mardi 23 juillet 2024

Impressions sur la feria montoise (2)

 
   Samedi, je vais à la corrida de La Quinta plein d'espoir. Le cartel me plait, la tarde sera grande et effacera les déconvenues précédentes, c'est sûr ! Deux heures et demi plus tard, j'en ressors avec un sentiment de déception. Non pas à cause des toros : c'est un lot que l'on pourrait qualifier de médiocre mais ils sont décemment présentés (à l'exception du petit deuxième), de comportement varié, les deux derniers intéressants. En d'autres mains, dans d'autres circonstances, la belle noblesse de certains aurait pu conduire à une corrida triomphale, comme on l'a vu dans le passé avec ce même fer (la queue de Jalabert, les triomphes de Luque).
   Ce sont les hommes  qui m'ont déçu. En particulier Emilio de Justo. Il commence par faire assassiner par son piquero le premier qui a eu le tort de montrer d'entrée son mauvais caractère (muy mal torero !). L'animal se couchera avant même l'estocade, voilà une tarde qui commence bien mal ! On retrouve ensuite le torero hurleur; il aura quelques bons moments mais restera très en dessous des deux toros qu'il a toréé, le fade et très noble troisième et le bon cinquième. Tueur médiocre qui plus est.
   Clemente qui avait été la révélation de la feria passée face au même fer, se rappelle d'emblée à notre bon souvenir : capeador de classe (ah! ces chicuelinas et ces delantales), poignets de soie, capacité à templer les charges du toro. Il coupe l'oreille de son premier. Puis sa prestation part à vau-l'eau. Il ne trouve pas ses marques face au quatrième qui a failli l'embrocher lors d'une tentative de porta gayola. Pour finir,  il se montre  totalement désorienté face au difficile dernier et écoute des sifflets.
 
 



   Dimanche, la corrida de la dernière chance, celle de Victorino Martin. Il y a plus de vingt ans, c'était devenu habituel, la corrida de Victorino venait sauver, le dernier jour, une feria jusque là très médiocre. C'était aussi l'époque des Fernandez Meca, El Tato, Pepin Liria. En sera-t-il de même en cette année 2024 ?
   La journée est sinistre, il pleut continuellement, on se rend aux arènes sans être sûr que la corrida pourra avoir lieu. Une fois sur les gradins, l'espoir renait : la piste parait en bon état, le trio présidentiel, d'un pas assuré, se dirige vers le palco.
   Mais c'est lorsque sort le premier Victorino que tout s'éclaire. Il est beau et transpire la caste par toutes les pores de la peau, par tous les poils noirs et blancs harmonieusement mêlés. Et il en sera de même pour les cinq suivants. Un lot d'une extraordinaire homogénéité dans le trapío, la caste, la fixité, la capacité à charger en humiliant. Le retour de la vérité de la corrida.
   Le grand homme de l'après-midi sera Morenito de Aranda, toujours sincère, dominateur, réussissant à s'imposer à des toros très exigeants. Un bémol ? Lui aussi est un torero bruyant.
   Manuel Escribano, à son avantage aux banderilles, fit preuve par la suite de son bon professionnalisme sans excès de zèle.
   Enfin Joselito Adame, toujours à la limite de la rupture, dut puiser dans ses ressources le plus profondes pour faire face, tant bien que mal, à la grande caste de ses adversaires.

   Victorino Martin aura donc une fois de plus permis le sauvetage in extremis de la feria. Ce qui ne doit pas,bien sûr, épargner aux organisateurs la nécessité d'une profonde remise en question. Comme leurs prédécesseurs (Chopera/Cazade; Marie Sara/Guillaume), ils sont sur un siège éjectable, aussi bien la commission taurine censée être l'émanation de l'aficion locale, que le véritable organisateur, Jean Baptiste Jalabert, incarnation du mundillo taurin dans ce qu'il a trop souvent d'irresponsable.
 

 
 
photos Laurent Bernède : belle estocade de Manuel Escribano au premier Victorino
                                          Jesus Martinez "Morenito de Aranda", triomphateur de la feria avec une oreille d'un Flor de Jara et deux des Victorino Martin.
  

lundi 22 juillet 2024

Impressions sur la feria montoise (1)

 
   Mercredi pour la première corrida, la tarde débute par une Marseillaise incongrue. Cette multiplication d'hymnes nationaux (c'est la même chose en Espagne) me semble surtout témoigner de pays qui cherchent à se rassurer sur leur existence. Le chant guerrier est suivi d'une étonnante séance d'arrosage, sans doute pour laver le sang impur.
   Les toros étaient annoncés du Puerto de San Lorenzo mais seuls les deux premiers sont de ce fer et donc d'encaste Atanasio - Lisardo, les autres sont des domecqs de la Ventana del Puerto des mêmes propiétaires. Pourquoi pas ? mais encore eut-il fallu que l'affiche le précisât, sans quoi on peut parler de tromperie. Que dirait-on, par exemple si l'on remplaçait un torero artiste du niveau de Morante par un sin sabor comme Alejandro Talavante alors que Pablo Aguado ou Juan Ortega, autres artistes incomparables, ne toréent pas ce jour ?
   Pour être assidu aux corridas de La Brède, modeste arène portative, je peux affirmer que les toros y sont en général bien mieux présentés que ceux lidiés ce jour au Plumaçon, arène de première catégorie, faut-il le préciser. Cherchez l'erreur !
   Tous de format très réduit, rondouillards (acochinados), irréguliers d'armure, et ce manque de physique en parfaite concordance avec un manque de fond qui les rendait fades et ennuyeux, même si certains ont pris les piques honorablement.
   Pas de chance, l'accablant Madrilène touche les deux seuls bichos à peu près potables, notamment le premier, un toro en sucre candy, sans doute un des rares de la camade San Lorenzo à ne pas s'enfuir à la vue des leurres.
   Daniel Luque, habituellement capable de transformer le plomb en or, n'a pu cette fois passer la rampe devant ses deux ectoplasmes.
   Quant à Dorian Canton, pétri de qualités, il va falloir qu'il se penche sérieusement sur sa manière de tuer.


