dimanche 23 juin 2019

Corrida de La Brède 2019


   6 toros de Fuente Ymbro, nobles (8 piques, 1 chute) pour Daniel Luque (applaudissements, une oreille), Juan Leal (une oreille, une oreille) et Juan Ortega (silence, une oreille).
 
   Les toros de Fuente Ymbro (tous bien roulés mais discrets d'armure) ont fait preuve d'une grande noblesse permettant à chaque torero de faire valoir ses arguments. Toutefois ils manquèrent de chispa et de poder pour constituer un lot vraiment satisfaisant.
   Du premier, un manso décasté, Daniel Luque tira, après un bon quite par chicuelinas et demi-véronique, le maximum possible, ce qui était peu. Il confirma son grand moment actuel face au fade quatrième dans une faena complète où tout ce qu'il entreprit était marqué du sceau de la justesse et de la précision. Du travail d'orfèvre, hélas mal conclu à l'épée. Une oreille toutefois.
   Pour son retour dans les ruedos après sa grave blessure madrilène, Juan Leal a eu un sorteo des plus favorables. Il débute genoux à terre au centre du ruedo face au bon second (le meilleur de l'envoi), puis on eut souvent l'impression que le torero était absent et que le toro se faisait la faena tout seul. On retrouva, face au cinquième, le Juan Leal conquérant, toréant sans complexe dans le style encimiste qui est le sien. Il réalisa de nombreux enchainements clairs et dominateurs qui portèrent sur le public. Le triomphe était à portée de l'épée mais, comme à son premier, il se montra calamiteux rapière en main. Une oreille chaque fois malgré tout.
   Juan Ortega a été fidèle aux échos qui nous étaient parvenus à son sujet. Un torero sincère qui recherche le toreo classique et pur, poitrine offerte au toro et jambe en avant. Ses véroniques à la réception du 3 puis au quite furent de toute beauté. Mais c'est un torero qui a très peu toréé et cela se note. Face à l'encasté troisième il se trouva très vite à la merci de son adversaire, fut spectaculairement crocheté par le jarret, heureusement sans conséquence, et dut abréger la faena. Il réussit en revanche à prendre l'ascendant sur le sixième ce qui nous valut quelques belles séquences sur les deux mains avant un final par ayudados por alto. Tueur médiocre lui aussi (Ce ne fut pas la journée des estocades). Oreille et le sentiment d'avoir vu un torero de classe dont la haute conception qu'il a du toreo mérite qu'on lui donne l'opportunité de toréer et de progresser.


















Juan Leal

jeudi 13 juin 2019

Vic 2019 : un cru supérieur (fin)


Lundi

corrida de Pedraza de Yeltes
   Je crois qu'on peut qualifier le comportement des toros de Pedraza de Yeltes au cheval de bravissime. En dix-huit piques pour une chute ils firent tout ce qu'un toro brave est censé faire face au picador. Partir de loin sans se faire prier, accélérer en arrivant au cheval, mettre la tête en bas du peto, pousser sur les deux cornes avec fixité en utilisant le train arrière, ne quitter le cheval qu'à regret après plusieurs sollicitations ... et cela trois fois de suite ! Bravo aux responsables de l'élevage pour une telle réussite et ce d'autant que la présentation est somptueuse et qu'au troisième tiers tous permettaient de construire des faenas.
   Daniel Luque (oreille, oreille) a été supérieur. Il a acquis une maturité qui, après de nombreuses années d'irrégularité, pourrait lui permettre de conquerir la place qui lui revient parmi les meilleurs. Face à Dudanoches, son second toro, qui avait mis la cuadrilla en grand émoi au cours du second tiers, il domina les embestidas du toro, avec une simplicité, un sens du sitio, une économie de moyens qui sont la marque des plus grands. Magnifique estocade et oreille de poids.
   A l'inverse, Juan del Alamo (silence, silence) semble traverser un bien mauvais moment. Malgré son désir de bien faire il se retrouva très vite à la merci de la caste de son premier adversaire, puis face au sobrero (du même fer, remplaçant un toro lésionné) qui fut le toro qui permettait le plus, il donna quelques belles naturelles noyées dans une faena sans sitio avant de naufrager avec les épées (trois avis).
   Sans connaitre la réussite de la veille, Miguel Angel Pacheco (salut, silence) qui remplaçait Roman très gravement blessé à Madrid, lui même substitut d'Emilio de Justo, a confirmé les qualités montrées face aux Dolores Aguirre. Après la firmeza dont il a fait preuve face aux quatre tíos combattus à Vic, le natif de La Linea de la Conception peut être considéré comme un réel espoir.


   De cette feria vicoise, constamment satisfaisante concernant son objet pricipal le toro, quelques grands moments pour le souvenir : Matablanca de La Quinta, Miguel Angel Pacheco face à Voluntario de Dolores Aguirre, la toreria de Daniel Luque et la bravoure des Pedraza de Yeltes.







