dimanche 10 septembre 2023

Croquis de la fête taurine (poèmes 7)

 
Nimeño II 
 
Nimeño se meurt. Nimeño est mort pour la tauromachie.
Un toro de Miura l’a renversé et nos rêves de pur toreo avec.
Pauvre Nimeño  seul  dans ta solitude
Esprit prisonnier de ce corps inerte
Rêvant faenas de rêve, déroulant douce muleta de serge
au rythme adouci du toro
Rêve perpétuellement brisé par un toro de Miura
          perpétuellement brisé par un toro de Miura
                                          brisé par un toro de Miura
                                                     par un toro de Miura
                                                            un toro de Miura
                                                                 toro de Miura
  





lundi 28 août 2023

Retour à Bilbao (suite)

 

 
   Retour à des températures normales jeudi et un gros trois quart d'arène pour un cartel très original qui vaut bien cette fois un tendido ombre, file 17 à 73 €.
   Le lot du Puerto de San Lorenzo comprend deux bons toros. Le second est même excellent : brave (belle deuxième pique en partant de loin), encasté, avec un galop puissant et des cornes dont il connait l'usage; le troisième d'une belle mobilité. Mais les autres sont allés a menos, réservant leurs charges, sortant de la muleta en fuyant et cherchant les planches. De ce fait la corrida se termina sur un sentiment de déception et de frustration.
   Après les broncas et insultes de la veille, Morante n'avait aucune raison de répondre à l'ovation initiale destinée à saluer le retour de Roca Rey à Bilbao. En revanche c'est devant le toro qu'il mit les choses au point en signant au quatrième trois véroniques et une demi que seul son génie pouvait donner.Les olés sortent du plus profond, le public est debout, l'ovation tonitruante et la réconciliation scellée (au moins provisoirement).
   On ne voit pas souvent Manuel Escribano (oreille du 2) dans ce genre de cartel; à tort car il constitue pour le public une garantie de spectacle et de professionnalisme.
   Roca Rey (oreille du 3), a medio gaz, tenta de mettre le fuyard sixième dans sa muleta sans y parvenir tout à fait. Il ne possède pas encore la science de maître Ponce, si appréciée en ces lieux.

   Comme l'aller, le retour se fera en bus. Pas de souci de voiture et tarifs très abordables. À Bilbao, la nouvelle gare routière, tout comme celle de Saint Sébastien, offre le même confort qu'un aéroport. Mais, signe des temps, je ne trouve pas le moindre dépôt de presse pour acheter un journal local. En France, les arrêts (Biarritz, Bayonne, Bordeaux) sont des terrains vagues sans même un point d'eau et jonchés de papiers gras. Faut-il voir dans ce manque de respect un lien avec le fait que ce sont essentiellement les pauvres qui utilisent l'autobus pour voyager ? Quant à l'option chemin de fer, elle existe. Je me souviens l'avoir utilisée plusieurs fois à la fin des années 70 lorsque les terroristes d'ETA, entre deux assassinats, prenaient un malin plaisir à incendier les voitures françaises qui se risquaient au Pays Basque espagnol. Mais si la situation politique s'est aujourd'hui largement apaisée, rien n'a changé au niveau des transports ferroviaires. Rejoindre Bilbao en train est toujours un véritable  parcours du combattant qui demande la journée et je n'ai pas l'impression que les choses vont changer de sitôt tant les résistances sont nombreuses (y compris celle des écologistes) sur le développement du rail. Vous avez dit réchauffement climatique ?
 
 
PS : Je me réjouis qu'une des plus intéressantes corridas du cycle ait été celle de Dolores Aguirre, dimanche pour la clôture. Et je déplore qu'elle ne se soit donnée que devant à peine 3000 spectateurs. Misère de l'aficion basque.  
 
 


 
 
Photos :
     El Anatsui - Musée Guggenheim
     Morante de la Puebla - Plaza de toros

dimanche 27 août 2023

Retour à Bilbao

 

    Me revoici à Bilbao pour deux jours, ma dernière venue ici, en 2019, avait été marqué par l'énorme triomphe de Paco Ureña. Beaucoup d'eau a coulé sous le pont de l'Arenal depuis. Il y a eu du bon : la rénovation des arènes par la nouvelle empresa (Chopera/Bailleres) et beaucoup de mauvais : deux années d'interruption par peur d'un virus, une accentuation de la baisse de fréquentation (catastrophique les jours sans figures), et dernier avatar, l'hostilité de la municipalité (PNV) qui a refusé cette année la participation aux festejos taurins de la Banda Municipal de musique et ne mentionne plus les corridas dans le programme des fêtes. En contrepartie, l'empresa a pris l'initiative de financer une campagne de publicité dans la ville. Initiative heureuse qui se doit d'être portée à son crédit. Les rues et le tramway sont pavoisés, nul à Bilbao ne peut ignorer qu'on y donne des corridas et je dois dire que c'est une belle satisfaction pour l'aficionado de se promener dans une ville au milieu de magnifiques photos de toros et portraits de toreros. Il est nécessaire aujourd'hui d'affirmer notre culture dans son histoire et sa tradition mais aussi dans sa réalité contemporaine. Sans complexes ! À Bilbao, c'est en s'appuyant sur l'existence des Corridas Generales que l'Aste Nagusia (Semana Grande) a vu le jour et aujourd'hui la corrida reste le spectacle des fêtes capable de réunir le plus grand nombre de spectateurs payants. 