   Jeudi, la deuxième corrida pour vedettes n'a pas vraiment relevé le niveau de la première, c'est le moins qu'on puisse dire. Ces courses constituent un pensum pour l'aficionado et une déception pour le grand public. Le lot de Victoriano del Rio était clairement un lot de rebut : des cinqueños sans trapío et, pour certains, aux cornes douteuses. En clair, les invendables de la saison dernière ... On espère qu'au moins ils n'auront pas coûté cher aux organisateurs.
   Le cinquième fut le seul à sortir du lot. Il se montra actif sur la première pique, vint facilement mais n'insista pas sous la seconde puis fit l'avion sur les deux cornes au troisième tiers, avec cependant une charge manquant de chispa. Gines Marin composa une bonne faena, templée, complète, portant sur le public. On pourra toutefois lui reprocher un placement souvent fuera de cacho. Oreille après pinchazo et estoconazo et premier succès de la feria.
   Sébastien Castella débuta par une longue suite de véroniques très ajustées, puis, face à des adversaires d'une grande fadeur, il dut user du toreo de proximité, qu'il maîtrise parfaitement, pour intéresser le public. Le Biterrois semble en ce moment en grande délicatesse avec la rapière.
   Yon Lamothe, présent dans les quites, montra de la verdeur et de l'insécurité, chose normale pour un matador qui torée sa première corrida de l'année. L'épreuve était d'importance et le sorteo ne lui fut pas favorable, en particulier avec le sixième, un manso comme la ganaderia en produit de plus en plus, qui aurait mis en difficulté de plus expérimentés que lui.
   Comme hier, bronca finale aux organisateurs.


   Vendredi, c'est la corrida concours et l'on pense en avoir fini avec la médiocrité des corridas commerciales des jours précédents. Mais la mayonnaise n'a pas pris, le public n'était pas prêt à accepter l'énorme disparité de trapío et de comportement entre les toros. Deux toracos impressionnants ( Saltillo,  Yonnet). Deux petits (Peñajara, Flor de Jara), une partie du public s'acharne contre le Peñajara, bien fait mais minuscule, le climat est malsain. Auparavant les cornes en pinceau du Dolores Aguirre avaient déjà mis le feu aux poudres. A ce stade, la concours est déjà morte et enterrée. Pour comble de malchance, le magnifique Yonnet qui termine la course se révèle invalide total.
   Nonobstant, il y eut un grand moment, à vrai dire impertinent dans une corrida concours : une grande faena devant un toro de troisième tiers. Morenito de Aranda a donné des muletazos sublimes à Capuchero de Flor de Jara qui portait au bout de ses cornes toutes les qualités de plusieurs générations de l'encaste buendia santacoloma. Ce fut un moment de précieuse beauté.
  Autre moment d'une émotion toute différente parce que relevant davantage du tremendisme, mais toute aussi taurine, lorsque Alberto Lamelas donne au toraco de Yonnet quatre largas de rodilla successives dont la première a porta gayola, manquant de peu chaque fois de se faire décapiter. Cet homme est fou ! Non, il est torero...

lundi 8 juillet 2024

Céret 2024 : corrida du dimanche

 


Enfin une belle lumière ! 
Chaleur et nuages avec de belles apparitions du soleil. 
Arènes combles... Une apothéose? 
La musique du paseo de Pascal Comelade qui vous tord les tripes dans le contexte pour lequel elle a été créée. 
C'est parti! 
Le premier bien présenté comme d'ailleurs tous ses frères. 
Mais rarissime chez Escolar je lui ai trouvé ( ça n'engage que moi) un fond de mansedumbre qu'on ne voit jamais chez les pensionnaires de Lanzahita! 
Robleño n'en a cure et torée prudemment... Très prudemment. Silence. 
Sergio Flores lui aussi est prudent avec le deuxième, un vrai escolar qui fera tomber la seule oreille de la tarde dans les mains du Mexicain et sera chaudement applaudi à l'arrastre. 
À partir de là on ne verra plus que des vrais toros d'escolar ...  Mais plus de toreros. 
Entre vice et vermine il n'y a que profil bas à faire et même Gomez del Pilar rongé par le feu de l'envie qui le caractérise fait ici le dos rond! 
Mais on ne s'ennuie pas vu que le danger est toujours là qui rôde avec les Escolar. Un banderillero de gdp en fait les frais encorné aux fesses, le sang coule fort et ça calme tout le monde. Y compris le toreo de Gomez qui ne sait plus où il habite. 
Tout ceci nous emmène au sixième où un événement vient semer le trouble... Il est 20h et les portables se mettent à bruisser de partout, et quasi instantanément les réactions prennent le pas sur tout le reste ... En tout cas dans mon quartier : incrédulité, satisfaction, insatisfaction, heureusement qu'il y a des Espagnols pour faire la claque parce que la France a autre chose à penser! 
Lorsque je refais le focus sur le ruedo... Vision d'apocalypse!! Le bateau ivre!!! Des banderilleros de toutes les cuadrillas squattent le sable. Pourquoi ? Je ne comprends pas, j'ai perdu le fil. Les hommes de Gomez del Pilar plantent des banderilles une à une, d'autres s'agitent comme des poulets sans tête... On est chez Fellini! 
Le bicho me semble infumable et gdp est de mon avis puisque, à l'image de Morante, même pas deux passes et il va chercher l'épée de mort... Bronca. 
J'ai bien aimé cette corrida : on se serait  cru dans un théâtre au temps du grand William où ça brassait plus dans le public que sur le plateau. 
Rien que pour ce souvenir je serai dûment présent l'an prochain. 
Viva Céret!!!! 
 
                                              Christian



dimanche 7 juillet 2024

Céret 2024 : novillada du dimanche matin

 

 
On y retourne! 
Jolie assistance, un peu plus de ciment qu'hier mais pas de quoi pinailler : quasi lleno y punto! 
Ciel couvert, pas de vent et une température idéale. 
Tous les novillos avec un bon fond de caste, deux ou trois de vrais tios et au moins deux avec un problème à l'arrière train qui ne les faisait pas boiter non mais avec comme une raideur et une façon de freiner que je n'avais jamais vu : en traînant le sabot dans le sable comme un crochet... Suis je assez clair? 
Le site Terre de toros parlait de consanguinité et bien je crois en avoir vu là un bel exemple. 
Cela peut être un problème pour une présentation en France surtout dans une place comme Céret. 
Heureusement, leur malice permit de compenser cet embêtant détail! 
En effet, l'air de rien et alors que personne ne s'y attendait ils étaient sur les hommes et leur demandaient leurs papiers. 
Les hommes justement, Mario Arruza loupe son premier, loupe encore plus son deuxième et se demande s'il ne devrait pas changer de métier. Même son troisième homme foire le n°4 pour parachever le désastre. À oublier vite. 
Miguel Andrades, novillero de bientôt 30 ans, a eu tout le temps d'assimiler son El Fandi illustré pour les nuls: j'ai rarement vu un tel copié collé. Perso ça me laisse de marbre mais il y a des amateurs... Beaucoup. 
Non, l'homme du jour fut Jésus de la Calzada, en voilà un qui a du potentiel et de la personnalité, quelques détails à peaufiner et il peut (doit) passer à la catégorie reine. 
Le palco lui a refusé une oreille par toro et la bronca fut de mise. 
Mon voisin disait fort justement que ce président confondait corrida et novillada, catégorie où l'on se doit d'encourager les bonnes volontés que diable!! 
Nous lui octroyâmes deux vueltas hautement méritées. 
Suivez cet homme. 
Les picadors? Rarement vu un tel travail de goret! À part celui du deuxième dudit Jésus cité plus haut qui fit un travail remarquable le reste ne fut qu'approximation et pseudo boucherie. Honteux. 
Pour les banderilles, se référer au clone du Grenadin qui n'a pas encore la roublardise de son mentor. 
J'attends au frais dans un parc le climax de la feria avec les Escolar
Tarde de expectation...? 
 
