mardi 27 avril 2010

Vers l'hyperrugby de Xavier Lacarce



Xavier Lacarce
Vers l'hyperrugby
Triomphe du sport unidimensionnel
2009
Le bord de l'eau





Tous ceux qui sont nés avec un ballon de rugby entre les mains doivent se précipiter sur ce précieux ouvrage. Pour mieux connaître son histoire (On trouvera notamment une remarquable étude sur le tournoi des 5 nations). Et mieux comprendre à quelle sauce nous avons été mangés.
Et tous ceux qui ont découvert le rugby après 1995 (année charnière dans l'histoire de ce sport, l'auteur y revient longuement) aussi. Pour savoir qu'avant c'était différent. Pas parfait, loin de là - l'auteur ne joue pas les chantres d'un passé idéalisé - mais autre chose.
Car ce livre est une rigoureuse analyse de ce qu'était le rugby, ce qu'il est devenu (à partir de 1995 donc et du passage au professionnalisme) et comment il l'est devenu.
Et sa grande réussite est d'être toujours d'une lecture limpide et passionnante. En effet Xavier Lacarce parvient à mêler avec une grande fluidité analyses et citations des sociologues du sport, des historiens du rugby pour mieux nous faire pénétrer au cœur des enjeux sociaux et éducatifs du noble jeu.
"Comment un sport aussi jaloux de sa singularité a-t-il pu se conformer au modèle désormais hégémonique du sport unidimensionnel?
A travers le rugby, c'est bien sûr l'uniformisation de nos sociétés que l'auteur sonde ici."(quatrième de couverture)
Il nous éclaire par là même sur ''l'injonction modernisatrice ambiante" qui voudrait, entre autres choses, réduire la culture à une simple mais juteuse industrie du loisir.
On le voit, il y a aussi matière à penser pour l'aficionado. Et l'on est souvent tenté de remplacer le mot rugby par le mot corrida. Ce parallèle, l'auteur le fait d'ailleurs à deux reprises. Lorsqu'il cite Recouvre-le de lumière d'Alain Montcouquiol à propos des années Cordobés, puis Hemingway fustigeant cette corrida qui voudrait se transformer pour complaire au plus grand nombre.
Je vous le dis, une saine lecture...


Certes le rugby des petites villes et des villages existe toujours. Encore que le moindre maillot du moindre petit club est aujourd'hui un maillot publicitaire.Les écoles de rugby aussi continuent d'exister. Mais j'ai bien peur que l'image des joueurs professionnels devenus machines à percuter doublés d'icônes pour camionneurs invertis refroidisse les ardeurs de nos chères têtes brunes... et de leurs parents.


dessin de Anne-Claire Thévenot, on peut voir ses créations sur son blog Carnets temporels

mardi 20 avril 2010

A propos de Manolete


La sortie sur les écrans du film Manolete de Menno Meyjes avec Adrien Brody et Penelope Cruz est une bonne occasion pour revenir sur le toreo du Cordouan. Voici quelques extraits du livre de José Vicente Puente, Manolete ou le délire d'un peuple :


Manolete réalise la prophétie de Belmonte : Un torero viendra qui saura bien toréer quatre-vingt-dix pour cent des taureaux; et qui pour tous aura le courage d'empiéter sur le territoire que la bête se réserve instinctivement.
La volonté du Cordouan parvient à mêler les traditionnels domaines respectifs du taureau et du torero. Il franchit la limite interdite au-delà de laquelle l'attend le coup de corne. C'est ainsi qu'il arrive à mener jusqu'à leur terme tant de parfaites faenas. (...)

Manolete s'en tient à un seul type de faena et il y introduit peu de changements. Son mérite est de l'adapter à tous les cas, de la faire accepter par tous les taureaux que le sort lui envoie. C'est là le miracle de son art. (...)

La doctrine de Manolete peut ainsi se résumer : un art épuré au point que seul l'essentiel soit conservé pour en faire une œuvre de beauté. Dans l'application, ce sont d'abord les véroniques parfaites, et les doubles demi-véroniques pour clore audacieusement la première phase de la corrida. Les banderilles sont ensuite laissées aux banderilleros. Puis la muleta levée pour des passes exécutées dans une immobilité de statue, à moins qu'il ne faille commencer par s'infléchir avec certains taureaux. Tout de suite la muleta dans la main gauche pour des naturelles amples et arrondies. Changement de main pour parfaire le cercle avec la droite. Quelques manoletines pour l'éblouissement des yeux. Enfin, la profonde et sévère estocade. C'est fini. Sans afféterie, sans allées et venues, sans faux éclats. (...)

