lundi 11 janvier 2021
Los toros desde la izquierda
vendredi 1 janvier 2021
Bonne année 2021 Feliz año nuevo
mardi 29 décembre 2020
Adieu à une année désastreuse
Nul ne regrettera 2020, année désastreuse pour la tauromachie comme pour toutes les activités culturelles.
samedi 5 décembre 2020
Bilan 2020
mardi 24 novembre 2020
A propos de Joselito
lundi 9 novembre 2020
Novillada à Medina del Campo
mercredi 28 octobre 2020
Petit viatique pour temps de coronavirus (6)
samedi 3 octobre 2020
Un souvenir de Sébastien Castella
mardi 29 septembre 2020
Une corrida à Dax
dimanche 20 septembre 2020
Nîmes
Cinq toros de Victoriano del Rio et un de Toros de Cortes (3ème), très bien présentés et bons (12 piques, tous ovationnés à leur entrée en piste et à l'arrastre, vuelta au 3 Descreído) pour Enrique Ponce (une oreille, deux oreilles), Curro Díaz (salut, vuelta) et Emilio de Justo (une oreille, salut).
jeudi 17 septembre 2020
Miettes
La crise du coronavirus a réduit les activités sociales et culturelles à si peu de choses que l'aficionado a los toros a dû se résoudre à picorer quelques miettes ici ou là. Pour votre serviteur, à ce jour, quatre spectacles dont deux vus à la télé.
Dimanche 19 juillet Avila corrida vue sur CMM (Castilla La Mancha Media)
Les toros d'Adolfo Martin laissent une très bonne impression et permettent aux trois matadors (Octavio Chacon, Morenito de Aranda, Gomez del Pilar) de montrer leur valeur, en particulier del Pilar en net progrès, m'a-t-il semblé. Plusieurs des Adolfo lidiés ce jour étaient prévus pour Mont-de-Marsan, ce qui me donne l'occasion de déplorer la pusillanimité (en langage taurin macho : le manque de cojones) des responsables montois, incapables d'organiser le moindre spectacle taurin au Plumaçon cette année.
Dimanche 30 août Añover de Tajo corrida vue sur CMM
Les toros portugais de Murteira Grave constituent une excellente surprise. Puissants, nerveux, mobiles, ils se partagent entre trois mansos difficiles et trois braves offrant de belles possibilités. Sergio Serrano est étonnamment calme malgré son peu de pratique. Juan Leal passe largement à côté du sujet. Il accumule les erreurs : faena interminable au 2, puis il ne fait pas assez piquer le 5, un dur à cuire. Ce garçon est-il bien conseillé ? José Garrido torée remarquablement de cape et triomphe avec le bon sixième.
Mardi 1 septembre Vieux-Boucau course landaise mixte
A partir de la mi-juillet les arènes de Vieux-Boucau ont donné deux fois par semaine, comme chaque été, leurs traditionnelles courses mixtes destinées aux touristes. Course landaise en première partie, jeux taurins pour amateurs ensuite. L'enthousiasme du public tout au long du spectacle faisait plaisir à voir. Ce jour, devant les vaches de Dargelos (choisies parmi les plus faciles, comme il se doit pour ce genre de course), la cuadrilla Lilian Garanx, composée de vieilles gloires et de jeunes promesses, donna le meilleur d'elle-même.
Dimanche 13 septembre Captieux fiesta campera
La Coordination des Associations Taurines de la Gironde avait organisé cette fiesta campera afin de ne pas laisser la Gironde, pointe septentrionale de la géographie taurine, sans toro après l'annulation au printemps de la novillada de Captieux et de la corrida de La Brède. Une situation exceptionnelle qui valait bien un soutien malgré le peu d'intérêt que présente à mes yeux ce type de spectacle taurin.
Le premier novillo buvait le leurre et Julien Lescarret, silhouette inchangée, buvait du petit lait en le toréant ... jusqu'à l'estocade qui fut malheureuse.
Clemente m'avait séduit il y a quelques années de cela alors qu'il débutait en novillada piquée dans ces mêmes arènes. Il est aujourd'hui matador de toros et, face à un novillo pastueño à l'extrême, il a pu montrer toutes ses qualités : un toreo con arte et temple basé sur un répertoire varié. A lui de ne pas laisser échapper les opportunités - quelles qu'elles soient - qui, on l'espère, ne manqueront pas de se présenter.
Clément Hargous, novillero débutant, fit preuve d'autorité avec la main droite et laissa la meilleure estocade de la matinée.