                                               Christian

 

Céret 2024 : corrida du samedi

 Christian est un aficionado savoyard. Présent à Céret pour cette édition de Céret de Toros, il nous donne ses impressions sur la feria.
 



Débarquement à Céret sous un ciel des plus maussade. 
Il commence à pleuvoir pendant que je gare mon auto. Ça commence mal. 
Émotion sur le parcours puisque je croise ma première manif anti taurine! 
Une militante me propose un tract brûlot, je décline son offre, lui expliquant malicieusement que je ne puis accepter puisque je viens justement voir mourir des toros!!! Elle repart mi méprisante mi dépitée. 
Ce n'est pas cette année que la limonade sauvera la tauromachie à Céret : le temps minable a coupé la soif de tout le monde. Je croise un aficionado flamand qui a pris l'avion jusqu'à Perpignan pour assister aux corridas de Céret !!  On se tombe dans les bras, isolés que nous sommes chacun dans notre aficion solitaire et éloignée des terres sacrées. 
Ouverture des portes et là je ne vois pas d'autre explication que celle d'Ernest et Pablo qui ont intercédé auprès du grand patron pour couper l'eau pile à l'heure du paseo!!!! 
Et bien, puisqu'il en est ainsi en piste donc!!! 
Les toros ? Le premier bien armé et un bon cinquième qui laisse tomber une oreille dans la poche de Gomez del Pilar. À mon goût, tout ça est un peu trop gâché par du Domecq. 
Les toreros ? Damian Castano aux fraises, pas à son aise du tout, un peu mieux à son deuxième mais la mort reste un vrai pensum avec lui !! 
Déception pour Juan de Castilla dont j'attendais beaucoup et que j'ai trouvé trop pueblerino. 
Reste Gomez del Pilar toujours soucieux de bien faire le métier encore aujourd'hui et qui nous soulève un œil avec le cinquième cité plus haut. 
Juan est en train d'estoquer son deuxième toro quand le robinet se remet à goutter!! 
Musique pour personne et silence pour tout le monde... Ou presque n'est ce pas Gomez? 
Mañana otra vez.
 
                                                Christian

dimanche 23 juin 2024

Corrida de La Brède 2024


 
 
   Encore une corrida donnée sous la pluie en cet arrosé début de temporada 2024. Une sorte de sirimiri a commencé à tomber à partir du troisième toro, donnant aux légères ondulations des terres de Graves des airs de coteaux basques.
   C'est toujours un plaisir de voir sortir des corrals (ici un vulgaire camion) les toros de Robert Margé. Ils sont beaux, de cette beauté que l'on nomme trapío en langage taurin, et cherchent la bagarre, cognant à tout-va et mettant parfois à mal la brinquebalante plaza portative. Si l'on peut regretter des premiers tercios discrets (9 piques), le fond de caste des Audois donna du relief à la tarde. Il y eut des toros sérieux et encastés (Malbec et Cabernet), le lot d'Uceda Leal. D'autres plus malléables (Verdot et Sémillon), le lot d'Adriano. Ceux, enfin, qui ne donnèrent pas tout ce qu'ils semblaient promettre (Beaucaillou et Merlot), le lot de Dorian Canton. Les toros, comme les cépages, ont leur personnalité.
   Mais il faut revenir sur la lidia de Sémillon, cinquième toro de l'après-midi. Une annonce au micro nous informe qu'il s'agit du toro de réserve et qu'il sortira en lieu et place du titulaire (Sauvignon), celui-ci s'étant cassé une corne dans le camion. Il s'avéra dès les passes de réception à la cape (deux farols et véroniques) que le toro était invalide du train avant. On n'avait d'autre choix que de le lidier, ce que l'on fit à l'économie durant les deux premiers tiers. Mais, contre toute attente, malgré sa réelle invalidité, le toro fit preuve au troisième tiers d'une charge longue et inépuisable, émouvant témoignage de sa grande caste.  
   Adrien Salenc "Adriano" (oreille, oreille) est à ranger dans la catégorie des toros de l'alegria, si indispensables dans nos ruedos. Son répertoire varié fut intelligemment adapté à ses deux adversaires (et en particulier dans son trasteo à Sémillon). Bonne tarde pour le Nîmois que l'on reverra avec plaisir.
   Dorian Canton se situe, lui, à l'opposé. C'est un classique qui va même parfois jusqu'à cultiver une veine tragique. Il cherche le toreo pur et parfois le trouve, en particulier sur la droite à ses deux adversaires. Sa première épée largement trasera fut suivie d'un désastre au descabello, le toro se couvrant (silence). Une entière au dernier lui valut une oreille récompensant le mérite de celui qui, malgré les points de suture de la cornada de espejo reçue la semaine dernière à Aire-sur-Adour, sut toréer avec sa sincérité habituelle.
   Uceda Leal ne connut pas une tarde de tout repos. Il affronta deux magnifiques castaños, imposants, encastés, devant lesquels il valait mieux ne pas commettre d'erreur. Malgré son professionnalisme, il fut vilainement pris par le premier. Après un pinchazo, le Madrilène fut poursuivi, renversé puis repris au sol, la corne le soulevant par la chaquetilla. La tragédie n'était pas loin. Vuelta por su cuenta, salut.
 



  
  

mardi 18 juin 2024

Croquis de la fête taurine (poèmes 13)

 
Paquirri
 
Derrière ton sourire des jours de triomphe
Le masque
de la mort qui rode.

 
 
Yiyo
 
Au pied des monts de Colmenar
Il t'attendait
Le trompeur aux cornes effilées.
 
