La journée de
dimanche a connu des moments de grande qualité, de ces moments rares et
précieux que nous offre la tauromachie lorsqu’une rencontre a lieu entre un
toro sérieux et un torero en pleine possession de ses moyens.
Corrida de Hoyo de la Gitana
Bonne surprise que
cette corrida de Hoyo de la Gitana, d’un trapio imposant, sérieuse,
brave (14 piques), avec un bémol : une faiblesse de pattes latente qui
empêcha certains toros de donner toute leur mesure et obligea à changer les 6
et 6 bis en raison de problèmes locomoteurs.
Ce jour, Lopez
Chaves connut une grande tarde, proche de la perfection. La lidia de son
premier Hoyo de la Gitana constitua un modèle du genre. Tout ce qu’il fit à ce
toro âpre fut précis, adapté, efficace. Pas un geste de trop, pas une passe
superflue, une faena courte, pour une domination totale sur un toro qui ne
demandait qu’à extérioriser sa caste austère. Une leçon de maître. Une oreille
après une demi-estocade. Le Salmantin récidiva face au quatrième, plus avenant.
Son sitio parfait, ses naturelles profondes soulevèrent l’enthousiasme du
public qui l’obligea à accomplir deux tours de piste après une mise à mort
laborieuse qui le priva de tout trophée. Grande journée de Lopez Chaves qui
restera dans la mémoire de tous les aficionados présents.
Avec un toreo
beaucoup plus superficiel, Manuel Escribano fit appel à son expérience
et à la variété de son jeu pour passer la rampe (salut, silence).
Adepte d’un toreo
répétitif et en ligne, Miguel Angel Pacheco passa totalement inaperçu.
Corrida de José Escolar Gil
Il y a des corridas
qui, comme les bons toros, vont a mas, ce fut le cas de celle-ci commencée dans
la fadeur et l’ennui et terminée par un grand triomphe.
Le petit ruedo
vicois avait bénéficié pour l’occasion d’un lot d’une présentation supérieure
qui en temps normal aurait été lidié à Madrid ou Pampelune. Mais les arènes de
Las Ventas tournent au ralenti et, en cette semaine de San Fermin, les rues de la
capitale navarraise restent désespérément désertes.
Les quatre premiers Escolar Gil ne
refusent pas l’appel des picadors (3 piques chacun) mais pêchent par leur fadeur au point de
permettre la sieste habituelle des jours sans toros. Il faut dire que de leur
côté les toreros n’aident pas.
Octavio Chacon est loin de son niveau
d’il y a quelques années, on le sent usé prématurément par les rudes combats
qu’il a déjà mené. Il laisse échapper les possibilités qu’offre, en particulier
à gauche, son second adversaire.
Manchero, le
cinquième, est un magnifique cardeno. Il prend trois piques en poussant de
verdad puis fait preuve d’une belle noblesse bien qu’entachée elle aussi de soseria.
Alberto Lamelas n’est pas l’homme de la situation. Sans sitio,
destemplado, le vaillant batailleur qu'il est ne peut en tirer profit malgré l’appui des tendidos qui l’avaient
affectueusement appelé à saluer en début de corrida en souvenir de ses exploits
accomplis en ce même ruedo.
Jusqu’à ce moment,
on peut dire que l’après-midi est un échec aussi pour les toreros qui n’ont
jamais su prendre la mesure de toros à contrestyle de ce cartel de guerriers.
Mais sort Cantador,
plus petit malgré ses cinq ans bien sonnés, qui va changer la donne. Trois
piques prises en brave pour lui aussi mais il possède en outre le nerf, la
codicia, l’alegria qui manquaient à ses frères et qui vont
donner du relief à ses charges répétées durant le troisième tiers. Gomez del
Pilar saura profiter de ce remarquable adversaire, en particulier dans
d’énormes séries de naturelles qui feront lever le public. Il arrête
judicieusement la faena après un léger accrochage sans laisser au toro le temps
de reprendre le dessus. Une entière, résistance du toro, deux oreilles pour
Gomez del Pilar et vuelta pour Cantador. Final heureux d’une feria plus que
jamais indispensable.
Afin de ne pas
laisser deux ans de suite Vic Fezensac sans feria taurine, le Club Taurin
Vicois avait eu la bonne idée de reporter les corridas données
traditionnellement pour Pentecôte au weekend des 10 et 11 juillet. Un pari
réussi puisque les étagères confortablement garnies montraient que le public
des habitués avait répondu présent sans que pour autant la jauge autorisée
(demi-arène) soit totalement atteinte. Cela a permis de relancer les corridas
toristes particulièrement mises à mal à la suite des mesures de restriction que
nous subissons depuis maintenant près d’un an et demi. Souhaitons que la feria
de Céret qui se déroulera samedi et dimanche prochain connaisse le même succès.