Les qualités de noblesse des novillos de Jean François Majesté ''La Espera" (origine domecq) étaient tout à fait adaptées au spectacle de ce jour, mais attention, sans le soutien d'un poder plus important ce genre de bétail, on ne le sait que trop, génère bien souvent l'ennui.
Puisque cette journée était placée sous le signe de l'aficion girondine et des toreros girondins, je voudrais évoquer le meilleur d'entre eux. José Cubero ''Yiyo'' aurait eu 56 ans cette année et le maestro prestigieux qu'il serait devenu aurait pu honorer de sa présence cette journée si le 30 août 1985, à Colmenar Viejo, Burlero de Marcos Nuñez n'en avait décidé autrement. Grandeur et tragédie de la tauromachie. A quelques encablures de l'ancienne ganaderia d'Angel Ruiz où il donna ses premières passes, l'esprit du Yiyo dominait cette journée.
dimanche 30 août 2020
A défaut de toros ...
... on a voyagé au pays des vaches.
La Hollande d'abord où la densité humaine est la plus élevée d'Europe ... mais où la densité bovine doit aussi battre tous les records.
Grâce à l'eau qui tombe du ciel et à celle qui, en tous lieux, partage les terres, les pâturages y sont toujours gras et verts, et ce pays bas fait figure de véritable paradis pour la gent bovine.
Quoique, à y regarder de plus près, lorsque l'on voit les vaches Holstein traîner leur pis surdimensionné par la sélection génétique et tendu par les dizaines de litres de lait qu'il peut contenir on se dit que le sort des vaches braves espagnoles sur leurs terres sèches et austères, est bien préférable.
A Delft, l'ancienne Halle des bouchers :
Dans le Cantal - autre lieu de pérégrination estivale - on se plaît aussi à rendre hommage à la race bovine. Ici la fontaine de Montgreleix met en valeur la belle tête des vaches Salers :
La race Salers originaire du Cantal est d'un trapío sans pareil : robe acajou, poil long, cornes en lyre, tamaño imposant, le tout donnant une impression de puissance et de sauvagerie.
Peut-être ont-elles une origine commune avec les fameux toros Jijon, eux aussi de couleur rouge, sélectionnés au XVIIè siècle par Juan Sanchez Jijon parmi les troupeaux sauvages de La Mancha et des monts de Tolède.
C'est bien sûr avec leur lait que l'on fabrique le célèbre fromage du même nom. Il faut savoir que les vaches Salers ne se laissent traire qu'en présence de leur veau. Un signe de sauvagerie que contredit leur comportement considéré par ailleurs comme très pacifique. Dommage !
lundi 17 août 2020
Relativiser
Les voyages forment la jeunesse, dit-on. Ils permettent surtout, et cela à tout âge, de relativiser ce que nous vivons dans notre petit univers et de constater à quel point la parole de Pascal est aujourd'hui encore pertinente en dépit de l'accélération récente de la mondialisation : "Vérité en deçà de Pyrénées, erreur au delà".
Cette photo a été prise le 23 juillet dernier dans le marché couvert de Rotterdam. Aux Pays-Bas, à l'exception des transports publics où son port est obligatoire, personne ne se risque à porter un masque, ni dans les rues, ni à l'intérieur des espaces publics, comme on peut le voir sur la photo. Et pourtant, ce sage pays au sens civique affirmé n'est pas constitué de citoyens irresponsables. Mais les citoyens hollandais, malgré le tribut qu'ils ont payé comme les autres au covid 19 ce printemps dernier, ne sont visiblement pas victimes de la paranoïa qui atteint nombre de pays européens. Sans doute une forme de confiance en soi et de lucidité.
On nous abreuve en effet en permanence de chiffres de contamination qui remontent. A vrai dire on est étonné qu'ils ne soient pas plus importants compte tenu d'une part du brassage des populations européennes depuis la fin du confinement et le début des vacances d'été, d'autre part du nombre considérable de tests réalisés quotidiennement depuis que ceux-ci sont disponibles. Ce que l'on oublie en revanche de préciser, c'est que le nombre de cas graves, d'hospitalisations, de personnes en réanimation, de morts sont en baisse continuelle et ont atteint un niveau très faible. Faits qui, s'ils devaient se confirmer dans les jours prochains, montreraient que le coronavirus est en train de devenir un tigre de papier !
- données officielles françaises
- statistiques du journal Le Monde
Ce préambule pour essayer de comprendre la situation taurine en cette fin du mois d'août. On aurait pu penser que la fin du confinement ait conduit à un retour progressif de l'organisation de novilladas et de corridas dans les principales arènes de France et d'Espagne. Il se serait agi de montrer son aficion, son attachement à la cause taurine, et, ce n'est pas le moindre des arguments, de permettre aux ganaderos de faire lidier leurs toros, aux toreros d'exercer leur profession à un moment où un gouvernement espagnol gangrené par la mouvance antitaurine dénie aux subalternes tous droits sociaux.
