Il est rare, extrêmement rare, d'assister au combat d'un lot aussi complet que celui lidié en ce samedi 14 août dans les arènes de Dax.
Et d'abord à la pique où 17 fois les Pedraza partirent à l'assaut de la cavalerie en galopant puis en poussant longuement et sans jamais relâcher leur pression sur le cheval, avec toute leur bravoure de véritables toros de combat. Le point d'orgue étant le tercio d'anthologie offert par Miralto, troisième toro de la tarde. 4 grandes piques prises de plus en plus loin, la dernière depuis l'opposé de la piste, et tenues d'une main de fer par cet authentique maestro qu'est Tito Sandoval.
Puis, à l'exception du deuxième, tous nobles avec de la fixité et le désir, toujours, d'aller jusqu'au bout de leur charge. La noblesse des authentiques braves.
Il est certain que ce lot marquera de son empreinte la temporada et il faut féliciter les organisateurs dacquois pour l'avoir présenté en leur feria. Il est certain aussi que la présence physique et le comportement de ces toros remet en cause quelques idées reçues.
La première concerne le poids. Lorsque j'en ai pris connaissance (autour de 600 kg) sur le programme distribué à l'entrée, j'ai un peu tordu le nez, craignant que des toros si lourds ne tiennent pas la distance. Il n'en a rien été. Au contraire, leur masse physique leur a sans doute donné un surcroit de puissance. Bien élevé et doté de bravoure et de caste il semblerait que l'encaste Parladé - Domecq (contrairement à d'autres) ait plus à gagner qu'à perdre à fleurter avec les 600 kg.
On accuse souvent les toros d'origine domecq de n'être que des toros de troisième tiers et c'est souvent vrai. Les Pedraza de Yeltes ont prouvé qu'il pouvait en être autrement. Tous ont eu suffisamment de ressources physiques pour que leur caste puisse à la fois s'exprimer pleinement au cours du premier tiers, mais aussi, par la suite, au dernier tiers au cours duquel ils ont développé des charges puissantes et longues - y compris les deux de Ferrera qui avaient été sciemment massacrés aux piques ( le 4 avant de s'arrêter, visiblement au bout du rouleau, avait chargé avec une étonnante vivacité). Les toros de Pedraza de Yeltes ont été sans conteste des toros complets.
Il faut en venir maintenant aux points noirs de la course car, trois fois hélas, il y eut aussi beaucoup de ratés en cette après-midi qui aurait dû être triomphale et qui ne le fut pas en raison de l'insuffisance de certains éléments humains. La fameuse équation taurine Toros + Matadors = Constante fut une fois de plus parfaitement respectée.
Antonio Ferrera s'est contenté de toucher le cachet. Il gâcha deux grands toros et repartit sous les sifflets. Honte à lui!
On connait les limites de Javier Castaño muleta en main, on les accepte en contrepartie des qualités de sa cuadrilla. Mais voir les deux toros de bandera qui lui échurent aujourd'hui mourir tristement sous une kyrielle de pinchazos mal portés par un torero de troisième catégorie laissa en bouche un goût amer.
En comparaison, Diego Urdiales fait figure de génie. Pourtant sa tarde - même si c'est à lui que l'on doit les moments de meilleur toreo - fut loin d'être glorieuse. Il connut d'abord les affres des trois avis face à un toro haut, puissant et incertain de comportement auquel il répondit lui-même par l'incertitude de ses actions. Si l'on ajoute à cela les préalables atermoiements sur la troisième pique qui finalement ne fut pas donnée et l'affolement de sa cuadrilla dans les dernières minutes, les trois avis sonnèrent comme une fatalité.
Il eut le mérite de reprendre confiance face au cinquième au point de réussir une assez bonne faena suivie d'une entière desprendida. Le tout ne méritant pas les deux oreilles accordées par un président inconséquent. Car, de ce fait, la grande tarde de toros offerte par les Pedraza de Yeltes se termina dans le ridicule avec la sortie a hombros dans l'indifférence générale d'un matador qui avait reçu trois avis pendant que le public réclamait à pleins poumons la présence dans le ruedo d'un mayoral par trop discret.
Dacquois, il va falloir apprendre aussi à mettre en scène le triomphe des élevages!