dimanche 25 juin 2023

Corrida de La Brède 2023

 
   Après Captieux dont la novillada a eu lieu le dimanche 4 juin (et a pâti de la caste médiocre des Alcurrucén) c'était au tour de La Brède de donner en ce samedi 24 juin et avec une belle affluence, le deuxième spectacle taurin du département de la Gironde. La plaza de la cité de Montesqieu a deux particularités : celle d'être la plus septentrionale du monde taurin et celle de voir chacune de ses corridas précédée par un discours de son maire. Avec les péripéties de l'automne dernier, Michel Dufranc, avocat de son état, avait cette année de quoi alimenter son éloquence, ce dont il ne se priva pas. Puis ce fut au tour de l'orchestre de jouer une belle chanson d'amour suivie d'un chant guerrier et raciste. La corrida pouvait commencer. 
 


   Les manifestations anti-taurines ont pris à La Brède une forme peu conventionnelle mais très efficace. Celle de la musique agressive de la fête foraine toute proche à laquelle s'ajoute l'ombre d'une machine infernale portée sur le ruedo qui tourne et perturbe la lidia. Insupportable !
 

   Minos, troisième toro de Margé, le plus beau de l'après-midi dans un ensemble inégal. Le quatrième, Seigneur, fut honoré d'une vuelta posthume pour son émouvante résistance à la mort, bouche fermée jusqu'à la dernière seconde. Tous manquèrent de poder (six piques), de charge vive les quatre premiers, mansos les deux derniers.
 

Avec trois oreilles coupées, le Bordelais Clément Dubecq ''Clemente'' fut le triomphateur numérique de la tarde.
 
 
   Par son élégance et son temple, El Rafi (une oreille, une oreille) laissa une excellente impression à son premier adversaire.
 
 
 
   Maxime Solera (une oreille, silence) tua avec efficacité et rapidité. C'est nouveau pour lui et constitue si cela se confirme un réel progrès.
 
 
   À la veille du mano a mano de Saintsever, Sébastien Castella était présent sur les gradins avec son équipe. Ils avaient trouvé un endroit ombragé et discret, ce qui n'empêcha pas, outre deux brindis, la ronde des salutations et des sollicitations. Le hasard m'avait placé tout près de lui mais je gardais pour moi l'admiration que je lui porte. Héros, prière de ne pas déranger !
 

 
 




  


vendredi 23 juin 2023

Rubén Amón, La fin de la fête : citations

 

 
   "Les corridas sont devenues un art dérangeant et subversif. C'est d'ailleurs peut-être, paradoxalement, la meilleure manière de les préserver. De les libérer du lieu commun selon lequel la tauromachie serait ... conservatrice. "  (p. 141) 

   "Vox intoxique la tauromachie chaque fois qu'il la présente à ses propres fins comme une tradition celtibérique et identitaire. Savent-ils que le torero le plus important de ces dernières années est un Péruvien ? Que les arènes de Madrid sont dirigées par un brillant imprésario français, Simon Casas ? La tauromachie est méditerranéenne, transatlantique et, bien entendu, ''espagnolissime'', mais pas comme une chanson de Manolo Escobar, sinon comme un reflet culturel d'insolence et de subversion."   (p.14)
 
   "De tous les malentendus qui menacent la tauromachie, l'attaque des écologistes est sans doute le plus incompréhensible et le plus révoltant. Plus les sociétés ''occidentales'' prennent conscience de la menace environnementale, plus les toros devraient être considérés comme un modèle absolu de préservation et d'organisation des habitats naturels. (...)
   Les biotopes de dehesas et de marismas sont les exemples mêmes de la contribution bénéfique des toros à l'écologie. Tant pour des raisons quantitatives - un demi-million d'hectares occupés dans la péninsule ibérique - que pour des raisons qualitatives. Là où paissent et courent les troupeaux braves, on ne peut qu'observer la richesse des ecosystèmes et la diversité des espèces animales et végétales."   (p.183)

   La grâce serait le prétendu joker qui redonnerait à la tauromachie sa dignité, le recours par lequel nous pourrions éluder le dénouement essentiel du rite. La vie est pardonnée, si le toro est exceptionnel. C'est un point de vue qui pourrait s'avérer dangereux car, au-delà de la multiplication des grâces qui laisse entendre une interprétation toujours plus clémente du caractère exceptionnel, l'idée ouvre de plus en plus la voie à l'instauration d'un spectacle sans mort. L'exception peut risquer de devenir la règle.        (p. 136)
 
   La tauromachie ne doit pas renoncer au centre de gravité de son existence, la mort, ni transiger avec les réformes qui tenteraient de transformer la grand-messe en un phénomène plus accessible et édulcoré. Les toros ne sont ni immoraux ni malsains, bien que le débat simpliste proposé par notre société déshumanisée et ''animalisée'' tende à présenter les corridas comme des spectacles cruels et athlétiques.
   Ils serait même préférable qu'elles disparaissent totalement plutôt que de voir s'imposer des formules de spectacles hypocrites, et adaptées à la tolérance d'une société urbaine qui ne cesse de cacher la mort et de transformer ses animaux de compagnie en autant de placebos enfantins.   (p.339)
 
