lundi 29 juillet 2019

Orthez



















Dimanche 28 juillet 2019      Orthez       arènes du Pesqué
beau temps
quasi plein

6 toros de Prieto de la Cal (17 piques, ovation au 3) pour Alberto Lamelas (silence, silence), Jesus Enrique Colombo (silence, silence) et Angel Sanchez (silence, silence)

On ne doit pas aller voir une corrida de Prieto de la Cal comme on va voir une vulgaire corrida de domecqs. Leur origine Veragua impose un regard différent, avec cette sensation particulière d'assister à un spectacle qui aurait pu se dérouler il y a un siècle, un temps où l'on demandait seulement aux toros de la présence physique et de l'attrait pour les chevaux.
Tous jaboneros, avec des musculatures apparentes, les six du jours ne manquèrent pas de présence physique, en particulier les deux derniers, véritables estampes dignes du burin du sculpteur. On regrettera toutefois les armures très endommagées des deuxième et troisième. Le premier se cassa un piton contre un burladero; conformément au règlement, il ne fut pas remplacé.
Si tous allèrent au cheval sans se faire prier, ils ne s'y employèrent que fort peu et s'en détournèrent même avec une facilité qui marqua leur condition de mansos.
Face à des adversaires dont la charge se limitait la plupart du temps à un violent coup de corne dans le leurre, les possibilités de briller comme on l'entend aujourd'hui étaient des plus réduites pour les toreros. On aurait donc aimé que, à la manière des diestros de l'ancien temps, ils reportent sur l'estocade, préparée par une séance de macheteo dominateur, la possibilité de montrer leur courage et leur savoir-faire. Mais nous ne vîmes ni l'un ni l'autre et trop d'épées dans les bas-fonds ternirent la prestation des matadors.
Alberto Lamelas garda un relatif contrôle des opérations face au premier puis il abrégea face au très venimeux quatrième.
Jesus Enrique Colombo, jeune Vénézuélien, ne connut pas de naufrage. C'est déjà une victoire, en particulier face à l'imposant cinquième qui avait longuement visité le callejon dès sa sortie.
Le sorteo avait réservé à Angel Sanchez le seul toro qui se prêtait à la tauromachie moderne. Mais son joli style manqua par trop d'engagement pour vraiment tirer tout le parti de la mobilité et de la noblesse de son adversaire. Il ne put rien face au dernier, un bloc de marbre.
  


samedi 27 juillet 2019

Roquefort : le retour des La Quinta pour le 15 août




   Ce sera la septième fois que les pensionnaires de La Quinta fouleront le sable du ruedo roquefortois. C'est au début des années 2000 qu'ils y connurent leurs triomphes les plus retentissants puisqu'en trois ans (2002, 2003, 2004) l'excellent comportement de Bolichero, Escandaloso, Pavito et Cantinero leur permit d'avoir les honneurs du tour de piste.
   On souhaite que la novillada de cette année soit à la hauteur de ces glorieux ancêtres ou de la grande bravoure de Matablanca, magnifique vainqueur de la corrida-concours de Vic Fezensac en juin dernier.
   On notera également la présence au cartel de Rafael Gonzalez le novillero triomphateur de ce début de temporada (deux oreilles à Séville et déjà deux oreilles à Madrid où il participera jeudi à la finale du concours des novilladas nocturnes.)

jeudi 25 juillet 2019

Ma Madeleine 2019 (suite)




Samedi 20 juillet
     novillada d'Ave Maria
   Les Français qui achètent un élevage en Espagne ne font preuve ni d'imagination ni d'esprit voltairien en choisissant le nom de leur ganadéria : après Virgen Maria voici Ave Maria.
   Par leur présentation très défectueuse et leur mala casta, le lot de novillos de messieurs Margé et Pagès semblait avoir été récupéré au fond du tabernacle d'une église andalouse désaffectée.
   Six novilleros français se voyaient offrir l'opportunité de montrer leurs qualités, ce fut l'intérêt de la soirée.
   Tibo Garcia a foulé des terrains de vérité mais il tue toujours aussi mal. Un vrai handicap dans la carrière qu'il a choisie. Silence.
   Très mexicain dans son maniement de la cape, banderillero efficace, André Lagravère "El Galo" a joué ses points forts avec habileté mais tout part à vau l'eau lorsqu'il passe au troisième tiers. Silence.
   El Rafi est déjà un novillero puesto, il possède en outre une indéniable planta torera. Une excellente estocade lui permet de couper une oreille.
   Lorsque parait Cédric Fructueux "Kike" avec son air timide de séminariste et qu'il se fait enlever la cape des mains par un novillo violent, on se dit qu'il pourrait bien passer une soirée infernale. Ce fut le contraire. Il parvient à maintenir le novillo au centre du ruedo, celui-ci se livre et le Landais, sans sortir de sa ligne classique et sobre, aligne les séries à droite et à gauche, certes un peu distanciées mais toujours limpides. Une oreille après une épée d'effet immédiat.
   A défaut de dominio, le Dacquois Juan Molas aura les gestes les plus profonds de la soirée, il donna en particulier quelques belles naturelles. Salut.
   Yon Lamothe manie joliment la cape puis, face à un novillo complètement arrêté, il se met dans le sitio sans résultats. Rageant. Silence.