Au lieu de cela, dans le Sud Ouest, région pourtant largement épargnée par le virus, le néant total. Un déballonage sans vergogne ! C'est un peu mieux dans le Sud Est, avec quelques réussites exemplaires et quelques projets sérieux, mais en Espagne silence de mort dans toutes les grandes arènes. Et, au moment où un mouvement se dessinait en faveur d'une lente reprise, un coup de poignard dans le dos des aficionados a été porté par ceux qui dans leurs discours démagogiques disaient soutenir la tauromachie. A savoir la coalition au pouvoir en Andalousie (PP + Vox) qui vient d'imposer un mètre et demi de séparation dans les arènes mettant ainsi fin à toute possibilité d'organiser un spectacle dans les provinces andalouses.
Pendant ce temps le Puy du Fou réussit à mettre 12 000 spectateurs dans ses "arènes" pour des pitreries pour touristes. Vérité en deçà des Pyrénées ...
jeudi 13 août 2020
Roquefort, la saga des Isaías y Tulio Vázquez
Pas de novillada cet été à Roquefort, tout comme dans les autres plazas du Sud Ouest. Un vide abyssal qui ne laisse pas d'inquiéter sur l'état de prostration de l'aficion de la région. En organisant une course landaise le samedi 8 août (ganaderia Armagnacaise, cuadrilla Gaëtan Labaste), le Comité des Fêtes a néanmoins permis que le sable de la Monumental des Pins vibre au galop de bêtes à cornes en cette triste année 2020.
Dans les années 50, les organisateurs roquefortois créèrent l'évènement en présentant en France le fer réputé des frères Isaias y Tulio VAZQUEZ. C'est le samedi 15 août 1953 qu'eut lieu cette présentation avec un lot au trapío magnifique. Elle attira de nombreux aficionados de toute la région ainsi que du Sud Est, sevrés du combat de véritables toros de lidia. Il faut rappeler qu'à cette époque, les toros qui sortaient en corrida n'étaient trop souvent que des novillotes. Ainsi les toros de La Corte toréés à Nîmes le 27 septembre de cette même année donnèrent un poids moyen en canal de 226 kg (soit 377 kg en vif). Les novillos de Tulio Vazquez de Roquefort pesèrent quant à eux 275 kg (459 kg en vif). Cherchez l'erreur ! Cette novillada ainsi que les trois autres du même fer lidiées en 1956, 1957 et 1958 contribuèrent à la renommée toriste de la plaza de Roquefort-des-Landes, renommée qui s'est maintenue jusqu'à aujourd'hui. Les quatre novilladas ont laissé des traces profondes dans la mémoire locale à tel point que, durant mon enfance et mon adolescence, l'évocation du combat des "terribles Tulio Vazquez" revenait sans cesse dans les récits des aficionados du cru. La réalité se transformait peu à peu en légende. Ainsi se crée l'aficion.
1953
Le premier novillo donne le ton et marque les esprits : à sa sortie, il démonte la porte et pénètre dans le callejon, créant ainsi une panique totale. Tous seront magnifiquement présentés, puissants, durs. Ils prendront 24 piques pour une chute. Le plus brave sera le troisième qui va a mas en 5 piques puis passe bien au troisième tiers avec vigueur et rapidité mais en donnant de très forts coups de tête. Les second et cinquième seront mansos.
Les nombreuses piques prises et l'allant des bichos permirent aux trois novilleros d'intervenir lors des quite avec brio et variété. Ce fut pour les toreros le seul moment où ils surent se montrer à leur avantage car leur faible bagage et leur manque de confiance ne leur permirent pas de briller au troisième tiers, ni lors de la faena, ni pour la mise à mort.
Le Mexicain Alfredo LEAL (silence, vuelta) remplaçait Miguel Ortas, porté pâle. Manolo SEVILLA (silence, vuelta) est brillant avec cape et banderilles mais complètement dépassé par la suite. Le Basque Manuel CHACARTE a du mal à maitriser ses adversaires mais il plait au public par sa vaillance (vuelta, ovation).
