Voici quelques notes et impressions sur une feria montoise qui, hormis le jour de Morante et des Garcia Jimenez, a connu des tardes intéressantes et, comme les bons toros, est allée a mas pour se terminer avec le grand spectacle des Pedraza. L'affluence du public est elle aussi allée en augmentant, les corridas de fin de semaine (proches du plein total) ayant connu une affluence supérieure aux corridas toreristes du mercredi et jeudi (4/5ème).
Mercredi : deux toreros
Très inégal en âge, trapío et caste, sans aucun bon toro, le lot de Victoriano del Rio avait un côté fond de tiroir, en l'occurrence fond de campo. Il constitua une déception dans une temporada où abonde, dans d'autres ruedos, ce que l'élevage produit de meilleur. Le succès de la tarde revint à deux toreros qui ont su tirer le meilleur de toros anodins.
Antonio Ferrera et Daniel Luque ont eu à peu de choses près un sorteo identique. Peu motivé et sans sitio, le natif des Iles Baléares a rendu copie blanche (silence, silence) tandis que le Sévillan affirmait sa classe et son pouvoir sur les toros. Il tua en outre de deux estoconazos (deux oreilles, une oreille). L'un parait être au bout du rouleau, l'autre semble marcher sur l'eau, il peut avec tous les toros et torée avec une classe de grand maestro.
Diego Urdiales a pu profiter de la noblesse fade du cinquième pour donner plusieurs naturelles de qualité supérieure. A montrer dans les écoles taurines. Mais l'ensemble de son ouvrage manqua de dominio. Oreille après estocade entière. Il n'avait rien pu tirer du second en querencia permanente près des tablas.
Jeudi : Échec pour les arènes montoises
Georges Orwell a inventé le concept de common decency que l'on pourrait caractériser avec Jean Claude Michéa de "sens commun qui nous avertit qu'il y a des choses qui ne se font pas". Cette corrida, imprésentable, fait partie de ces choses qui ne devraient pas se faire. Elle signe l'échec des nouveaux organisateurs, leur incapacité à faire respecter par une figure de la tauromachie (Morante de la Puebla) et par un marchand de toros (Garcia Jimenez, alias Matilla) une décence minimale correspondant à l'éthique de la tauromachie. Ces toros-là n'avaient rien à faire sur le sable du Plumaçon qui se targue d'être une arène de première catégorie et dont le public n'est pas prêt à prendre au sérieux ce qui s'accomplit devant des bichos aussi insignifiants. Au final, c'est la tauromachie toute entière qui sort affaiblit de cette après-midi.
Vendredi : L'oreille de Rafaelillo
Retour à la normale, et même un peu plus, avec le magnifique lot cinqueño des héritiers de Celestino Cuadri lidié vendredi.
On essaie toujours de nous vendre les Cuadri comme des toros terrorifiques. Rien n'est moins vrai, le toro de Cuadri est foncièrement noble et les trois derniers de ce jour sont venus en apporter la preuve. Certes leurs armures et leur tamaño si imposants inspirent le plus grand respect, certes leur lidia a été compliquée ce jour aux deux premiers tiers, mais ils sont capables de livrer au troisième tercio des charges profondes qui rendent possible le meilleur toreo. Un regret bien sûr, c'est que de si beaux animaux se soient montrés si peu actifs au cheval. 12 piques ordinaires, les combats épiques face à la cavalerie sont restés une fois de plus dans nos rêves.
En pleine forme, moral au plus haut, combattant comme jamais et bon torero, Rafaelillo fait plaisir à voir. Face au très bon quatrième, il donna une faena complète qui culmina en d'excellentes séries de naturelles templées, longues, profondes. Après une demi-estocade il coupa une grosse oreille qu'il fallut aller chercher au desolladero à la suite d'un énorme quiproquo entre présidence, alguazils, toreros et public.
Octavio Chacon n'a été que l'ombre de lui-même. Il laissa le très noble cinquième sin torear.
Damian Castaño toréa très peu de cape, coupant court à ses réceptions. Voulait-il préserver ses toros pour la faena ou bien ne se sent-il pas à l'aise dans le maniement du capote ? Il dut abréger son travail avec le troisième blessé à un pied, mais la noblesse du dernier lui permit de réaliser une excellente faena sur les deux cornes qui lui aurait valu un appendice sans son inefficacité répétée épée en main. Étrange manière de tuer que la sienne se profilant très loin du toro.