 
 
Ivan Fandiño
 
Nous t'avons tant aimé, admiré.
Aujourd'hui Ivan
Dans notre cœur
Ce manque et cette douleur.






jeudi 23 mai 2024

Vic-Fezensac : un excellent cru malgré la pluie (suite)


 
 
   Chez les toreros, les satisfactions furent moins nombreuses. 
   Étonnant Sanchez Vara, il aurait pu, en tant que chef de lidia, demander la suspension de la concours sans que personne ne s'en offusque mais, volontaire comme un débutant, plus sincère qu'en certaines occasions, il connut une tarde complète (vuelta, oreille), sachant tirer profit de la noblesse du Saltillo et de la mobilité du Veiga Teixeira. On le vit même, dans la boue, réaliser un quiebro cité depuis une chaise !
   Le Colombien Juan de Castilla toréa avec sitio et aplomb, donnant le sentiment qu'il avait les moyens techniques et animiques de se faire une place dans la profession. Il coupa l'oreille du Pagès Mailhan avant de partir pour Madrid où l'attendait en soirée deux Miura. Joli coup de pub de son apoderado !
   Luis Gerpe coupa l'oreille du dernier Dolores Aguirre pour un formidable coup d'épée. Celui-ci possédait une corne gauche pour faire un malheur que son matador n'exploita que partiellement ce dont on ne lui tiendra pas rigueur quand on sait le peu que ce garçon a toréé depuis son alternative.
   Il faut dire un mot de Roman. Dans la catégorie des toreros malchanceux, celui-ci occupe une place privilégiée. Il a déjà subi plusieurs très graves blessures qu'il a toutes surmontées comme l'a montré son actuation magistrale à Las Ventas il y a quelques jours. On ne peut que souhaiter qu'il en soit de même pour celle-ci et lui donner rendez-vous pour une ovation de gala dans l'arène vicoise lors de la feria 2025.
   Avec trois oreilles coupées, Morenito de Aranda est le grand triomphateur de la feria. Il fut un chef de lidia parfait durant toute la course et sut dominer les trois toros qu'il tua, en particulier celui qui blessa Roman dont il fallait se méfier comme de la peste; il tira parti avec maetria du formidable Saltacancelas dans une faena qui enthousiasma les gradins. Morenito est entré dans le cœur des Vicois.
 
   Il faut maintenant en venir aux déceptions.
   Une constatation (et un regret) tout d'abord : la caste s'est affinée chez Raso de Portillo, on ne voit plus les massifs et puissants novillos qui avaient mis le feu aux arènes de Parentis il y a quelques années.
   Nous avons parlé des Cuadri de leur tendance de toujours à s'immobiliser et de l'espoir que représente Trastero, le premier toro du fer lidié samedi, dans la lutte contre cette immobilité qui est un combat permanent dans l'élevage. Fernando Robleño n'est jamais parvenu à dominer ses charges fougueuses mais exemptes de venin. Dommage ! Il parvint parfois, en revanche, à allonger la charge du retors quatrième.
   Esau Fernandez a beaucoup toréé ces dernières années dans les arènes de troisième catégorie, il y a visiblement peu appris car il s'est montré très insuffisant dans tous les domaines à ses deux adversaires. Le public vicois le lui fit savoir.
   Examinons maintenant le cas El Rafi. Tout d'abord c'est un torero d'une grande élégance ce qui est une qualité en tauromachie, mais il se trouve que cette qualité n'est pas de celles qui font partie de l'idiosyncrasie vicoise. Premier handicap. Surtout si elle n'est pas accompagnée d'un état d'esprit de combattant. Que l'on pourrait désigner en des langages divers : aller au charbon, être batailleur, se croiser, charger la suerte. Toutes choses qu'El Rafi n'a jamais vraiment faites. Deuxième handicap.
   Enfin, les accidents de la course (blessure de Roman, interruption et attente d'une heure) n'étaient pas ce que peut rêver de mieux un jeune torero qui se présente à Vic pour se trouver dans les meilleures conditions. Troisième handicap. 
   Le résultat sera une après-midi négative pour le Nîmois qui n'a jamais vraiment su prendre la mesure des trois toros qu'il a tués dont deux au moins offraient de réelles possibilités. El Rafi à Vic : une erreur de casting comme la plaza gersoise en connait de temps en temps.

   Je ne voudrais pas terminer ce petit bilan sans rappeler l'importance des cuadrillas qui contribuent lorsqu'elles font correctement leur travail à donner à la lidia toute sa saveur et toute sa vérité.. Comme chaque année, certains picadors, certaines cuadrillas ont failli alors que d'autres ont été remarquables de courage et de pundonor, en un mot d'aficion, en particulier lors de la corrida concours dans des conditions de lidia extrêmes. Mentionnons ceux qui furent les plus en vue.
Pour les picadors :
Pepe Aguado
Juan Antonio Agudo
Antonio Garcia
 
Pour les banderilleros :
Ignacio Martin
Raul Cervantes
José Manuel Mas
Victor del Pozo
Mathieu Guillon
João Pedro Pacheco
Francisco Javier Tornay
Marcos Prieto



Photos : cette photo de Juan de Castilla au cinquième toro est un bon témoignage sur l'état de la piste durant la concours (Laurent Bernède)
              Gomez del Pilar, mal servi le jour des Cuadri, ne put que montrer ses bonnes intentions (Velonero)

mercredi 22 mai 2024

Vic-Fezensac 2024 : un excellent cru malgré la pluie


 
   Que, malgré un temps continuellement frais et pluvieux, tous les spectacles prévus aient pu avoir lieu constitue la première réussite de la feria. Ce fut un petit miracle pour la corrida concours du dimanche matin donnée sous une pluie continuelle. L'autre réussite réside dans l'excellente présentation de tous les toros et dans l'intérêt que quasiment tous présentèrent au cours de leur lidia. Le point noir fut bien sûr la terrible cornada de Roman le lundi. Ce type d'accident est certes inhérent à la fiesta brava mais la vision du matador valencien suspendu d'interminables secondes à la corne de Segoviano comme à un crochet hantera le souvenir de tous les spectateurs du jour. 
   Nous ferons un bilan de cette feria en deux parties : les satisfactions d'une part, les échecs et déceptions d'autre part.
   