1956
Trois années plus tard, le 12 août 1956, les novillos d'Isaias y Tulio Vazquez foulent à nouveau le sable de l'ovale roquefortois. La course est encore supérieure à celle de 1953. Les six Tulio vont prendre 36 piques pour une chute. "Les tigres cornus des frères Vazquez ont combattu en vraies fieras. De ce fait cette novillada très 1900 a été vivante, animée et surtout émouvante de bout en bout : les aficionados recherchant la lutte âpre, dure, sont sortis ravis de cette petite arène placée sous le signe du taureau", écrira Raymond Massoutier dans Toros. Pour Refilon de la dépêche du Midi, "Les frères Vazquez avaient envoyé un lot de toros comme on en voit rarement dans les grandes corridas. Tous furent braves et nerveux, de pattes solides et puissants, mettant en évidence leur caste extraordinaire dans leurs nombreux contacts avec la cavalerie."
De leur côté, les hommes s'arriment jusqu'au bout. Mariano Martin "CARRILES" (une oreille, vuelta), Antonio VERA (division d'opinions, une oreille) et le Vénézuélien Antonio ALBERTO (ovation, vuelta) accompagneront à la fin de la course le mayoral de l'élevage au cours de son tour de piste. On notera que le grand banderillero Luis Gonzalez, au service d'Antonio Alberto, a posé de magnifiques paires de banderilles.
1957
Un toro a été tué dans les corrals par ses congénères. Il sera remplacé par un Fermin Bohorquez. Les cinq Tulio prennent 35 piques pour 3 chutes au cours de tercios de piques durs et d'une grande animation. Ils partent de loin vers les montures, poussent arc-boutés jusqu'à la barrière et tout cela n'entame pas la fougue des novillos. Malgré des lidias désordonnées, quatre d'entre eux furent parfaitement toréables et le troisième eut droit à une vuelta al ruedo.
Manolo SEGURA coupera une oreille à chacun de ses adversaires. Manolo BLAZQUEZ eut quelques détails à la cape mais il subira deux désastre à la muleta et à l'épée. Quant à Antonio COBO il coupera l'oreille du troisième et ne put rien faire devant le sobrero de Bohorquez, manso.
1958
Encore un lot d'une grande puissance qui permet des tercios de pique d'anthologie. "Le comportement (insolite de nos jours) des Vazquez est bien fait pour promouvoir la grande joie de l'aficionado (toriste par définition) ... Il peut à loisir vanter les mérites des toros d'Isaias y Tulio Vazquez et chanter leur bravoure mise à l'épreuve par 42 coups de pique, ainsi que leur puissance responsable de 5 chutes, quelque peu anachroniques" (Paul Montastruc, Toros).
Hélas ce fut l'échec du côté des hommes. Seul Luis ORTEGA coupera une oreille au troisième, honoré d'une vuelta. Miguel Mateo "MIGUELIN", à quelques jours de l'alternative est peu enclin à se battre et le Portugais Armando SOARES écoutera deux broncas à la suite de ses désastres à l'épée.
Ainsi en quatre après-midis les pensionnaires d'Isaias y Tulio Vazquez ont montré ce que pouvaient être de véritables toros de combat. Des animaux bien présentés, en pointes, puissants et nerveux, dotés d'une bravoure qui permet des tercios de pique d'une grande intensité. En outre, au delà des difficultés inhérentes à leur condition de toros braves et puissants, ces novillos furent majoritairement toréables, permettant aux toreros de montrer toute leur valeur lorsqu'ils en avaient. Ils ont enchanté aficionados et grand public par l'émotion que provoquait leur combat et laissé des souvenirs inoubliables à ceux qui ont eu la chance d'assister à ces novilladas.
Les Tulio Vazquez reviendront à Roquefort en 2003 à l'occasion du cinquantenaire de leur présentation. Il s'agissait d'une novillada non piquée et les quatre érals, aux lignes magnifiques malgré leur jeune âge, eurent un comportement des plus intéressants, manifestant pour certains beaucoup de caste. Antonio Joao Feirrera et Ambel Posada coupèrent chacun une oreille.
Aujourd'hui la ganaderia, une des rares de la cabaña brava à être issue du prestigieux sang Garcia Pedrajas, ne fait plus beaucoup parler d'elle. Après avoir comblé les aficionados jusque dans les années 90, l'élevage est entré dans un long bache. Récemment les héritiers des frères Vazquez ont rafraichi le sang avec du bétail d'origine Yerbabuena (encaste Garcia Pedrajas également) et peut-être un jour la bravoure des Tulio Vazquez inondera-t-elle à nouveau de lumière les ruedos de France et d'Espagne.
