mercredi 26 mai 2010

Ma feria de Vic 2010 (2)

Corrida de Palha

Le lot de Palha en deux mots : joli et plaisant. Une corrida comme on aimerait en voir face aux vedettes de l'escalafon à la place des habituelles limaces produites en série par les élevages dits "de garantie". Avec deux toros braves : Camarito (un petit frère?) et Bandeirito (honoré d'une vuelta justifiée par trois piques prises en poussant et une belle noblesse), à savoir le lot d'Alberto Aguilar. Ce dernier ne laissa pas passer l'occasion de triompher pleinement. Il fallait du culot pour attaquer Bandeirito plein centre par deux excellentes séries de naturelles. Trois oreilles pour le protégé de Fernandez Meca et une promesse qui, sous nos yeux, est en train de devenir réalité.
Morenito de Aranda torée bien et joliment. Mais il a manqué quelque chose à son toreo pour emporter vraiment l'adhésion.
Medhi Savalli est un cas. Une cape, une paire de banderilles dans les mains, il se montre efficace, sûr de lui, artiste même parfois; mais, dès qu'il prend muleta et épée, on assiste à un effondrement psychologique et physique. On le sait, être torero est avant tout une affaire de mental et pour lui là est vraiment le nœud du problème.



Corrida de Victorino Martin
Cinq ans bien sonnés, armés pour la guerre, une tonne de dynamite au bout de chaque corne. Les trois derniers des estampes, avec mention au cinquième : plus beau, plus sérieux, plus impressionnant, impossible. Un corridón de Victorino.
Et pourtant une déception - sans doute exagérée - mais une déception tout de même.
Les causes?
Un manque de bravoure et de poder : malgré douze piques honorablement prises, aucun n'a poussé de verdad, à aucun moment la cavalerie n'a été mise en difficulté.
Et, conséquence de ce premier manque? l'absence de noblesse. 6 alimañas 6. Avec des nuances certes, les deux de Juan Bautista plus abordables, les deux du Fundi peut-être améliorables, les deux de Rafaelillo des tueurs à gages.
En fin de compte, une corrida pour Vic et j'irai même jusqu'à dire une corrida rassurante : il y a toujours du nerf, du genio, de la méchanceté brute chez Victorino.
El Fundi est moralement au fond du trou. J'ai fait partie des rares spectateurs à l'applaudir lors de sa sortie des arènes. Je me disais "on ne le reverra plus, il mérite bien un dernier hommage". Et pourtant, qu'est-ce qui nous dit qu'il ne sera pas là l'an prochain plein d'entrega et de dominio, pour un adieu réussi cette fois.
Rafaelillo : à l'impossible nul n'est tenu.
Juan Bautista, personnellement je l'ai trouvé bon. Venir à Vic tuer une corrida cinqueña de Victorino et en repartir sans s'être décoiffé, sans avoir sali son costume blanc, sans s'être à aucun moment affligé mais en ayant donné une magnifique série de naturelle (les seules passes de l'après-midi), je dis bravo. Eso es muy torero.

mardi 25 mai 2010

Ma feria de Vic 2010 (1)



Samedi

Je n'ai pas assisté à la novillada matinale. Face aux santacolomas de Flor de Jara, le jeune Esaú Fernández se serait montré convaincant.
Les toros d'ESCOLAR GIL donnèrent du relief à l'après-midi. Toros complexes, au comportement changeant en cours de lidia. Avec beaucoup de solidité car 15 piques souvent mal données n'altérèrent pas leur mobilité. Et, sur fond de mansedumbre, une noblesse qui parfois virait à l'aigre...¡ay! ces regards qui font le va-et-vient entre la muleta et les broderies du costume!
Face à eux deux toreros (Sergio AGUILAR et David MORA) et l'ombre d'un torero (El FUNDI).
Sergio AGUILAR fut toute la tarde d'une sincérité absolue. Une sincérité qui a parfois du mal à convaincre les amateurs d'esbroufe. (vuelta et une oreille)
David MORA sut profiter de l'excellente corne droite de Canario honoré d'une vuelta que son banal comportement à la pique (la première prise honorablement, la deuxième sans pousser et en sortant seul) aurait dû interdire. Le garçon torée avec empaque. Il se donne quelques facilités à droite mais, à gauche, il refuse de rectifier son terrain malgré les avertissements du toro ce qui lui vaut une méchante voltereta avec taleguilla entièrement lacérée. Une entière desprendida et deux oreilles.
Deux bons toreros face à un lot de respect : une corrida comme on les aime.


