lundi 15 juin 2020

San Isidro : à la recherche d'anciennes tardes madrilènes (suite)


Samedi 22 mai 1982
Madrid  Las Ventas
Six toros de Celestino Cuadri (assez bons) pour Manolo Vazquez (division d'opinions, bronca), Antoñete (vuelta, silence) et Jorge Gutierrez qui confirmait l'alternative (silence, ovation).
   En 1982, pour la San Isidro, Las Ventas était l'endroit où il fallait être. Mais plutôt en fin de feria. Les heureux présents auront pu assister le 2 juin à la fameuse "corrida du siècle", mais aussi deux jours plus tard à une prodigieuse actuation d'Antoñete qui coupa les deux oreilles de Danzarin de Garzon. L'après-midi du 22 mai fut à cet égard un succulent hors-d'œuvre dont surent se contenter, en le savourant à sa juste valeur, ceux qui, comme moi, n'étaient là que pour le pont de l'Ascension. Et ce d'autant qu'il était relevé par la présence des toros de Cuadri.
   Le retour des quinquagénaires Manolo Vazquez et Antoñete apporta, en cette année 1982 et les suivantes, un vent de fraîcheur et de jeunesse à la toreria andante. La manière de citer de loin du Madrilène, pecho offert , laissant arriver le toro au galop était alors nouvelle pour les jeunes aficionados. Si l'on rajoute sa classe extraordinaire et, dans ses meilleures journées, la domination qu'il exerçait sur les toros grâce à la précision de son sitio et de ses gestes, on peut dire qu' ANTOÑETE a été et reste aujourd'hui encore un modèle absolu de bon toreo. Voici ce qu'écrit Marc Thorel (Toros ) sur sa faena à son premier cuadri de l'après-midi : "La faena, elle, ira a mas. Dans un pouce de terrain, liée, précise, muleta de face, suerte chargée. Une série de 7 naturelles, une autre de 3, 2 redondos (le sommet) puis changement de main et pecho. Une firma et deux aidées par le bas suffisent, terriblement dominatrices, pour fixer définitivement le toro. C'est tout. Une vingtaine de passes, mais toutes empreintes d'une profonde marque, d'une sobriété paradoxalement rayonnante, d'une efficacité et d'une grande beauté mêlées. Une leçon. Pinchazo sur l'os et lame contraire jusqu'aux doigts. Un descabello. (Vuelta)."
   Ce ne fut pas en revanche le jour de Manolo VAZQUEZ dominé du début à la fin par la mobilité de ses adversaires.
   Le Mexicain Jorge GUTIERREZ confirmait l'alternative. Sa jeunesse et sa vaillance lui permirent de bénéficier de la sympathie des tendidos mais il resta très en dessous des qualités de ses deux toros.
   Les Celestino CUADRI possédaient ce trapío impressionnant si caractéristique de l'élevage. Ils s'employèrent peu à la pique, sortant souvent seuls des rencontres. Tous gardèrent une bonne mobilité au troisième tiers avec pour la plupart une belle franchise dans l'attaque que seul Antoñete sut mettre à profit. Notons qu'en ce temps-là on pouvait être un torero célèbre, avoir cinquante ans et affronter sans état d'âme les Cuadri pour la San Isidro !
   Ajoutons pour l'anecdote que le puntillero de Las Ventas Agapito Rodriguez effectua un tour de piste après avoir accompli avec efficacité son office face au second bicho, victime du mouchoir vert et refusant de quitter les lieux derrière les cabestros.





