dimanche 24 mars 2019

Une falla

   Au cœur du quartier de Ruzafa, derrière les arènes, la falla Sueca - Literato Azorín fait partie des 9 fallas de la sección especial (les plus grandes et spectaculaires).







Jeudi 19 mars, minuit, la Crema






Mercredi 20 mars, 9 heures 30, même lieu




















vendredi 22 mars 2019

Vu à Valence



   Pour les Fallas, la capitale de la Communauté Valencienne pétarade avec tant d'ardeur que l'extraterrestre de passage doit se poser beaucoup de questions sur les us et coutumes des Terriens. L'apothéose a lieu sur la place de la mairie, elle attire, à 14 heures en puntas, des foules considérables pour la masclete quotidienne. Attention ! ça continue de manière spontanée et joyeuse toute la journée, toute la nuit, dans tous les quartiers, et les enfants ne sont pas les derniers à prendre un malin plaisir à faire exploser leurs pétards dans les rues. Dans ce contexte, les arènes sont presque un havre de paix. Le public y réagit avec mesure et les olés ont des douceurs levantines.



   Les trois corridas auxquelles j'ai assisté ont toutes eu leur intérêt, en grande partie grâce au bon niveau général des toros combattus. Aucun ne fit preuve de faiblesse de pattes, leur niveau de bravoure fut correct et certains (un jandilla et plusieurs fuenteymbros) se sont montrés supérieurs. La raison m'oblige à penser qu'il s'agit d'un heureux hasard, mais on se prend à rêver d'une temporada qui se maintiendrait à ce niveau.

Retour sur un non indulto
   La polémique a surgi à la suite du refus du président d'indulter le cinquième toro de la corrida de Jandilla. Notons que s'il y eut polémique dans la presse, dans l'arène tout se passa normalement. Le président essuya une bronca mesurée, adoucie par les applaudissements de nombreux aficionados, et l'on en resta là. L'occasion me parait bonne pour rappeler aux chantres de l'indulto que, plutôt que de verser des larmes de crocodiles sur la mort d'Horroroso, le meilleur moyen pour eux de justifier leur appétit de grâce serait de militer pour la troisième pique. Le cas était d'école. Le jandilla prend deux piques mais il est en fait très peu châtié car les deux fois, effet de sa bravoure et de son poder, il renverse très rapidement le cheval. S'il est placé de loin une troisième fois et accourt avec la même impétuosité, tout le monde y gagne. Le public qui assiste à un spectacle rare et plein d'émotion, le toro qui sauve sa vie, et les partisans de l'indulto car personne n'aurait contesté une grâce dans de telles conditions. Moralité : il faut savoir oser, même en corrida dite toreriste, la troisième pique !

La blessure d'Enrique Ponce
   L'homme a fait preuve tout au long de sa carrière d'une telle domination et d'une telle sécurité face au toro que le voir se faire blesser est un évènement. Évènement qui nécessite donc quelque développement. Parlons tout d'abord des toros. On attendait peu de choses des Garcia Jimenez (entreprise Matilla) annoncés pour la partie pédestre de cette corrida mixte tellement leur temporada dernière fut catastrophique. On fut donc plutôt agréablement surpris de voir débouler trois Olga Jimenez (le 4ème était de Parladé) très bien armés, solides, mobiles et même parfois dotés d'une pointe de nerf. Face à son premier, Ponce coupa une oreille après des derechazos serrés et une estocade entière. Au second, vif et mobile, après un début par trincherazos secs, le maestro  - et c'est là sans doute sa surprenante erreur - ne semble pas juger nécessaire d'utiliser le toreo dominateur qui le caractérise. C'est ainsi qu'il en vient à donner une série de naturelles de profil, les pieds joints, profitant de la mobilité du toro. Il veut remater par un molinete inversé lié à un pecho mais sur le retour le toro aperçoit le torero et lui vient directement au corps, le frappe derrière la cuisse, le renverse violemment au sol où il cherche à le reprendre. La cape salvatrice d'un peon détourne le toro au moment où il allait à nouveau frapper. Enrique se relève, grimaçant de douleur, et porte aussitôt la main à son genou, puis est amené rapidement à l'infirmerie.
   Pour la petite histoire, le maestro de Chiva portait en ce 18 mars pour la première fois un costume blanc et noir aux couleurs du Valencia Club de Futbol qui célébrait ce jour son centième anniversaire.
   L'émoi est grand dans les officines taurines car il semblerait que la gravité de la blessure au genou soit de nature à remettre en cause la temporada du Valencien. Et peut-être même lui donner l'idée, après trente ans de bons et loyaux services aux plus hauts sommets, d'une retraite bien méritée.