Pour satisfaire ces goûts nouveaux il devient nécessaire de réduire le gabarit des bêtes; leur poids, leur âge, la longueur des cornes. Avec les énormes fauves d'antan, les recherches plastiques seraient impossibles.
Le public veut de la beauté. Il cède de son intolérance au sujet de la taille du taureau. En échange de cette concession, il devient exigeant sur la qualité des images qui lui sont offertes. Devant un adversaire plus léger, le torero se doit d'améliorer son travail. De lutteur il doit passer au rang d'artiste. Grâce et invention devant les cornes. Il doit avancer, muleta en main jusqu'en terrain interdit. Non plus combattre sur la défensive mais attaquer le taureau dans son réduit.
Un artiste, voilà le nouveau type du torero. Avant qu'on ne se fût décidé à réduire les dimensions du taureau, les seuls matadors qui comptaient étaient ceux qui se montraient simplement capables d'en venir à bout. Hommes tirant leur popularité d'un acier efficace.
Depuis qu'est née la nouvelle tendance, le torero artiste a pu s'aligner dans l'arène à côté de ces durs matadors. (...)

Le péril est toujours aussi grand. Être partisan du toreo statique ou demeurer un fervent de la bête imposante est affaire d'opinion. Mais la vérité est que le matador actuel assume autant de risques que ceux d'autrefois. S'il a cette conscience professionnelle dont Manolete fut un inoubliable exemple. (...)

Manolete ne se défait pas du toro de n'importe quelle façon mais en respectant les règles de la mise à mort dans le sévère style traditionnel, avec le péril qu'il comporte. Il met fin, et c'est là un de ses apports, à la complaisance envers les toreros uniquement artistes qui se montrent incapables l'épée à la main. Manolete enseigne à toréer sur un terrain conquis, épure les passes et donne toute sa signification au nom de matador : celui qui tue.

(Tous ces passages sont tirés du chapitre XI Doctrine taurine de Manolete)



Manolete est mort en 1947. Le livre a été écrit en 1960. Et pourtant, plus de 50 ans après, on a l'impression que peu de choses ont changé. Deux des principales figures actuelles ont un toreo qui se situe dans la continuité de celui du Cordouan. Et la question du rapport entre toro et toreo agite toujours le monde de l'aficion. Elle est même devenue une ligne de fracture entre aficionados toristes et aficionados toreristes... On ne peut que souhaiter, dans 50 ans, aux aficionados de la deuxième moitié du XXIème siècle d'avoir les mêmes sujets de discorde, témoins manifestes de la vitalité de la corrida.



José Vicente Puente, Manolete ou le délire d'un peuple, del Duca, 1961
traduction Henri Mengotti
En espagnol : Arcangel, novela del torero Manolete, 1960






dimanche 11 avril 2010

Mont de Marsan, les cartels de la Madeleine 2010

Vendredi 16 juillet
Miura
J. J. Padilla - Rafaelillo - Julien Lescarret

en soirée
Concours landais

Samedi 17 juillet
Garcigrande
Enrique Ponce - El Juli - Matias Tejela

Dimanche 18 juillet
Fuente Ymbro
Sergio Aguilar - Luis Bolivar - Arturo Macias

Lundi 19 juillet
matinée novillada El Torreon
Thomas Dufau - Mathieu Guillon

El Pilar
P. H. de Mendoza (rej.) - Julio Aparicio - Daniel Luque

Mardi 20 juillet
Victoriano del Rio
Manolo Sanchez - José Tomas - Sébastien Castella


Des cartels prestigieux avec le retour des Miura et deux duos de choc, Enrique Ponce - El Juli le samedi et surtout José Tomas - Sébastien Castella le mardi qui devraient faire exploser la taquilla et très certainement faire grimper le nombre d'abonnés.
Mais la feria reste déséquilibrée, il manque une corrida torista. Une corrida de Victorino par exemple. Cette année encore on ira les voir chez les voisins dacquois.
La corrida ovni du lundi semble tout droit sortie de l'imagination féconde de Simon Casas. Je ne suis pas sûr qu'elle soit du goût de l'aficion montoise.
Au final, c'est sur leur capacité à présenter des toros dignes de ce nom (c'est à dire bien faits et en pointe) que l'on jugera les organisateurs.

vendredi 9 avril 2010

Arles 2010 (3)

