Lancés par le tremplin des cornes
le picador
le cheval
et tous les caparaçons du picador et du cheval
montent
Babel fugace
qui sera tôt résolue
au pied de la palissade tonnante
en un tas sans voix
sans langue
empêtré dans son matelassage pluvieux
Michel Leiris
jeudi 25 septembre 2008
jeudi 18 septembre 2008
Goya, Bordeaux et les taureaux
C'est dans cet immeuble, située au 57 cours de l'Intendance à Bordeaux et aujourd'hui siège du centre culturel espagnol, l'Instituto Cervantes, que Goya passa les quatre dernières années de sa vie. Là, il créa ses ultimes œuvres, en particulier le célèbre tableau La laitière de Bordeaux ainsi que ses quatre dernières lithographies sur la corrida : les Taureaux de Bordeaux, avant d'y mourir le 16 avril 1828.
Ces quatre lithographies y seront exposées du 25 septembre au 18 décembre, et le jeudi 25 septembre à 18 heures aura lieu une conférence d'Alain Briscadieu sur Goya et les taureaux.
Dans le riche programme culturel de l'Instituto, j'ai aussi noté la présence de Florence Delay le jeudi 9 octobre à 18 heures, elle parlera de ses écrivains espagnols de prédilection :Federico García Lorca, Miguel Hernández, José Bergamín ainsi que les auteurs du Siècle d'Or.
mercredi 10 septembre 2008
Dax (suite)
Comment on prépare un évènement
Un évènement, ça ne vient pas comme ça, par hasard. Le public, on le formate petit à petit, on l'assouplit, le décervèle, on le modèle à sa guise. Ça peut prendre des années mais on finit par y arriver. Il faut des moyens : la télé, la presse. Sans oublier, au-dessus de tout, l' idéologie simple mais efficace de notre société de con-sommation (la sommation des cons) : payez jouissez.
Par exemple, souvenez-vous.
On nous a montré en début de saison, sur France3 Aquitaine, dans l'émission Tercios, la grâce de ce toro anodin de Juan Pedro Domecq à Ecija, accompagnée des commentaires dithyrambiques de circonstance.
Quelques semaines plus tard on nous a montré Miguel Angel Perera à Olivenza alignant des passes insipides à d'insipides toros sin cara. Là encore, on nous a dit combien c'était génial.
Et puis, reseña après reseña, on nous en a décrit des faenas d'anthologie contrariées par des présidents insensibles qui n'accordent jamais les trophées demandés. Mais on les lynchera, s'il le faut, ces présidents qui empêchent les braves gens de s'amuser...
Jusqu'au jour où tout est en place. Alors en avant pour la corrida Luna park.
Comment on en rend compte
"C'était le plus petit, le moins lourd, le dernier de la famille. Un mignon minois, des yeux pleins de tendresse et des dizaines de marguerites et de coquelicots à chaque naseau." De qui s'agit-il donc? Du petit chat qu'on vient d'offrir aux gosses? Du gentil toutou à sa mémère? De l'agneau qui vient de naître? Vous n'y êtes pas, il s'agit de Desgarbado, le toro gracié à Dax vu par la plume de Vincent Bourg "Zocato" dans sa reseña publiée par le journal Sud Ouest.
Mais la symphonie pastorale s'arrête là, Vincent Bourg ne peut maîtriser ses vieilles rancœurs. C'est que, malgré le travail de sape, il reste encore des aficionados, ces empêcheurs de tourner en rond. Alors une guerre ouverte leur est déclarée : "Les coupeurs de cheveux en douze diront, les soirs de tertulia d'hiver, quand il pleut froid sur nos bonheurs d'été qu'il ne prit qu'un léger picotazo,un quart de lance, à peine une boutonnière. Et ta sœur! Eh bien, elle bat le beurre de joie depuis hier soir où..." Des propos déplacés, choquants, vulgaires, méprisants. Mais qui ont un mérite, celui d'exclure les aficionados de l'évènement.
Un évènement, ça ne vient pas comme ça, par hasard. Le public, on le formate petit à petit, on l'assouplit, le décervèle, on le modèle à sa guise. Ça peut prendre des années mais on finit par y arriver. Il faut des moyens : la télé, la presse. Sans oublier, au-dessus de tout, l' idéologie simple mais efficace de notre société de con-sommation (la sommation des cons) : payez jouissez.
Par exemple, souvenez-vous.
On nous a montré en début de saison, sur France3 Aquitaine, dans l'émission Tercios, la grâce de ce toro anodin de Juan Pedro Domecq à Ecija, accompagnée des commentaires dithyrambiques de circonstance.
