On sait que le vent est l'ennemi des toreros, la mort de l'infortuné Victor Barrio en est sans doute, dans l'histoire récente de la tauromachie, le plus tragique exemple. Dimanche, à Cercedilla, dans la Sierra de Guadarrama, les drapeaux claquaient dans le ciel pur castillan et les muletas étaient soulevées comme des vieux chiffons. C'est à la suite d'une de ces rafales qu'Alejandro Fermin, soudain mis à découvert, se retrouva avec la corne de son opposant dans la cuisse. On l'emmena à l'infirmerie, mais très vite le torero en revint, cuisse rougie et orifice de la cornada bien visible. Il donna d'admirables naturelles à son adversaire puis le tua avec difficulté. Le public obtint pour lui l'oreille du courage et de la toreria et ce n'est qu'après avoir accompli le tour de piste qu'il regagna l'infirmerie pour se faire opérer d'une cornada de double trajectoire et de trente centimètre de profondeur. C'est ainsi que les matadors sont grands !
Jusqu'à ce jour le nom d'Alejandro Fermin n'avait eu que peu de résonance. Après cette épreuve, il mérite l'attention des aficionados (et des organisateurs), non seulement pour son courage mais aussi pour sa manière d'être dans la l'arène et son toreo.
Cette corrida de la copa Chenel avait aussi pour intérêt la présence de trois toros de la ganaderia Quintas, annoncée avec des origines Vicente Martinez. Si le second, berrendo en negro, fut retiré pour invalidité, les deux autres, par leur piquant et leurs charges vibrantes furent des toros pourvoyeurs d'émotion. Solero, premier sorti, était un magnifique sardo, ensabanado en capirote tout droit sorti des estampes du XIXè siècle. Il prit une pique en poussant et fut un toro encasté, de charge courte mais vibrante. Le troisième, un petit noir, prit deux piques en se défendant, puis garda toute sa vivacité. C'est à lui que le vent montra le chemin de la cuisse du torero.
Alejandro Fermin en Cercedilla