Une corrida importante de Fuente Ymbro
   Avec un toro de vuelta, Damasco, sorti en deuxième position, au galop vibrant et encasté, et trois autres de grande qualité, braves, nobles, l'élevage gaditan a permis une corrida de clôture d'un excellent niveau et d'un intérêt toujours soutenu.
   Quel plaisir de pouvoir déguster la toreria de Finito de Cordoba ! Demi-véroniques de cartel, enchainements majestueux, sobriété distinguée, classe, élégance. Celui qui aurait pu être une figure majeure s'il n'avait manqué de valor a peut-être encore un avenir comme telonero de luxe. Le bon public valencien a savouré en connaisseur la prestation raffinée du Cordouan de Barcelone.
   Comment peut-on quitter les arènes les mains vides sur une simple ovation après avoir joué sa vie en permanence et réalisé deux faenas de deux oreilles avec deux toros différents, l'un terriblement encasté, l'autre plus pastueño ? Tant que Roman tuera de manière aussi calamiteuse que ce jour il restera dans l'ombre alors que, par son courage, son entrega et sa technique, il m'a paru être capable d'accéder à une position des plus enviables dans cette dure profession de torero.

   Les pétards se sont tus, la circulation automobile a repris ses droits. Les dizaines de Fallas se sont évanouies dans la nuit du 19. Pendant une semaine, la plaza de toros, au cœur de la cité, a été un des hauts lieux de la feria. Pour ce que j'en ai vu, Valencia est une ville taurine digne d'intérêt.






photos velonero
 1 Dans le quartier de Ruzafa un jardin public porte le nom du matador valencien tué en 1921.
 2 Il y a souvent la queue pour faire ses emplettes mais les critères de vente sont stricts, à chaque âge ses munitions.
 3 La falla de la place de l'Ayuntamiento, la plus grande, la plus classique (quelques autres photos de fallas prochainement).


jeudi 21 mars 2019

Valence











Dimanche 17 mars 2019                   Valencia
très beau temps, fort vent
trois quart d'entrée

4 toros de Jandilla, 2 de Vegahermosa (1, 6), 12 piques 3 chutes, excellent le 5 Horroroso (vuelta) pour Diego Urdiales (salut, silence), Sébastien Castella (silence, deux oreilles) et Cayetano (silence, silence).

Dans un lot de Jandilla qui manqua de fond, Horroroso, le mal nommé, tranche par ses qualités. C'est un toro complet, brave sous le fer en deux piques pour autant de chutes brutales, puis de charge ardente et inépuisable à la muleta. La forte pétition d'indulto ne fut pas prise en compte par le président et c'est une vuelta al ruedo unanimement acclamée qui honora le combat du toro. Une troisième pique aurait sans doute permis à Horroroso de prétendre à l'indulto tout en offrant au public le spectacle renouvelé de sa bravoure, mais qui se soucie d'une troisième pique ?
Sébastien Castella n'est pas torero à laisser passer ce genre d'adversaire. Il mit les arènes en incandescence, d'abord par un excellent quite par chicuelina puis, après un brillant tercio de banderilles de José Chacon et Fernando Perez, par un début de faena au centre dont il a le secret, suivi de séries de derechazos rythmés et dominateurs. A gauche le ton baissa nettement et, après les péripéties habituelles d'une demande d'indulto, il en finit par une entière desprendida et un descabello. A son premier adversaire, le Biterrois s'était fait remarquer par un début de faena appuyé à la barrière aux accents luismiguelistes.
Diego Urdiales montra quelques éclairs de sa toreria face au fade premier, bien tué d'une entière.
On peut penser que la spectaculaire cogida de Gomez Pascual (cornada de 10 centimètre dans le dos), peon de Cayetano, au cours du second tercio du deuxième toro ne contribua pas à mettre ce dernier dans les meilleures dispositions. Ajoutons à cela un vent très gênant ... et deux toros imposants et pas faciles à manœuvrer et on aura compris que l'aîné des Rivera Ordoñez connut une tarde des plus discrètes. Pourtant, lorsqu'il se jeta à genoux pour commencer sa faena au 6, j'ai cru un instant revoir la silhouette de son père.

