samedi 11 juin 2022

Vic-Fezensac 2022 : une feria sans oreille mais non sans toro (3)

 
Les picadors et le tercio de piques
 
   On vient à Vic pour voir des tercios de piques bien donnés à des toros qui les supportent. Si l'on compare avec ce que l'on voit régulièrement dans des arènes de première catégorie bien plus huppées le contrat cette année encore a été rempli. Tous les toros de la feria ont supporté deux vraies piques, la majorité en a reçu trois et exceptionnellement quatre. Les maestros et les cuadrillas ont mis en suerte les bichos comme il convient : arrêtés et à une distance adéquate. Ensuite le résultat de la rencontre dépend de la conjonction bravoure du toro, professionnalisme du piquero et qualité du cheval. Il n'y a pas eu de miracle du côté des piqueros : s'il y eut quelques bonnes piques isolées, leur maladresse a été largement partagée et la majorité sont sortis sous les sifflets ou un silence réprobateur. Toutefois David Prados (cinquième Cebada Gago) et Juan Charcos Reinosa (sixième Baltasar Iban) ont été ovationnés.
   Alain Bonijol, dont la cavalerie m'a semblé plus lourde et moins mobile que par le passé, a été une nouvelle fois héroïque lorsqu'il est venu au secours de son cheval renversé par le cinquième Baltasar Iban. A cuerpo limpio, à quelques centimètres des cornes, il a soutenu son pupille qui s'était relevé et était à nouveau chargé par le fauve. Grande ovation.
   Il faut enfin reparler de l'incident de lundi. Sous tous les cieux de la planète taurine lorsque sort un toro aussi dangereux que le quatrième Escolar Gil, à savoir un toro qui dès les premières passes de cape charge l'homme plutôt que le leurre, on l' "assaisonne" à la pique. Ce qu'a fait en toute logique le piquero de Lopez Chaves. Sans avoir l'intelligence de dissimuler ses intentions et dans un contexte d'abandon total de la lidia de la part du maestro. A la limite son actuation méritait une bronca - et encore venant de gens naifs ou peu entendus des choses taurines -, mais en aucun cas le jet de bouteilles en plastique de la part de quelques pseudo-aficionados. Voilà qui nous amène à dire quelques mots du public.




Le public
 
   Le public de Vic est sans doute le pire de France, j'ai déjà eu l'occasion de le dire sur ce blog et ce n'est pas l'arrivage d'Espagnols singeant les censeurs du tendido 7 madrilène qui pouvait contribuer à améliorer les choses.
   La course du dimanche après-midi, avec un public armagnaqué à outrance, s'est déroulé dans un climat tendu, mais le pire a été commis lundi avec les jets de bouteilles dont nous avons déjà parlé. Un incident rarissime dans notre spectacle qui se veut irréprochable du point de vue du comportement du public. Hélas, les antitaurins sont aussi à l'intérieur et la corrida toriste qui est déjà bien mal en point  pourrait ne pas se relever si de tel incidents devaient se reproduire. 
   Un public qui a par ailleurs répondu présent. On aimerait bien sûr des tendidos entièrement garnis mais trois-quart d'entrée (c'est à dire le niveau des années pré-covid) sont par les temps qui courent un bon résultat.


   Un mot pour conclure sur l'organisation. Chacun a pu constater que la communication durant la feria a grandement laissé à désirer. Les interventions au micro furent intempestives, parfois hors de propos et souvent à contretemps. Elles furent donc contreproductives, donnant de plus l'impression de se trouver dans une kermesse de patronage. En revanche les changements de toros durant la course de lundi auraient dû être signalés, et ce au moyen du traditionnel panneau visuel.
   Entre les détails à améliorer et les fondamentaux à préserver, les organisateurs ont du pain sur la planche d'autant que, dans le créneau qui est le leur, la marge de manœuvre reste assez limitée. Mais nous leur faisons confiance : ils en ont vu d'autres !

A l'an que ven. 
 


photos Laurent Bernède
   Provechoso sixième Baltasar Iban
  

jeudi 9 juin 2022

Vic-Fezensac 2022 : une feria sans oreille mais non sans toro (2)




Les matadors
   
   Ce n'est pas la première fois que ce que l'on pourrait appeler le syndrome de Madrid frappe à Vic-Fezensac.. C'est bien sûr le public, mais aussi les organisateurs et l'éleveur qui en ont subi les conséquences. Trois toros qui semblaient avoir de bonnes possibilités sabotés, d'abord par les cuadrillas puis par Antonio FERRERA (sifflets, sifflets, sifflets). Une peine. La solution ? Attendre de connaitre les cartels de Madrid pour finaliser ceux de Vic.