Quelques semaines plus tard on nous a montré Miguel Angel Perera à Olivenza alignant des passes insipides à d'insipides toros sin cara. Là encore, on nous a dit combien c'était génial.
Et puis, reseña après reseña, on nous en a décrit des faenas d'anthologie contrariées par des présidents insensibles qui n'accordent jamais les trophées demandés. Mais on les lynchera, s'il le faut, ces présidents qui empêchent les braves gens de s'amuser...
Jusqu'au jour où tout est en place. Alors en avant pour la corrida Luna park.
Comment on en rend compte
"C'était le plus petit, le moins lourd, le dernier de la famille. Un mignon minois, des yeux pleins de tendresse et des dizaines de marguerites et de coquelicots à chaque naseau." De qui s'agit-il donc? Du petit chat qu'on vient d'offrir aux gosses? Du gentil toutou à sa mémère? De l'agneau qui vient de naître? Vous n'y êtes pas, il s'agit de Desgarbado, le toro gracié à Dax vu par la plume de Vincent Bourg "Zocato" dans sa reseña publiée par le journal Sud Ouest.
Mais la symphonie pastorale s'arrête là, Vincent Bourg ne peut maîtriser ses vieilles rancœurs. C'est que, malgré le travail de sape, il reste encore des aficionados, ces empêcheurs de tourner en rond. Alors une guerre ouverte leur est déclarée : "Les coupeurs de cheveux en douze diront, les soirs de tertulia d'hiver, quand il pleut froid sur nos bonheurs d'été qu'il ne prit qu'un léger picotazo,un quart de lance, à peine une boutonnière. Et ta sœur! Eh bien, elle bat le beurre de joie depuis hier soir où..." Des propos déplacés, choquants, vulgaires, méprisants. Mais qui ont un mérite, celui d'exclure les aficionados de l'évènement.
lundi 8 septembre 2008
Dax : corrida de Victoriano del Rio
Les faits
Desgarbado, né en juillet 2004 dans l'élevage de Victoriano del Rio, au poids annoncé de 486 kg et sorti en sixième position, a été gracié. Le toro, d'apparence juvénile (anovillado), d'armure discrète mais astifina, avait pris une demi-pique au premier tiers (hampe relevée très vite par le picador à la demande du matador puis demande acceptée de changement de tiers). Le toro a quitté le cheval sans difficulté. Au deuxième tiers, il accourut sans problème vers les banderilleros. Il chargea ensuite sans discontinuer la muleta de Miguel Angel Perera pendant près d'un quart d'heure avec une noblesse inlassable.
Mon avis
Aucun toro n'ayant pris qu'une demi-pique n'est digne d'être indulté.
La noblesse du toro a été exceptionnelle, vive, codiciosa, sans doute favorisée par la manière de toréer de Miguel Angel Perera. Mais au-delà d'une certaine limite la noblesse confine à la niaiserie et ce qui était qualité a fini par m'apparaître défaut. Se faire berner pendant un quart d'heure sans esquisser le moindre signe de révolte ne me paraît pas symboliser la grandeur du toro de combat. C'est sans doute être brave mais dans le sens que l'on utilise pour dire de quelqu'un qu'il est bien brave, c'est à dire un peu con. De bien braves gens aussi ceux qui pendant cinq minutes d'hystérie collective ont demandé et obtenu l'indulto de Desgarbado.
La faena de Miguel Angel Perera
Par son aguante exceptionnel et l'harmonie de sa muleta (pratiquement pas d'accrochage) Miguel Angel Perera a su se mettre au diapason de la noblesse du toro. La faena a surtout valu par ses enchaînements parfois virtuoses qui ont porté le public au rouge vif. Mais dans le toreo fondamental elle est restée plus ordinaire. Le torero a parfois abusé du pico lors de ses longues séries de derechazos et il ne s'est pas éternisé avec la main gauche.
Une faena de Morante
A l'opposé et tout à fait passionnant fut ce qui s'est passé au cinquième. Sur la corne droite le toro a une charge puissante et il la termine par un violent coup de tête vers le haut, il saute même parfois carrément dans la muleta de Morante. Celui-ci se bat, insiste, se fait accrocher le tissus, visite la moitié du ruedo mais il a de précieux moments d'intense et pur toreo.
PS : à lire absolument, dans Campos y Ruedos, le texte sublime de Xavier Klein, De la piètre trivialité d'une journée historique.
Desgarbado, né en juillet 2004 dans l'élevage de Victoriano del Rio, au poids annoncé de 486 kg et sorti en sixième position, a été gracié. Le toro, d'apparence juvénile (anovillado), d'armure discrète mais astifina, avait pris une demi-pique au premier tiers (hampe relevée très vite par le picador à la demande du matador puis demande acceptée de changement de tiers). Le toro a quitté le cheval sans difficulté. Au deuxième tiers, il accourut sans problème vers les banderilleros. Il chargea ensuite sans discontinuer la muleta de Miguel Angel Perera pendant près d'un quart d'heure avec une noblesse inlassable.