La corrida-concours

Ce fut un fracaso en tous points comparable à celui de la corrida-concours arlésienne de la dernière feria pascale. Avec en prime le feu qui tombait du ciel et rendit la matinée très pénible.
L'évolution des La QUINTA ne laisse pas d'être inquiétante. De la noblesse qui confine à l'insipidité. Aucun intérêt.
Je crois qu'il faut se rendre à l'évidence, le célèbre Clavel Blanco a constitué chez Maria Luisa DOMINGUEZ PEREZ de VARGAS un miracle plus que le signe d'un renouveau. Aujourd'hui Macetero n'avait pour lui que son trapío.
Le Fidel SAN ROMAN fit une sortie tonitruante qui autorisait tous les espoirs avant de se dégonfler très vite.
Le Dolores AGUIRRE fut le toro le plus intéressant de la matinée mais ce n'était qu'un manso con casta, inapproprié donc à une corrida-concours.
L'ALCURRUCEN un imposant manso querencioso.
Au final, le buendía de REHUELGA bravito et noblote.
Chez les piqueros Diego Pahito de la cuadrilla de José Luis Moreno piqua fort bien - et avec style - le Dolores Aguirre.
Enfin El Pimpi eut l'intelligence de comprendre que la seule façon de châtier le manso d'Alcurrucén était d'aller le chercher dans son terrain au delà de la ligne tracée sur le sable. Il brava les sifflets avec professionnalisme.

mardi 18 mai 2010

Débandade



Puisqu'on est en pleine période de débandade - taurine, bien sûr (voir ce qui se passe depuis quelques jours à Las Ventas) et économique (pas besoin de vous faire un dessin) - deux solutions s'offrent à nous. Se laisser couler aussi agréablement que possible dans l'ivresse et l'insouciance des derniers beaux jours. Essayer de comprendre pour se donner les moyens de réagir. (Il n'est pas interdit de combiner les deux.)
Pour ce qui concerne la partie économique, je viens de lire sur le site du Monde diplomatique une analyse de Frédéric Lordon qui m'a paru limpide. Je n'ai aucune compétence en la matière et ignore donc le degré de pertinence des propos de monsieur Lordon mais il m'a semblé que ça valait le coup (si on dispose d'un peu de temps) de s'y frotter pour y voir - peut-être - un peu plus clair.
En ce qui concerne les toros, tous nos regards...et nos espoirs vont se porter vers une petite bourgade du Gers... Mais là, vous en connaissez sans doute le chemin...

lundi 10 mai 2010

Première

Hier je décide de tenter une première : payer pour voir une corrida sur mon ordinateur. Il faut être sûr d'être tranquille, une fin de dimanche maussade, c'est idéal. Toros de Dolores Aguirre pour Rafaelillo, Fernando Cruz et Joselillo, un des cartels les plus intéressants du fastidieux marathon madrilène. J'achète!
Conscient de mes capacités, je décide de m'y prendre une heure à l'avance. Bien vu, c'est le temps qu'il m'a fallu pour comprendre comment ça marche. A 19 heures donc paseo à Las Ventas. L'image est plutôt bonne, mais de temps en temps ça grippe, ça s'arrête, ça repart. A vrai dire rien de rédhibitoire, je m'attendais à pire.
La corrida est passionnante. Les mansos con casta, mobiles et puissants, de Doña Dolores apportent en permanence l'émotion, l'intérêt pour la lidia. Quelle différence avec ce pauvre Fernando Peña, un remiendo sorti en cinquième position! Une limace, de celles que les Madrilènes (et les autres) doivent se fader à longueur de corridas ordinaires.
Ce qui m'a frappé dans la grande après-midi qu'a connue Rafaelillo, c'est sa capacité à comprendre les toros et à adapter son toreo à chaque situation. Le premier est un adversaire pour partir à la guerre et Rafaelillo y va le cœur vaillant. Il canalise, améliore, domine. Mais il sut voir très vite que son second était un dulce et le torea comme on le doit dans ces cas-là : calme, relâché, avec temple et lenteur.
Exactement l'inverse chez Joselillo, nerveux à l'extrême avec le troisième, au point de passer à côté d'une corne gauche qui offrait des possibilités, trop confiant et trop calme en revanche face au sixième, un tío de 590 kg qui renversa deux fois la cavalerie à la régulière mais qui n'avait pas une passe. La cogida du torero fut réellement espeluznante comme disent nos voisins.
Quelle paire de banderilles celle de Juan Navazo au second! Face à un Dolores entablerado, un sesgo por afuera d'école qui mit le public venteño debout.
Malgré son magnifique costume de lumière Fernando Cruz continue à bailar con la mas fea. Un lot impossible et des espoirs de lendemains meilleurs qui s'envolent.

dimanche 2 mai 2010

Aire : annulation!

