Il y a dans la fin tragique de Paquirri une dimension supplémentaire qui tient à sa lucidité et à sa grandeur lorsque, dans l'infirmerie des arènes de Pozoblanco, il fait face à l'affolement de son entourage, à la douleur des chairs labourées, à la mort qui vient.
Parmi les souvenirs me reviennent ses actuations à la feria de Bilbao 1979. Trente ans déjà! Je le revois face à ce sixième toro, un sobrero de Lisardo Sanchez qui était sorti comme un bœuf. On ne savait si c'était par mansedumbre ou défaut de vision toujours est-il que l'animal n'avait pas réellement chargé ni couru une seule fois lorsque Francisco prit la muleta. La bronca n'avait cessé durant les deux premiers tiers afin d'obtenir le changement du toro et continuait encore. On demandait maintenant au Gaditano d'en finir au plus vite. Vingt minutes plus tard, il franchissait la grande porte, a hombros, les deux oreilles du Lisardo en main! Par quelle alchimie Paquirri parvint-il à transformer cette bronca en triomphe, cet animal étrange en toro de combat? C'est assurément la marque des grands toreros que ce pouvoir-là.
Mais ce n'est pas tout. Au cours des deux contrats qu'il avait cette année-là à Bilbao, le maestro tua ses quatre toros de quatre grandes estocades. Le plus remarquable étant qu'à la fin de chacune de ses faenas le toro se trouva parfaitement cadré sans qu'une seule passe de aliño soit nécessaire. Et comme Francisco toréait avec l'épée de verdad l'estocade constitua, chaque fois, sans rupture d'aucune sorte, le couronnement de la domination du maestro.