dimanche 30 août 2020

A défaut de toros ...

... on a voyagé au pays des vaches.

La Hollande d'abord où la densité humaine est la plus élevée d'Europe ... mais où la densité bovine doit aussi battre tous les records.



 

 

 

 

 

 

Grâce à l'eau qui tombe du ciel et à celle qui, en tous lieux, partage les terres, les pâturages y sont toujours gras et verts, et ce pays bas fait figure de véritable paradis pour la gent bovine.

Quoique, à y regarder de plus près, lorsque l'on voit les vaches Holstein traîner leur pis surdimensionné par la sélection génétique et tendu par les dizaines de litres de lait qu'il peut contenir on se dit que le sort des vaches braves espagnoles sur leurs terres sèches et austères, est bien préférable.

 

A Delft, l'ancienne Halle des bouchers :






Dans le Cantal - autre lieu de pérégrination estivale - on se plaît aussi à rendre hommage à la race bovine. Ici la fontaine de Montgreleix met en valeur la belle tête des vaches Salers : 













 

La race Salers originaire du Cantal est d'un trapío sans pareil : robe acajou, poil long, cornes en lyre, tamaño imposant, le tout donnant une impression de puissance et de sauvagerie.











Peut-être ont-elles une origine commune avec les fameux toros Jijon, eux aussi de couleur rouge, sélectionnés au XVIIè siècle par Juan Sanchez Jijon parmi les troupeaux sauvages de La Mancha et des monts de Tolède.

C'est bien sûr avec leur lait que l'on fabrique le célèbre fromage du même nom. Il faut savoir que les vaches Salers ne se laissent traire qu'en présence de leur veau. Un signe de sauvagerie que contredit leur comportement considéré par ailleurs comme très pacifique. Dommage !

lundi 17 août 2020

Relativiser

 Les voyages forment la jeunesse, dit-on. Ils permettent surtout, et cela à tout âge, de relativiser ce que nous vivons dans notre petit univers et de constater à quel point la parole de Pascal est aujourd'hui encore pertinente en dépit de l'accélération récente de la mondialisation : "Vérité en deçà de Pyrénées, erreur au delà".


Cette photo a été prise le 23 juillet dernier dans le marché couvert de Rotterdam. Aux Pays-Bas, à l'exception des transports publics où son port est obligatoire, personne ne se risque à porter un masque, ni dans les rues, ni à l'intérieur des espaces publics, comme on peut le voir sur la photo. Et pourtant, ce sage pays au sens civique affirmé n'est pas constitué de citoyens irresponsables. Mais les citoyens hollandais, malgré le tribut qu'ils ont payé comme les autres au covid 19 ce printemps dernier, ne sont visiblement pas victimes de la paranoïa qui atteint nombre de pays européens. Sans doute une forme de confiance en soi et de lucidité. 

On nous abreuve en effet en permanence de chiffres de contamination qui remontent. A vrai dire on est étonné qu'ils ne soient pas plus importants compte tenu d'une part du brassage des populations européennes depuis la fin du confinement et le début des vacances d'été, d'autre part du nombre considérable de tests réalisés quotidiennement depuis que ceux-ci sont disponibles. Ce que l'on oublie en revanche de préciser, c'est que le nombre de cas graves, d'hospitalisations, de personnes en réanimation, de morts sont en baisse continuelle et ont atteint un niveau très faible. Faits qui, s'ils devaient se confirmer dans les jours  prochains, montreraient que le coronavirus est en train de devenir un tigre de papier !

     - données officielles françaises

     - statistiques du journal Le Monde


Ce préambule pour essayer de comprendre la situation taurine en cette fin du mois d'août. On aurait pu penser que la fin du confinement ait conduit à un retour progressif de l'organisation  de novilladas et de corridas dans les principales arènes de France et d'Espagne. Il se serait agi de montrer son aficion, son attachement à la cause taurine, et, ce n'est pas le moindre des arguments, de permettre aux ganaderos de faire lidier leurs toros, aux toreros d'exercer leur profession à un moment où un gouvernement espagnol gangrené par la mouvance antitaurine dénie aux subalternes tous droits sociaux.