   La petite demi arène de ce jeudi montre toutefois qu'il reste du chemin à parcourir. Il faut dire que la température extrême (44° à l'ombre) n'a pas incité les non possesseurs de billet à se déplacer. Sans compter que le prix des places aux tendidos de sombra est lui aussi extrême : de 194 € la barrera à 73 € la file 19. Un calcul sommaire permet de se rendre compte que pour simplement 1000 places vendues l'empresa empoche largement plus de 100 000 € ! Je n'ai rien contre le fait de faire payer les riches (et il y en a beaucoup dans une ville comme Bilbao) mais les gens ne sont pas non plus des gogos, ce qui explique que, alors que les tendidos ont du mal à se remplir, la galerie ombre (la partie la plus haute de l'arène) où les places sont à 16.50 €, est toujours copieusement garnie. 
   Ayant estimé que voir lidier une corrida de Juan Pedro Domecq ne méritait pas de frais excessifs c'est là que je me trouvais. On y perd incontestablement en émotion si le combat est rude, beaucoup moins si le travail est artistique et l'endroit est parfait pour juger du placement des toreros. À ce sujet, j'ai noté l'effort de sincérité de Manzanares à son premier toro avant qu'il ne retombe dans le néant taurin à son second. En tout état de cause ses deux domecqs furent sous-employés. Mais lorsque à la fin de la corrida, devant les arènes, José Maria a passé un très long moment à se faire photographier et à signer des autographes, j'ai compris qu'il était, à cet instant précis, en train d'accomplir ce pourquoi les organisateurs l'avaient embauché.
   J'attendais si peu des JPD que je ne les ai pas trouvés si mauvais que ça. Excellemment présentés (Bilbao oblige), ils sont allés au cheval avec facilité et quatre d'entre eux n'ont pas par la suite offert de grandes facilités aux toreros. C'est sans doute ce qui leur sera reproché, tant aujourd'hui, aussi bien parmi la majorité des critiques que parmi les aficionados des plus grandes arènes espagnoles, un toro n'est pas bon s'il ne met pas la tête au raz du sol en faisant l'avion. C'est devenu quasiment le seul critère d'excellence. 
   Les deux qui ont offert des facilités échurent entre les mains d'Alejandro Talavante qui sut en profiter. L'Extremeño semble être dans un moment heureux. Détendu, souriant, faisant preuve d'un répertoire varié, tueur sûr, il se montra torero tout au long de la soirée, coupa trois oreilles et sortit a hombros de Vista Alegre. Mais il faut relativiser ce triomphe car le sixième domecq, d'excellente bravoure et noblesse était aussi le plus faible de l'envoi et il ne permit pas au maestro de donner la faena profonde que les aficionados attendaient et qu'il semblait en capacité de donner.
   Morante connut une journée noire. Rien à son premier toro : bronca. Dès sa sortie le second le serre, Morante se précipite vers la barrière, la franchit difficilement, aidé par le toro et retombe violemment sur le ciment de la contrepiste. On craint le pire mais le maestro se relève. Il tentera malgré tout de donner faena à ce toro avisé lorsque, des gradins, fuse une insulte. Le maestro de la Puebla va aussitôt chercher l'épée de verdad  et, sous la bronca, en finit avec le toro sans autre forme de procès. Le public de Bilbao n'a jamais brillé par sa subtilité ni par ses compétences, de ce point de vue les temps ne changent pas.

(à suivre)


samedi 19 août 2023

Retour en photos sur la novillada de Yonnet à Roquefort

 
Le terrible premier novillo (arrivé quelques heures avant la novillada pour remplacer un novillo blessé par ses congénères) a jeté l'effroi dans la piste.
 



 
 
 
 
José Antonio Valencia montra envie et métier face à ses deux adversaires.

 

 

 

 Il y eut un autre torero dans l'arène : Mathieu Guillon

 

 

 

José Rojo n'a pas démérité avec les tissus mais il arma le scandale avec les aciers.


Merci à Laurent Bernède pour ses photos.
(On peut cliquer dessus pour les agrandir)



mercredi 16 août 2023

Psychose

 

 
   Ce fut une longue soirée : trois heures de combat entre des toros et des hommes. Où l'on fut pris en permanence entre deux émotions : la tension et l'intérêt suscités par une lutte sans merci qui constitue le fondement de la corrida, la tristesse, voire le dégoût devant le mauvais vouloir ou l'incapacité de certains des acteurs bipèdes.
   Par son réel danger, le premier novillo donna le ton de la course. Un animal puissant, astifino, manso refusant les piques puis se réfugiant au toril et surtout, sautant à la gorge de qui l'approchait, et ce dès la première passe de cape. La panique des gens à pied ne fit qu'aggraver le problème mais elle était justifiée et compréhensible en raison de la dangerosité extrême de la bête. Dès lors un climat de psychose s'instaura qui transforma les plus médiocres des acteurs (et il y en avait beaucoup en ce dimanche 13 août sur le sable de Roquefort) en marionnettes totalement inhibées et incapables du moindre geste taurin.
   Le problème c'est qu'il restait cinq Yonnet à tuer. Tous magnifiques, puissants, braves ou mansos con casta, mais dont aucun ne possédait le caractère assassin du premier. Un lot de grand intérêt qui en d'autres circonstances et avec d'autres lidias aurait pu se révéler meilleur encore. 
   Difficile moment pour les corridas toristes, trop souvent condamnées a être lidiées par des incompétents par le fait que les meilleurs toreros (y compris dans le rang des novilleros) refusent de les affronter.
   Il faut toutefois mettre à l'honneur ceux qui ont, ce jour, accompli leur tâche avec dignité. En premier lieu José Antonio Valencia. Le Vénézuélien, d'une grande vaillance, parvint à construire deux faenas qui rencontrèrent de l'écho dans le public. La belle mort du sixième par une estocade delantera d'effet fulgurant, le toro chargeant le maestro dans un dernier élan de caste et mourant à ses pieds, lui permit de couper une oreille et de terminer la soirée dans une alegria qu'elle n'avait jusqu'alors jamais connue. Mathieu Guillon "El Monteño" en deux belles paires de banderilles (salut) montra le grand professionnel qu'il était. Enfin les piqueros accomplirent leur office plutôt correctement en 15 dures rencontres.
   Cette inconfortable après-midi de toros rappela aux vieux habitués de la Monumental des pins d'autres tardes du même acabit, fréquentes dans les années 80 et 90. On se souvient en particulier de la terrible novillada d'Infante da Camara qui, en 1983, avait créé chez les porteurs de coleta un mouvement de panique identique à celui de ce jour. Où bien les Barcial de 1996 dont le premier avait envoyé Francisco José Porras à l'hôpital, créant le même état de psychose que ce jour.
   Des après-midis d'émotion pour rappeler que la tauromachie c'est aussi cela.
 