Corrida du Puerto de San Lorenzo

Cinquième toro, Juan Bautista débute sa faena sous les quolibets, sur les étagères on s'impatiente, on réclame des toros.
Il faut dire que jusque là la faiblesse de pattes a été la constante de la corrida. On a changé l'invalide quatrième pour un autre invalide du Puerto de San Lorenzo. Tiens donc, il y avait un réserve du Puerto! Comment se fait-il alors que soit sorti en première position un petit cochon de Domingo Hernández dans une corrida annoncée du Puerto de San Lorenzo? Sans doute se trouvait-il dans les bagages du Juli...
Mais ce cinquième, en bon atanasio, va a mas et Juan Bautista fait preuve de davantage d'alegria que d'habitude. Ça calme le public et ça met carrément en transe le président qui fait jouer la musique puis accorde 2 oreilles à l'Arlésien. Celui-ci les reçoit sous la bronca et se garde bien de les exhiber lors de la vuelta.
Pitillo, le sixième est un bon exemplaire du Puerto, assez représentatif lui aussi de l'encaste, mélange de combativité - il renverse le cheval à la première rencontre puis attaque sans répit la muleta avec une charge vibrante et inépuisable - et de mansedumbre - il se réfugie aux planches dès qu'il en a la possibilité .
Avant la corrida, je n'aurais pas parié un kopek sur Matias Tejela et pourtant, face à ce sixième, il m'a plu. J'ai trouvé sa faena parfaitement adaptée au toro; il sut oublier le pico pour recentrer la charge du toro sur la panse de la muleta et mieux l'y garder. J'ai aimé sa finesse et la souplesse de son corps. Bonne estocade et deux oreilles logiques.

jeudi 8 avril 2010

Arles 2010 (2)

Je n'aime pas les journées taurines continues. Six toros le matin, six toros le soir, c'est de la boulimie d'aficion. Je me réserve donc pour les Miura de l'après-midi, tant pis pour les Ana Romero. Avec une petite pensée, tout de même, pour la terrible novillada d'Hagetmau en 1974 et la grave blessure du brave Celestino Correa qui mit pratiquement fin à sa carrière. Je n'en ai pas revu depuis.
A l'heure de l'apéro, mes compañeros m'informent que ceux du jour, invalides pour la plupart, ont offert trois oreilles (locales) à Roman Perez. Les temps ont bien changé.

Arles, une matinée sans toros, c'est le moment idéal pour flâner dans les innombrables expos et pour faire le plein de livres taurins.
Deux grandes émotions cette année, la rétrospective des photographies taurines de Lucien Clergue (au palais de l'Archevêché jusqu'au 2 mai). Ne pas rater la petite salle où sont exposés trois ''toros morts'' grand format. Magnifique!
Outre la beauté et la charge émotive de certaines photos (en particulier les portraits d'El Cordobés et de Chamaco), on est si vivement frappé par la pertinence des clichés que l'on se dit à plusieurs reprises "voilà un type qui sait se trouver exactement au bon endroit, exactement au bon moment''. En photographie, sans doute une définition du talent.
Autre exposition remarquable,à l'Espace Van Gogh, Noir e(s)t lumière, dans les coulisses de l'école taurine d'Arles, photographies de Bernard Lesaing . Des photos qui réussissent à conjuguer recherche esthétique et forte charge émotive.
Dans les deux cas, du noir et blanc et de l'argentique..




Miurada

Une belle et bonne miurada. Je n'ai pas le souvenir d'avoir vu, en France, un lot de Miura au trapío aussi homogène (le cinquième excusa son absence de queue par une caste débordante), aux armures aussi astifinas. [Après avoir vu les photos sur Campos y Ruedos, astifino me paraît un tantinet exagéré, alors disons mieux armé que d'habitude!] Les remous autour des analyses de cornes menées sur le lot de l'an dernier n'y sont sûrement pas étrangers...
A noter aussi aujourd'hui le sérieux de la présidence : à corrida sérieuse, présidence sérieuse.
Au niveau du comportement, pas de hauts sommets, mais beaucoup de satisfactions avec quatre toros intéressants.
Evacuons les deux de Padilla, sosos. Du coup Juan José reste calme, ça nous fait des vacances.
Le second est un pur assassin, mais pas le sournois habituel de la devise qui accepte la première passe pour mieux se rabattre sur l'homme à la suivante. Non, un tueur plein de franchise qui annonce son programme dès la réception à la cape : "Sur la droite, je t'égorge et sur la gauche je te transperce le ventre''. Après trois grosses piques, il renouvelle le message à la muleta et Rafaelillo, à juste titre, abrège les débats sous les sifflets des imbéciles.
Tout en restant miuras, les trois autres permettent le toreo. Mehdi Savalli se montre sûr à la cape (avec notamment d'excellentes mises en suerte à la pique) et brillant aux banderilles. C'est après, avec muleta et épée, que ça se gâte un peu.
Le grand moment de la tarde, et pour moi, de la feria sera l'intense combat entre Intruso cinquième Miura et Rafaelillo. Le toro a été brave sous deux piques. A la première il renverse le picador qui lui tombe dessus, mais il n'en a cure, ce qu'il veut c'est la peau du cheval. A la seconde il pousse avec constance. Le troisième tiers est indécis. Tantôt Rafaelillo prend l'avantage et réussit à dominer la fiera par naturelles, tantôt c'est Intruso qui prend le dessus, il envoie la muleta dans les airs, oblige le matador à rompre ou à un desplante de recours. Aucun des deux ne veut s'avouer vaincu, le public vibre. C'est ça la corrida!