Sources :
revue Toros (année 1953)
Bernard Carrère, Histoire et évolution de la tauromachie à Roquefort-des-Landes, UBTF, 1980
Sur la ganaderia :
lundi 20 juillet 2020
Fêtes de Mont-de-Marsan 1963 : une Madeleine très ordinaire
La temporada taurine connait une timide reprise mais elle est encore quasiment à l'arrêt dans notre Sud-Ouest où il semblerait que l'épidémie a fait davantage de ravages dans les esprits que dans les corps. Continuons donc à nous pencher sur le passé en nous aidant de notre collection de la revue Toros.
1963 c'est l'année de la grande finale bordelaise. Celle opposant les deux clubs landais et gagnée, après un match accidenté, par les Montois des frères Boniface au détriment des Dacquois des frères Albaladéjo. Durant la semaine qui précéda, une effervescence extraordinaire régna dans toutes les villes et tous les villages du département. Les enfants, nous avions décoré nos bicyclettes aux couleurs de notre équipe favorite et nous nous exhibions fièrement à travers les chemins et les rues du village. Toutes les pensées, toutes les conversations étaient tournées vers le grand jour. Il semblait que plus rien d'autre n'existait. Paradoxalement je ne me souviens ni du match, ni de ce qui est advenu après. La fièvre de l'avant est souvent le moment le plus marquant d'un évènement trop attendu, les aficionados le savent bien.
A cette époque, les fêtes de la Madeleine comportaient immuablement trois corridas, les dimanche, lundi et mardi. Il en sera ainsi entre 1959 et 1981. Comme aujourd'hui, on y voyait, les meilleurs matadors face aux élevages les plus réputés ... pour des résultats souvent aléatoires ... comme aujourd'hui.
Dimanche 21 juillet
Six toros de Fermin Bohorquez (faibles) pour Pedres (silence, une oreille), Paco Camino (une oreille, sifflets) et El Viti (silence, silence).
La grosse déception de la journée vint des toros de Fermin BOHORQUEZ. Ils étaient pourtant attendus avec espoir par les aficionados montois à la suite du grand triomphe de l'élevage lors de la San Isidro madrilène. Mais ceux du jour, pourtant bien faits, montrèrent peu de bravoure en 13 piques et la plupart furent handicapés par leur manque de force. Le plus brave du lot était le cinquième, il fut pourtant à l'origine d'un charivari, comme on les aime, de temps en temps, au Plumaçon. Voici ce qu'écrit Claude Popelin dans Toros n°725 : " Bien armés, la conservation de leurs cornes laissait cependant à redire (sic). Le très brave cinquième abandonna sa corne droite, antérieurement ébranlée, dans le caparaçon dès sa première rencontre avec le picador et suscita ainsi un beau scandale qui se prolongea tout au long de sa lidia.
Il serait vraiment temps que la municipalité, si zélée à maintenir la belle tradition de ses Fêtes, si désireuse d'égaler sur le plan des taureaux le triomphe de l'équipe montoise de rugby, se penchât efficacement sur le problème et prît à cœur d'assumer ses propres responsabilités."
PEDRES qui, avec sa nouvelle manière, plus classique, de toréer, a été le grand triomphateur de la feria d'Avril à Séville, a laissé une très bonne impression et coupera une oreille méritée au quatrième.
Une belle faena de Paco CAMINO au second lui vaudra également une oreille mais il eut le tort de ne pas abréger avec le cinquième déjà mentionné, ce qui lui valut l'hostilité du public.
EL VITI n'eut pas une bonne après-midi et laissa le public indifférent.
Lundi 22 juillet
Six toros de Juan Pedro Domecq (encastés) pour Curro Romero (division d'opinions, bronca), Paco Camino (une oreille, une oreille) et El Caracol (vuelta, sifflets).
Cette seconde après-midi souffrit certainement de l'absence de Jaime Ostos (très grièvement blessé à Tarazona de Aragon - on lui administra même l'extrême onction - la semaine précédente) remplacé par Curro Romero et de Diego Puerta (blessé également) remplacé par El Caracol. Mais elle connut un grand moment avec le combat du second toro de Juan Pedro DOMECQ. "L'animal, terciado, portait le n° 53 et se nommait Puntero. Ce Puntero fit deux ou trois fautes bénignes sur les capes, mais une fois bien fixé par Camino il fut bravissime sous la pique, poussant dur à la première, revenant de lui même pour prendre la seconde (compliquée de chute). A la troisième rencontre, il repoussa le groupe sur plusieurs mètres jusqu'à la barrière et, continuant sa poussée, le ramena au tercio où, rechargeant, il essuya encore un quatrième, puis un cinquième coups de pique. Le sang ruisselait jusqu'au sabot jusqu'à former sur le flanc gauche comme une écharpe, et Puntero fonçait toujours au moindre appel avec un entrain magnifique qui ne décrut pas pendant la faena de muleta." (Paco Tolosa, Toros)
Paco CAMINO dut puiser dans ses ressources, qui, on le sait sont grandes, pour parvenir, en fin de faena, à dominer Puntero. Il tua mal et coupa une seule oreille. Celle coupée à son second adversaire fut, en revanche, sans signification.