   Petite mais bien faite, très typée santacoloma, la novillada de Raso de Portillo a été brave et noble. Elle aurait dû retourner au desolladero avec quelques oreilles en moins, ce qui, et c'est fort dommage,  n'a pas été le cas.
   Les toros de Cuadri, tous de trapío imposant, auraient pu sortir sans problème à Madrid. Le premier autorisa tous les espoirs car il conserva jusqu'à la fin une mobilité et une vivacité remarquables. Ah ! si chaque lot de Cuadri pouvait compter quelques exemplaires de la sorte ... la ganaderia retrouverait facilement sa place au premier plan. Ce fut hélas le seul de la tarde à montrer cette volonté permanente d'en découdre que l'on pourrait appeler bravoure, les autres, à l'habitude : tardos, aplomados, de charge limitée.
   Dimanche matin, heureusement, les toros de la corrida concours eurent tous de l'intérêt à l'exception du Palha, ce qui permit au public d'aguanter trois heures de course sous la pluie. Passons-les brièvement en revue.
Le Saltillo, magnifique, brave et d'une noblesse pastueña.
La seule qualité du Palha était son aspect physique impressionnant, mais décasté, se dégonflant.
Le Prieto de la Cal, classique jabonero, bravito, noblote, de caste limitée.
Le Veiga Teixeira, très beau negro, très mobile mais manquant de fond.
Le La Corte fut celui qui poussa le mieux, con los riñones, aux trois premières piques. De manière surprenante, il rua au contact du fer à la quatrième. La bravoure reste un mystère ...
Sans être supérieur, Ranchero II de Pagès Mailhan (sorti cinquième pour cause de décollage d'avion) remporta le prix car il se montra le plus complet du concours. Une consécration pour les ganaderos camargais.
 

 
 
   Nous aimons les mansos con casta y poder de chez Dolores Aguirre mais la surprise du jour fut la présence dans le lot de deux toros braves et nobles : Carafea, le quatrième et Perdigon, le sixième. Ce dernier, magnifique castaño, garda,après quatre piques venant de loin, un bon recorrido au dernier tiers et possédait une excellente corne gauche. Il fut justement honoré d'une vuelta al ruedo et le mayoral fut appelé à saluer à l'issue de la course.
 

 
 
   Lundi, enfin, corrida santacolomeña de Los Maños. Tous les toros furent d'une grande mobilité avec un fond de mansedumbre qui les faisait s'ouvrir vers les barrières. Le quatrième, Saltacancelas, fit preuve, comme son frère du même nom vainqueur de la corrida concours en 2016, d'une bravoure remarquable à la pique, il eut ensuite une longue charge au troisième tiers. La vuelta al ruedo était justifiée mais il y avait eu auparavant une pétition d'indulto par quelques mauvais plaisants - il y en a à Vic ! - d'autant plus incongrue que le toro avait lui aussi montré son attirance pour les barrières.
   Pour en finir avec les points positifs de cette feria concernant le bétail on soulignera que tous les toros étaient magnifiquement présentés et que quasiment tous étaient suffisamment costauds pour supporter trois ou quatre piques. À ce sujet notons toutefois que toutes les piques ne se justifiaient pas. Il faut prendre garde à ne pas reproduire durant le premier tiers ce que l'on reproche au troisième : une longueur excessive qui finit par lasser le public.

(à suivre ...)
   
photos : un cuadri typique, le 2 Agorero (Velonero)
              Ranchero II de Pagès Mailhan, vainqueur du concours  (Laurent Bernède)
              Carafea, un brave Dolores Aguirre (Laurent Bernède)

vendredi 17 mai 2024

Mont-de-Marsan, les cartels de la Madeleine 2024

 

 
Mardi 16 juillet
21h30   concours landais

Mercredi 17 juillet
18h   corrida  
Puerto de San Lorenzo
Morante de la Puebla - Daniel Luque - Dorian Canton

Jeudi 18 juillet
11h   novillada non piquée

18h   corrida
Victoriano del Rio
Sébastien Castella - Gines Marin - Yon Lamothe


Vendredi 19 juillet
18h   corrida concours
Saltillo   -   Comte de La Corte  -   Dolores Aguirre
Peñajara   -   Flor de Jara   -   Yonnet
Fernando Robleño - Morenito de Aranda - Alberto Lamelas

Samedi 20 juillet
11h   novillada
El Parralejo
Tristan Barroso - Marco Pérez

18h   corrida
La Quinta
 Emilio de Justo  -  Clemente


Dimanche 21 juillet
18h   corrida
Victorino Martin 
Manuel Escribano - Joselito Adame - Borja Jimenez


Comme le veut la tradition du chef-lieu landais, un bon équilibre a encore été trouvé cette année entre corridas toristes et corridas toreristes.
Deux grands retours marquent cette feria. Celui de la corrida concours  dont la dernière édition remonte à 1995 et qui a longtemps été un moment fort de la Madeleine. Celui des toros de Victorino Martin dont le dernier lot paru en 2019 avait suscité un beau scandale en raison de sa présentation, ce qui avait provoqué la chute des précédents organisateurs (Marie Sara, Casas, Guillaume) et conduit à l'arrivée de l'actuel (Jalabert). Ce que l'on peut souhaiter c'est que la corrida finale de Victorino ne vienne pas sauver la feria du néant comme ce fut trop souvent le cas dans le passé mais qu'elle vienne la couronner... 
On regrettera toutefois l'absence des Pedraza de Yeltes qui, ces trois dernières années, ont assuré le succès de la partie toriste de la feria avec notamment des tercios de piques d'excellent niveau. 
Côté torero on se réjouira de la présence de Morante de la Puebla (magnifique cartel torero du mercredi avec Morante accompagné de Luque et de Canton) mais on déplorera l'absence de Juan Ortega, non seulement le Sévillan est un artiste incomparable mais c'est aussi le torero en forme de ce début de temporada. C'est à Bayonne qu'il faudra se rendre si on veut le voir dans le Sud Ouest cette saison.

mercredi 15 mai 2024

San Isidro 2024 : début de feria

 Madrid, début de San Isidro, 3 corridas, cartels inégaux. 
On a mis pour commencer deux des meilleurs toreros face à l'un des élevages les plus décastés de ces dernières années. Le second jour, El Fandi, toujours présent - et ce depuis plus de vingt ans - lorsqu'il s'agit de gâcher quelques bons toros. Enfin, dimanche, un des élevages qui produit les toros les plus braves face à trois toreros très modestes . 
Voilà qui est assez médiocrement conçu.

