mercredi 24 mai 2023

Madrid, dimanche 21 mai


 
   Après une longue fermeture due à des contingences sanitaires puis politiques, le Batán a réouvert ses portes, offrant de nouveau au pèlerin de la San Isidro le plaisir de pouvoir passer quelques moments de quasi intimité avec les toros qui seront lidiés durant la feria. Mais il s'agit d'une reprise timide qui demande à être développée car toutes les corridas ne sont pas exposées et, ce jour, seulement deux lots étaient visibles. Les Luis Algarra, harmonieux et de robe variée et les Adolfo Martin.
   On y vient souvent en famille, avec des enfants, car la Casa de Campo est un lieu de promenade et de loisir pour les Madrilènes et rien de tel pour fomenter l'aficion que l'admiration pour le toro de combat que peuvent susciter les parfaites conditions dans lesquelles on le voit ici. J'ai le souvenir de l'émotion ressentie, il y a de nombreuses années déjà, face à d'extraordinaires lots de Cuadri et du comte de La Corte. Ici, non seulement on admire le seigneur toro, mais tous les rêves de combats glorieux sont permis.



   À mon arrivée sur le parvis de la Monumental je me dirige vers les guichets avec l'espoir d'une bonne nouvelle. Il y a effectivement une affiche annonçant le remplacement d'El Fandi, souffrant, par Adrian de Torres. Je n'ai rien contre le skieur andalou et je vais même jusqu'à penser qu'il est nécessaire pour la tauromachie qu'il y ait des toreros comme lui mais venir à Madrid le voir toréer n'est pas précisément l'objectif d'un aficionado normalement constitué. Ceci dit, pour son remplaçant, engagé sur ses mérites propres, la journée, loin du triomphe rêvé, aura eu une saveur amère. Son premier adversaire fait partie des toros que l'on peut qualifier de vicieux : il charge sans crier gare ou bien alterne douceur et brusquerie dans le même élan. Sa lidia sera un calvaire pour le torero qui prend tous les risques sans avoir les moyens de résoudre les problèmes posés. Il sera pris et repris plusieurs fois, échappant par miracle au pire et semant l'effroi sur les gradins qui finiront par le contraindre à abréger. Une belle et inattendue estocade a recibir, un peu delantera, lui vaudra grosse pétition d'oreille et juste vuelta. Toréer n'est pas se transformer en chair à toro. 
   Après la paliza reçue et un passage à l'infirmerie on préfère penser qu'il n'était pas en possession de tous ses moyens pour toréer son second adversaire, très sérieux lui aussi mais beaucoup plus avenant. On ne l'accablera donc pas de son impossibilité à donner la moindre passe sans se faire accrocher le leurre. Vic-Fezensac où on le verra pour la corrida concours sera un autre jour.
   Juan Leal n'a pas connu lui non plus une bonne journée. Il a certes dû faire face à l'hostilité du 7 (ce qui lui a donc valu en contrepartie la sympathie du reste de l'arène) mais son incapacité à donner une série correcte au bon cinquième a constitué une déception. Et, même à Chueca, ses culerinas finales auraient été jugées vulgaires et déplacées.
   Leo Valadez sera le grand vainqueur de l'après-midi. Son entrega, son jeu de cape spectaculaire (fabuleux quites par crinolinas au 3, par zapopinas au 6), sa faena reposée, classique, dominatrice au 3 (oreille) ont constitué une révélation pour beaucoup. Après une tarde comme celle-ci, le Mexicain mérite sans aucun doute de montrer sa toreria dans les principales ferias de la temporada. On le verra d'ici peu lui aussi à Vic devant les Baltasar Iban.
   Superbement présenté, le lot de Fuente Ymbro, majoritairement cinqueño, a comporté plusieurs toros intéressants. Le premier pour ses difficultés, les troisième et cinquième pour leur bonne caste, tous deux arrastrés sous l'ovation. Tout le monde espérait un bon sixième pour la consécration de Leo Valadez, ce fut hélas le toro de moins de race de la course. 
   Il faut préciser que le lot a eu la chance d'être parfaitement mis en suerte par les matadors puis lidié et piqué  par des cuadrillas d'excellent niveau, avec mention pour Curro Javier et Marc Leal chez les piétons et Juan Bernal, Tito et Alberto Sandoval chez les cavaliers.
 