Dimanche 21 juillet
     corrida de Victorino Martin
   Et le scandale vint ! Pour avoir osé présenter sur le sable du Plumaçon deux animalcules comme le 1er et le 6 bis, Victorino Martin fils a manqué de respect à l'aficion montoise; il a aussi manqué de respect à la mémoire de son père qui avait toujours amené des lots dignes dans la capitale landaise.
   La réaction du public a été exemplaire. Charivari, protestations, moqueries, refrain d'Intervilles repris en chœur par le public, et féroce bronca finale aux organisateurs (Marie Sara et François Guillaume) lorsqu'ils quittèrent leur burladero du callejon une fois la corrida terminée.
   Organisateurs qui sont certes insurpassables dans l'art de se faire mousser dans la presse et sur internet mais qui se sont montrés incapables de fournir au cours de cette feria une corrida digne d'une arène de 1ère catégorie. La corrida de Victorino n'est pas un accident mais la conclusion logique d'une politique taurine dont le but a été de revoir à la baisse les exigences de la plaza.

De même que pour ses frères du jour, pas d'image disponible de Bohonero, le 6 bis, sur le site de Victorino !

mercredi 24 juillet 2019

Ma Madeleine 2019

   Les aficionados aiment bien cette petite feuille qui donne le nom des toros, leur âge, leur robe, leur ordre de sortie. On y trouve aussi le nom des banderilleros et des picadors. C'est une source d'informations mais aussi une forme d'hommage à ceux, subalternes et toros qui vont jouer leur vie sur le sable de l'arène. On s'y réfère pendant la course mais on peut aussi, le soir, le lendemain, l'annoter, la ranger et plus tard la retrouver au fond d'un tiroir pour un doux moment de nostalgie. Toutes les arènes sérieuses offrent aux aficionados ce modeste mais précieux feuillet, toutes sauf la plaza de Mont de Marsan qui, depuis l'an dernier, a décidé de les en priver. Ridicule économie de bouts de chandelle quand on songe au cachet de la moindre figure.

Mercredi 17 juillet
     corrida de La Quinta
   La noblesse a ses quartiers, ses hiérarchies, ses abâtardissements aussi. Il en va de celle des toros comme de celle des hommes. Les trois derniers La Quinta courus ce jour en sont un bon exemple.
   Le quatrième possède une charge douce, pastueña comme en rêvent tous les toreros dans leurs rêves de gloire et de triomphe. Daniel Luque, depuis quelque temps au plus haut sommet de son art, y trouve un partenaire de luxe qui lui permet d'atteindre au sublime. Toutefois, en fin de faena, au moment de ramener le toro vers les barrières pour l'estoquer, le Sévillan commet une très légère erreur : il se fait accrocher la muleta, se retrouve dans un terrain compromis en direction du toril. Toute la caste du bon santacoloma qu'il est resurgit alors chez le toro : il poursuit le torero sur plusieurs mètres, la mise en place devient difficile puis, frappé à mort par l'estocade, il renverse le matador et, malgré les sollicitations des péons, fond sur sa proie avec une rage qu'il n'a jamais montrée durant sa lidia. Le maestro se sauvera de peu et perdra, moindre mal, la deuxième oreille dans l'aventure.
   Le cinquième n'aura pas ce retour de flamme. C'est un noble dégénéré, sans le moindre surgissement d'esprit combatif. Sa vie publique est une succession de trottinements innocents, comme un dégoulinement sirupeux qui, finalement, met tout le monde mal à l'aise, public et torero. La corrida ce ne peut être cela.
   Heureusement, entre en piste le sixième. Voici maintenant un noble encasté, d'une lignée toujours prête au combat. A droite sa charge est vibrante et soutenue, sa corne gauche semble offrir de grandes possibilités. Un toro qui permet beaucoup mais demande les papiers. Hélas Thomas Dufau, bien loin de ses précédentes actuations, semble inhibé (On apprendra le soir qu'il a été hospitalisé après la corrida, souffrant des séquelles d'une maladie contractée lors d'un récent voyage au Pérou). Bien vite, c'est le toro qui, fort de tous ses quartiers de noblesse, mène le bal.