"Novillada annulée en raison de la pluie."
Voilà l'affiche que les aficionados ont pu découvrir en arrivant devant la taquilla des arènes d'Aire sur Adour en ce samedi 1 mai. Le problème c'est qu'il n'avait pas plu depuis le matin et Météo France n'annonçait pas de pluie pour l'après-midi (de fait il ne pleuvra pas).
Il me semble qu'il aurait été plus logique d'écrire "Novillada annulée par crainte de pertes financières pour les organisateurs." (en l'occurrence P. H. Callet, SARL Caltoros). Et encore plus logique, dans ce cas, de ne pas programmer cette novillada. Cela aurait évité de faire naître des espoirs sans lendemain pour l'éleveur, les toreros, les "spectateurs". Et de créer des mécontents chez les aficionados qui se sont déplacés, parfois de fort loin, pour se trouver nez à nez avec cette annonce. Aficionados qui, on le comprend, risquent de tirer une croix sur les arènes d'Aire sur Adour.
Personnellement, je me faisais un plaisir de les retrouver après très exactement 21 années d'infidélité (cosas de la vida). Le 1 mai 1989 il y avait des novillos de Maria Luisa Dominguez Perez de Vargas pour Antonio Posada, Enrique Ponce et Jesulin de Ubrique (pas mal le cartel). Les Maria Luisa se montrèrent nobles. Enrique Ponce ne m'a laissé aucun souvenir. En revanche je me souviens très bien de Jesulin qui débutait (c'était sa deuxième novillada piquée). Un grand échalas déjà capable de faire tourner sans fin le toro autour de lui sans se faire attraper la muleta. Il avait coupé deux oreilles, prélude à d'autres triomphes (nîmois notamment) et à la carrière que l'on sait.

samedi 1 mai 2010

Campos y Ruedos prend l'alternative

Un site, un blog, des mots qui s'enfuient au premier courant d'air. Continuent-ils d'exister après que nous les avons lus? Et dans dix ans, dans cinquante ans? Quand il suffit d'un nuage de poussière pour paralyser tous les aéroports européens!
Alors cette transmutation en encre et papier, sous forme d'un magnifique ouvrage édité par Atelier BAIE, fait figure de passage à un échelon supérieur. Une prise d'alternative en quelque sorte. On peut maintenant toucher leurs mots, leurs photos, feuilleter, transporter, lire dans son fauteuil, sur sa chaise longue. Et puis, ce livre, on peut le ranger dans sa bibliothèque. On sait que dans six mois, un an, dix ans, il sera toujours là. On se sent rassuré. Et par les temps qui courent on a besoin d'être rassuré.
Parce que les mots et les images des gens de Campos y Ruedos c'est pas rien. Il y a mille tonnes d'aficion et autant de caste, de la bonne, de la mauvaise aussi, de celle qui emmerde les taurinos mais fait sortir les aficionados de leur torpeur. Et en prime du talent pour écrire.

Il y a aussi l'affirmation d'une éthique de la corrida exprimée dans des textes de fond qui sont autant de manifestes allant à l'encontre de la corrida standardisée et triomphaliste que les marchands de tauromachie délavée voudraient nous faire avaler.
Car, pour les rédacteurs de Campos y Ruedos, l'essence même de la corrida c'est le combat. Donc ça saigne, ça fait peur (Au armes de Jérôme Pradet). Un toro, ça doit être puissant dans les trois tercios (En réponse aux abolitionnistes de François Bruschet, La bravoure intégrale de Thomas Thuriès). Elle est aussi une quête, celle d'élevages qui sortent des sentiers battus : encastes, trapios, comportements différents; avec les aleas que cela suppose et qu'il faut savoir accepter (Plaidoyer pour la liberté de choix et la diversité de Yannick Olivier, Les Palha? Au musée! de François Bruschet).
Et cela ne les empêche pas d'aimer les toreros. Nimeño II, Luis Francisco Esplá, César Rincón, José Tomás, El Cid y sont aussi à l'honneur.
Une alternative réussie.








Ce que j'ai bien aimé dans cette couverture c'est, en haut à droite, le 01 annonciateur de plaisirs renouvelés...