Vendredi. No hay billetes, temps parfait.
Morante de la Puebla et Diego Urdiales sont au cartel, difficile de faire mieux. Pour les toros on se prend à rêver d'un miracle car non seulement les Alcurrucén sont dans un piètre moment mais on sait qu'en bon nuñez ils sont très froids à leur sortie et donc totalement inadaptés au style de Morante qui manie sublimement la percale. Il va falloir que les planètes s'alignent et Afectuoso, le tambour major autorise tous les espoirs. Il est beau (comme tous ses frères du jour, majoritairement cinqueños), brave et noble. À ce moment, deux hypothèses se présentent. La naïve : ce toro est annonciateur d'un grand lot et donc d'une grande corrida. La réaliste : il va être le seul bon toro de la soirée et il échoit au troisième homme, Garcia Pulido qui confirme ce jour l'alternative. Bien sûr le réalisme a prévalu, Garcia Pulido n'a pas démérité (salut après pétition) mais une situation aussi favorable ne se représentera peut-être plus jamais dans sa carrière.
La corrida aura malgré tout deux moments cumbre qui resteront dans mes souvenirs. Le grand début de faena de Morante à son second. On ne peut toréer avec plus de dominio, d'empaque, d'art. Après cela l'Alcurrucén, vaincu, se refusa à charger. L'autre grand moment fut la manière dont Diego Urdiales, par véroniques parfaites et demi précise, amena le troisième toro à la seconde pique.
On se demande quel peut être l'avenir de la ganaderia d'Alcurrucen après le fracaso (un de plus) de ses toros. Cinq astados sur six totalement inadaptés à la lidia (moderne ou pas) puisqu'ils refusent la cape à leur sortie, fuient les picadors en ruant, ne chargent pas les banderilleros, possèdent dans le meilleur des cas quelques charges limitées et fades à la muleta.

Samedi. Grande corrida de Fuente Ymbro. Roman en maestro.
Une chose rare, exceptionnelle : une corrida complète. Six toros braves, mobiles, puissants, de surcroît con trapío  (tous cinqueños). Pour les toreros, une concentration de tous les instants nécessaire, pour le public un intérêt soutenu durant toute la tarde. Les trois et cinq difficiles, les quatre autres offrants de belle possibilités. 
Roman a toujours été un battant et un homme qui n'a pas froid aux yeux. Il a montré ce jour avoir acquis un niveau supérieur, celui d'un authentique maestro capable de construire des faenas sincères et dominatrices face à d'authentiques toros de combat. Son point faible a toujours été l'épée (voir ici) et au moment où il semble mieux dominer la suerte de matar (deux excellentes entières ce jour) voilà que la suerte le fuit. Ses estocades étaient contraires, signe de son engagement, mais on sait que leur efficacité est moindre et ses deux toros ont mis un temps infini (en raison de leur caste également) avant de tomber. Cela lui a sans doute coûté la salida a hombros mais la prestation du Valencien a frappé les esprits et il peut être considéré comme le triomphateur de ce début de feria.
Face à un toro de belle charge mais au coup de tête ravageur, Leo Valadez n'a jamais réussi à résoudre le problème ce qui le poussa à prendre, pour compenser, des risques inconsidérés - c'est tout à son honneur - mais qui lui valurent une première cogida sur une tentative inopportune d'arrucina, puis une seconde lors de l'entrée a matar. Il s'en sort miraculeusement avec une simple luxation de l'épaule.
Comme un malheur n'arrive jamais seul, cela nous permis d'apprécier El Fandi sur un toro supplémentaire. À vrai dire, il ne faut pas enlever, à celui qui aurait pu devenir champion olympique, ses qualités. Il manie la cape avec efficacité et précision et donne des quites variés. Ses tercios de banderilles furent rondement menés et portèrent sur le public, j'ai noté un beau sesgo por fuera. Là où le bât blesse, c'est à la muleta, ce qui lui valut d'entendre trois fois le silence pour trois toros qui en d'autres mains auraient pu repartir avec une oreille en moins. Le soir, discutant dans une taverne taurine avec jeune néo-aficionado comme il y en a désormais beaucoup, j'eus la surprise de l'entendre me dire qu'il avait apprécié l'actuation d'El Fandi. Comme je lui en demandais les raisons, il me répondit très sérieusement : "C'est que El Fandi est de Grenade et moi aussi !" Rien à redire à un tel argument, très espagnol !
 
 

 

Dimanche. Braves Baltasar Iban face à une terna très modeste.
La modestie du cartel homme se nota dans l'affluence du public, deux tiers des étagères. Elle se nota aussi dans la médiocrité de certaines cuadrillas, très à la peine, et dans l'échec des matadors qui se montrèrent tous en dessous des possibilités offertes. Le Mexicain El Calita bénéficiera des circonstances atténuantes car il lidia les deux toros qui offraient le moins de possibilités. Pour Alvaro Alarcon, la situation est plus grave car malgré sa bonne volonté il rendit par deux fois copie blanche, en particulier face au très brave troisième Barberito, remarquablement piqué par Juan Francisco Peña.
Il n'avait pas échappé aux aficionados que figurait en cinquième position un certain Bastonito. Il fut au physique bien différent de son prestigieux ancêtre lidié par César Rincon en ces mêmes arènes il y a très exactement trente ans. Celui de ce dimanche était negro salpicado et très imposant avec ses 592 kilos, celui de 1994 était totalement noir et pesait 501 kilos. Déjà dans la cape de Francisco de Manuel il avait montré sa disposition à humilier. Placé à bonne distance il s'élança par deux fois fois d'un galop puissant vers la cavalerie pour un première pique poussée à fond et une deuxième plus courte (ovation au piquero Luis Albert Parron). Ses premières arrancadas à la muleta eurent un son extraordinaire. De Manuel l'attaqua à genoux puis, debout, il donna une émotionnante série à droite suivies d'excellentes naturelles. La faena baissa ensuite  cruellement de ton, le Madrilène ne trouvant plus le bon rythme ni le bon sitio pour redondear son travail. Tout cela se termina donc par un simple salut pour le matador et une forte demande de vuelta pour Bastonito, arrastré sous une grande ovation. Illustration d'une tarde durant laquelle les toros surpassèrent les toreros.

Venir à Las Ventas c'est s'immerger dans un public particulier. On a beaucoup glosé sur le renouvellement des générations. On voit désormais sur les travées de Las Ventas énormément de jeunes gens qui n'ont pas - et ne peuvent avoir - les mêmes compétences que les aficionados plus anciens. Lorsqu'il ne se met pas le reste de la plaza à dos par son manque de respect et ses jugements excessifs, le tendido 7 peut servir de guide à cette nouvelle aficion. En tout état de cause le public de Madrid reste un élément majeur dans le déroulement du spectacle. Il est souvent bruyant et inattentif lorsque rien d'intéressant ne se passe en piste mais sa capacité à réagir, à s'enflammer lorsqu' advient quelque chose de remarquable fait naître une émotion propre à ces lieux et donne à chacun l'impression d'être partie prenante de cette grande liturgie qu'est parfois la corrida..




