Était clairement exprimée chez les aficionados à la sortie de cette deuxième corrida des fêtes de Mont de Marsan qui fut pourtant une corrida que l'on pourrait qualifier d'entretenida et qui vit le triomphe d'un matador (Ivan Fandiño) et le succès d'un autre (Antonio Ferrera) une très nette insatisfaction.
Le cartel avait tellement fait rêver que la prosaïque réalité d'une assez bonne tarde ordinaire ne pouvait qu'avoir un petit goût de grise banalité.
On attendait d'abord les toros de La Quinta. Leur bonne temporada 2013 avait ravivé ici le souvenir de l'immense lot de 2008, étaient présent aussi dans la mémoire de beaucoup les grands toros des corridas-concours vicoises ainsi que les excellentes novilladas roquefortoises d'il y a quelques années.
Il y avait ensuite la perspective du duel El Juli - Ivan Fandiño, duel entre deux idoles montoises, l'ancienne et la nouvelle, mais duel aussi entre deux conceptions radicalement opposées de l'éthique taurine.
Or, les toros de La Quinta ont été nettement en dessous des attentes; quant au duel il n'a pas eu lieu en raison de l'abdication de l'un des combattants.
D'entrée, Espartero premier toro de La Quinta se chargea de doucher les espérances. Haut, maigre, pustuleux et invalide, il avait sans doute, grâce à l'opportunité de ce voyage vers Mont de Marsan, évité la triste fin de l'abattoir que ses six herbes semblaient devoir lui promettre. Il donna le ton de la course, celui de la faiblesse qui réduisit le tercio de pique à une simple formalité. Dès lors, malgré quelques retours de caste, surtout en fin de combat, la tarde ne pouvait dépasser le niveau d'une corrida pour vedette qui fonctionne. C'était nettement insuffisant en regard des espoirs de l'aficion.
Celui qui ne fonctionna pas en revanche ce fut El Juli. Nous avons assisté de manière tout à fait inattendue à un surprenant effondrement moral de sa part. Des caricatures de julipiés ratés à son premier au renoncement à toute faena à son second (alors que le toro s'était montré d'une grande noblesse à la cape) jusqu'à la sortie sous les sifflets, le Juli a bu ce jour le calice jusqu'à la lie.
Faut-il y voir un simple accident de parcours lié à un lieu - le Sud Ouest de la France - dans lequel il ne se sent plus en territoire conquis? Doit-on penser qu'il a surestimé ses forces et que ses épaules ne sont pas assez larges pour assumer à la fois la competencia sur le sable des arènes et la guérilla qu'il mène contre les organisateurs dans les coulisses? ... Ses prochaines actuations nous en diront peut-être davantage...
Tout cela ne doit pas occulter les satisfactions de la tarde. A commencer par Ivan Fandiño venu, lui, en découdre et repartant avec trois oreilles; et le plaisir de revoir, après tant d'années, Antonio Ferrera qui sut faire apprécier sa maturité rayonnante.
A propos d'Antonio Ferrera, il est bon de se souvenir qu'il avait, lui aussi, en ses jeunes années, osé défier le Madrilène (rappelons-nous une certaine tarde dacquoise). Il avait alors été écrasé par le système Juli qui l'avait ostracisé sans ménagement.
Mais la temporada suit son cours. On attendra avec intérêt le combat des novillos de La Quinta à Hagetmau et à Roquefort ainsi que la répétition du cartel montois en août à Bilbao tant "la corrida est le spectacle mêlé d'une déception et d'une espérance toujours renouvelées¹"
¹Bernard Marcadé, Ai no corrida, in Artpress 2 n°33 "L'art de la tauromachie" (une excellente surprise que ce numéro et une lecture passionnante)
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