Il en va de la survie de beaucoup de ganaderias bravas sans lesquelles la
tauromachie perdrait beaucoup de sa saveur.
Les courses
connurent du point de vue purement taurin les déceptions et les ratés habituels.
Ils sont ici pain béni pour la partie la plus radicale du public qui, sans ces
manquements, serait frustrée de ne pouvoir exprimer son mécontentement et son
savoir. Elles connurent aussi, particulièrement le dimanche, de nombreux
moments exaltants, d’un très haut niveau.
Novillada de Raso de Portillo
La feria débute en
fanfare avec Aceñero, excellent novillo de Raso de Portillo qui prend
trois piques à tuer toute la camada de Juan Pedro Domecq. On comprendra bien
vite l’acharnement du piquero (bronca) : il sait. Il sait que Carlos
Aranda n’est pas dans le coup. Le malheureux novillero, inhibé par la peur
est totalement incapable de mettre à profit les qualités de son
adversaire . Malgré le traitement reçu, le novillo a gardé de l’allant et
ses charges semblent claires aussi bien à droite qu’à gauche, mais lorsque l’on
ne peut pas … Aranda abrège et en finit laborieusement sous les sifflets d’un
public sans compassion. Le novillo, partition restée silencieuse, est ovationné
lors de la vuelta unanimement demandée par les gradins.
Le reste du lot (18
piques) sera toujours intéressant mais ne pourra maintenir ce niveau.
La matinée aura
permis la découverte de José Cabrera. Un vrai novillero qui se donne à
fond, plante les banderilles, torée avec sincérité. Le natif d’Almeria
instrumenta à ses deux novillos des naturelles de grande qualité (vuelta –
vuelta). A revoir.
Calerito
remplaçait le Mexicain Isaac Fonseca, blessé. Il torée avec finesse mais pèse
peu sur ses adversaires. Il connut avec le sixième un véritable désastre au
descabello (trois avis).
Corrida concours
La corrida concours
a été décevante à tous points de vue : toros, matadors, piqueros.
Le pensionnaire de Fraile
est de grand trapio, negro, l’armure fine et ouverte. Il poussote sous
trois piques correctement données par Francisco Peña. Sa corne gauche est
possible mais Perez Mota ne trouve pas la clé.
Le Barcial
est lui aussi parfaitement dans le type : rond, bas, berrendo en negro. Il
prend trois piques sans pousser puis se contente de déambuler en marchant dans
le ruedo.
Gambito de Peñajara
est magnifique : sardo, imposant, l’ armure très développée et
astifina. Il pousse avec fixité en trois piques sous lesquelles ils est
consciencieusement assassiné par Carlos Perez Hernandez. Il avait pourtant
montré un bon potentiel de noblesse lors des passes de cape de mise en suerte.
Mais l’œuvre est accomplie et l’animal arrive moribond au troisième tiers.
Belugo, negro
classique de chez Yonnet prendra lui aussi trois piques mais il montre
peu d’entrega et va a menos. Il chargera avec noblesse mais aussi avec soseria
à la muleta. Un yonnet dépourvu de la caste que l’on s’attend à trouver chez
les pupilles de l’élevage camarguais.
Très beau et très
imposant aussi le pensionnaire de San Martin (trois piques) mais il
montre des signes de faiblesse et va a menos.
Barbatriste de Los
Maños porte nos derniers espoirs. Son aspect anovillado est une première
déception. A la pique, son comportement est très inégal, alternant brèves
poussées et fuites. Une quatrième pique est superflue. Doté d’une belle charge,
le bicho sera le meilleur de la soirée à la muleta même si lui aussi va a
menos.
On pourra peut-être
regretter que ce certes médiocre assortiment de toros n’ait pu bénéficier de la
plus-value que peut apporter l’oficio et le sens de la lidia de certains
maestros.
Perez Mota,
sans être catastrophique, eut beaucoup de mal à se centrer.
Sergio Serrano
fut bruyant, brusque et peu efficace.
Quant à Adrien
Salenc, malgré le meilleur sorteo, il est entré (et sorti par la même
occasion) par la petite porte. Il fit assassiner le bon Peñajara par son
piquero ce qui lui mit, fort justement, le public à dos. Après un bon début ,
sa faena au Los Maños s’effilocha pour finir dans l’indifférence.