Photos : Barberito à la pique
              Bastonito à l'apartado (n° 35, à droite)

vendredi 3 mai 2024

Toros en Gironde

 
 
Dimanche 2 juin 2024
 
11h   novillada non piquée
La Espera
Leo Pallatier - Julio Mendez
 
17h   novillada
Jalabert - La Golosina
Jarocho - Tristan Barroso - Tomas Bastos
 
 

 


Samedi 22 juin 2024

18h   corrida
Robert Margé
Uceda Leal - Adrien Salenc "Adriano" - Dorian Canton
 
 

 


vendredi 19 avril 2024

Croquis de la fête taurine (poèmes 12)

 
 
Sevilla
 
Voir une corrida dans la Maestranza
Dimanche 
de Résurrection
Avec toi pour la première fois 




Curro Romero

Face au toro, face à la foule
un geste
et tout 
s'éclaire. Le monde s'ouvre à la beauté.



Morante de la Puebla

Morante
Quel est le secret 
de tes opulentes rondeurs ?
 



















lundi 15 avril 2024

Garlin

 


 
 
Dimanche 14 avril 2024      Garlin (Pyrénées Atlantiques)
quasi plein                           Arènes de la Porte du Béarn
très beau temps

Six novillos de Pedraza de Yeltes (nobles, sosos, 11piques) pour Sergio Sánchez (silence, silence), Cristiano Torres (silence, salut) et Aaron Palacio (une oreille, salut).

C'est en 2013, il y a maintenant 11 ans, que les Garlinois ont présenté pour la première fois en France la ganaderia de Pedraza de Yeltes. 11 ans de fidélité au fer en cette année 2024. Compte tenu de la notoriété désormais acquise par l'élevage et de ses nombreuses sorties dans des arènes de première catégorie, la petite plaza béarnaise ne prétend pas bénéficier du dessus du panier de la ganaderia. Les armures sont discrètes et, cette année, à l'issue de la course un sentiment de déception dominait à propos de leur comportement. Le lot valut plus pour sa noblesse que pour sa bravoure. Si l'on vit quelques belles poussées au cheval, elles furent accompagnées de nombreux coups de tête faisant sonner les étriers. Tous firent preuve par la suite d'une belle franchise dans les leurres mais leur manque de force ou de fond rendit leur charge fade avant qu'ils ne se réservent et cherchent les planches. Le quatrième, manso coureur et attiré par le callejon (qu'il ne réussit pas à atteindre malgré plusieurs tentatives) se révéla le plus piquant du lot.
Hormis lors d'une belle réception à la cape par véroniques en tablier, Sergio Sánchez fut à la peine toute l'après-midi et n'écouta que le silence.
Cristiano Torres est un novillero puesto, aussi à l'aise dans le toreo classique que dans celui de proximité qu'il semble affectionner. Une mise à mort en plusieurs épisodes le priva, au cinquième, d'une oreille jusqu'alors bien gagnée.
Aaron Palacio a constitué la révélation de la journée. Poignet de velours, sens du placement, toreo classique, le tout jeune et encore inconnu novillero est une belle promesse. Il coupa l'oreille du 3 et perdit face au bon sixième un triomphe d'importance en raison d'une mise à mort très laborieuse.

vendredi 12 avril 2024

André Boniface : mort d'un artiste

    Il fut artiste, comme peut l'être un torero. Art du geste, du mouvement, volonté d'apporter une dimension supplémentaire à un sport qui, comme la corrida, est, avant tout, une affaire de combat. Mais les hommes ont aussi appétit de beauté et de lumière et les passeurs comme lui seront toujours précieux.
 

 
Sur cette magnifique photo de L'Equipe, on reconnait à droite d'André, Pierre Albaladéjo et Guy Boniface (France - Galles 1963).

Un livre : Denis Lalanne, Le temps des Boni, La Table ronde, 2002
Un film  : Frank Nicotra,  Le temps des Boni,  2003
Une entrevue : Actu Landes,  2016
 
 

 
 

lundi 8 avril 2024

Reprise en douceur printanière

    Après plusieurs mois de pluies continues, la douceur printanière donne envie de toros. Ça tombe bien, il y en a - et des sérieux - à Mont-de-Marsan pour la novillada de Saintperdon dont la date traditionnelle de la fin août a été cette année avancée au mois d'avril, et à Aignan qui a dû reporter d'une semaine sa corrida pascale pour cause de mauvais temps.
   Samedi, au Plumaçon, les novillos de Valdellán (les santacolomas de León) étaient majoritairement bien roulés et intéressants. Ils ont permis à Miguel Andrades, un novillero atypique de se montrer à son avantage. Atypique parce qu'à 28 ans, après ce que l'on peut appeler une longue éclipse puisqu'il a été finaliste du bolsin de Bougue en 2013, le Jerezano a refait surface l'an passé en novillada piquée en affrontant avec succès nombre de fers réputés difficiles. Il torée avec entrega, transmet de l'émotion au public, possède à la cape un répertoire varié et pose les banderilles remarquablement. Oserai-je dire que, dans cet exercice, il m'a fait penser à Victor Mendes ? On ne peut trouver meilleur compliment. Il faut mettre, hélas!, un bémol à tant de choses positives : la nature l'a malencontreusement doté d'une très petite taille, ce qui va constituer pour lui un très sérieux handicap si un jour il doit affronter des toros.






   Les voyages répétés, embarquements, débarquements, imposés aux Baltasar Iban ces derniers jours avaient certainement amoindri leurs capacités physiques (plusieurs fléchirent du train arrière) mais la caste, elle, est toujours là et bien là. Certes leur bravoure fut moins tonitruante que celle de leur frères de l'an passé à Vic-Fezensac mais tous furent intéressants, les 2 et 5 braves, plusieurs d'une belle noblesse, tous résistants à la mort.
   La qualité de la prestation d'Uceda Leal, alliance de l'expérience et d'une sobriété pleine de classe, porta davantage sur les toros que sur le public. Face à deux adversaires imposants et difficiles, il resta toujours maître de la situation et tua avec efficacité. Le quatrième, brusque et sans recorrido à sa sortie, révéla au troisième tiers une corne gauche fréquentable que le maestro madrilène ne se fit pas faute d'exploiter (sans excès d'engagement toutefois).
   Un placement sûr, des toques subtils, une capacité à lier permettent à Dorian Canton d'accéder au plus pur et au plus difficile du toreo : la domination par la douceur. Il eut en revanche parfois du mal  à adapter son rythme à celui de ses toros et se fit donc tutoyer trop souvent les leurres (oreille du 2). Dorian Canton a besoin de toréer.
  La charge vive et franche du dernier permit à Christian Parejo de s'étirer en naturelles et de terminer l'après-midi oreille en main. Une épreuve passée avec succès pour le jeune Biterrois.