 Photo Laurent Bernède
              Pedraza



  
   
  

mercredi 12 juin 2019

Vic 2019 : un cru supérieur (suite)


Dimanche

corrida concours
   Un grand toro (Matablanca de La Quinta) parfaitement piqué et ses concurrents au comportement toujours intéressant ont contribué à faire de cette matinée une excellente corrida concours.

   Soriano de Saltillo    cárdeno   cinqueño
Toro imposant et lourd. Il prend quatre piques pour une chute mais Juan José Esquivel, après une mauvaise tarde hier, n'est toujours pas à la hauteur de la situation. Pour celui qui fut un excellent picador, l'heure de la retraite semble avoir sonné. Le saltillo fait preuve au dernier tiers d'une noblesse un peu fade que ne met pas à profit un médiocre Rafaelillo. Ovation à l'arrastre.
   Matablanca de La Quinta    cárdeno   cinqueño
Lui aussi est lourd et imposant, son armure discrète est davantage dans le type santacoloma. Il se montre dur et encasté à la cape, de même lors des mises en suerte durant lesquelles il est difficile à manœuvrer. Grand tercio de piques : il obtient, sur les deux premières piques, la chute du brave par une poussée fixe et continue; la troisième confirme sa bravoure. Tito Sandoval, excellent, sauve l'honneur de la corporation des picadors. Au troisième tiers, Matablanca est noble, d'une fixité impressionnante. Vuelta à sa dépouille, unanimement demandée.
   Excitado de Partido de Resina   cárdeno
C'est un plaisir d'admirer le pablorromero, une estampe avec, tout au long de sa lidia, un port de tête altier. Ce n'est certes pas un grand brave mais son comportement laisse entrevoir des espérances pour l'avenir de l'élevage. Il vient bien de loin par trois fois à l'appel du piquero mais ne pousse pas sous le fer. Puis il fait preuve d'une grande mobilité et noblesse. Ovation à l'arrastre.
   Judio de Pagès Mailhan   colorado ojo de perdiz
Ce toro haut, très armé, fait une sortie tonitruante et se blesse peut-être en se jetant sur un burladero. Il connaitra des problèmes d'équilibre durant le reste de sa lidia. Malgré ce handicap il prend trois piques sans s'employer puis se montre nerveux, avec du genio. Quelques sifflets à l'arrastre.
   Corchaito de Flor de Jara   cárdeno oscuro
Le buendía met parfaitement la tête dans toutes les capes qu'on lui présente. Il renverse le picador à la première rencontre puis sera massacré aux deux piques suivantes sous l'œil indifférent de Lopez Chaves. Manque d'ambition incompréhensible de la part du Salmantin qui semble se contenter de son succès face à Matablanca. Après ce mauvais traitement, le toro sera noble mais soso dans la muleta. Palmas pour Corchaito qui n'aura pas eu la chance de son lointain ancêtre de 1928.
   Joterito de Los Maños   negro entrepelado
Après trois piques prises sans style le santacoloma aragonais se révélera au troisième tiers où sa noblesse encastée permettra une bonne faena à Alberto Lamelas. Palmas .

   Rafaelillo médiocre et quasi absent (silence, silence).
   Lopez Chaves bien avec le La Quinta et, on l'a vu, décevant face au Flor de Jara (une oreille, silence)
   Alberto Lamelas, qui remplaçait Manuel Escribano, blessé à Madrid, a connu une bonne matinée. Il aurait dû repartir en triomphateur grâce à deux bonnes faenas mais son maniement déficient de l'épée réduisit le tout à une vuelta et un salut.





corrida de Dolores Aguirre
   Assister à une corrida de Dolores Aguirre est un exercice particulier qui demande sérieux et concentration. Une ascèse pour l'aficionado. Et ne parlons pas de ce que doivent ressentir les toreros...
   Des toros noirs, au pelage luisant, massifs, donnant une impression de puissance. Des armures que l'on sent destinées à donner la mort. Lorsque, comme aujourd'hui, la mansedumbre, certes toujours présente, ne prend pas le dessus mais se mêle, dans une alchimie spécifique à l'élevage, à une bravoure sauvage qui semble venir en droite ligne du bos primigenius (auroch sauvage), l'émotion est à son comble, aussi bien sur les gradins que sur le sable du ruedo parmi les coletudos.
   Un bilan comptable, celui du premier tercio : après des sorties circonspectes et, souvent, un refus de rentrer franchement dans les capes, dix-huit dures piques prises avec ténacité et un batacazo.
   Tout avait pourtant commencé "gentiment" avec les trois premiers toros, plutôt avenants (un peu de faiblesse même pour les 2 et 3). Mais lorsque Clavetuerto passa la porte du toril on sentit bien que la corrida allait prendre une tournure différente. Après trois piques, parfaitement mises en suerte par Gomez del Pilar, prises avec bravoure (ovation à José Manuel Sangüesa) il se révéla être un véritable démon, distribuant derrotes, tornillazos, tarascadas y hachazos. Plus question de rêver de douces faenas, on domine si l'on peut, et on sauve sa peau. C'est une des facettes de la tauromachie.
   Le cinquième était un manso dangereux et le sixième, Voluntario, permit un de ces moments de tauromachie épique que Vic affectionne. Miguel Angel Pacheco se planta face à la fiera, il réussit à courir la main en plusieurs séries de droitières terminées par changement de main et pecho libérateur. Le tout avec élégance et dominio. Mais lorsqu'il prit la gauche, la terrible voltereta qu'il subit fit craindre le pire. Le Gaditano revint sur la corne droite avant d'en finir d'une entière  qui libéra une grosse oreille dans l'émotion générale d'un grand moment de tauromachie.
   Avec le premier, Gomez del Pilar avait payé auprès du public les conséquences d'un tercio de pique catastrophique. Face à Clavetuerto il décida raisonnablement qu'il n'était pas de taille à lutter et personne ne lui en voulut. Par ailleurs chef de lidia remarquable.
   Javier Jimenez pas dans son élément.
   Au final, grâce aux Dolores Aguirre, nous avons assisté à une vraie et bonne corrida vicoise qui a, en outre, permis la révélation d'un jeune matador : Miguel Angel Pacheco.