Au lieu de cela, dans le Sud Ouest, région pourtant largement épargnée par le virus, le néant total. Un déballonage sans vergogne ! C'est un peu mieux dans le Sud Est, avec quelques réussites exemplaires et quelques projets sérieux, mais en Espagne silence de mort dans toutes les grandes arènes. Et, au moment où un mouvement se dessinait en faveur d'une lente reprise, un coup de poignard dans le dos des aficionados a été porté par ceux qui dans leurs discours démagogiques disaient soutenir la tauromachie. A savoir la coalition au pouvoir en Andalousie (PP + Vox) qui vient d'imposer un mètre et demi de séparation dans les arènes mettant ainsi fin à toute possibilité d'organiser un spectacle dans les provinces andalouses.

Pendant ce temps le Puy du Fou réussit à mettre 12 000 spectateurs dans ses "arènes" pour des pitreries pour touristes. Vérité en deçà des Pyrénées ...

jeudi 13 août 2020

Roquefort, la saga des Isaías y Tulio Vázquez

 

Pas de novillada cet été à Roquefort, tout comme dans les autres plazas du Sud Ouest. Un vide abyssal qui ne laisse pas d'inquiéter sur l'état de prostration de l'aficion de la région. En organisant une course landaise le samedi 8 août (ganaderia Armagnacaise, cuadrilla Gaëtan Labaste), le Comité des Fêtes a néanmoins permis que le sable de la Monumental des Pins vibre au galop de bêtes à cornes en cette triste année 2020.


Dans les années 50, les organisateurs roquefortois créèrent l'évènement en présentant en France le fer réputé des frères Isaias y Tulio VAZQUEZ. C'est le samedi 15 août 1953 qu'eut lieu cette présentation avec un lot au trapío magnifique. Elle attira de nombreux aficionados de toute la région ainsi que du Sud Est, sevrés du combat de véritables toros de lidia. Il faut rappeler qu'à cette époque, les toros qui sortaient en corrida n'étaient trop souvent que des novillotes. Ainsi les toros de La Corte toréés à Nîmes le 27 septembre de cette même année donnèrent un poids moyen en canal de 226 kg (soit 377 kg en vif). Les novillos de Tulio Vazquez de Roquefort pesèrent quant à eux 275 kg (459 kg en vif). Cherchez l'erreur ! Cette novillada ainsi que les trois autres du même fer lidiées en 1956, 1957 et 1958 contribuèrent à la renommée toriste de la plaza de Roquefort-des-Landes, renommée qui s'est maintenue jusqu'à aujourd'hui. Les quatre novilladas ont laissé des traces profondes dans la mémoire locale à tel point que, durant mon enfance et mon adolescence, l'évocation du combat des "terribles Tulio Vazquez" revenait sans cesse dans les récits des aficionados du cru. La réalité se transformait peu à peu en légende. Ainsi se crée l'aficion. 

 

 1953


 Le premier novillo donne le ton et marque les esprits : à sa sortie, il démonte la porte et pénètre dans le callejon, créant ainsi une panique totale. Tous seront magnifiquement présentés, puissants, durs. Ils prendront 24 piques pour une chute. Le plus brave sera le troisième qui va a mas en 5 piques puis passe bien au troisième tiers avec vigueur et rapidité mais en donnant de très forts coups de tête. Les second et cinquième seront mansos.

Les nombreuses piques prises et l'allant des bichos permirent aux trois novilleros d'intervenir lors des quite avec brio et variété. Ce fut pour les toreros le seul moment où ils surent se montrer à leur avantage car leur faible bagage et leur manque de confiance ne leur permirent pas de briller au troisième tiers, ni lors de la faena, ni pour la mise à mort.

Le Mexicain Alfredo LEAL (silence, vuelta) remplaçait Miguel Ortas, porté pâle. Manolo SEVILLA (silence, vuelta) est brillant avec cape et banderilles mais complètement dépassé par la suite. Le Basque Manuel CHACARTE a du mal à maitriser ses adversaires mais il plait au public par sa vaillance (vuelta, ovation).


1956

 

Trois années plus tard, le 12 août 1956, les novillos d'Isaias y Tulio Vazquez foulent à nouveau le sable de l'ovale roquefortois. La course est encore supérieure à celle de 1953. Les six Tulio vont prendre 36 piques pour une chute. "Les tigres cornus des frères Vazquez ont combattu en vraies fieras. De ce fait cette novillada très 1900 a été vivante, animée et surtout émouvante de bout en bout : les aficionados recherchant la lutte âpre, dure, sont sortis ravis de cette petite arène placée sous le signe du taureau", écrira Raymond Massoutier dans Toros. Pour Refilon de la dépêche du Midi, "Les frères Vazquez avaient envoyé un lot de toros comme on en voit rarement dans les grandes corridas. Tous furent braves et nerveux, de pattes solides et puissants, mettant en évidence leur caste extraordinaire dans leurs nombreux contacts avec la cavalerie."