mardi 12 mars 2019

Ouverture (d'esprit)

   Avant-hier, je prenais la défense des deux corridas (la toreriste, la toriste). Cela n'empêche pas d'avoir des préférences, ou de rêver à ces moments privilégiés - l'évidence d'une belle lidia, une faena magistrale - qui font s'évanouir les barrières. Je pense que les meilleurs organisateurs sont ceux qui ont l'ambition de rapprocher les deux pratiques. Mettre de l'art dans la corrida dure, du combat dans la corrida pour figures, difficile gageure !
   Restant dans ma veine œcuménique, je voudrais aujourd'hui, en me servant des mots de Louis-Gilbert Lacroix, plaider la cause des différentes formes de toréer. Le Bordelais Luis de la Cruz débuta comme revistero dans le célèbre journal toulousain Le Toril, puis il fut jusqu'à sa mort un pilier de la revue Toros. Voici ce qu'il écrit dans ses mémoires taurines Parcours en Aficion, publiées en 1996 par l'UBTF :
   "L'éclectisme, c'est la preuve d'une largeur d'esprit qui permet de puiser dans tous les genres sans être asservi à aucun. C'est une forme de liberté dans l'appréciation qui n'altère en rien l'objectivité, encore moins l'honnêteté.  (...)  Chaque torero a de son art un concept différent, il mène le combat à sa guise avec les armes dont il dispose. Il n'est pas, heureusement, qu'une seule façon de toréer. La diversité est indispensable, et il y a chez tout torero toujours quelque chose à glaner ..."
   Bel exemple d'ouverture d'esprit, à méditer en ce début de temporada.


dimanche 10 mars 2019

Paysage taurin

   Une nouvelle temporada débute. Les aficionados scrutent chaque indice : les premiers cartels, les premières courses. Les commentateurs y vont de leur rengaine facile : on voit toujours les mêmes têtes, avec les mêmes toros. Ils oublient que les organisateurs, s'ils manquent de romantisme, ne sont pas non plus tout à fait idiots. Ils savent que l'on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre. Ils mettent donc à l'affiche ceux qui remplissent les arènes, à savoir les figures, avec le bétail qui leur convient, à savoir les domecqs. Les moins lucides des commentateurs y voient la mort de la tauromachie ! C'est précisément le contraire : si la tauromachie existe et continue à exister c'est bien parce que, aujourd'hui comme hier, les figures remplissent les arènes  et y triomphent. Il est indéniable que, depuis la crise économique de 2008, la fréquentation des arènes a diminué, mais les corridas qui ont le plus souffert de cette situation sont les corridas dites toristes, au point de quasiment disparaître de certaines grandes ferias de la péninsule. Dans ce contexte, le succès de la miurada donnée à Valdemorillo en février est une bonne nouvelle. Affluence sur les gradins, des miuras pour une fois conformes à leur réputation et des toreros (Manuel Escribano et Pepe Moral) vaillants. Nombreuses sont les villes taurines qui, en France comme en Espagne (surtout en Castille), essaient de promouvoir une autre tauromachie que celle des figures et des domecqs. Souhaitons que, à l'image de la réussite de Valdemorillo, de belles tardes nous soient données en 2019 dans toutes ces plazas, souvent modestes, qui militent pour que se perpétue, à côté de la nécessaire corrida mainstream, une tauromachie sortant des sentiers battus et ambitionnant d' apporter variété, surprise et émotion au public, par la grâce de lidias complètes et de toros encastés...