Roquefort, dimanche 13 août 2023, six novillos de Yonnet, imposants, pour Diego Peseiro (à la dérive), José Rojo (tueur calamiteux) et José Antonio Valencia (valiente). 




photos : Laurent Bernède
  

mercredi 2 août 2023

Dimanche 13 août : le retour des Yonnet à Roquefort

 

 
   En 2005 et 2006, les novillos de Yonnet ont déjà foulé le sable roquefortois avec succès. On se souvient notamment de Cassaïre, grand novillo honoré d'un tour de piste en 2005 (voir ici). 
   Auparavant, au début des années 90, Hubert Yonnet avait été un temps organisateur apprécié de la novillada des fêtes.
   On attend  avec intérêt le combat des novillos des héritiers de Hubert Yonnet d'autant qu'ils semblent actuellement dans un bon moment.
 

   
   
   Le matin, le cartel de la novillada non piquée ne manque pas lui non plus d'intérêt avec variété d'encaste (Atanasio chez Malabat, Santa Coloma chez Turquay et Domecq pour Le Lartet et Alma Serena) mais aussi la présence de Javier Zulueta qui a récemment enflammé par son art le public de la Maestranza. (PS : On apprend que le Sevillan Javier Zulueta s'est désisté et sera remplacé par le Péruvien Pedro Luis.)
 
 
 


lundi 31 juillet 2023

Croquis de la fête taurine (poèmes 6)

 
Miura
 
Aujourd'hui tout est différent
L'attente
Les gestes
Vous êtes là mythiques Miura 



Fraile

Ah !
La caste
des Fraile
pour le bonheur d'une arène en ébullition
en ces dimanches d'août  à Bayonne



Pablo Romero
 
Beaux pâles héros morts
sortis
du moule
de la chimère et de la perfection 
 







mardi 25 juillet 2023

Mont-de-Marsan 2023 (suite)

 Samedi 22 juillet
Toros de La Quinta (vuelta au cinquième Corchaito) pour Daniel Luque (une oreille, une oreille), Emilio de Justo (silence, deux oreilles) et Clemente (silence, une oreille)
 
Points positifs : 
   - Après son bajonazo de jeudi, Daniel Luque nous devait une estocade, elle vint au quatrième : estoconazo, mort instantanée du toro et oreille.
   - Face au cinquième, un toro en or, l'entrega ou plutôt le survoltage d'Emilio de Justo, depuis la puerta gayola jusqu'à l'estocade contraire finale lui a valu un chaleureux triomphe.
   - La révélation Clemente
Lorsque sort le sixième La Quinta, le Bordelais sait qu'il joue son va-tout. Il débute par trois farols à genoux, le dernier extrêmement risqué dans les terrains du centre. Suivra une très grande actuation face à un très bon toro. La faena est complète, artistique, variée, le toro est dominé mais sur la tentative de recibir, le torero est pris et blessé au mollet, malgré la douleur, en boitillant, il poursuit le combat, estocade, descabello, émotion générale et grosse oreille avant départ pour l'infirmerie. Nous venons de vivre le moment le plus fort, le plus émouvant de la feria.
Beaucoup découvraient Clément Dubecq ce jour et pourtant il y a dix ans déjà il se présentait en novillada piquée à Captieux ... (voir ici)
   - La belle attitude des deux maestros qui par respect pour le compagnon blessé décident de sortir à pied plutôt qu'à hombros comme l'arithmétique taurine le leur aurait permis.

Points négatifs :
   - La présentation très déficiente de deux La Quinta (les 1 et 3), anovillados. Cela fait sept toros qui dans cette feria étaient, même s'il possédaient l'âge légal, plus proche du novillo que du toro. Sept de trop pour une arène qui est classée en première catégorie.
   - Dans la petite brochure distribuée à l'extérieur des arènes par la peña Los Pechos, le rédacteur fait la différence entre un toro docile et un toro noble. Il est écrit : "Le toro docile ou soso, est fade et candide. Il répond niaisement aux sollicitations sans jamais chercher à être dangereux. Il collabore plus qu'il ne combat." Il m'a semblé que cette définition s'appliquait parfaitement à la plupart des La Quinta du jour. On exceptera le 2, plus encasté, et le 6, le plus complet du lot.
   - La gestion de l'après-course a été calamiteuse (public captif dans les arènes et public à l'extérieur qui attendait pour pénétrer dans une plaza déjà pleine) et aurait pu avoir des conséquences graves. Tout ça pour un concert de bandas ! Sans compter la suspicion qui s'installe : s'achemine-t-on à Mont-de-Marsan vers un hold-up à la dacquoise avec corrida suivie de concert qui permet de remplir les arènes avec un cartel faiblissime et bon marché ?


Dimanche 23 juillet
Toros de Pedraza de Yeltes pour Rafaelillo (salut, vuelta), Alberto Lamelas (salut, silence) et Thomas Dufau (silence et despedida)

Points positifs :
   - Par leur présence physique, les toros de Pedraza apportent à la corrida une émotion particulière. Tout ce qui se réalise devant eux prend de l'importance. S'ils n'ont pas atteint aujourd'hui la perfection des deux précédentes années, leur bravoure mêlée à une pointe de mansedumbre a contribué à une tarde souvent vibrante et a permis quelques beaux tercios de piques. Pour moi, le lot le plus intéressant de la feria.
   - Les adieux réussis de Thomas Dufau
Un hommage officiel en début de course, un émouvant brindis à sa cuadrilla et à son équipe au sixième et pour finir une sortie a hombros de despedida sur les épaules de ses compagnons toreros ont marqué les adieux de Thomas Dufau à la plaza montoise, celle où il a le plus toréé et où il a toujours donné le meilleur de lui-même. Mais le plus important est peut-être la très bonne faena que Thomas a réussi à construire au bel et bon dernier Pedraza. Une faena au cours de laquelle il s'est senti torero et a pu montrer le très bon niveau qu'il est parvenu à atteindre après douze ans d'alternative. Et finalement l'échec à l'épée n'a été que le témoignage de ce qui, durant sa carrière, a constitué son talon d'Achille.