Dimanche 28 mai 1995
Madrid Las Ventas
Quatre toros de Murteira Grave, deux de La Cardenilla (1 et 6) (médiocres) pour Frascuelo (ovation, bronca), José Luis Bote (palmas, salut) et Luis de Pauloba (vuelta, salut).
   Jusqu'à ce que la maladie de la langue bleue conduise à sa fermeture on n'imaginait pas un séjour à Madrid pour la San Isidro sans un passage à la Venta del Batan où étaient exposés les lots de la feria. La contemplation religieuse de sa majesté le toro était parfois un des meilleurs moments taurin du séjour. Avec un peu de chance on pouvait même assister dans la petite plaza de toros attenante à une séance de l'école taurine de Madrid. Je me souviens avoir été impressionné - je crois bien que c'était cette année-là - par un muchacho haut comme trois pommes qui affrontait avec un cœur énorme un becerro plus grand que lui. On commençait à parler un peu de lui, mais son apodo "El Juli" ne disait pas encore grand chose au peuple de l'afición.
   Avec les sérieux toros portugais de Murteira Grave et trois toreros fracasados à la suite de cornadas gravissimes, l'affiche du jour constituait un de ces cartels typiques des dimanches madrilènes  que les empresas, avec une perversité non dissimulée, ont toujours su composer à leur avantage. Rappelons les faits tragiques. En 1977 durant la feria de Bilbao un toro de Villagodio plante sa corne dans le poumon de Frascuelo alors qu'il tente de lui donner une troisième larga afarolada à genoux. En 1992 pendant la San Isidro un toro d'Alonso Moreno avait, en le touchant aux vertèbres, éloigné José Luis Bote des ruedos pendant plus de deux années. Luis de Pauloba quant à lui avait perdu un œil à Cuenca en 1991 à la suite d'une terrible cornada dans la bouche alors qu'il n'était encore que novillero.
   A l'issue du paseo le public fait saluer José Luis Bote qui, trois ans après la cogida retrouve enfin le sable venteño. José Luis invite ses camarades à partager l'ovation. Emotion sur Las Ventas.
   Mais l'évènement qui va faire rester cette corrida dans les mémoires est l'immense faena que donne Luis de PAULOBA au troisième murteira. Une faena dont l'art et le temple inondent de joie les gradins madrilènes. Jamais je n'ai vu un toro aussi harmonieusement happé par le mouvement de la muleta. L'accord entre le déplacement du leurre et la charge du toro est tel qu'un sentiment de plénitude envahit Las Ventas. Peut-on dire que le temps s'est arrêté ? Il n'est pas impossible que, depuis ce dimanche 28 mai 1995, les 24 000 spectateurs du jour aient quelques dixièmes de secondes de retard sur le reste du monde. Mais le signe noir sous lequel est placé ce cartel ne s'efface pas pour autant. Alors que le Sévillan a au bout de l'épée les deux oreilles du toro de Murteira, la place de triomphateur de la San Isidro et quarante contrats à signer qui l'attendent à son retour à l'hôtel, il accumule les pinchazos. Le rêve s'évanouit et seuls les présents sauront à tout jamais que Luis de Pauloba est un grand torero.
   La déception du jour viendra des bichos de MURTEIRA GRAVE, mansos et fades.
   FRASCUELO donnera au premier trois formidables naturelles et un pecho qui lui vaudront une ovation. Mais il n'est pas encore tout à fait le chouchou du tendido 7 et ses doutes et hésitations lui vaudront une bronca au quatrième.
   José Luis BOTE a le soutien du public mais il se montre desconfiado avec les tissus ce qu'il compense en tuant vite et bien.




   Il n'y a pas eu de San Isidro cette année et Las Ventas va rester encore de longues semaines tragiquement déserte. On envisage sérieusement de donner des courses pour la feria d'Automne. Mais, ici comme ailleurs et comme pour l'ensemble du monde de la culture tout dépendra des normes imposées par les autorités. On peut toutefois espérer que la très nette baisse de virulence du covid 19 observée ces derniers jours en Europe permettra prochainement de lancer le paseo d'une temporada que plus personne aujourd'hui n'imagine blanche. Partout des initiatives se multiplient que les aficionados se doivent de soutenir pour aider à sortir de la psychose collective dans laquelle nous a plongé la crise du coronavirus.
   

  

lundi 8 juin 2020

San Isidro : à la recherche d'anciennes tardes madrilènes


   Ces dernières années, la feria taurine de San Isidro, devenue obèse avec ses plus de 30 spectacles suivis, se prolongeait au moins jusqu'au 15 juin. La voici aujourd'hui réduite à néant en raison de la crise du coronavirus. Bonne occasion pour partir en quête de vieilles tardes madrilènes qui ont marqué ma vie d'aficionado.