   A la suite de sa bonne prestation de samedi, LOPEZ CHAVES (salut, vuelta, silence / vuelta, division d'opinions) obtint le remplacement de Gomez del Pilar lundi face aux Escolar Gil et tua donc cinq toros au cours de cette feria. Il nous montra ses deux faces. La meilleure devant le quatrième Valdellán, un toro pastueño dont il découvrit les qualités à la cape ce qui nous valut, après l'entrée du picador,  une étonnante larga afarolada de rodilla après poursuite du toro qui s'enfuyait. Suivirent de profondes véroniques pour mettre le toro en suerte puis une faena douce, templée, liée que n'auraient pas reniée les plus hautes pointures de l'escalafon. Hélas ! un inattendu bajonazo vint ternir ce beau moment et empêcha l'octroi de tout trophée. La pire face au quatrième Escolar Gil face auquel il se montra totalement inhibé. On ne lui reprochera pas de ne pas avoir tenté une faena (encore qu'une séance de macheteo eût été adaptée à la condition du toro), ni d'en avoir terminé par un bajonazo (cette fois justifié), mais d'avoir laissé s'installer la panique lors des deux premiers tiers ce qui occasionna des troubles d'ordre public qui auraient pu avoir des conséquences graves si une des bouteilles lancées par des énergumènes irresponsables avait atteint le picador visé.

   Ruben PINAR (salut, silence) est sans doute un torero pour Albacete où il coupe chaque année un montón d'oreilles mais pas pour Vic où sa réticence à se croiser lui vaut d'être fraichement reçu par une partie du public.
 
   Javier CORTES (salut, silence) réalisa une bonne faena, engagée, au bon second iban, puis il s'arrima au difficile cinquième. Son talon d'Achille reste l'épée.
 
   Damian CASTAÑO (silence, silence) faisait sa présentation à Vic. Il fit preuve d'une aisance un peu superficielle dans deux faenas assez complètes mais il se montra tueur calamiteux, multipliant les pinchazos sans s'engager.
 
   Morenito de ARANDA (silence, salut) dans son style élégant et un peu froid tira le meilleur parti d'un lot ingrat de Cebada.

   Alberto LAMELAS (silence, silence) toréa avec calme et engagement, tentant de mettre dans sa muleta des cebadas retors et y parvenant parfois.

   A la suite de la bonne impression laissée l'an dernier lors de la novillada de Raso de Portillo, José CABRERA s'était vu proposer par les organisateurs une alternative inespérée. La vérité oblige à dire qu'il parut peu préparé pour l'évènement et sans recours tout au long de la tarde face, certes, à deux cebadas empoisonnants.

   Quelle tristesse de voir Octavio CHACÓN (silence, sifflets) sans âme, sans désir, sans sitio, lui qui, il y a déjà quelques temporadas, nous a fait vibrer par son punch et son dominio !
 
   Face à deux escolargils fades et sans charge, Sergio SERRANO (silence, silence) tenta d'utiliser les ressources du temple mais rencontra peu d'échos auprès des toros comme du public..














Les banderilleros

   Si la feria a été désastreuse en ce qui concerne les matadors elle le fut aussi de la part des cuadrillas. Dès samedi, celle de Ferrera s'est appliquée avec constance à mal lidier, mal piquer et mal banderiller ses trois toros. Il ne fallait surtout pas que leurs qualités apparaissent au yeux du public ! On ne compte plus durant la feria le nombre de toros banderillés à l'unité. Quelqu'un qui aurait découvert la corrida lundi aurait pu penser que la façon normale de poser les palitroques était une par une. Sans doute un retour à la tauromachie des origines !
   Sauvons du désastre les excellentes bregas d'Angel Otero et de Marco Galan le jour des Baltasar Iban. David Adalid fut, lors de la novillada, le seul banderillero appelé à saluer de toute la feria.
 