De leur côté, les hommes s'arriment jusqu'au bout. Mariano Martin "CARRILES" (une oreille, vuelta), Antonio VERA (division d'opinions, une oreille) et le Vénézuélien Antonio ALBERTO (ovation, vuelta) accompagneront à la fin de la course le mayoral de l'élevage au cours de son tour de piste. On notera que le grand banderillero Luis Gonzalez, au service d'Antonio Alberto, a posé de magnifiques paires de banderilles.


1957

Un toro a été tué dans les corrals par ses congénères. Il sera remplacé par un Fermin Bohorquez. Les cinq Tulio prennent 35 piques pour 3 chutes au cours de tercios de piques durs et d'une grande animation. Ils partent de loin vers les montures, poussent arc-boutés jusqu'à la barrière et tout cela n'entame pas la fougue des novillos. Malgré des lidias désordonnées, quatre d'entre eux furent parfaitement toréables et le troisième eut droit à une vuelta al ruedo.

Manolo SEGURA coupera une oreille à chacun de ses adversaires. Manolo BLAZQUEZ eut quelques détails à la cape mais il subira deux désastre à la muleta et à l'épée. Quant à Antonio COBO il coupera l'oreille du troisième et ne put rien faire devant le sobrero de Bohorquez, manso.


1958

Encore un lot d'une grande puissance qui permet des tercios de pique d'anthologie. "Le comportement (insolite de nos jours) des Vazquez est bien fait pour promouvoir la grande joie de l'aficionado (toriste par définition) ... Il peut à loisir vanter les mérites des toros d'Isaias y Tulio Vazquez et chanter leur bravoure mise à l'épreuve par 42 coups de pique, ainsi que leur puissance responsable de 5 chutes, quelque peu anachroniques" (Paul Montastruc, Toros).

Hélas ce fut l'échec du côté des hommes. Seul Luis ORTEGA coupera une oreille au troisième, honoré d'une vuelta. Miguel Mateo "MIGUELIN", à quelques jours de l'alternative est peu enclin à se battre et le Portugais Armando SOARES écoutera deux broncas à la suite de ses désastres à l'épée.


Ainsi en quatre après-midis les pensionnaires d'Isaias y Tulio Vazquez ont montré ce que pouvaient être de véritables toros de combat. Des animaux bien présentés, en pointes, puissants et nerveux, dotés d'une bravoure qui permet des tercios de pique d'une grande intensité. En outre, au delà des difficultés inhérentes à leur condition de toros braves et puissants, ces novillos furent majoritairement toréables, permettant aux toreros de montrer toute leur valeur lorsqu'ils en avaient. Ils ont enchanté aficionados et grand public par l'émotion que provoquait leur combat et laissé des souvenirs inoubliables à ceux qui ont eu la chance d'assister à ces novilladas.

 

Les Tulio Vazquez reviendront à Roquefort en 2003 à l'occasion du cinquantenaire de leur présentation. Il s'agissait d'une novillada non piquée et les quatre érals, aux lignes magnifiques malgré leur jeune âge, eurent un comportement des plus intéressants, manifestant pour certains beaucoup de caste. Antonio Joao Feirrera et Ambel Posada coupèrent chacun une oreille.

Aujourd'hui la ganaderia, une des rares de la cabaña brava à être issue du prestigieux sang Garcia Pedrajas, ne fait plus beaucoup parler d'elle. Après avoir comblé les aficionados jusque dans les années 90, l'élevage est entré dans un long bache. Récemment les héritiers des frères Vazquez ont rafraichi le sang avec du bétail d'origine Yerbabuena (encaste Garcia Pedrajas également) et peut-être un jour la bravoure des Tulio Vazquez inondera-t-elle à nouveau de lumière les ruedos de France et d'Espagne.

 


Sources :

revue Toros (année 1953)

Bernard Carrère, Histoire et évolution de la tauromachie à Roquefort-des-Landes, UBTF, 1980

 

Sur la ganaderia :  

Terre de Toros