Points négatifs :
   - Être spécialiste des corridas dures use. Pour un Rafaelillo qui, avec un belle dose de roublardise, comme il en a fait preuve ce jour, a réussi à durer, d'autres se sont usés prématurément. Alberto Lamelas s'est trouvé aujourd'hui en grande difficulté. En particulier face au redoutable cinquième dont la caste l'a débordé à tel point qu'il a dû renoncer au combat et aller chercher l'épée.
 
 
   Bien que sans corrida complète, cette feria laissera le souvenir de nombreux moment forts. Elle connut un grand succès public auquel ne sont pas étrangers des cartels variés et bien équilibrés. On regrettera toutefois la présentation insuffisante de certains toros, en particulier lors des corridas de figures.




lundi 24 juillet 2023

Mont-de-Marsan 2023

 

 
   Chaque jour de cette feria de la Madeleine a connu d'excellents moments mais aussi des insuffisances que les aficionados se doivent de notifier car, au Moun comme ailleurs, la partie la plus festive du public se contente parfois de peu au risque de faire baisser le niveau et l'intérêt des corridas.
   Cette dichotomie justifie mon bilan en deux parties, d'une part les points positifs qui correspondent aux satisfactions, voire aux grands moments que l'on a vécus durant la feria; d'autre part les points négatifs, ceux qui contribuent à la tirer vers le bas.

Mercredi 19 juillet
Toros de Garcigrande pour Roca Rey (une oreille, une oreille), Tomas Rufo (silence, silence) et Yon Lamothe qui prenait l'alternative (silence, une oreille).

Points positifs : 
   - Le tercio de piques du cinquième qui pousse avec violence et projette le piquero dans le callejon. Un Garcigrande ! Au Plumaçon ! 
   - Faraon, sixième toro de Garcigrande, negro burraco qui remate au burladero, pousse sous deux piques, se remet sans problème d'une vuelta de campana, charge avec codicia sur les deux cornes, tête au raz du sol et résiste à la mort. Un toro brave. Pour moi, le meilleur de la feria.
   - La bonne prestation de Yon Lamothe (une oreille) face à ce même Faraon pour une alternative réussie.
 
Points négatifs :
   - La présentation déficiente de quatre des Garcigrande, anovillados.
   - La copie blanche rendue par Tomas Rufo à chacun de ses adversaires; il se montra long, ennuyeux, sans pouvoir donner une seule passe limpia. Un torero dans le bache ?


Jeudi 20 juillet
Toros d'El Pilar pour Sébastien Castella (silence, silence), Daniel Luque (deux oreilles, silence) et Dorian Canton (une oreille, silence).

Points positifs :
   - La faena de Daniel Luque au second toro, remarquable de technique, de doigté et d'élégance.
   - La révélation auprès du public montois de Dorian Canton dont le toreo d'une grande sincérité et pureté s'appuie aussi sur une volonté de fer.
 
Points négatifs :
   - La présentation du premier El Pilar, anovillado et cornicorto.
   - Le comportement des trois derniers Pilar, de charge fade, décasté.
   - L'estocade de Daniel Luque au second, un bajonazo qui aurait dû empêcher l'octroi des deux oreilles.
 
 
Vendredi 21 juillet
Toros de Cebada Gago pour Lopez Chaves (silence, silence), Fernando Robleño (silence, vuelta) et Jesus Enrique Colombo (une oreille, vuelta)
 
Points positifs :
   - La présentation des Cebada Gago, comme toujours d'une grande finesse de type et porteurs d'armures astifinas.
   - L'excellente faena de Fernando Robleño au cinquième. En trois séries de derechazos qu'il fallait déguster comme se dégustent les mets rares et précieux, le Madrilène a montré quel grand torero classique il était. J'ai bien l'impression qu'une partie du public, habituée aux passes longues et marginales ou aux tournoiements sans fin du toreo qui se pratique majoritairement aujourd'hui, n'a pas compris toute la beauté du toreo de Robleño.
   - Les estocades de Colombo auront marqué cette feria. Après la course on ne parlait que de ça dans les buvettes autour des arènes ... en cherchant à comprendre. Jesus Enrique est à revoir rien que pour ses estocades.
 
Points négatifs :
   - On ne s'appesantira pas sur la mansedumbre et la mala casta des toros de Cebada Gago, eux qui nous ont valu tant de tardes d'émotion. 
   - Les banderilles à cornes passées du Vénézuélien sont un problème. Le grand public applaudit parce que le torero donne beaucoup d'avantages au toro (qu'il n'assume pas à l'instant de la pose) mais les
aficionados sont consternés. Une solution : citer de plus près, de manière plus classique et clouer face aux cornes comme l'ont si bien fait durant cette feria Mathieu Guillon, Manolo de los Reyes, Fernando Sanchez, Perez Mota, Ivan Garcia, Victor  del Pozo (et j'en oublie sans doute).
 
 
                                          très belles véroniques aussi de Robleño à son premier cebada
 
 
à suivre...
 
 
  

mardi 18 juillet 2023

Céret (suite)

   

 
   