  

Madrid, vendredi 19 mai

 
   La matinée se passe au campo, à la finca El Pecado Mortal à Colmenar Viejo, haut lieu de l'histoire ganadera madrilène. C'est là qu'est située la ganaderia Los Eulogios, non loin de celle de Flor de Jara. Dans la salle de réception, les fers historiques de Garcia Aleas, Vicente Martinez, Felix Gomez rappellent le riche passé de ces pâturages situés sur les premiers contreforts de la sierra de Guadarrama. Alors que nous ne sommes qu'à la mi-mai, l'herbe est déjà grillée ... Les temps sont durs et la finca est aménagée pour recevoir d'importants groupes. Demain ce sera un repas de communion.
 
 
 



   Manuel Sanz de la Morena possède 200 têtes de bétail  et fournit chaque année quelques novillos (origine Domecq après avoir été  Guardiola Soto) dans les arènes de la région. L'un d'entre eux doit participer en septembre à Las Ventas à une novillada concours de ganaderias de la Communauté de Madrid. Le ganadero ne cache pas qu'il préfère la sensibilité du public de Séville à celle du public madrilène.





   À 19 heures, Las Ventas affiche à nouveau le No hay billetes pour un cartel de toreros qui n'ont pas paru ces derniers temps au meilleur de leur forme.
   Mais c'est à Madrid qu'il faut voir Sébastien Castella.
   Le début de la faena à Rociero, quatrième Jandilla de l'après-midi, porte le public au rouge vif : statuaires, aidées par le bas, desprecios, pechos enchaînés à un toro qui répond parfaitement. Les séries à droite sont remarquablement templées et lorsque le Biterrois veut prendre la gauche, le fort vent qui souffle à ce moment le conduit à intelligemment repousser. Plus tard, au moment opportun, surgit ce qui sera le sommet de la faena, une énorme série de naturelles qui fait rugir Las Ventas. Après l'estocade entière, les gradins se couvrent de blanc pour demander et obtenir les deux oreilles. Sébastien Castella est bel et bien de retour.
   José Maria Manzanares a été absent tout l'après-midi mais la partie festivalière du public - de plus en plus importante à Las Ventas, hélas ! - ne pouvait pas avoir fait le déplacement sans l'applaudir un peu. En d'autres temps une prestation aussi indigente aurait provoqué deux broncas.
   En s'obstinant à toréer le troisième toro qui était un invalide, Pablo Aguado s'est montré pesant, voire indécent.
   On sentait chez les très beaux toros de Jandilla le fond de caste de la maison domecq prêt à affleurer mais, hormis le 4, leur regrettable faiblesse de pattes réduisit leur combat à bien peu de choses.



