acquérir dans l'aficion une réputation de sérieux. Confirmation ce jour à Garlin en 14 piques prises avec la rage et la continuité dans la poussée des authentiques braves. Tous recélaient au troisième tiers de belles charges sur les deux axes, noblesse non exempte d'aspérités et parfois de scories (manque de fixité) qui donnèrent de l'intérêt à leur lidia et exigèrent des toreros idées claires et muleta précise.

Importante actuation de Filiberto   Idées claires et muleta précise furent justement les qualités dont fit preuve Filiberto. En cette après-midi, son sens du placement et son art de courir la main avec temple (l'école d'Albacete!) firent des prodiges. Il entreprit avec autorité le cinquième, un très beau colorado dont le comportement brusque et incertain avait mis la cuadrilla en grande difficulté au deuxième tiers, ne laissant jamais le novillo toucher la muleta. Celui-ci révéla alors une inattendue noblesse qui permit une faena complète, obligeant peu la bête mais la gardant toujours sous sa domination. Une estocade a matar o morir, dont il sortit accroché, acheva de lui valoir les deux oreilles. Il y eut pétition de vuelta pour l'arrastre qu'à mon sens le président eut raison de refuser (le novillo avait certes pris trois piques, mais il fut le seul du lot à sortir du peto sans sollicitation).

   José Garrido (silence et salut) eut quelques bons moments à la muleta mais il s'affligea bien trop vite pour espérer laisser un bonne impression.
   Guillermo Valencia rentre dans la catégorie "petit colombien batailleur"(on sait que ça peut mener haut). Il plut par son entrega et sa sincérité (salut - une oreille).

   Prochaine novillada Mugron lundi 21 avril novillos de Luis Algarra pour José Garrido, Gines Marin et Luis Husson qui débutera en piquée.















Filiberto à son premier Pedraza

samedi 12 avril 2014

Quand le tigre mugit

   Je suis chez mon marchand de journaux préféré, je fouine et je hume à la recherche de quelque chose à me mettre sous la dent quand j'aperçois un objet qui tranche avec les magazines habituels. Le titre d'abord, LE TIGRE, puis la photographie de couverture, ni homme politique en recherche de popularité, ni petite star des arts ou du spectacle, ni photo tape-à-l'œil d'un pays où je n'irai jamais, mais une étrange statue de dinosaure au milieu d'une montagne poussiéreuse. Et, parmi les titres qui barrent le bas de couverture : Le manque de taureaux en hiver. J'achète! ... et je n'ai pas regretté mon achat.
   Le mensuel, magnifiquement mis en page, est une revue de variétés et de curiosités. Elle mêle photographies, textes, dessins, avec pour dénominateur commun un humour décalé et iconoclaste d'inspiration oulipienne que je me risquerais à qualifier de post-situationniste.
   On trouve, par exemple, dans le numéro 39 daté du mois de mars, un étonnant portfolio de photographies de monuments péruviens par Pablo Hare (d'où le dinosaure de couverture), une convaincante analyse d'une publicité d' EDF par Adrien Absolu, un indispensable plan du métro parisien entièrement anagrammé par Gilles Esposito Farèse, un somptueux portrait de Joseph Staline intégralement réalisé en étiquettes de fruits par Chaix, une torride collection de photos extraites de fotonovelas brésiliennes des années 70 réunies par Clémentine Mélois. Et, bien sûr, le reportage d'Olivia Pierrugues sur un festival taurin hivernal dans un hameau de la commune d'Arles, dans lequel, loin des ors et lumières des ferias de catégorie, suinte le sordide d'un dimanche très ordinaire.
   Par ailleurs, le site internet de la revue confirme l'intérêt que porte Le Tigre aux aventures singulières. On peut y lire de longs entretiens avec, entre autres, un médecin sur l'île de Sein, un organisateur de safaris en Afrique, une directrice de boîte échangiste, le premier détenu innocenté de Guantanamo.
   Bref, les coups de griffe et les mugissements du tigre sont recommandables à tous ceux qui veulent tenter de sortir de l'hébètement dans lequel nous plonge trop souvent la presse mainstream.