Vendredi 19 juillet
     corrida de Fuente Ymbro
   Il y a eu de tout sur le sable du Plumaçon pour la corrida de FuenteYmbro.
   Du positif :
- un toro très noble qui offre ses oreilles (le 2, vuelta) : il en faut de temps en temps.
- beaucoup de variété dans le comportement des andalous avec abondance de charges brusques, inconstantes : ça oblige les toreros à montrer leurs capacités, leur courage.
- le triomphe légitime de Lopez Simon, celui que l'on n'attendait pas.
- un bon Perera, tenace et combatif face à un toro difficile  (le 1)
- la classe et le temple virtuels de Pablo Aguado : à ce stade on en est encore à imaginer ce que ça pourrait être si ...
   Du négatif :
- de la faiblesse, une caste souvent déficiente : des toros à mille lieues des bons Fuente Ymbro (ceux de 2012 ici-même par exemple, ou ceux de Valence cette année).
- l'échec de Perera à son second.
- Aguado entre deux eaux : de la classe oui, mais pas assez d'expérience, de confiance en soi pour améliorer et façonner deux toros médiocres.


   










photo : Camille Duma

jeudi 4 juillet 2019

Recette

   A l'heure où l'on veut  imposer (les proclamations écologiques de circonstance ont été bien vite oubliées) l'arrivée en Europe de milliers de tonnes de viande bovine sud-américaine à prix défiant toute concurrence et produite industriellement  (nourriture OGM, antibiotiques, entassement des animaux dans des lieux fermés), n'hésitons pas à rappeler à ceux qui n'aiment pas la corrida mais savent se régaler d'un bon beefsteak que le toro de combat finira lui aussi sur l'étal du boucher après avoir connu, le bienheureux, une vie de liberté et une mort en défendant sa peau.
   Voici une recette tirée du livre de Marie Rouanet, Petit traité romanesque de cuisine.



       La grillade de taureau de combat, libations et feu rituel

Songez avant tout que le taureau de combat vit quatre ou cinq ans dans d'immenses pâturages, beau et libre comme au jour de la création; songez qu'il meurt glorieusement, en quelques minutes. Admettez donc que, pour sa vie comme pour sa mort, il est bien mieux partagé que beaucoup d'êtres humains et que la plupart des bêtes destinées à notre nourriture : poules ébécquées, cochons en stalag, veaux dans leurs cercueils de bois. Que vaut-il mieux : l'arène, l'abattoir ou l'hôpital, un tuyau dans chacun de vos trous ? Arrêtez donc de vous scandaliser de la corrida et portez votre indignation sur les élevages de poules.
Vous voilà presque prêt à manger le taureau mariné, l'âme sereine. Parachevez votre paix intérieure en allant à la corrida, même sans rien y connaître. Pour la lumière de six heures du soir, les ombres longues, les cris et les couleurs de la foule, la bête superbe foudroyée par ce petit coléoptère tout doré qui ne marche pas mais danse; le matador.
Dès le lendemain d'une corrida, plusieurs boucheries de la ville annoncent : Vente de taureau. Le boucher écrit sur une ardoise ou un grand papier blanc :
                                 Vente de toro
                                 ou de taureau."
et il ajoute toujours une précision. "Véritable toro de corrida" (véritable est souligné), "Toro de combat tué à la corrida du 12". Il précise pour les amateurs : "toro, Victorino Martin ou Miura" et quand il taillera votre morceau il vous rappellera comme la "faena" était belle.
Ne lésinez pas, achetez-en une belle tranche épaisse. Faites-la mariner un moment - elle ne doit pas tremper, vous la retournerez souvent - dans trois verres d'un bon saint-chinian aromatisé d'un gros oignon doux de Lézignan, de laurier, thym et poivre.
Ne salez pas. Vous salerez seulement dans le plat de service quand le taureau aura cuit vivement - grillée la surface, rouge le cœur - sur une forte braise de sarment de vigne.
Autrefois, dans la Grèce antique, avant de sacrifier le bœuf - il était obligatoire de le tuer avec une lame - on versait du vin sur son front. Et lorsqu'on avait brûlé pour Zeus la graisse fine et quelques pièces de choix, les fidèles mangeaient le reste.
Tout est donc réuni : la lame, le vin, le feu, pour que cette viande exceptionnelle servie sur votre table soit une consommation rituelle.
La part du Dieu est restée dans l'arène : du sang et quelque oreille, à la tranche nacrée, que le matador brandit au-dessus d'un blanc sourire de Méditerranéen, tandis que pleuvent les chapeaux, les souliers et les fleurs jetés par les femmes.