Pour les Fallas, la capitale de la Communauté Valencienne pétarade avec tant d'ardeur que l'extraterrestre de passage doit se poser beaucoup de questions sur les us et coutumes des Terriens. L'apothéose a lieu sur la place de la mairie, elle attire, à 14 heures en puntas, des foules considérables pour la masclete quotidienne. Attention ! ça continue de manière spontanée et joyeuse toute la journée, toute la nuit, dans tous les quartiers, et les enfants ne sont pas les derniers à prendre un malin plaisir à faire exploser leurs pétards dans les rues. Dans ce contexte, les arènes sont presque un havre de paix. Le public y réagit avec mesure et les olés ont des douceurs levantines.
Les trois corridas auxquelles j'ai assisté ont toutes eu leur intérêt, en grande partie grâce au bon niveau général des toros combattus. Aucun ne fit preuve de faiblesse de pattes, leur niveau de bravoure fut correct et certains (un jandilla et plusieurs fuenteymbros) se sont montrés supérieurs. La raison m'oblige à penser qu'il s'agit d'un heureux hasard, mais on se prend à rêver d'une temporada qui se maintiendrait à ce niveau.
Retour sur un non indulto
La polémique a surgi à la suite du refus du président d'indulter le cinquième toro de la corrida de Jandilla. Notons que s'il y eut polémique dans la presse, dans l'arène tout se passa normalement. Le président essuya une bronca mesurée, adoucie par les applaudissements de nombreux aficionados, et l'on en resta là. L'occasion me parait bonne pour rappeler aux chantres de l'indulto que, plutôt que de verser des larmes de crocodiles sur la mort d'Horroroso, le meilleur moyen pour eux de justifier leur appétit de grâce serait de militer pour la troisième pique. Le cas était d'école. Le jandilla prend deux piques mais il est en fait très peu châtié car les deux fois, effet de sa bravoure et de son poder, il renverse très rapidement le cheval. S'il est placé de loin une troisième fois et accourt avec la même impétuosité, tout le monde y gagne. Le public qui assiste à un spectacle rare et plein d'émotion, le toro qui sauve sa vie, et les partisans de l'indulto car personne n'aurait contesté une grâce dans de telles conditions. Moralité : il faut savoir oser, même en corrida dite toreriste, la troisième pique !
La blessure d'Enrique Ponce
L'homme a fait preuve tout au long de sa carrière d'une telle domination et d'une telle sécurité face au toro que le voir se faire blesser est un évènement. Évènement qui nécessite donc quelque développement. Parlons tout d'abord des toros. On attendait peu de choses des Garcia Jimenez (entreprise Matilla) annoncés pour la partie pédestre de cette corrida mixte tellement leur temporada dernière fut catastrophique. On fut donc plutôt agréablement surpris de voir débouler trois Olga Jimenez (le 4ème était de Parladé) très bien armés, solides, mobiles et même parfois dotés d'une pointe de nerf. Face à son premier, Ponce coupa une oreille après des derechazos serrés et une estocade entière. Au second, vif et mobile, après un début par trincherazos secs, le maestro - et c'est là sans doute sa surprenante erreur - ne semble pas juger nécessaire d'utiliser le toreo dominateur qui le caractérise. C'est ainsi qu'il en vient à donner une série de naturelles de profil, les pieds joints, profitant de la mobilité du toro. Il veut remater par un molinete inversé lié à un pecho mais sur le retour le toro aperçoit le torero et lui vient directement au corps, le frappe derrière la cuisse, le renverse violemment au sol où il cherche à le reprendre. La cape salvatrice d'un peon détourne le toro au moment où il allait à nouveau frapper. Enrique se relève, grimaçant de douleur, et porte aussitôt la main à son genou, puis est amené rapidement à l'infirmerie.
Pour la petite histoire, le maestro de Chiva portait en ce 18 mars pour la première fois un costume blanc et noir aux couleurs du Valencia Club de Futbol qui célébrait ce jour son centième anniversaire.
L'émoi est grand dans les officines taurines car il semblerait que la gravité de la blessure au genou soit de nature à remettre en cause la temporada du Valencien. Et peut-être même lui donner l'idée, après trente ans de bons et loyaux services aux plus hauts sommets, d'une retraite bien méritée.
Une corrida importante de Fuente Ymbro
Avec un toro de vuelta, Damasco, sorti en deuxième position, au galop vibrant et encasté, et trois autres de grande qualité, braves, nobles, l'élevage gaditan a permis une corrida de clôture d'un excellent niveau et d'un intérêt toujours soutenu.
Quel plaisir de pouvoir déguster la toreria de Finito de Cordoba ! Demi-véroniques de cartel, enchainements majestueux, sobriété distinguée, classe, élégance. Celui qui aurait pu être une figure majeure s'il n'avait manqué de valor a peut-être encore un avenir comme telonero de luxe. Le bon public valencien a savouré en connaisseur la prestation raffinée du Cordouan de Barcelone.
Comment peut-on quitter les arènes les mains vides sur une simple ovation après avoir joué sa vie en permanence et réalisé deux faenas de deux oreilles avec deux toros différents, l'un terriblement encasté, l'autre plus pastueño ? Tant que Roman tuera de manière aussi calamiteuse que ce jour il restera dans l'ombre alors que, par son courage, son entrega et sa technique, il m'a paru être capable d'accéder à une position des plus enviables dans cette dure profession de torero.
Les pétards se sont tus, la circulation automobile a repris ses droits. Les dizaines de Fallas se sont évanouies dans la nuit du 19. Pendant une semaine, la plaza de toros, au cœur de la cité, a été un des hauts lieux de la feria. Pour ce que j'en ai vu, Valencia est une ville taurine digne d'intérêt.
photos velonero
1 Dans le quartier de Ruzafa un jardin public porte le nom du matador valencien tué en 1921.
2 Il y a souvent la queue pour faire ses emplettes mais les critères de vente sont stricts, à chaque âge ses munitions.
3 La falla de la place de l'Ayuntamiento, la plus grande, la plus classique (quelques autres photos de fallas prochainement).