Photo Laurent Bernède : Mont-de-Marsan, Miguel Andrades
                                                                                                   

jeudi 4 avril 2024

3 grandes ferias 3

    Parmi les grandes ferias, il y a bien sûr la feria d'avril de Séville ou la San Isidro madrilène. Toute la torería andante rêve d'y participer et d'y triompher, tous les aficionados qui s'en trouvent éloignés rêvent de pouvoir assister ne serait-ce qu'à quelques courses. Inutile de dire que les retransmissions télévisées ne sont que pauvres succédanés qui n'ont rien de comparable avec le plaisir de se trouver assis sur les gradins de la Maestranza ou de la Monumental.
   Mais il existe d'autres grandes ferias, non pas grandes par la taille de leur arène ou par le nombre de figures qui y participent mais grandes par l'ambition de leurs organisateurs d'y proposer une tauromachie complète face à des toros provenant des fers les plus redoutés. Celles de Vic-Fezensac et de Céret sont déjà des classiques. Une nouvelle venue, organisée par le club taurin "3 puyazos" à San Agustin del Guadalix (Madrid), tentera d'affermir sa position après deux années où elle a déjà permis des tardes de grand intérêt.

   Voici les cartels de ces trois ferias :


          San Agustin del Guadalix
 
  
   Samedi 27 avril
   12h   novillada
Isaías y Tulio Vazquez - Raso de Portillo
Joao d'Alva - Miguel Andrades

   18h   corrida
Palha - Conde de la Corte
Sánchez Vara - Morenito de Aranda - Angel Sánchez

   Dimanche 28 avril
   12h   corrida
Dolores Aguirre
Sergio Serrano - Damian Castaño - Francisco Montero

À noter que l'affiche mentionne le nom des picadors (une initiative à saluer).



     Vic-Fezensac




   Samedi 18 mai
   11h   novillada
Raso de Portillo
Alvaro Seseña - El Melli - Jesus de la Calzada

   Dimanche 19 mai
   11h   corrida concours
Saltillo   -   Palha   -   Prieto de la Cal
Veiga Teixeira - La Corte - Pagès Mailhan
Sánchez Vara - Octavio Chacón - Juan de Castilla

   18h   corrida 
Dolores Aguirre
Alberto Lamelas - Damian Castaño - Luis Gerpe

   Lundi 20 mai
   11h   novillada sans picador

   17h corrida
Los Maños
Morenito de Aranda - Román - El Rafi



     Céret

   Samedi 6 juillet
   18h   corrida
Sobral
Damian Castaño - Gómez del Pilar - Juan de Castilla

   Dimanche 7 juillet
   11h   novillada
Barcial
Mario Arruza - Jesús de la Calzada - Miguel Andrades

   18h   corrida
José Escolar Gil
Fernando Robleño - Gómez del Moral - Sergio Flores



   On notera l'engagement de Damian Castaño pour les trois ferias, ainsi que le doublé de Gomez del Pilar à Céret. Deux toreros aujourd'hui indispensables dans les grandes ferias.
  Enfin je voudrais aussi mentionner la feria d'Alès qui se déroulera à la mi-mai et qui depuis longtemps maintient une tradition taurine de haut-niveau dans les Cévennes. (NB : on peut cliquer sur le nom des villes affiché en bleu pour plus d'informations)




mardi 2 avril 2024

Prélude

    La temporada vient de commencer et l'aficionado s'est de nouveau mis en quête de toros braves et de bon toreo.
   En prélude à la temporada, cet extrait de ''La solitude sonore du toreo'' de José Bergamín :

   "J'ai entendu beaucoup de vieux amateurs et de toreros dire qu'il est chaque fois plus difficile de voir un taureau sauvage dans l'arène, qu'il est très rare de voir surgir des stalles dans les arènes un taureau brave. Mais qu'est-ce qu'un taureau brave ? N'entrons pas ici dans le labyrinthe des définitions classiques qui vont de Pepe Hillo à Domingo Ortega.
   Contentons-nous de dire qu'un taureau brave est avant tout un taureau qui charge, et ça, d'après don Ramón del Valle Inclán, le taureau sait le faire depuis des milliers d'années. Il est indubitable que si les taureaux ne chargeaient pas, il n'y aurait pas de tauromachie possible et que l'art de toréer n'existerait pas. Or nous voyons de nos jours sortir dans le rond - si fréquemment qu'on finirait par croire qu'il n'y en a point d'autres - des taureaux qui ne chargent pas. En revanche, parmi ces taureaux qui ne chargent pas, nous en voyons qui passent, c'est-à-dire qui suivent sans barguigner le leurre du bâtonnet au drap rouge ou de la cape rose, aussi docilement que s'ils étaient domestiqués. La différence existant entre le taureau qui fonce et l'autre qui passe, suit le chiffon rouge en chargeant de façon si faible, si molle, si docile, qu'on ne dirait plus une charge, me paraît être ce qui distingue le taureau brave de celui qui ne l'est pas : ce qui les différencie.   (...)
   Le taureau courageux charge le torero, qui ne le fait pas passer mais sortir de sa charge impétueuse en lui retirant le volume qu'il cherchait comme finalité même à sa charge. C'est pourquoi la fameuse phrase attribuée à Lagartijo ou à Cúchares n'est pas vraie : ''Le taureau vient, tu t'enlèves, sinon c'est lui qui t'enlève.'' Commentant la façon de toréer de Belmonte, Pérez de Ayala disait avec raison que ce n'est pas le torero qui s'écarte, mais le taureau qui est écarté, enlevé de soi, par une passe de soie rose ou de drap rouge. On ne fait pas passer un taureau, on l'enlève - c'est une chance - en lui faisant un sort, grâce à la figure qui porte justement ce nom; et, lui ayant jeté ce sort, on le lui impose, et on paraphe, sans se frotter à lui. Nous insistons sur ce point : passer n'est pas charger. Le taureau qui charge ne passe pas, ne passera jamais.''
 
 
Novillo de Baltasar Iban chargeant, hier à Mugron (photo Laurent Bernède)
 

dimanche 17 mars 2024

Croquis de la fête taurine (poèmes 11)

 

Sanchez Bejarano

Je me souviens de toi
Agapito
Pantin démantibulé
Puis pantalonné de bleu.
 
 
 
Frascuelo
 
Sous ton visage buriné
tes gestes
sculptés
toute la foi en l'art taurin. 



Richard Millian

Fétu de paille à la merci
des cornes
ton cœur
jamais ne trembla modeste torero.





poèmes 10