Samedi 29 mai 1976
Madrid   Las Ventas
Six toros d'Eduardo Miura (nobles) pour Damaso Gomez (applaudissements, vuelta), Angel Teruel (vuelta, une oreille) et Ruiz Miguel (silence, vuelta).
   Le voyage jusqu'à Madrid - quatre très jeunes hommes dans une Simca 1000 - a été un luxe. Luxe également la pension borgne de la calle Espoz y Mina qui nous hébergera durant trois jours. Existe encore à l'époque cette institution qui me parait aujourd'hui d'un autre monde et d'un autre temps : le sereno. Peu importe l'heure de la nuit à laquelle vous rentrez, il suffit d'appeler, de frapper dans vos mains et, sorti d'on ne sait où, annoncé par un particulier cliquetis de ferraille, boitant bas, apparait la mine patibulaire de l'ange gardien de la rue. Il possède toutes les clés, cherche la bonne en maugréant et vous ouvre, sans plus de façon, la porte de l'immeuble où vous logez.
   Découvrir Madrid et Las Ventas à l'âge de vingt ans est un privilège. Nous comprenons bien vite qu'ici plus qu'ailleurs le public est un spectacle en soi. La veille pour notre prise de contact nous avons été édifiés : six broncas, une à chaque toro pour Damaso Gonzalez, El Niño de la Capea et Paco Alcalde face à des Pablo Romero difficiles et encastés. Aujourd'hui, avant le paseo, tout le monde se rejouit par avance de l'affrontement entre Ruiz Miguel et les Miuras. Mais la course sera différente de celle attendue. Les Miuras se laissent toréer, le lendemain la presse soulignera qu'il s'agissait, de mémoire de critique, de la corrida de MIURA la plus noble jamais vue en ces lieux.
   Damaso GOMEZ est déjà un vieux briscard, il tire son épingle du jeu et donne quelques très belles naturelles. Il perdra l'oreille à la mort.
   RUIZ MIGUEL est venu pour se battre mais l'opposition est trop tendre pour lui.
   C'est Angel TERUEL, alors à l'apogée de sa carrière, qui sera le triomphateur de la course. Le Madrilène, "qui avait exigé de les toréer pour asseoir son regain d'aficion et de popularité, en a très largement profité, tant dans leur lidia, toujours intelligente et appropriée, que dans ses faenas vraiment admirables de présence d'esprit, de résolution et d'art, passant de jolis galleos terminés en d'éblouissants molinetes à des naturelles - ou bien des droitières - profondes, après avoir splendidement embarqué ses adversaires en avançant à souhait sa muleta. Ses deux succès déclenchèrent l'enthousiasme d'un public plutôt sevré de tels exemples. Le second, encore plus complet, lui valut, avec la concession d'une oreille et la pétition insistante de l'autre, deux tours du ronds suivis et frénétiquement ovationnés" (Claude Popelin, Toros n⁰ 1030).



Vendredi 20 mai 1977
Madrid   Las Ventas
Six toros de Baltasar Iban (14 piques, assez bons) pour Paco Camino (cogida, division d'opinions), Angel Teruel (une oreille, salut) et José Maria Manzanares (vuelta, deux oreilles).
   Un an a passé et les petits Français sont de retour à Madrid dans les même conditions. Aucun problème pour garer la Simca 1000 dans les rues de Madrid.
   Déjà, la veille, avait eu lieu sur le sable venteño un évènement extraordinaire. Le Pharaon de Camas avait consenti à desserrer quelques bandelettes, comme aurait dit Georges Dubos. Pas une faena extraordinaire, non. Seulement une dizaine de passes : deux séries de derechazos, la seconde terminée par un trincherazo, et le desplante si caractéristique de Curro. Pour un jeune aficionado, voir Curro Romero bon est une chance mais c'est aussi  une forme d'initiation dangereuse. Il y a un avant et un après. On sait que l'on a vécu un moment à la fois parfait et bouleversant, quelque chose qui renvoie tout le reste à la médiocrité, mais dont il est nécessaire d'accepter la rareté, faute de quoi tout ce que l'on verra après risquerait de paraitre sans saveur aucune.
   Bienheureusement la course de ce vendredi ne constituera pas un retour à la médiocrité, ce sera au contraire la meilleure corrida du cycle isidril.
   Plus un billet bien sûr pour un tel cartel cumbre. Nous achetons à la revente des places au dernier rang des andanadas. Pour une corrida qui sera basée sur l'art ce n'est pas un problème et, de toute façon, notre porte-feuille ne nous permet pas de faire des folies.
   Les toros de Baltasar IBAN sont très lourds (614 kg de moyenne) mais discrètement armés. Après avoir pris honorablement 14 piques, ils feront preuve d'une combativité  et d'une noblesse suffisantes pour permettre la réussite de la tarde.
   Paco CAMINO débute sa faena supérieurement mais il est pris sur une naturelle et emmené à l'infirmerie dans l'émotion générale. C'est lorsqu'il en revient après la sortie du troisième toro qu'il donnera un quite fabuleux par chicuelinas, une des plus belles choses qu'il m'ait été donné de voir dans une plaza de toros. L'ovation est énorme, elle continue encore alors que les peons de Manzanares banderillent le bicho. Ce quite m'a toujours paru se situer dans un monde irréel et ce d'autant que j'ai vu depuis des centaines de chicuelina ordinaires, la plupart sans intérêt et aucune n'arrivant au niveau de celles-ci. Dans son comte-rendu de la corrida, Claude Popelin en grand analyste et pédagogue de l'art taurin tente une description technique : "Camino signa son retour en piste par trois énormes chicuelinas dans un quite au troisième toro - énormes parce que ne recortant pas et templant l'avance de la bête avec la pointe de la cape, avant de s'enrouler en elle" (Toros n⁰ 1053). Mais la magie venait aussi du salero et de la grâce de Paco Camino, et de la ferveur du public dont les olés possédaient une ampleur qui paraissait nous conduire dans une assomption vers le paradis du toreo.
   Angel TERUEL toréa remarquablement tout au long de la tarde mais le grand triomphateur en fut José Maria MANZANARES. Après une forte pétition  à la mort du premier il coupa les deux oreilles du sixième et sortit pour la première fois de sa carrière par la grande porte de Las Ventas. "Il a toréé les jambes ouvertes - comme cela doit être - en se livrant totalement.Quand il a toréé pieds joints, les passes les mains basses, d'une grande personnalité, ont transformé l'arène en une explosion irrépressible de olés et de clameurs. Eso es torear. Les distances, parfaitement mesurées; la muleta, plane; le corps, naturellement droit; les bras, à leur place; la ceinture, flexible; accompagnant sans rupture chaque muletazo jusqu'à son final" (Vicente Zabala, ABC).