   Après une première expérience décevante (voir ici), la présentation irréprochable des toros de Saltillo et d'Escolar Gil ainsi que des novillos de Los Maños m'a permis, cette fois, d'apprécier la feria cérétane sous son meilleur jour. La qualité d'une feria vient essentiellement des élevages qui sont proposés et de leur présentation mais d'autres éléments peuvent rentrer en ligne de compte. J'ai également apprécié durant les deux jours passés dans la plaza catalane la chaleur du public lorsque les toreros faisaient les choses bien. Il y a aussi l'extraordinaire qualité de la Cobla Mil.lenària dont la musique possède une force émotionnelle incomparable.
   Si la présentation des toros fut un grand sujet de satisfaction, la déception est venue de leur comportement à la pique. Peu d'entre eux ont poussé de verdad sous le caparaçon, non par manque de moyens physiques mais par défaut de bravoure. Et comme de leur côté les piqueros se sont montrés d'une grande médiocrité, le bilan de la feria reste décevant de ce point de vue.
   Mais n'oublions pas que ce qui fait aussi le succès d'une feria toriste, ce sont, paradoxalement, les toreros. Si l'âge d'or de la corrida toriste dans les années 80 du siècle passé est lié aux grands moments que connurent alors les ganaderias de Victorino Martin, de Miura et de Guardiola, il est aussi redevable aux excellents toreros qui les affrontaient, à savoir Ruiz Miguel, Victor Mendes, les frères Campuzano, Luis Francisco Espla, Nimeño II pour ne citer que les principaux. C'est en ce sens que l'éclosion d'un torero comme Gomez del Pilar est une excellente nouvelle pour les corridas toristes. Sa prestation cérétane face à ses deux Escolar Gil a été d'un haut niveau, le maestro alliant entrega, dominio et pureté du toreo.
  La corrida d'Escolar Gil a généré de l'émotion en permanence par sa caste et sa dangerosité. Alvaro de la Calle en fit les frais face au premier, un toro réellement démoniaque. La plaza ne fut qu'un long cri lorsque, après l'avoir pris lors de l'estocade, le toro s'acharna sur lui alors que tous les toreros étaient venus au quite. Par bonheur, la blessure n'est pas aussi grave qu'elle aurait pu être. On souhaite revoir le Salmantin, dont la probité, à l'image de son toreo, mérite un meilleur sort. On souhaite aussi que les toros de José Escolar fassent preuve dans leur évolution d'une bravoure plus franche, aussi bien à la pique que face aux leurres. L'intérêt de la tarde a beaucoup tenu à la qualité et au sens des responsabilités des trois matadors (Alvaro de la Calle, Javier Cortes, Gomez del Pilar).
   Le dimanche matin, la novillada de Paloma Sanchez Rico de Terrones, très attendue parce que issue d'un encaste devenu rare (Gamero Civico), a été finalement intégralement remplacée par un encierro de
Los Maños. La déception des aficionados fut compensée par la bonne qualité du lot des buendias aragonais. Il y a peu à dire des novilleros si ce n'est que le portugais Diego Peseiro, bon banderillero, fut, des trois, celui qui fit preuve de plus de personnalité.
   Le succès public de la feria est encourageant pour l'avenir. Que de nombreux Céret de Toros voient encore le jour ! La fiesta le nécessite.


Céret

 


 
Samedi 15 juillet 2023               Céret (Pyrénées Orientales)
temps couvert
trois quarts d'entrée
 
Six toros de Saltillo de présentation impressionnante et de comportement varié (18 piques) pour Sanchez Vara (silence, vuelta), Damian Castaño (une oreille, silence), Maxime Solera (salut, silence).
 
La présentation majuscule du lot de toros de Saltillo dont l'effet était encore augmenté par les sorties de bolides que tous ont effectuées était de nature à effacer le pénible souvenir que m'avaient laissé les Miuras de 2017. Un lot donc à la présentation exceptionnelle, aux armures terrifiantes et au comportement varié, maintenant en permanence l'intérêt dans le ruedo.
Le déroulement de la corrida pourrait se découper en trois tiers. Une première partie avec deux toros très difficiles. Le tambour major poussa fort aux deux premières piques (ce fut le meilleur des six dans ce domaine) mais il sortit seul de la troisième. Ce fut par la suite un toro con mucho que torear comme l'on dit dans le jargon taurin. Le second, très encasté, cherchant l'homme sournoisement, fut très bien torée et dominé par Damian Castaño qui coupa une oreille après une entière delantera.
Changement total avec les deux toros suivants beaucoup plus abordables. Le troisième révélant une grande noblesse, faisant l'avion sur les deux bords, avec une charge longue et pastueña comme peuvent avoir  parfois les toros de cet encaste. Maxime Solera, qui l'avait accueilli par de belles véroniques, resta trop marginal dans son travail de muleta pour emporter l'adhésion des étagères. Il était trop tard lorsque, en fin de faena, il tenta de se centrer davantage. Le quatrième fut du même acabit mais sur une seule corne, la droite. Sanchez Vara le toréa avec temple mais à bout de bras et sur le pico en permanence. Étrange manque de confiance de la part d'un torero aussi aguerri ! En revanche, lorsqu'en fin de faena il cita pour une naturelle, le toro lui vint directement dessus et lui ouvrit la taleguilla.
Avec les deux derniers toros, la corrida se termina, hélas, dans une grande confusion. Se laissant influencer par un quarteron d'intégristes à mouchoir vert, le président crut bon de changer le cinquième toro pour une légère boiterie du train arrière qui ne l'avait pas empêché de recevoir trois piques. C'était le toro le plus impressionnant du lot et la stupéfaction et le désappointement furent grands de voir sortir à sa place un sobrero de Los Maños qui faisait par comparaison figure de liliputien. ¡ Un despropósito !
Enfin, un ciel couvert, la nuit tombante et un éclairage défectueux firent que le sixième toro fut lidié dans une pénombre désagréable pour le public et dangereuse pour les toreros.
 

dimanche 25 juin 2023

Corrida de La Brède 2023

 
   Après Captieux dont la novillada a eu lieu le dimanche 4 juin (et a pâti de la caste médiocre des Alcurrucén) c'était au tour de La Brède de donner en ce samedi 24 juin et avec une belle affluence, le deuxième spectacle taurin du département de la Gironde. La plaza de la cité de Montesqieu a deux particularités : celle d'être la plus septentrionale du monde taurin et celle de voir chacune de ses corridas précédée par un discours de son maire. Avec les péripéties de l'automne dernier, Michel Dufranc, avocat de son état, avait cette année de quoi alimenter son éloquence, ce dont il ne se priva pas. Puis ce fut au tour de l'orchestre de jouer une belle chanson d'amour suivie d'un chant guerrier et raciste. La corrida pouvait commencer. 
 


   Les manifestations anti-taurines ont pris à La Brède une forme peu conventionnelle mais très efficace. Celle de la musique agressive de la fête foraine toute proche à laquelle s'ajoute l'ombre d'une machine infernale portée sur le ruedo qui tourne et perturbe la lidia. Insupportable !
 