mercredi 7 avril 2010

Arles 2010 (1)

Novillada de Blohorn
Hormis le premier (invalide) et le quatrième (décasté), bonne prestation des novillos de BLOHORN. Ono, sortit en seconde position, brave et noble, sera récompensé d'une vuelta posthume.
Patrick OLIVER, avec le mauvais sorteo du jour, ne put être juger. Toutefois, il tua remarquablement de deux bonnes estocades.
Le local Thomas JOUBERT, avec les deux meilleurs novillos de la matinée, laissa passer l'occasion, en ce début de temporada, de donner un sérieux toque de atencion.
Juan del ALAMO, même dans un jour moyen, marqua la différence avec les deux français : sitio, temple, poignet qui prolonge, dans un troisième temps de la passe, la charge du novillo. Mais des scories aussi qui empêcheront le plein succès : nervosité, désarmés, vociférations.

Corrida-concours
Les miracles n'ont pas lieu tous les jours et ceux qui, comme moi, avaient été mis en appétit par les récits de la corrida-concours de la dernière feria du riz et espéraient un déluge de bravoure ont dû faire preuve de trésors de patience pour supporter l'affligeant spectacle de cet après-midi. Ça tombait mal, il y avait du public en ce samedi des fêtes pascales, deux bons tiers d'arène : les traditionnels aficionados de verdad, et puis ceux qui auraient pu s'enthousiasmer pour un spectacle créateur d'aficion, enfin les non moins traditionnels indocumentados (toujours nombreux ici), indécrottables mécréants de la cause taurine, qui applaudirent le Samuel Flores fuyant le picador et sifflèrent la quatrième pique au Prieto de la Cal.

Le pensionnaire de LA QUINTA a tous les indicateurs au vert : trapío, bravoure, noblesse. Mais il a un défaut qui annule toutes ses qualités, la faiblesse de pattes. Dès lors, il n'est plus rien. Au suivant...

Limpia-Botas de PRIETO DE LA CAL sera la protagoniste du meilleur moment de la tarde. La sortie de ce majestueux jabonero sucio est en effet un hymne à la beauté du toro brave. Le public libère son émotion par une formidable ovation qui reprendra lors de l'arrastre. Mais entre les deux, le toro a déçu, il ne s'emploie que peu sous quatre piques. Il faut dire que rien dans la lidia de Javier Valverde ne favorise sa mise en valeur. Je me suis demandé s'il n'avait pas laissé quelques plumes lors de ses violents remates contre tablas et burladeros.

Le SAMUEL FLORES se détourne plusieurs fois du piquero pour se réfugier au toril mais, lorsqu'il charge, il le fait avec codicia. Belle lidia de la part de Luis Bolivar et de sa cuadrilla.

Le pupille de MARIA LUISA DOMINGUEZ PEREZ DE VARGAS se révèle très vite être un invalide total. Le moral est au plus bas.

La sortie du très beau DOLORES AGUIRRE fait remonter l'espoir mais c'est de courte durée. Deux piques nous laissent un animal faible et décasté. Una pena.

Reste Matorrito de FLOR DE JARA. Le toro est intéressant, mobile, mais il y a longtemps que personne n'y croit plus. La lidia s'en ressent. Il est presque huit heures, le ciel est aussi noir qu'au début de la course, aussi noir que sont noires nos pensées. Un seul point positif, il n'a pas plu.


N.B. Il me semble que l'excellent picador Luis Miguel Leiro qui officia face au Samuel Flores aurait mérité le prix de 3000€ prévu pour le meilleur piquero et non attribué.