   Mais ne dramatisons pas. La tauromachie a tout de même franchi le seuil du XXIè siècle encore auréolée de prestige et d'avenir. Plus elle respectera ses fondements et plus elle sera authentique, moins elle aura de raisons de se sentir intimidée. Le danger viendra des accommodements, des formules édulcorées et des concessions faites à l'asepsie réclamée par une société avide de moralisation et d'interdiction.   (p. 346)
 




Photos : Velonero
              Laurent Bernède
  
 
 


mardi 13 juin 2023

Trois livres

 
   Face aux puissantes forces qui voudraient nous imposer une société uniformisée et qui font de l'interdiction de la corrida un cheval de bataille, le monde taurin a, ces dernières années, plutôt bien résisté. En témoigne le nombre de corridas et de spectateurs qui s'est maintenu, voire a augmenté, après avoir subi de plein fouet crises économiques et sanitaires. En témoignent aussi les liens qui se sont resserrés chez les aficionados pour combattre cette nouvelle idéologie qui a inventé, contre l'Homme rendu coupable de tous les maux, une nature totalement idéalisée. Car il s'agit aujourd'hui pour nous, aficionados, de défendre de manière décomplexée notre passion, mais aussi de combattre ces nouvelles ligues de vertu qui se voudraient les nouveaux tyranneaux d'une humanité aseptisée et qui sont passées maîtres dans l'art d'investir médias et mouvements politiques.
 
   Deux livres ont paru ces dernières années sur des tons différents mais avec le même objectif de redonner foi et fierté aux aficionados.
   Ce fut d'abord José Miguel Arroyo "Joselito" qui, dans La corrida expliquée à ma fille a remis en cause, dans un style direct et efficace, tous les poncifs de l'animalisme de salon.
 

 

  Plus récemment, le journaliste Ruben Amon, dans La fin de la fête, analyse le malentendu grandissant entre une partie de la société espagnole et le monde taurin. Il montre également l'attraction que continue d'exercer dans le monde contemporain la tauromachie devenue "espace de subversion et de résistance à la normalisation".
 

 
 
   Enfin (signe des temps ?) un vrai roman taurin vient d'être publié par les éditions Gallimard dans la célèbre collection Blanche. La romancière Camille de Villeneuve nous fait partager les doutes et les espoirs d'un torero femme et de son entourage à la suite d'une grave blessure. Le dernier torero, un roman d'aujourd'hui ...





mercredi 7 juin 2023

Miraflores de la Sierra

 




 Samedi 20 mai 2023        Miraflores de la Sierra (Madrid)
 beau temps frais
 un quart d'arène

 Six novillos de El Alamo (1, 3, 5) et de Aurelio Hernando (2, 4, 6) (six piques, discrets d'armure, mobiles) pour Ruben Nuñez (salut, vuelta), Jesus de la Calzada (salut, une oreille) et Alejandro Chicharro (deux oreilles, une oreille).

 Dans la Sierra de Guadarrama, à une cinquantaine de kilomètres de Madrid, la plaza de toros de Miraflores de la Sierra accueillait une novillada du circuit de la Communauté de Madrid. Ces cycles de novilladas organisés par la Fundación del Toro de Lidia et certaines régions permettent de maintenir un spectacle (la novillada) essentiel à la formation des jeunes toreros et au développement de l'aficion.
 Les novillos d'El Alamo, d'origine nuñez, de petit format, furent des mansos querenciosos. Plus braves mais manquant de pattes, les Aurelio Hernando sont eux des purs veraguas issus des ventes réalisées par Juan Pedro Domecq à la fin des années 30. Malgré leurs défauts, tous firent preuve de vivacité dans leurs charges ce qui maintint l'intérêt de l'après-midi.
 Face au meilleur novillo de la tarde (le 4 de Aurelio Hernando), le Mexicain Ruben Nuñez perdra à la mort le bénéfice d'une actuation de bon niveau placée sous le signe de la volonté et de la variété. Jesus de la Calzada fait lui aussi preuve d'une entrega constante mais, malgré sa grande taille, il connaitra des problèmes à la mort. Le local Alejandro Chicharro fut le triomphateur de l'après-midi. Devant famille et amis, il réussit tout ce qu'il entreprit, fit preuve de sincérité et d'efficacité à la mort. Enfin il parvint à dominer le dernier novillo, un imposant melocoton peu piqué qui avait violemment accroché un banderillero.
 

lundi 5 juin 2023

Croquis de la fête taurine (poèmes 5)

 
Madrid
 
Madrid aux quarantièmes rugissants
cris 
de haine
Ou olés de joie profonde 




Ruiz Miguel

Seul au centre du ruedo
La rage
au ventre
Et ce toro de Miura qui veut la guerre !