   Minos, troisième toro de Margé, le plus beau de l'après-midi dans un ensemble inégal. Le quatrième, Seigneur, fut honoré d'une vuelta posthume pour son émouvante résistance à la mort, bouche fermée jusqu'à la dernière seconde. Tous manquèrent de poder (six piques), de charge vive les quatre premiers, mansos les deux derniers.
 

Avec trois oreilles coupées, le Bordelais Clément Dubecq ''Clemente'' fut le triomphateur numérique de la tarde.
 
 
   Par son élégance et son temple, El Rafi (une oreille, une oreille) laissa une excellente impression à son premier adversaire.
 
 
 
   Maxime Solera (une oreille, silence) tua avec efficacité et rapidité. C'est nouveau pour lui et constitue si cela se confirme un réel progrès.
 
 
   À la veille du mano a mano de Saintsever, Sébastien Castella était présent sur les gradins avec son équipe. Ils avaient trouvé un endroit ombragé et discret, ce qui n'empêcha pas, outre deux brindis, la ronde des salutations et des sollicitations. Le hasard m'avait placé tout près de lui mais je gardais pour moi l'admiration que je lui porte. Héros, prière de ne pas déranger !
 

 
 




  


vendredi 23 juin 2023

Rubén Amón, La fin de la fête : citations

 

 
   "Les corridas sont devenues un art dérangeant et subversif. C'est d'ailleurs peut-être, paradoxalement, la meilleure manière de les préserver. De les libérer du lieu commun selon lequel la tauromachie serait ... conservatrice. "  (p. 141) 

   "Vox intoxique la tauromachie chaque fois qu'il la présente à ses propres fins comme une tradition celtibérique et identitaire. Savent-ils que le torero le plus important de ces dernières années est un Péruvien ? Que les arènes de Madrid sont dirigées par un brillant imprésario français, Simon Casas ? La tauromachie est méditerranéenne, transatlantique et, bien entendu, ''espagnolissime'', mais pas comme une chanson de Manolo Escobar, sinon comme un reflet culturel d'insolence et de subversion."   (p.14)
 
   "De tous les malentendus qui menacent la tauromachie, l'attaque des écologistes est sans doute le plus incompréhensible et le plus révoltant. Plus les sociétés ''occidentales'' prennent conscience de la menace environnementale, plus les toros devraient être considérés comme un modèle absolu de préservation et d'organisation des habitats naturels. (...)
   Les biotopes de dehesas et de marismas sont les exemples mêmes de la contribution bénéfique des toros à l'écologie. Tant pour des raisons quantitatives - un demi-million d'hectares occupés dans la péninsule ibérique - que pour des raisons qualitatives. Là où paissent et courent les troupeaux braves, on ne peut qu'observer la richesse des ecosystèmes et la diversité des espèces animales et végétales."   (p.183)

   La grâce serait le prétendu joker qui redonnerait à la tauromachie sa dignité, le recours par lequel nous pourrions éluder le dénouement essentiel du rite. La vie est pardonnée, si le toro est exceptionnel. C'est un point de vue qui pourrait s'avérer dangereux car, au-delà de la multiplication des grâces qui laisse entendre une interprétation toujours plus clémente du caractère exceptionnel, l'idée ouvre de plus en plus la voie à l'instauration d'un spectacle sans mort. L'exception peut risquer de devenir la règle.        (p. 136)
 
   La tauromachie ne doit pas renoncer au centre de gravité de son existence, la mort, ni transiger avec les réformes qui tenteraient de transformer la grand-messe en un phénomène plus accessible et édulcoré. Les toros ne sont ni immoraux ni malsains, bien que le débat simpliste proposé par notre société déshumanisée et ''animalisée'' tende à présenter les corridas comme des spectacles cruels et athlétiques.
   Ils serait même préférable qu'elles disparaissent totalement plutôt que de voir s'imposer des formules de spectacles hypocrites, et adaptées à la tolérance d'une société urbaine qui ne cesse de cacher la mort et de transformer ses animaux de compagnie en autant de placebos enfantins.   (p.339)
 
   Mais ne dramatisons pas. La tauromachie a tout de même franchi le seuil du XXIè siècle encore auréolée de prestige et d'avenir. Plus elle respectera ses fondements et plus elle sera authentique, moins elle aura de raisons de se sentir intimidée. Le danger viendra des accommodements, des formules édulcorées et des concessions faites à l'asepsie réclamée par une société avide de moralisation et d'interdiction.   (p. 346)
 




Photos : Velonero
              Laurent Bernède
  
 
 


mardi 13 juin 2023

Trois livres

 
   Face aux puissantes forces qui voudraient nous imposer une société uniformisée et qui font de l'interdiction de la corrida un cheval de bataille, le monde taurin a, ces dernières années, plutôt bien résisté. En témoigne le nombre de corridas et de spectateurs qui s'est maintenu, voire a augmenté, après avoir subi de plein fouet crises économiques et sanitaires. En témoignent aussi les liens qui se sont resserrés chez les aficionados pour combattre cette nouvelle idéologie qui a inventé, contre l'Homme rendu coupable de tous les maux, une nature totalement idéalisée. Car il s'agit aujourd'hui pour nous, aficionados, de défendre de manière décomplexée notre passion, mais aussi de combattre ces nouvelles ligues de vertu qui se voudraient les nouveaux tyranneaux d'une humanité aseptisée et qui sont passées maîtres dans l'art d'investir médias et mouvements politiques.
 
   Deux livres ont paru ces dernières années sur des tons différents mais avec le même objectif de redonner foi et fierté aux aficionados.
   Ce fut d'abord José Miguel Arroyo "Joselito" qui, dans La corrida expliquée à ma fille a remis en cause, dans un style direct et efficace, tous les poncifs de l'animalisme de salon.
 

 

  Plus récemment, le journaliste Ruben Amon, dans La fin de la fête, analyse le malentendu grandissant entre une partie de la société espagnole et le monde taurin. Il montre également l'attraction que continue d'exercer dans le monde contemporain la tauromachie devenue "espace de subversion et de résistance à la normalisation".
 

