mardi 29 septembre 2020

Une corrida à Dax

  


  "Une corrida à Dax", ce titre est en soi un miracle puisqu'il s'agit de la seule et unique corrida de toros donnée en cette année 2020 dans notre Sud Ouest. Il faut donc une nouvelle fois féliciter les élus et les responsables taurins dacquois pour l'organisation parfaite de cette journée taurine. L'aficion saura s'en souvenir. Et stigmatiser l'attitude des responsables de Bayonne et de Mont-de-Marsan, cités voisines et rivales, incapables d'organiser dans leurs arènes le moindre évènement alors qu'en ce mois de septembre tout était possible, Dax en a administré la preuve. Les quatre mille places mises en vente emportées en trois jours étant la meilleure réponse que l'aficion pouvait faire.
   Le temps froid et venteux, digne d'une journée hivernale, le comportement décevant des toros et de deux des toreros n'ont pas permis que cette journée soit un plein succès. Ainsi vont les choses taurines.

Les Pedraza de Yeltes
   Les courses données par la ganaderia en cette même plaza avaient placé la barre des attentes très haut, la déception n'en fut que plus grande. Ce que l'on attend avant tout de cet élevage c'est un grand combat à la pique. Or, à l'exception du premier novillo (on y croyait encore), aucun des pedrazas lidiés ne put atteindre la troisième pique. Un problème de poder, inhabituel dans l'élevage, des trébuchements à répétition et autres boiteries les ont empêchés de donner leur pleine mesure et toreros et présidences ont stoppé le premier tercio après deux piques (une seule pour le deuxième novillo) sans que l'on puisse trouver à y redire. En revanche, dans la limite de leur poder, tous firent preuve d'une belle franchise au troisième tiers. En somme, un lot, dont la présentation était de plus irréprochable, tout à fait convenable pour une corrida commerciale habituelle de sang domecq ... mais on attend tellement plus des Pedraza !

La novillada matinale
   Dès le matin, les novillos avaient donné le ton de la journée avec un premier handicapé d'une patte avant, un second piqué une seule fois et un quatrième, certes honoré d'une vuelta pour avoir été un très bon novillo de troisième tiers, mais n'ayant pris qu'une pique et un picotazo.
   Maxime Solera ne put rien montrer de positif face au novillo handicapé, très vite réfugié aux tablas.
   Francisco Montero (une oreille) possède une vraie et belle personnalité de torero, alternant les passages classiques et templés et les moments de pur trémendisme. Il avait accueilli son novillo par trois farols de rodillas donnés avec le capote de paseo. Un phénomène !
   El Rafi (une oreille) a incontestablement de l'allure. De la technique aussi qui lui permet un bon début de faena, mais lorsqu'il s'agit d'approfondir son toreo il y a quelque chose qui ne vient pas et son travail reste inabouti. "Elève Raucoule, vous avez des possibilités mais vous devez encore travailler'', pourrait lui dire un vieil instituteur.
   Face à Portico, novillo plein de feu au troisième tiers, José Fernando Molina (une oreille) fut la révélation de la matinée. Belle faena, bien liée, de bon goût. Le jeune homme manqua un peu d'assurance pour donner des séries plus longues qu'aurait permises le novillo, mais à ce stade et en ayant si peu toréé la faute est vénielle.

La tarde, les matadors
   Heureusement il y avait Daniel Luque. Placement juste, tempo parfait, muletazos profonds face à un toro anodin au départ mais qui va a mas, mis en appétit par une muleta si persuasive (une oreille). Malheureusement son second adversaire, handicapé de l'avant train, ne permit pas au Sévillan de redondear la tarde.
   Lopez Simon touche un remplaçant en or (le titulaire s'est cassé la corne sur le premier burladero qu'il a rencontré). Chaque fois que je le vois, ce garçon me met terriblement mal à l"aise. Si l'on devait inventer un robot torero il prendrait à coup sûr la forme de ce Lopez Simon, ni bon, ni mauvais, formule parfaite d'une tauromachie désincarnée.
   Alvaro Lorenzo a constitué une grosse déception. Passe encore face au troisième mollasson, mais le dernier offrait quelques possibilités. Le public l'a bien senti qui l'a un moment soutenu, hélas, sans sitio ni dominio, le Tolédan a finalement rendu copie blanche, à quoi il faut rajouter une mise à mort calamiteuse.
   La mode est, en fin de faena, au jeter de l'épée sur le sable suivi d'un pénible épisode de passes embrouillées et sans saveur. Aucun torero ne nous a épargné ce moment, et dans ce domaine Lorenzo a battu avec le sixième les records du ridicule.