mardi 2 juin 2020

Il y a 40 ans, la feria de Vic-Fezensac 1980




   Le très net recul du coronavirus ces dernières semaines, s'il se confirme, va imposer de nouvelles mesures de retour à une vie normale, à une liberté recouvrée dans la quelle la convivialité et la culture partagée retrouveront leurs droits. Aujourd'hui il n'est plus inconcevable qu'avant la fin de l'été il soit possible d'organiser des spectacles en présence de public. Selon la jauge autorisée, on peut imaginer que, dans un premier temps, des novilladas avec ou sans picadors puissent avoir lieu en France et en Espagne.
   Mais nous n'en sommes pas encore là. Pour pallier l'absence d'actualité nous revisitons le passé et cela ne manque ni de charme, ni d'intérêt, ni d'enseignements. Puisque nous avons vécu une Pentecôte sans Vic je voudrais revenir sur la feria d'il y a 40 ans, celle de 1980.
   En 1980, la tauromachie connait une certaine morosité. Par rapport aux décennies précédentes, les années 70 ont été pauvres en figures marquantes. Malgré cela lors des corridas pour vedettes l'afeitado sévit plus que jamais. D'autre part, les aficionados ont constaté avec amertume que, si le marquage de l'année de naissance des toros a mis fin aux fraudes sur l'âge, il est loin d'avoir résolu les problèmes de force et de caste. Pourtant il y a incontestablement une nouvelle vague d'aficion et cette vague sera majoritairement toriste. La feria du toro de Vic-Fezensac en sera un des fers de lance.

Samedi 24 mai 1980
Six novillos de José Samuel Lupi (mansos) pour Aguilar Granada (applaudissements, silence), Victor Mendes (silence, deux oreilles) et Richard Millian (division d'opinion, une oreille).
   Face à des novillos excellemment présentés, durs et superlativement mansos, les trois espoirs sont souvent dépassés, surtout à l'heure de la mort.
   AGUILAR GRANADA  n'a pas retrouvé et ne retrouvera hélas jamais le sitio qu'une très grave blessure subie l'année précédente lui a fait perdre.
   Victor MENDES débute son idylle avec l'aficion du Sud Ouest. Après avoir souffert avec le 2 qui expédie deux fois de suite son descabello dans les airs, il triomphera avec le cinquième, le plus accommodant du lot. "Deux oreilles exigées pour le sympathique Lusitanien à qui nous souhaitons d'affiner son style pour accéder aux meilleurs sommets, que lui permettent ses moyens physiques et sa volonté de brave", écrit Georges Lestié dans Toros. Victor affinera et deviendra le maestro que l'on sait.
   Richard MILIAN, avec des hauts et des bas, comme toujours, est porté lui aussi par une vaillance hors-norme qui lui permettra de finir l'après-midi une oreille en main et le fera devenir au cours des années suivantes un des toreros indispensables de Vic.