mardi 23 mai 2023

Madrid, jeudi 18 mai

 
   C'est un plaisir de retrouver, après quelques années de purgatoire, la ville de Madrid et le chaudron de Las Ventas, plus bouillant que jamais, surtout quand, comme ce jour, le cartel est de relumbrón et le No hay billetes placardé depuis longtemps. À l'affiche Morante de la Puebla, un torero pour l'Histoire, El Juli, au sommet depuis 25 ans et Tomas Rufo, jeune triomphateur ici même l'an passé. 
   Les toros d'Alcurrucén sont correctement présentés, mais sans cette étincelle de grâce que donne le vrai trapío; leur caste est en sourdine, dominée par la mansedumbre et la fadeur.
   Après avoir expédié sous la bronca l'infumable premier, Morante répond au quatrième à un quite du Juli. Trois véroniques heurtées mais données avec le minimum de toile et donc extrêmement serrées, et une somptueuse demi lancent le run-run des attentes inconsidérées. Le début de faena avec une courte série à droite d'une sublime toreria met Las Ventas en feu ... Hélas ! le toro manque de race, il ne peut répondre aux exigences de toreo profond du maestro de La Puebla. La faena tourne court, tout s'achève sur une simple ovation renouvelée à la sortie de la plaza ...  Vendredi 2 sera-t-il le jour ?
   El Juli a donné au cinquième une énième leçon de toreo. Aujourd'hui : comment tirer de l'eau d'un puits sec. Son magistère régulièrement répété au cours de ces dernières temporadas a fini par le faire entrer dans les bonnes grâces du public madrilène. Mais, encore une fois, tout s'est évanoui à l'heure de la mort. Son incapacité à bien tuer restera une ombre sur la carrière du torero.
   Avec le meilleur lot, Tomas Rufo a alterné le bon et l'ordinaire. En comparaison de ses compagnons de cartel, il a fait figure de novillero prometteur, lui qui est pourtant déjà sorti par un nombre considérable de grandes portes. C'est ce qu'il en coûte de partager l'affiche avec les plus grands maestros. Il dut en outre lutter contre la vindicte du tendido 7 qui, pour exister, doit se trouver chaque jour une tête de turc. Mon voisin de tendido, un jeune aficionado madrilène, me donne son avis : les gens du 7 ont souvent raison mais leur comportement outrancier et irrespectueux les déconsidère et leur vaut l'hostilité du reste de l'aficion venteña.
 













 

mercredi 3 mai 2023

Trois toreros

 
   Ils n'ont pas ouvert la porte du Prince à Séville lors de la dernière feria d'avril ... et ne l'ouvriront sans doute jamais. On les retrouvera en revanche tout au long de l'année dans des arènes de moindre catégorie mais de grande importance pour les aficionados où ils combattront avec leur savoir-faire et avec leur cœur des toros d'encastes variés.
 
 
                                           Sanchez Vara
 

                                           Alberto Lamelas
 

                                 Maxime Solera

 
 
 
 
 
 
 


mercredi 26 avril 2023

Morante au firmament

    

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 On sait que pour couper une queue dans une grande arène il faut que le torero soit parfait du début à la fin de la lidia. En ce mercredi de gloire 26 avril 2023, Morante de la Puebla nous a livré sa recette.
 
   Soyez sublime à la cape  et ce plutôt trois fois qu'une. D'abord par véroniques qui mettent la plaza debout. Rajoutez après la première pique des tafalleras, prodiges de temple et de profondeur. Après la deuxième pique et un beau quite par véroniques de Diego Urdiales, faites encore monter la pression par des gaoneras très toréées.

   Donnez ensuite une grande faena, classique mais pimentée de quelques génialités. Ne la prolongez pas trop car le public pourrait avoir le mauvais goût de demander l'indulto du toro, ce qui gâterait tout.

   Tuez enfin d'un estoconazo sous lequel le toro résistera juste ce qu'il faut pour montrer sa caste.

   L'œuvre est accomplie. Le président sortira les deux mouchoirs blancs à la fois, puis, devant la pétition, il n'hésitera pas à en tirer un troisième.


NB  On n'oubliera pas de mentionner  celui qui a rendu ce grand moment possible : Ligerito, toro noir de 515 kg, portait le fer de Garcigrande. Il a pris deux piques sans zèle excessif puis a mis la cuadrilla en difficulté aux banderilles. Malgré le nombre considérable de passes  reçues durant le premier tiers il est allé à mas durant la faena de muleta et a été honoré d'une vuelta.
 

 


  

mardi 25 avril 2023

Croquis de la fête taurine (poèmes 4)

 

El Viti

Avec droiture et dignité

Homme 

sans

masque

face à la charge, offert


 

 

Antonio José Galan

Charivari taurin

Mélange de soie et de poivre piquant

Antonio José Galan

 

Folie sauvage de ta joie

Ta joie d’être un homme debout

                  Seul

 

 

Currillo

Currillo

Souple comme le jonc

Ange

Souriant aux détresses futures

 

 


 

 

  






poèmes 3