 
(à suivre)


photos Velonero
   les trois du lundi
   Sergio Serrano

  
  

mercredi 8 juin 2022

Vic-Fezensac 2022 : une feria sans oreille mais non sans toro (1)

   














 
   La feria a connu une progression jusqu'à parvenir à son zénith dimanche matin lors de la corrida de Baltasar Iban avant de décliner avec des Cebada Gago décevants et de finir dans la lassitude des derniers Escolar Gil.
   Elle restera dans les mémoires comme la feria sans oreille. Les bons toros n'ont pourtant pas manqué. Ce qui nous amène à nous interroger sur les insuffisances des hommes. On peut leur reprocher leur manque de professionnalisme et d'ambition mais aussi de technique en particulier lors des mises à mort. De quoi s'inquiéter pour l'avenir. 


Les toros
 
   Les novillos de RASO de PORTILLO ont une nouvelle fois donné satisfaction par leur bravoure et leur noblesse. Le dernier, Paletista, fut honoré d'une vuelta qui récompensait l'ensemble du lot. Le bémol vient de la présentation. Si les trois derniers étaient magnifiques, les trois premiers possédaient un trapío limite et on se demande comment les organisateurs ont pu tolérer que sorte le second, un animal quasiment dépourvu de cornes. Il ressemblait en fait aux animalcules que l'on peut voir sur certaines photos et vidéos des corridas des années 50 et que toréait le célèbre Litri, récemment disparu. On a quand même bien progressé depuis !
 
   Les toros de VALDELLÁN possédaient les caractéristiques de leur origine santa coloma. Un trapío correct mais discret, une bravoure qui pouvait tourner à la complication en particulier lors des bregas dans les deux premiers tiers, mais aussi une noblesse  qui les rendait tous très toréables au dernier tiers et ce malgré le mauvais traitement reçu par les trois de Ferrera. Cerise sur le gâteau, le quatrième fit preuve d'une douceur exquise dont se régala Lopez Chaves.
 
   Venons en maintenant aux véritables triomphateurs de la feria, les toros de BALTASAR IBAN. Un lot magnifique, de grand trapío. Tous allèrent au cheval avec fougue et bravoure (18 piques, une chute). Conformément à leur habitude ils se plaignirent des banderilles. Au troisième tiers, à l'exception du cinquième qui cherchait l'homme, les cinqueños de Cristina Moratiel chargèrent avec noblesse, permettant aux toreros de construire des faenas, le quatrième offrit même une corne gauche pleine de douceur à son torero. Vuelta acclamée du mayoral Domingo Gonzalez à l'issue de la course.
 
   La corrida de CEBADA GAGO a constitué en revanche une déception. Elle a manqué de fond et de formes. Pour une corrida cinqueña on pouvait s'attendre à plus de volume et de présence physique des toros même si l'on sait que les Cebada sont des animaux d'une grande finesse. Et aucun, hélas, ne s'est grandi au combat, tous finissant éteints ou de charge brusque et réduite.
 
   Les ESCOLAR GIL déçurent également. Eux aussi âgés de cinq ans, ils étaient très bien présentés, d'un grand sérieux. Tout avait pourtant bien commencé avec deux toros nobles (qualité qui n'est pas si fréquente dans l'élevage) mais le 3 et le 6 étaient fades et sans charge. Le 4 chercha l'homme dès les premières passes de cape. Ce comportement provoqua la démission totale de Lopez Chaves, occasionnant un beau scandale comme Vic aime en vivre régulièrement. Le 5 fut difficile par manque de fixité.


Les novilleros
   
   Cristian PEREZ (silence, salut) est un novillero basto et limité techniquement. Nous ne pouvons qu'espérer que la vaillance et la sincérité dont il a fait preuve ce jour lui permettront de progresser dans le dur métier qu'il a choisi. Il réalisa au cinquième un quite réussi par saltilleras serrées.
   
   Nerveux, emporté - jusqu'à se montrer incorrect avec sa cuadrilla - Diego PESEIRO (sifflets, salut) possède un bagage très limité. Il compense par une activité qui le porte à prendre des risques inconsidérés. Face au puissant cinquième il sortit miraculeusement indemne de deux cogidas spectaculaires qui mirent acteurs et spectateurs en émoi, lors d'une réception a porta gayola d'abord, puis à la sortie d'une paire de banderilles.

   Je souhaite me tromper mais je n'ai vu aucune qualité à José ROJO (silence, silence) qui, en outre, gâcha le très bon sixième.

   Tous tuèrent de manière calamiteuse, écoutant de nombreux avis et donnant le ton d'une feria avec toros mais sans matadors.
 

 













     (à suivre)

photos Laurent Bernède 
   Provechoso, sixième Baltasar Iban
   Espantavivos, cinquième Baltasar Iban