   La temporada 2021 ne sera pas pire.

dimanche 20 septembre 2020

Nîmes















Vendredi 18 septembre    Nîmes    arènes romaines
beau temps
entrée limitée en raison de la crise du coronavirus

Cinq toros de Victoriano del Rio et un de Toros de Cortes (3ème), très bien présentés et bons (12 piques, tous ovationnés à leur entrée en piste et à l'arrastre, vuelta au 3 Descreído) pour Enrique Ponce (une oreille, deux oreilles), Curro Díaz (salut, vuelta) et Emilio de Justo (une oreille, salut).

Il faut avant tout féliciter la ville de Nîmes pour avoir monté une feria importante en dépit des restrictions imposées par les autorités et de la peur instillée jour après jour auprès de la population.
En toute logique devant la rareté des opportunités de faire combattre son bétail, Victoriano del Rio avait visiblement envoyé sur le sable de l'amphithéâtre romain le meilleur de son élevage. Il ne s'est pas trompé. Six toros d'une présentation magnifique dont le déboulé en piste déclencha chaque fois l'ovation du public en raison de la perfection des formes et du sérieux de chaque toro. Et tous étaient également pourvus des qualités morales que l'on attend d'un toro de combat : bravoure qui s'exprima à plusieurs reprises par de longues poussées au cheval et noblesse. Et si les premier, second et quatrième avaient possédé un peu plus de poder, le qualificatif d'exceptionnel n'eût pas été galvaudé pour qualifier le lot.
Après trente années d'alternative passées au plus haut niveau, Enrique Ponce possède encore et toujours une soif de triomphe et une qualité de toreo qui continuent à subjuguer les publics ... et les toros. Douceur et temple alliés à une précision d'horloger et à un mando parfait, élégance jamais démentie : les arguments du maître valencien lui ont permis de marquer une nouvelle fois de son empreinte les arènes de Nîmes. De ses faenas, parfaitement construites et de répertoire large, on retiendra les doblones initiaux, les droitières qui soumettent la charge, l'harmonie des changements de main et le point d'orgue des naturelles citées d'un  mouvement du revers de la pointe de la muleta.
La tâche n'en était que plus ardue pour ses compagnons de cartels. Curro Díaz réalisa toutefois au cinquième un début de faena par trincherazos et pases de la firma de toute beauté. Il tua chaque fois en plusieurs épisodes.
Emilio de Justo commença la course de mauvaise manière en se faisant vilainement prendre par le second lors d'un quite. On peut mettre ensuite à son débit un mauvais geste. Après que son premier adversaire, l'excellent Descreído, eut pris une magnifique première pique ovationnée et alors que le toro était parfaitement placé au centre de la piste pour un second assaut que le public savourait d'avance, il le rapprocha du cheval pour une rencontre devenue de ce fait ordinaire. Manque de respect blâmable pour le toro et pour le public. Pour le reste, face à deux toros encastés, il se montra vaillant et sincère, mais pas toujours efficace épée en main.
Ainsi ai-je vu ma première corrida de la temporada.

  

jeudi 17 septembre 2020

Miettes

 La crise du coronavirus a réduit les activités sociales et culturelles à si peu de choses que l'aficionado a los toros a dû se résoudre à picorer quelques miettes ici ou là. Pour votre serviteur, à ce jour, quatre spectacles dont deux vus à la télé.