Paco Camino

Offrir des chicuelinas avec tant 
de douceur
et de grâce
Est-ce possible ou n'est-ce qu'un rêve ?






 
















jeudi 1 juin 2023

Vic 2023 : un grand cru (3)

 
 
La corrida de Baltasar Iban
 
   Déjà deux corridas réussies. Mais nous n'étions pas au bout de nos joies car les Baltasar Iban allaient faire passer sur les arènes Joseph Fourniol le grand souffle de la bravoure. Ce fut une corrida bravissime au cheval, comme on en voit peu dans une temporada et je dirai même dans une vie d'aficionado ... Je me souviens encore de l'extraordinaire bravoure d'une novillada d'Isaias y Tulio Vazquez en 1984 à Saint Sever car, comme le dit remarquablement Nicolas Rivière dans Campos y Ruedos à propos des Ibanes : 
"-Et les toros qui ont été tués là, qu'est-ce qu'on en fait après ?  
- On s'en souvient."
   On se souviendra donc de Pardal, de Provechoso, de Provechito, de Santanero, de Lastimoso et de Costurito. De leurs assauts sans fin contre les chevaux, des chutes énormes qu'ils provoquèrent parfois, de leur élan brutal vers la cavalerie et du choc assourdissant qui remplissait toute l'arène lorsqu'ils rencontraient le peto. 
   Merci donc à feu don Baltasar et à tous les responsables de la ganaderia pour toutes les joies passées, présentes et à venir offertes aux aficionados par leurs toros de passion et de feu.

   Morenito de Aranda est un drôle de type. Cet excellent torero, qui n'a jamais possédé la volonté de domination qui fait les emmerdeurs, les dictateurs ou les figures du toreo, avait décidé, aujourd'hui, à Vic, de s'agenouiller au centre du ruedo pour recevoir son premier toro. On frôla la tragédie de très peu et Morenito, malgré une blessure à l'aisselle lidia et toréa remarquablement son adversaire (oreille). Il est sans doute rentré ce jour dans le cercle restreint des toreros de Vic.


La corrida de Rehuelga

   D'aucuns penseront que Daniel Luque en réalisant deux faenas de qualité supérieure, dont un faenon au quatrième toro, a instillé auprès du public vicois le venin du torérisme. Ils ont bien tort car la tauromachie est une et l'on peut très bien apprécier, comme l'a fait l'ensemble du public, dimanche la bravoure d'un grand lot de toros et lundi l'art d'un grand torero. A condition bien sûr que cet art advienne devant des toros dignes. Ce qui était le cas avec les Rehuelga, magnifiques de trapío, astifinos, brave et nobles, avec la douceur que possède souvent l'encaste santa coloma.
   Il n'en reste pas moins vrai que le plaisir et la joie ne sont obligatoires pour personne et que certains aficionados avaient décidé de ne pas se rendre à la corrida du lundi, de même que de nombreux aficionados aquitains ne mettent jamais les pieds à la feria vicoise parce qu'ils ne goûtent pas ses rudesses. Cada uno en su casa y Dios en la de todos, dit le proverbe espagnol.
   L'autre intérêt de la tarde résidait dans la despedida de Lopez Chaves. On préfèrera, à son sujet, se souvenir de sa grande journée de 2021 face aux toros de Hoyo de la Gitana. Il avait ce jour-là frôlé la perfection.



   Au bilan si positif de la feria il ne faut pas oublier la part qui revient à la cavalerie d'Alain Bonijol. La bravoure des Baltasar Iban aurait-elle été si flamboyante si, dès la première rencontre, les toros s'étaient fracassés contre un mur ? Chaque jour, la mobilité et la souplesse des chevaux ont été remarquables et ont contribué à la qualité des tercios de pique.
    J'ignore à quoi cela est dû mais il y a des années où les cuadrillas refusent de participer à la fête (l'an passé par exemple) et d'autres où elles rivalisent de bonne volonté et de compétence. Ce fut le cas cette année et l'on ne peut citer tous les picadors et banderilleros ayant rempli leur office avec efficacité ou talent. Je me bornerai à mentionner le retour dans le ruedo vicois de Mehdi Savalli en costume de plata. Une bonne brega et deux belles paires de banderilles pour l'Arlésien, invité à saluer.
   Les paseos retardés constituent un manque de respect pour le public qui est à l'heure, encore plus pour le public du soleil, et la corrida est un spectacle déjà suffisamment long pour la capacité de concentration de certains. Le phénomène n'est pas seulement vicois et si, comme je le pense, l'informatisation des billetteries et des paiements qui limite et ralentit le fonctionnement des taquillas en est la cause, il est urgent pour les organisateurs d'y remédier. Et le remède est simple et connu : se donner les moyens d'ouvrir davantage de guichets.
 
 

 
Photos : deux toros de Rehuelga (Velonero, L. Bernède)