Dimanche 25 mai 1980
Cinq toros de Luis Fraile et un de José Escobar (1 bis) (bons) pour Damaso Gomez (trois avis avec blessure), Gabriel de la Casa (silence, sifflets) et Tomas Campuzano (une oreille, vuelta).
   Cette corrida fut l'archétype des bonnes corridas vicoises. Un lot de toros bien présenté et encasté, deux matadors sur trois prêts à en découdre, une belle faena, une corrida accidentée. Je garde assez précisément en mémoire les heurs et malheurs du brave Damaso GOMEZ. Belle occasion pour rendre hommage au matador madrilène récemment décédé à l'âge vénérable de 90 ans. Torero complet , excellent lidiador capable d'affronter tous les fers, son physique de belluaire n'empêchait point un sens du temple qui lui permettait, à l'occasion, de donner une belle faena. C'est ce qui arriva par deux fois en plaza de Vic-Fezensac. L'année précédente devant un excellent toro de Fraile et cette année-là devant un sobrero de José Escobar. Hélas, le succès promis tourna au cauchemar lorsque sur un derrote le bicho lui fractura un doigt, blessure douloureuse qui l'empêcha de manier l'épée et de tuer ses deux adversaires.
   Gabriel de la CASA, gentil torerito, n'était pas à sa place à Vic.
   En revanche, Tomas CAMPUZANO, dans l'année de sa pleine éclosion, domina ses toros et séduisit les aficionados.
   Quant aux FRAILE, ils firent ce jour-là l'unanimité. Dans Toros, Roger Dumont écrit à leur sujet : "Un nouvel après-midi vicois vient d'entrer dans la légende et bien peu de ses témoins privilégiés en perdront le souvenir. Les hostilités auront duré près de trois heures d'horloge et les rares trêves octroyées ne permirent guère aux spectateurs de recouvrer leur sérénité. Le mérite en revient avant tout au bétail de Luis Fraile, de splendide présentation."

Lundi 26 mai 1980
Cinq toros de Ernesto Louro Fernandez de Castro, un (5 bis) de Martinez Elizondo (irréguliers) pour Ruiz Miguel (une oreille, une oreille), Currillo (une oreille, silence) et Manili (silence, silence).
   Les toros portugais furent certes bien présentés mais ils manquèrent de fond et en comparaison avec celle d'hier la tarde parut décaféinée.
   RUIZ MIGUEL se montra technique et volontaire mais l'oreille qu'il coupa au cinquième fut très contestée.
   J'ai le souvenir d'une jolie faena du fragile CURRILLO. Voici ce qu'écrit de lui Jean Pierre Clarac dans Toros :"Le plus beau fut le second, colorado claro, absolument splendide et d'une suavité inimaginable. Currillo, qui l'avait reçu par une larga afarolada à genoux, ne fut pas mauvais, et il y eut quelques jolies séries suaves et bien liées. Mais le toro manquait de jus, et le torero tua très mal. Le cinquième, très haut, superbe, était assez bon mais Currillo ne se coupla pas avec lui et toréa dans l'indifférence finale."
   Quant à MANILI, son heure n'était pas encore venue, le tigre de Cantillana passa sans peine ni gloire.
   L'entrée fut excellente malgré le temps pluvieux.



   Au delà de ses échecs et réussites, la feria vicoise de cette année 1980 annonçait une période heureuse pour la tauromachie. Une nouvelle génération d'aficionados est apparue qui, peu à peu, saura se faire entendre pour donner au spectacle taurin un tour plus toriste. Ce mouvement s'appuiera sur des élevages qui vont se trouver dans un excellent moment : les Fraile deviendront bientôt les protagonistes d'une des corridas les plus attendues de l'année, celle de Bayonne fin août; les Guardiola tous fers confondus; les Miura qui multiplient les tardes passionnantes, les Victorino Martin dont la consécration médiatique viendra en 1982. On a vu à Vic cette année-là Ruiz Miguel bien sûr, mais aussi Manili, Tomas Campuzano, Victor Mendes, Richard Milian. Avec Nimeño II qui va revenir au premier plan, José Antonio Campuzano frère aîné de Tomas et Luis Francisco Esplá, ils vont devenir, en tous lieux, une des bases des ferias à venir. Des toreros capables de triompher des devises les plus difficiles ... et de remplir les arènes. Si l'on ajoute à ce foisonnement toriste l'apparition de Paco Ojeda  et d'Espartaco ainsi que le retour d'Antoñete, un petit âge d'or se dessine.







photos : toros d'Escolar Gil, de Raso de Portillo, de Los Maños qui auraient dû être lidiés cette annnée à Vic. En espérant qu'ils ne termineront pas leur vie sinistrement dans un abattoir. (CTV)