 
 
   Enfin (signe des temps ?) un vrai roman taurin vient d'être publié par les éditions Gallimard dans la célèbre collection Blanche. La romancière Camille de Villeneuve nous fait partager les doutes et les espoirs d'un torero femme et de son entourage à la suite d'une grave blessure. Le dernier torero, un roman d'aujourd'hui ...





mercredi 7 juin 2023

Miraflores de la Sierra

 




 Samedi 20 mai 2023        Miraflores de la Sierra (Madrid)
 beau temps frais
 un quart d'arène

 Six novillos de El Alamo (1, 3, 5) et de Aurelio Hernando (2, 4, 6) (six piques, discrets d'armure, mobiles) pour Ruben Nuñez (salut, vuelta), Jesus de la Calzada (salut, une oreille) et Alejandro Chicharro (deux oreilles, une oreille).

 Dans la Sierra de Guadarrama, à une cinquantaine de kilomètres de Madrid, la plaza de toros de Miraflores de la Sierra accueillait une novillada du circuit de la Communauté de Madrid. Ces cycles de novilladas organisés par la Fundación del Toro de Lidia et certaines régions permettent de maintenir un spectacle (la novillada) essentiel à la formation des jeunes toreros et au développement de l'aficion.
 Les novillos d'El Alamo, d'origine nuñez, de petit format, furent des mansos querenciosos. Plus braves mais manquant de pattes, les Aurelio Hernando sont eux des purs veraguas issus des ventes réalisées par Juan Pedro Domecq à la fin des années 30. Malgré leurs défauts, tous firent preuve de vivacité dans leurs charges ce qui maintint l'intérêt de l'après-midi.
 Face au meilleur novillo de la tarde (le 4 de Aurelio Hernando), le Mexicain Ruben Nuñez perdra à la mort le bénéfice d'une actuation de bon niveau placée sous le signe de la volonté et de la variété. Jesus de la Calzada fait lui aussi preuve d'une entrega constante mais, malgré sa grande taille, il connaitra des problèmes à la mort. Le local Alejandro Chicharro fut le triomphateur de l'après-midi. Devant famille et amis, il réussit tout ce qu'il entreprit, fit preuve de sincérité et d'efficacité à la mort. Enfin il parvint à dominer le dernier novillo, un imposant melocoton peu piqué qui avait violemment accroché un banderillero.
 

lundi 5 juin 2023

Croquis de la fête taurine (poèmes 5)

 
Madrid
 
Madrid aux quarantièmes rugissants
cris 
de haine
Ou olés de joie profonde 




Ruiz Miguel

Seul au centre du ruedo
La rage
au ventre
Et ce toro de Miura qui veut la guerre !




Paco Camino

Offrir des chicuelinas avec tant 
de douceur
et de grâce
Est-ce possible ou n'est-ce qu'un rêve ?






 
















jeudi 1 juin 2023

Vic 2023 : un grand cru (3)

 
 
La corrida de Baltasar Iban
 
   Déjà deux corridas réussies. Mais nous n'étions pas au bout de nos joies car les Baltasar Iban allaient faire passer sur les arènes Joseph Fourniol le grand souffle de la bravoure. Ce fut une corrida bravissime au cheval, comme on en voit peu dans une temporada et je dirai même dans une vie d'aficionado ... Je me souviens encore de l'extraordinaire bravoure d'une novillada d'Isaias y Tulio Vazquez en 1984 à Saint Sever car, comme le dit remarquablement Nicolas Rivière dans Campos y Ruedos à propos des Ibanes : 
"-Et les toros qui ont été tués là, qu'est-ce qu'on en fait après ?  
- On s'en souvient."
   On se souviendra donc de Pardal, de Provechoso, de Provechito, de Santanero, de Lastimoso et de Costurito. De leurs assauts sans fin contre les chevaux, des chutes énormes qu'ils provoquèrent parfois, de leur élan brutal vers la cavalerie et du choc assourdissant qui remplissait toute l'arène lorsqu'ils rencontraient le peto. 
   Merci donc à feu don Baltasar et à tous les responsables de la ganaderia pour toutes les joies passées, présentes et à venir offertes aux aficionados par leurs toros de passion et de feu.

   Morenito de Aranda est un drôle de type. Cet excellent torero, qui n'a jamais possédé la volonté de domination qui fait les emmerdeurs, les dictateurs ou les figures du toreo, avait décidé, aujourd'hui, à Vic, de s'agenouiller au centre du ruedo pour recevoir son premier toro. On frôla la tragédie de très peu et Morenito, malgré une blessure à l'aisselle lidia et toréa remarquablement son adversaire (oreille). Il est sans doute rentré ce jour dans le cercle restreint des toreros de Vic.


La corrida de Rehuelga

   D'aucuns penseront que Daniel Luque en réalisant deux faenas de qualité supérieure, dont un faenon au quatrième toro, a instillé auprès du public vicois le venin du torérisme. Ils ont bien tort car la tauromachie est une et l'on peut très bien apprécier, comme l'a fait l'ensemble du public, dimanche la bravoure d'un grand lot de toros et lundi l'art d'un grand torero. A condition bien sûr que cet art advienne devant des toros dignes. Ce qui était le cas avec les Rehuelga, magnifiques de trapío, astifinos, brave et nobles, avec la douceur que possède souvent l'encaste santa coloma.
   Il n'en reste pas moins vrai que le plaisir et la joie ne sont obligatoires pour personne et que certains aficionados avaient décidé de ne pas se rendre à la corrida du lundi, de même que de nombreux aficionados aquitains ne mettent jamais les pieds à la feria vicoise parce qu'ils ne goûtent pas ses rudesses. Cada uno en su casa y Dios en la de todos, dit le proverbe espagnol.
   L'autre intérêt de la tarde résidait dans la despedida de Lopez Chaves. On préfèrera, à son sujet, se souvenir de sa grande journée de 2021 face aux toros de Hoyo de la Gitana. Il avait ce jour-là frôlé la perfection.