 

Dimanche 19 juillet   Avila   corrida vue sur CMM (Castilla La Mancha Media)

 Les toros d'Adolfo Martin laissent une très bonne impression et permettent aux trois matadors (Octavio Chacon, Morenito de Aranda, Gomez del Pilar) de montrer leur valeur, en particulier del Pilar en net progrès, m'a-t-il semblé. Plusieurs des Adolfo lidiés ce jour étaient prévus pour Mont-de-Marsan, ce qui me donne l'occasion de déplorer la pusillanimité (en langage taurin macho : le manque de cojones) des responsables montois, incapables d'organiser le moindre spectacle taurin au Plumaçon cette année.


Dimanche 30 août   Añover de Tajo   corrida vue sur CMM

Les toros portugais de Murteira Grave constituent une excellente surprise. Puissants, nerveux, mobiles, ils se partagent entre trois mansos difficiles et trois braves offrant de belles possibilités. Sergio Serrano est étonnamment calme malgré son peu de pratique. Juan Leal passe largement à côté du sujet. Il accumule les erreurs : faena interminable au 2,  puis il ne fait pas assez piquer le 5, un dur à cuire. Ce garçon est-il bien conseillé ? José Garrido torée remarquablement de cape et triomphe avec le bon sixième.


Mardi 1 septembre   Vieux-Boucau   course landaise mixte

A partir de la mi-juillet les arènes de Vieux-Boucau ont donné deux fois par semaine, comme chaque été, leurs traditionnelles courses mixtes destinées aux touristes. Course landaise en première partie, jeux taurins pour amateurs ensuite. L'enthousiasme du public tout au long du spectacle faisait plaisir à voir. Ce jour, devant les vaches de Dargelos (choisies parmi les plus faciles, comme il se doit pour ce genre de course), la cuadrilla Lilian Garanx, composée de vieilles gloires et de jeunes promesses, donna le meilleur d'elle-même. 


Dimanche 13 septembre   Captieux   fiesta campera

La Coordination des Associations Taurines de la Gironde avait organisé cette fiesta campera afin de ne pas laisser la Gironde, pointe septentrionale de la géographie taurine, sans toro après l'annulation au printemps de la novillada de Captieux et de la corrida de La Brède. Une situation exceptionnelle qui valait bien un soutien malgré le peu d'intérêt que présente à mes yeux ce type de spectacle taurin.

Le premier novillo buvait le leurre et Julien Lescarret, silhouette inchangée, buvait du petit lait en le toréant ... jusqu'à l'estocade qui fut malheureuse.

Clemente m'avait séduit il y a quelques années de cela alors qu'il débutait en novillada piquée dans ces mêmes arènes. Il est aujourd'hui matador de toros et, face à un novillo pastueño à l'extrême, il a pu montrer toutes ses qualités : un toreo con arte et temple basé sur un répertoire varié. A lui de ne pas laisser échapper les opportunités - quelles qu'elles soient - qui, on l'espère, ne manqueront pas de se présenter.

Clément Hargous, novillero débutant, fit preuve d'autorité avec la main droite et laissa la meilleure estocade de la matinée.

Les qualités de noblesse des novillos de Jean François Majesté ''La Espera" (origine domecq) étaient tout à fait adaptées au spectacle de ce jour, mais attention, sans le soutien d'un poder plus important ce genre de bétail, on ne le sait que trop, génère bien souvent l'ennui.

Puisque cette journée était placée sous le signe de l'aficion girondine et des toreros girondins, je voudrais évoquer le meilleur d'entre eux. José Cubero ''Yiyo'' aurait eu 56 ans cette année et le maestro prestigieux qu'il serait devenu aurait pu honorer de sa présence cette journée si le 30 août 1985, à Colmenar Viejo, Burlero de Marcos Nuñez n'en avait décidé autrement. Grandeur et tragédie de la tauromachie. A quelques encablures de l'ancienne ganaderia d'Angel Ruiz où il donna ses premières passes, l'esprit du Yiyo dominait cette journée.