Malgré quelques moments d'élégance, Curro ROMERO fut dominé par la caste des domecqs, en particulier par le brave premier.
Quant à EL CARACOL, jeune matador gitan d'Alicante, s'il fit parfois illusion, il fut lui aussi mis en échec par la caste des andalous.
Heureux temps que celui où les pupilles de Juan Pedro Domecq étaient des toros chargés de dynamite. Le ganadero va s'évertuer à éliminer cette caste et il n'y réussira que trop bien, à tel point qu'il était déjà rare dans les années 70 de voir sortir des Juan Pedro Domecq aussi encastés que ceux combattus ce 22 juillet 1963. Et mieux vaut ne pas parler de leurs descendants actuels ...
En revanche leur présentation laissa grandement à désirer. Les trois premiers avaient l'allure de novillos et leurs pitones manquait d'aigu.
Mardi 23 juillet
Six toros du Marquis de Domecq (jeunes et faibles) pour César Giron (vuelta, sifflets), Mondeño (une oreille, vuelta) et El Cordobés (une oreille et deux oreilles et la queue).
Cette troisième et dernière corrida des fêtes de la Madeleine a connu un final triomphal avec les deux oreilles et la queue coupées par EL CORDOBES à l'ultime toro de la feria. " Le sixième est plus léger, se révèle fuyard sur la cape et sous la première pique, acceptée en ruant. Manuel le fixe avec habileté. Le bicho s'améliore au cours de trois autres rencontres. El Cordobés signe un trasteo intéressant, avec le souci de toréer, de garder la bête et réussit des séquences impavides, en courant la main comme aux plus beaux jours; ente autres, notons un redondo à double tour reprenant la bête après arrêt à trois reprises. Quoique brève, la faena emballa le public. Plongeant sur le garrot, Manuel porte une entière, mis entre les cornes, est projeté au sol où il reste immobile. Émotion générale et quite collectif. Relevé, la culotte déchirée, le torero voit le toro s'effondrer. C'est du délire sur les gradins debout. Les deux oreilles et la queue sont accordées." (Georges Lestié, Toros)
Rappelons que Manuel Benitez vient de prendre l'alternative à la feria de Cordoue. Il a déjà gagné des sommes importantes lors de ses campagnes précédentes de novillero et beaucoup pensent que le passage au stade de matador de toros mettra fin à ce qu'ils considèrent comme une hérésie et une supercherie ...
César GIRON qui remplace le jeune Palmeño retenu en Espagne par le service militaire, connaitra une journée contrastée. Il donne au premier, mal tué, une belle faena classique qui lui vaut un tour de piste mais il ne fait aucun effort avec le beau cinquième ce qui déclenche la colère des gradins.
Décidé, calme et sincère, MONDEÑO donnera une prestation satisfaisante. Son style est toujours sec et étriqué mais il s'appliqua dans la lidia et eut le souci d'allonger le bras plus que de coutume.
Les toros du Marquis de DOMECQ paraissent jeunes, ils pèchent par leur faiblesse ce qui obligera à abréger les piques et à écourter le deuxième tercio. Ils sont assez bien armés ... mais avec certaines pointes un peu abîmées.
Malgré ses deux points forts - la lidia de Puntero de Juan Pedro Domecq par Camino et le triomphe final d'El Cordobés - cette feria a été bien ordinaire. Elle a connu beaucoup de déceptions, en particulier avec le comportement des toros de Bohorquez et le manque d'investissement de beaucoup de matadors pour qui notre pays fait trop souvent figure de délices de Capoue. Le public montois, qui n'hésite pas à montrer son mécontentement, s'est faché à plusieurs reprises. Ordinaire, elle l'a été aussi dans le sens où l'on y a vu ce que l'on voit trop souvent en France, années après années, arènes après arènes : des toros jeunes et suspects d'être afeités. Au début de la temporada 63 Arles avait pourtant réussi à construire une feria sérieuse avec des toros limpios et d'âge réglementaire mais les autres grandes arènes françaises ne sont pas parvenues à imposer cette ligne. Ce sera pour l'aficion de notre pays un combat de longue haleine parsemé de hauts et de bas, de victoires et de défaites ... et qui dure encore. Dans les années qui vont suivre, ce combat connaitra quelques succès avec l'adoption de la proposition française du marquage de l'année de naissance des toros ainsi que la création de l'Union des Villes Taurine de France.
vendredi 10 juillet 2020
Pamplona : San Fermin 1927 (suite)
Dimanche 10 juillet
Huit toros de José Encinas pour Antonio Marquez, Pablo Lalanda, Martin Agüero et Rayito.