Mon avis
Aucun toro n'ayant pris qu'une demi-pique n'est digne d'être indulté.
La noblesse du toro a été exceptionnelle, vive, codiciosa, sans doute favorisée par la manière de toréer de Miguel Angel Perera. Mais au-delà d'une certaine limite la noblesse confine à la niaiserie et ce qui était qualité a fini par m'apparaître défaut. Se faire berner pendant un quart d'heure sans esquisser le moindre signe de révolte ne me paraît pas symboliser la grandeur du toro de combat. C'est sans doute être brave mais dans le sens que l'on utilise pour dire de quelqu'un qu'il est bien brave, c'est à dire un peu con. De bien braves gens aussi ceux qui pendant cinq minutes d'hystérie collective ont demandé et obtenu l'indulto de Desgarbado.
La faena de Miguel Angel Perera
Par son aguante exceptionnel et l'harmonie de sa muleta (pratiquement pas d'accrochage) Miguel Angel Perera a su se mettre au diapason de la noblesse du toro. La faena a surtout valu par ses enchaînements parfois virtuoses qui ont porté le public au rouge vif. Mais dans le toreo fondamental elle est restée plus ordinaire. Le torero a parfois abusé du pico lors de ses longues séries de derechazos et il ne s'est pas éternisé avec la main gauche.
Une faena de Morante
A l'opposé et tout à fait passionnant fut ce qui s'est passé au cinquième. Sur la corne droite le toro a une charge puissante et il la termine par un violent coup de tête vers le haut, il saute même parfois carrément dans la muleta de Morante. Celui-ci se bat, insiste, se fait accrocher le tissus, visite la moitié du ruedo mais il a de précieux moments d'intense et pur toreo.
PS : à lire absolument, dans Campos y Ruedos, le texte sublime de Xavier Klein, De la piètre trivialité d'une journée historique.
mercredi 3 septembre 2008
A propos de la corrida de Palha
Je ne crois pas, bien sûr, à un jugement objectif qui dirait la vérité d'une corrida. Chacun juge en fonction de l'idéal qu'il se fait du toro et de la corrida, mais aussi de ses intérêts, de ses amitiés, des attentes qu'il a ce jour-là etc...
Pour moi, ce fut une corrida intéressante, passionnante même à certains moments et pourtant je suis sorti des arènes avec une pointe de déception. D'abord parce que, comme tous les aficionados informés, je crois savoir qu'il sort régulièrement des toros de Palha bien supérieurs à ceux que l'on a vus à Bayonne. Ensuite parce que j'aime aussi les toreros et que j'aurais souhaité voir Diego Urdiales ou Sergio Aguilar affronter un toro complet. Or, aucun toro complet n'est sorti ce jour des chiqueros bayonnais.
Je pense aussi que, hormis les deux de Rafaelillo -deux alimañas au comportement passionnant- leur dangerosité a été largement surévaluée. Les quatre autres n'avaient quasiment pas de charge au dernier tiers, ils présentaient dès lors, pour des toreros con oficio tels que se montrèrent Diego Urdiales et Sergio Aguilar, bien moins de danger qu'un toro qui charge avec noblesse et codicia. Ils furent d'ailleurs lidiés et tués sans difficulté par les deux matadors.
Un mot sur le public car j'ai l'impression que ce ''pauvre public'' est souvent pris en otage par les détracteurs de ce genre de corrida : "C'était bien sûr une corrida intéressante, mais vous comprenez que pour le public ce n'était pas un spectacle convenable. Ils ne reviendront pas."
Donc, en ce samedi 30 août, autour de moi c'était très bon chic bon genre (j'avais pris un tendido ombre et soleil). Un vrai public de Bayonne, assez entendu dans la chose taurine d'ailleurs. Il me semble que, très vite, les gens ont compris l'enjeu, l'intérêt et les limites de la course : de beaux toros que l'on admire à leur sortie, que l'on admire également dans leur combat au premier tiers et, pour aujourd'hui, on se contentera de ça. Mais ils comprirent aussi que ces toros-là méritaient d'être applaudis et, de fait, mes voisins les ont majoritairement applaudis lors de chacun des arrastres. Ils ont aussi été émus par le courage de Rafaelillo et de Sergio Aguilar mais ont bien vite relevé les insuffisances techniques et artistiques du premier. Bref, un public qui a su voir et apprécier ce qu'il y avait à voir et à apprécier. Une corrida qui se justifiait donc pleinement dans la programmation d'une grande ville taurine.