   Au bilan si positif de la feria il ne faut pas oublier la part qui revient à la cavalerie d'Alain Bonijol. La bravoure des Baltasar Iban aurait-elle été si flamboyante si, dès la première rencontre, les toros s'étaient fracassés contre un mur ? Chaque jour, la mobilité et la souplesse des chevaux ont été remarquables et ont contribué à la qualité des tercios de pique.
    J'ignore à quoi cela est dû mais il y a des années où les cuadrillas refusent de participer à la fête (l'an passé par exemple) et d'autres où elles rivalisent de bonne volonté et de compétence. Ce fut le cas cette année et l'on ne peut citer tous les picadors et banderilleros ayant rempli leur office avec efficacité ou talent. Je me bornerai à mentionner le retour dans le ruedo vicois de Mehdi Savalli en costume de plata. Une bonne brega et deux belles paires de banderilles pour l'Arlésien, invité à saluer.
   Les paseos retardés constituent un manque de respect pour le public qui est à l'heure, encore plus pour le public du soleil, et la corrida est un spectacle déjà suffisamment long pour la capacité de concentration de certains. Le phénomène n'est pas seulement vicois et si, comme je le pense, l'informatisation des billetteries et des paiements qui limite et ralentit le fonctionnement des taquillas en est la cause, il est urgent pour les organisateurs d'y remédier. Et le remède est simple et connu : se donner les moyens d'ouvrir davantage de guichets.
 
 

 
Photos : deux toros de Rehuelga (Velonero, L. Bernède)

 
   

mercredi 31 mai 2023

Vic 2023 : un grand cru (2)


 
 
La corrida concours 

   Le retour de la corrida concours a été un succès. Même si aucun toro complet n'a émergé, car plusieurs ont baissé pied au troisième tiers, tous ont montré au cours du tercio de pique une bravoure suffisante pour donner un intérêt permanent à la matinée, d'autant que les piqueros ont accompli dans l'ensemble leur office avec bon vouloir, ce qui n'a pas toujours été le cas dans le passé.
 
   Vizcaíno de Saltillo est un superbe cárdeno cinqueño à l'armure très offensive. Après une bonne réception par véroniques qui montre sa noblesse il prend quatre piques (bien Adrian Navarrete) en poussant principalement de la corne gauche. Il fait preuve d'une grande fixité et garde la bouche fermée au troisième tiers, humiliant bien, avec la pointe de soseria habituelle de l'encaste, dans la muleta distante (les cornes ?) de Sanchez Vara. Ovation pour le toro et silence pour le matador qui a tué d'un affreux mete y saca périphérique. 

   Riojanero est un toro bien fait  au beau pelage negro chorreado en morcillo. Il est marqué du rare mais prestigieux fer de Villamarta. Un nom qui résonne à l'oreille des aficionados pour être à l'origine des fameux Guardiola Fantoni. Les Villamarta, mélange de plusieurs branches Vistahermosa, sortent de nos jours essentiellement en novillada avec des résultats modestes. Jusqu'à ce jour ... car Riojanero est un très bon toro qui aura eu la malchance de tomber sur un matador qui n'a pas su le mettre en valeur au premier tiers. Il prend la première pique sans avoir été mis en suerte, la seconde al relance, une troisième après laquelle le président change le tiers. Le toro a chaque fois poussé avec bravoure. Il sera par la suite mobile, noble avec une bonne corne gauche. Au cours d'une longue et laborieuse faena, Adrian de Torres  lui sert une belle série de naturelles mais, dominé par la caste de l'animal, il finit par se faire prendre. Ovation au cornupète et salut du torero, valiente, mais totalement absent dans la brega du premier tiers - une erreur de casting de la part des organisateurs.
 
   Pelo Blanco marque le retour de l'élevage du Comte de la Corte. C'est un cinqueño massif qui va être à l'origine d'un premier tiers de haut niveau. Par quatre fois il chargera de très loin, avec une bravoure pleine de codicia, la monture de Pepe Aguado (grosse ovation au piquero). Il aura commis un seule petite faute : être parti parti spontanément vers les barrières après la deuxième pique mais c'est un toro qui a besoin d'espace pour s'exprimer et parait étouffé par l'étroitesse du ruedo vicois. Après un tercio si intense il marquera le pas au troisième tiers, d'autant que sa parfaite noblesse sera un brin étouffée par les cites trop rapprochés de Gomez del Pilar. Pelo Blanco nous a expliqué pourquoi le sang La Corte est aujourd'hui dominant dans la cabaña brava et aura prouvé - c'est rassurant- que la caste originelle est toujours présente dans l'élevage des héritiers du Conde. Il sera déclaré vainqueur du concours.

   Avec Aguador de l'élevage Santa Teresa portant le fer prestigieux lui aussi de Guardiola Soto (origine Gamero Civico), le concours va marquer une pause. Le toro remate violemment aux planches et prend trois piques mais elles sont mal administrées puis il se réserve et finira sans charge à la muleta.

   La sortie du pensionnaire de Yonnet était attendue avec curiosité car celui-ci avait été la vedette des corrals. Il avait été isolé et avec son trapío impressionnant et sa tête haute il semblait lancer un défi à chaque visiteur. Il s'était en outre recouvert le corps de paille ce qui lui donnait un air encore plus inquiétant. Il prendra trois piques sous lesquelles il pousse par à-coup et aura ensuite une charge douce mais gardant la tête haute. Adrian de Torres dont le courage impavide porte sur le public plus que sur les toros lui coupera une oreille après une entière sur le côté et Orgulloso sera arrastré sous l'ovation.

   Gaditano enfin de Couto de Fornilhos (origine La Corte) livrera un très beau combat au premier tiers en quatre piques violentes parfaitement gérées par Juan Manuel Sangüesa (ovation). Il se réservera hélas lui aussi au dernier tiers.
 
   Tous les toros de ce concours se sont livrés avec beaucoup d'intensité au premier tiers. Certains sont nettement allés a menos par la suite parce que leur bravoure n'était peut-être pas complète. D'autres parce que l'énergie déployée face aux picadors avait considérablement réduit leur vigueur. Ce qui est sûr c'est que cette corrida concours a témoigné de la belle bravoure toujours présente chez nombre de ganaderias historiques. Une porte ouverte sur l'avenir ? 
 


photos : Vizcaíno de Saltillo
              Orgulloso de Yonnet