Si hier on ne parlait que de faenas de toreros, aujourd'hui c'est la caste des toros de José ENCINAS qui emporta l'adhésion.
"Une grande tarde de toros, de toros braves, francs, sans défauts pour la plupart. Un lot homogène, fin de formes, remarquablement présenté.
Le numéro 53, qui sortit en second lieu, Farineto, negro, fut un toro admirable, suave, brave, suivant le leurre jusqu'à son agonie; un toro rêvé par les toreros ! On lui fit faire le tour de piste, et on l'ovationna à l'arrastre, ainsi que les quatrième, n° 8, Limeto, cardeno oscuro, cinquième, n° 29, Bravo, negro, et sixième, n° 9, Monudito, negro bragao. Le premier n'eut d'autre défaut que de aplomarse rapidement. Le troisième très franc et noble, un peu tardo, contribua au succès de Agüero; le septième, brave également, arriva réservé à la muleta; le dernier, qui parut d'abord chercher la fuite, se montra brave aux piques, puis bronco à la muleta. Ils eurent à peu près tous une magnifique forme de embestir. Bravo au ganadero !
Les 8 toros prirent 28 piques pour 16 chutes; ils ne laissèrent que 3 chevaux sur le sable, mais on en emmena à l'écurie une demi douzaine qui auraient dû être puntillés sur place. Ils pesèrent en moyenne 275 kilogs" (460 kg en vif).
Notons que la ganaderia porte le fer de José Vega, elle a été achetée par José Encinas à Victorio Villar, elle est donc issue du fameux croisement Veragua Santa Coloma qui a longtemps fait les beaux jours du Campo Charro, elle est installée à Ledesma (Salamanca). Le fer existe toujours, après avoir longtemps appartenu à Justo Nieto, il est aujourd'hui propriété de Jesus Angel Perez Villareal, un négociant aragonais qui s'est empressé d'éliminer les vega villar pour les remplacer par du sous domecq d'El Montecillo.
Antonio MARQUEZ connut à nouveau une après-midi grise avec bronca à son premier.
Face à deux bons adversaires, Pablo LALANDA se montra "d'une nullité désolante".
Le triomphateur de la tarde fut Martin AGÜERO. Il tua son premier d'un grand volapié, "de ceux que l'on voit si rarement, l'estocade portée en pleine cruz et le torero sortant limpio par les costillares. Quelle ovation, lorsque les deux oreilles et la queue furent concédées au vaillant muchacho que l'on applaudit follement pendant la vuelta al ruedo !"
RAYITO fut sans recours ni dominio et ses parones suicidaires ne sont pas à encourager. Il tua avec sincérité de deux bons coups de rapière.
Mardi 12 juillet
Deux novillos de Celso Cruz del Castillo pour le rejoneador Antoño Cañero et six toros du Conde de la Corte pour Antonio Marquez, Marcial Lalanda et Cagancho.
Il faisait un temps si exécrable le lundi 11 juillet que l'on dut reporter la corrida au lendemain.
Cette tarde permit à la feria de s'achever dans l'enthousiasme en raison de l'immense triomphe de CAGANCHO. Le gitan aux yeux verts, qui avait pris l'alternative en début d'année à Murcie, coupera les deux oreilles et la queue du dernier toro de la feria. "Ses lances sont classiques et purs, d'une tranquillité absolue. Il s'imposa plus encore à la muleta, toréant de près, dominant complètement. A son premier, il fut désarmé et esquissa une espanta après un pase de tête à queue et un de pecho; il se reprit aussitôt, et sous les olé, aux sons de la musique, il continua une faena grande qu'il dut prolonger à la demande du public et qui lui valut ovation et vuelta malgré que le sort ne l'accompagnât pas pour mater. Sa dernière faena fut énorme, de vaillance et d'art, avec des parones formidables et des passes de toute beauté. Le toro était fuyard; Cagancho le torea d'abord par le bas, se faisant avec lui, l'obligeant à embestir comme un toro brave, et le fit passer sous la muleta. La musique joue, le public, debout, acclame ce torerazo, qui fait dérouler devant nos yeux, des images de beauté."
Antonio MARQUEZ, en torero artiste qu'il est, se racheta à son dernier toro de ses six échecs antérieurs (vuelta).
Marcial LALANDA, en torero complet qu'il est, se montra également à son avantage (vuelta).
