Rien de mieux que la réalité pour donner des leçons. La réalité ce furent les gradins désespérément vides de l'arène de Vista Alegre lors de la récente "feria de San Isidro" organisée à Carabanchel par l'empresa Matilla. Les figures, levant les yeux vers les tendidos, ont pu constater l'ampleur des dégâts. Même le cartel qui a le mieux fonctionné (Urdiales, Manzanares, Roca Rey) n'a pas réussi à afficher le no hay billetes (qui n'aurait été qu'une demi-entrée, covid oblige).
Sauf exceptions (El Cordobés, José Tomas en fin de carrière) il a toujours fallu trois figures pour remplir une arène. Il y a un siècle, Joselito et Belmonte toréaient ensemble et en compagnie relevée : El Gallo, Gaona. Mais une autre condition que l'on a eu trop tendance à oublier ces derniers temps est nécessaire. Trois figures oui ... mais aussi des prix raisonnables à la taquilla.
Or avec des tarifs qui étaient le double de ce qu'ils sont à Las Ventas, les aficionados ne se sont pas déplacés jusqu'à Carabanchel malgré des cartels indiscutablement bien construits.
Mais le désastre de Vista Alegre ne sera pas sans effet positif s'il contribue à modérer les cachets qu'exigent les vedettes. Il serait temps que celles-ci, vivant encore dans l'euphorie de leur coup de force victorieux de 2014 contre l'empresa de Séville, prennent conscience de leur responsabilité ... et de leur fragilité. La contemplation du ciment nu mais éloquent des gradins désertés de Carabanchel peut contribuer à les y aider !
Avec des cachets décents pour les toreros et des bénéfices décents pour les organisateurs (qu'ils soient privés ou publics), partout sur la planète taurine on devrait pouvoir assister pour un prix décent à une corrida de figures. Cela a toujours été le cas depuis que la corrida existe et si l'on veut qu'elle reste un spectacle populaire il n'y a pas de raison que les choses ne continuent pas ainsi. Car les corridas de figures, même si elles sont loin d'être toute la tauromachie, ni même toujours sa partie la plus intéressante, en constituent un élément essentiel pour son maintien.
Si ces dernières décennies ont vu un accroissement généralisé des inégalités dans nos sociétés qui s'est traduit par une augmentation démesurée de la richesse des plus riches - et les figures n'ont pas été les dernières à profiter du mouvement - la crise sanitaire que nous venons de traverser va peut-être marquer un changement de cap qu'il serait bon de mettre à profit ...
PS : J'ai réussi à dénicher ce billet sur internet (site Toros de Lidia).
Pour une place équivalente il en coûtera 52 € à Las Ventas, 58 € à Mont-de-Marsan, 76 € à Bayonne, 82 € à Arles et Nîmes et 100 € à Séville.