 photos Laurent Bernède
                                Partido de Resina
                                Dolores Aguirre

mardi 11 juin 2019

Vic 2019 : un cru supérieur

   Si l'an dernier la feria avait laissé le pèlerin vicois sur sa soif, cette édition fut, aussi loin que je plonge dans mes souvenirs, une des plus complètes et sérieuses jamais vues en ces lieux. Aussi bien pour la présentation des toros qu'en ce qui concerne leur bravoure et leur poder.
   Bien sûr tout ne fut pas parfait. La novillada d'El Retamar a déçu par sa faiblesse de pattes, de trop nombreux piqueros ont fait preuve d'une maladresse regrettable et quelques matadors sont venus sans la moindre ambition.
   Mais, de Gaspachero, fin castaño de Cebada Gago à Miralto, un Pedraza résistant, tous les toros furent les dignes représentants de leur encaste et offrirent au public des peleas conformes à ce que l'on est en droit d'attendre d'un toro de lidia.
   Ce fut parfois rude et austère, parfois beau et émouvant.

Samedi

novillada d'El Retamar
   L'an dernier les quatre nuñez d'El Retamar avaient permis à la feria de débuter sous des auspices trompeurs (ils constituèrent en fait le meilleur de la feria). Ce fut l'inverse cette année. Leur faiblesse de pattes les empêcha d'extérioriser les qualités morales qu'ils semblaient posséder. La feria ne pouvait qu'aller a mas.
   Pas plus que son frère Michelito il y a deux ans, André Lagravère "El Galo", second fils du matador de toros local Michel Lagravère n'a pu convaincre, sur la terre de ses ancêtres, du bien fondé de sa vocation taurine. Ses mises à mort calamiteuses lui firent même entendre la stridence des sifflets gersois. On sauvera de sa prestation son application à la cape et aux banderilles. Pour lui, une matinée à oublier.
   Son de cloche différent pour le Béarnais Dorian Canton. Sa cape templée, son jeu de muleta précis et deux estocades bien portées lui permirent de couper une oreille (généreuse) de chacun de ses novillos.



corrida de Cebada Gago
   Voir un lot de toros de Cebada Gago est en soi un plaisir d'esthète. Silhouette fine et mais sérieuse, robes variées, armures harmonieuses et astifinas : voilà des toros qui ont du trapío ! Et quand en plus, comme ce jour, ils possèdent de la bravoure, de la caste, du poder, le plaisir de l'aficionado est complet. Malheureusement tout au long de la tarde, les picadors ont piqué comme des sagouins. Seize piques, quasiment toutes mal placées, que les cinqueños de Cebada supportèrent sans dommage. A la fin de la course, le mayoral fut appelé à saluer.
   En ce début de temporada, Octavio Chacon n'est pas au mieux de sa forme. Vaillant et belluaire certes mais sans la domination qu'il exerçait l'an dernier sur tous les toros. Espabilado, le quatrième, à la caste redoutable, lui mena la vie dure sans que le Gaditano ne trouve la solution.
   Ruben Pinar fait partie de ces toreros qui savent triompher sur leurs terres (Internet m'apprend qu'il vient de triompher pour la septième fois consécutive dans les arènes d'Albacete) mais sont incapables de s'exporter. A la vérité il n'était venu à Vic que dans l'intention de humer l'air local. Pas sûr qu'il ait même pensé à remplir ses coffres d'Armagnac et de confit.
   Thomas Dufau s'est montré professionnel efficace. Il a touché les deux toros les plus accommodants (très noble le 3, venant de loin avec franchise le 6), a coupé l'oreille de chacun après des entières efficaces et est sorti a hombros des arènes.
   Manolo Vanegas, le jeune matador vénézuélien, qui avait pris l'alternative à Vic en 2017 et dont un toro, à l'entrainement, avait brisé les vertèbres, a reçu l'hommage du public et des toreros présents. Aujourd'hui, après une longue rééducation,  il marche (à l'aide d'une béquille) et l'on peut penser qu'il pourra mener une vie normale.


Photos : chicuelina d'El Galo
              le troisième Cebada Gago