Les toros de La CORTE prirent 21 piques pour 10 chutes et 4 chevaux. Ils pesèrent 268 kg en moyenne (450 kg). Leur comportement donna satisfaction au public et aux toreros. La dépouille des quatrième et cinquième fut honoré par une vuelta al ruedo et le mayoral fut appelé à saluer, mais Miqueleta a préféré les Encinas de la veille, plus braves et plus puissants mais tout aussi nobles.
En début de corrida Antonio CAÑERO se défit de deux novillos mansos de Celso CRUZ del CASTILLO qui ne lui permirent pas de briller. Il tua le premier en mettant pied à terre et le second d'un rejon dans tout le haut.
Quelques réflexions en guise de bilan
Ce qui m'a frappé à la lecture des reseñas de Miqueleta, c'est le peu de poids des toros combattus. Si l'on excepte les Pablo Romero qui sont nettement au-dessus de 500 kg (on considère généralement que 300 kg en canal correspondent à 500 kg en vif) tous les autres toros sont nettement en dessous, avec 268 kg pour les plus légers, les La Corte. Ils sont toutefois considérés comme bien présentés, ce qui laisse à penser qu'il s'agit de la norme à l'époque. Deux explications peuvent être données à ce peu de poids. En premier lieu, leur âge. Il s'agit peut-être tout simplement de novillos. En second lieu, la nourriture. Le pienso compuesto industriel n'est pas encore utilisé et les toros de l'époque sont nourris avec l'herbe des pâturages et le fourrage produit à la propriété. Ils ne sont pas "préparés" comme ceux d'aujourd'hui. Il semble que dans ces conditions le poids normal d'un toro de quatre ans se situe autour de 500 kg, un peu en dessous même pour beaucoup d'encastes. On le voit, on est loin de certains mastodontes suralimentés d'aujourd'hui dont l'apparence est cependant en parfaite harmonie avec les excès (et les goûts) de notre société de consommation. On est loin aussi des toros d'épouvante du XIXè siècle. Mais ceux-ci relèvent sans doute en grande partie du mythe, même si l'on peut penser que l'action de Guerrita puis de Joselito pour réduire le trapío de leurs adversaires n'est pas restée sans effets.
Le mal dont ils ne souffrent pas en revanche est la faiblesse de pattes. Ils peuvent être braves ou fuyards, plus ou moins poderosos, parfois quedados, mais jamais la faiblesse de pattes n'est mentionnée. Toutefois, les "scores" de leur combat face à des chevaux sans caparaçon restent modestes. On imagine les carnages que feraient les toros qui sortent aujourd'hui dans le ruedo navarrais s'ils étaient piqués dans les même conditions.
Côté toreros, le triomphe le plus marquant de la feria est celui de Cagancho, ce qui montre bien l'évolution du toreo et des goûts du public vers une tauromachie artistique. Le jour des Pablo Romero, Miqueleta note en conclusion de sa reseña : "Le public est sorti de la plaza enchanté, discutant avec animation les diverses faenas de la tarde." Une telle conclusion eut été impensable une quinzaine d'années auparavant, avant la révolution initiée par Belmonte et Joselito. On vient désormais aux arènes pour voir de belles faenas. On remarquera dans le même ordre d'idée qu'un bon toro est désormais un toro qui permet "la faena".
On notera à propos de la corrida de Pablo Romero - la mieux présentée de la feria et un fer redouté - qu'elle fut combattue par trois figures, dont le plus prestigieux torero de l'époque, Juan Belmonte.
Notons aussi pour terminer que la tauromachie de l'ancien temps continue à émouvoir les foules; en témoigne le grand triomphe obtenu pour sa vaillance et une grande estocade par l'un de ses grands représentants de l'époque, le Bilbaino Martin Agüero.
On le voit, les années 20 du siècle dernier sont pour la corrida des années passionnantes. Celles où un changement radical s'est imposé dans les valeurs taurines et les goûts du public. La corrida que nous connaissons aujourd'hui, avec toutes les nuances qui la composent, est l'héritage de cette révolution.
Documentaire sur les Sanfermines dans les années 20
Je mets ici le lien de la page du blog Desolvidar sur laquelle on pourra visionner un documentaire passionnant d'une vingtaine de minutes constitué d'archives sur les fêtes de Pampelune tournées dans les années 20. Les amoureux de la capitale navarraise trouveront de nombreuses explications complémentaires dans le texte qui accompagne le film et dans le blog en général.
Desolvidar : Sanfermines 1928 (actualizado)
La plaza de toros de Pamplona (rénovée laidement en 1967) a été inaugurée en 1922.