Le problème pour lire les éditos d'André Viard c'est qu'il faut avoir le clic de souris assez sûr, sous peine de se retrouver à chaque fois avec son CV (certes glorieux) sous les yeux.
J'en ai particulièrement retenu (des éditos) ce qu'il écrit sur la corrida du dimanche. Il conteste trois des Valdefresno "à la noblesse doucement décadente... je ne crois pas que ce soit l'avenir de la corrida : trop mansos, trop doux, trop noblement niais'' et conclut en préconisant un juste milieu entre les Palha de la veille et les Valdefresno. A la bonne heure!
Je suis personnellement preneur d'une corrida avec le trapio de celle de Palha, sa force et sa bravoure au cheval et parmi eux, trois toros avec une charge franche et puissante au troisième tiers.
Pour finir je voudrais mentionner le judicieux texte de Solysombra dans le blog de Campos y Ruedos, Les Palha?Au musée! auquel je souscris entièrement. Mais attention, le risque est que les corridas dures servent d'alibi pour mieux faire passer, les autres jours, les pantalonnades commercialo-oreillardes. Il faut aussi lutter pour un toro intègre et fort dans les corridas pour vedettes.
Pour moi, ce fut une corrida intéressante, passionnante même à certains moments et pourtant je suis sorti des arènes avec une pointe de déception. D'abord parce que, comme tous les aficionados informés, je crois savoir qu'il sort régulièrement des toros de Palha bien supérieurs à ceux que l'on a vus à Bayonne. Ensuite parce que j'aime aussi les toreros et que j'aurais souhaité voir Diego Urdiales ou Sergio Aguilar affronter un toro complet. Or, aucun toro complet n'est sorti ce jour des chiqueros bayonnais.
Je pense aussi que, hormis les deux de Rafaelillo -deux alimañas au comportement passionnant- leur dangerosité a été largement surévaluée. Les quatre autres n'avaient quasiment pas de charge au dernier tiers, ils présentaient dès lors, pour des toreros con oficio tels que se montrèrent Diego Urdiales et Sergio Aguilar, bien moins de danger qu'un toro qui charge avec noblesse et codicia. Ils furent d'ailleurs lidiés et tués sans difficulté par les deux matadors.
Un mot sur le public car j'ai l'impression que ce ''pauvre public'' est souvent pris en otage par les détracteurs de ce genre de corrida : "C'était bien sûr une corrida intéressante, mais vous comprenez que pour le public ce n'était pas un spectacle convenable. Ils ne reviendront pas."
Donc, en ce samedi 30 août, autour de moi c'était très bon chic bon genre (j'avais pris un tendido ombre et soleil). Un vrai public de Bayonne, assez entendu dans la chose taurine d'ailleurs. Il me semble que, très vite, les gens ont compris l'enjeu, l'intérêt et les limites de la course : de beaux toros que l'on admire à leur sortie, que l'on admire également dans leur combat au premier tiers et, pour aujourd'hui, on se contentera de ça. Mais ils comprirent aussi que ces toros-là méritaient d'être applaudis et, de fait, mes voisins les ont majoritairement applaudis lors de chacun des arrastres. Ils ont aussi été émus par le courage de Rafaelillo et de Sergio Aguilar mais ont bien vite relevé les insuffisances techniques et artistiques du premier. Bref, un public qui a su voir et apprécier ce qu'il y avait à voir et à apprécier. Une corrida qui se justifiait donc pleinement dans la programmation d'une grande ville taurine.
Le problème pour lire les éditos d'André Viard c'est qu'il faut avoir le clic de souris assez sûr, sous peine de se retrouver à chaque fois avec son CV (certes glorieux) sous les yeux.
J'en ai particulièrement retenu (des éditos) ce qu'il écrit sur la corrida du dimanche. Il conteste trois des Valdefresno "à la noblesse doucement décadente... je ne crois pas que ce soit l'avenir de la corrida : trop mansos, trop doux, trop noblement niais'' et conclut en préconisant un juste milieu entre les Palha de la veille et les Valdefresno. A la bonne heure!
Je suis personnellement preneur d'une corrida avec le trapio de celle de Palha, sa force et sa bravoure au cheval et parmi eux, trois toros avec une charge franche et puissante au troisième tiers.
Pour finir je voudrais mentionner le judicieux texte de Solysombra dans le blog de Campos y Ruedos, Les Palha?Au musée! auquel je souscris entièrement. Mais attention, le risque est que les corridas dures servent d'alibi pour mieux faire passer, les autres jours, les pantalonnades commercialo-oreillardes. Il faut aussi lutter pour un toro intègre et fort dans les corridas pour vedettes.
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