mardi 29 décembre 2020

Adieu à une année désastreuse



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nul ne regrettera 2020, année désastreuse pour la tauromachie comme pour toutes les activités culturelles.

Entre paranoïa savamment entretenue, mesures coercitives incohérentes, prudence nécessaire, et non moins nécessaire désir de ne pas voir son existence réduite à des activités racornies, chacun y aura navigué avec plus ou moins de bonheur.

 

samedi 5 décembre 2020

Bilan 2020

    Bilan 2020 avez-vous dit ? Peut-on sérieusement faire le bilan d'une temporada qui n'a pas existé ? Certes elle n'a pas été blanche comme on aurait pu le craindre à un moment, mais si réduite et si inconsistante qu'elle est la temporada la plus misérable de toute l'histoire de la tauromachie, même en prenant en considération les années de la guerre civile espagnole.
 
    Si l'on examine les courses qui ont pu être données en Espagne on constate que trois entités en sont à l'origine. D'abord un certain nombre d'organisateurs privés n'ont pas hésité à prendre des risques pour relancer l'activité taurine dès la fin du confinement. La feria d'Avila donnée dès juillet en fut le meilleur exemple. Il ne fait pas de doute que ces organisateurs, jeunes et ambitieux, ont vu là une belle opportunité pour montrer leur savoir-faire et asseoir leur notoriété avant de partir à l'assaut, demain, des plazas les plus importantes. Car du côté des grandes empresas qui dominent le marché taurin le moins que l'on puisse dire est que leur discrétion a confiné à la démission. Pas même l'organisation de cycles de novilladas lorsque c'était possible ! Ce qui ne les a pas empêchées de casser honteusement du sucre sur le dos de celles qui travaillaient, comme on l'a vu après la corrida du Puerto de Santa Maria.
   Pour donner corps à une activité taurine minimale ce sont aussi les structures régionales (institutions politiques et télévisons) qui, en Castille et en Andalousie, ont pris en main l'organisation de cycles de novilladas avec en général une belle réussite.
   Enfin la Fundation del Toro de Lidia a réussi à organiser durant l'automne un cycle d'une vingtaine de corridas dans les zones de la géographie espagnole où c'était possible et cela en dépit des incertitudes de réglementations sanitaires en perpétuels changements.
   De ce côté-ci des Pyrénées, l'énorme disparité entre les deux régions taurines est vraiment frappante. Le Sud Est a fait preuve d'un dynamisme certain qui a permis durant les mois d'août et de septembre une activité taurine assez conséquente avec l'organisation de plusieurs ferias (Béziers, Arles, Nîmes), sans oublier Beaucaire qui avait courageusement montré la voie à suivre dès le mois de juillet.
   Dans le Sud Ouest en revanche, région pourtant très peu touchée par l'épidémie, le bilan est calamiteux. Une seule journée taurine, avec novillada le matin et corrida l'après-midi, a été organisée par la ville de Dax. Alors que durant les mois d'août et de septembre tout était possible ! J'ai bien l'impression que ce bilan atterrant est le signe que l'aficion du Sud Ouest est une aficion vieillissante ...
   Ceux qui ne sont pas restés les deux pieds dans le même sabot ce sont les ganaderos. Pour éviter la désespérance totale, ils n'ont pas hésité à organiser sur leurs terres des journées taurines qui ont semble-t-il connu le succès. Il s'agit là pour eux d'un mode de fonctionnement qui, s'il existait déjà, aura pris avec la crise une importance accrue dans leurs activités. 

   Si côté torero un bilan doit être tiré c'est pour mentionner un certain nombre de matadors et de novilleros qui ont su saisir les rares occasions qui leur étaient données. Ils ont montré qu'il faudrait compter sur eux lorsque la reprise sera une réalité. C'est ainsi que, parmi les matadors, Juan Ortega a fait sensation par son toreo classique et pur. Gomez del Pilar, de son côté a montré qu'il était mûr pour prendre une place de choix dans les corridas dures. José Garrido a rappelé qu'il était un torero sur lequel on pouvait compter. Fortes, enfin, a pu fouler à nouveau le sable d'une plaza après une grave blessure qui l'avait tenu plus d'un an éloigné des ruedos.
   Mais le plus encourageant - à vrai dire la seule note réellement positive de la temporada - c'est l'existence, malgré le peu d'opportunités offertes, de plusieurs novilleros porteurs d'espérance pour l'avenir. Tomas Rufo, natif de Talavera de la Reina (clin d'œil de l'Histoire), aurait dû prendre l'alternative lors des fêtes de la Madeleine ; son actuation (télévisée) de Tolède en octobre a confirmé qu'il avait les qualités pour s'imposer au plus haut niveau. Francisco Montero possède une personnalité hors norme et de réelles qualités taurines. Manuel Diosleguarde a acquis une maturité qui devrait lui permettre de bien figurer à l'échelon supérieur, il s'est montré très convaincant lors d'une novillada télévisée à Guijuelo. Mentionnons également Daniel Barbero vu à son avantage à Medina del Campo, Gonzalez Ecija vainqueur du cycle de novilladas andalouses, José Francisco Molina révélé par Dax et enfin l'élégant Nîmois El Rafi. Des espoirs pour le futur ...
   Quant à nos chères figures, tout comme les grandes empresas, elles se sont révélées durant toute l'année d'une discrétion qui ressemblait fort à une démission. Enrique Ponce est le seul qui soit monté au créneau pour tenter de donner un peu d'oxygène à une temporada en perpétuelle asphyxie.
   Je m'aperçois que pour un non-bilan d'une non-temporada, voilà beaucoup de mots écrits, il est temps de passer à :
 

Ma corrida rêvée

                6 toros de Victoriano del RIO 6
     Daniel LUQUE - GOMEZ del PILAR - Juan ORTEGA
 
Victorino, Victoriano, j'ai longtemps hésité entre les deux et si j'ai finalement opté pour Victoriano c'est en souvenir des deux bons lots de l'élevage que j'ai vus dernièrement (Bilbao 2019, Nîmes 2020). Du campo de Guadalix de la Sierra nous viennent régulièrement de beaux toros, braves et encastés, et, bien qu'ils ne soient pas majoritaires, ils ont pris, dans mon rêve, toute la place.
 
Un autre rêve a aujourd'hui plus de chance de devenir réalité : la crise liée à l'épidémie de coronavirus va disparaitre en 2021 et, peu à peu, la temporada taurine reprendra tous ses droits ... 
 
 



















Dax dimanche 27 septembre 2020 17 heures
le paseo de la seule corrida donnée dans le Sud Ouest
Daniel Luque, Lopez Simon, Alvaro Lorenzo
Sur les gradins tous les spectateurs sont masqués et une place sur deux est occupée
photo Velonero
 
 

mardi 24 novembre 2020

A propos de Joselito

    En cette année d'hommages au Rey de los toreros, Joselito, dont on commémorait le centenaire de la mort, la revue Toros vient de faire paraitre un numéro double (n° 2131-32) entièrement consacré au natif  de Gelves.
   Pour l'occasion, la revue a demandé à Luis Francisco Espla, qui fut un grand torero d'inspiration galliste et que l'on sait peintre à ses heures, de réaliser une œuvre graphique originale pour la couverture. 
   Les différents textes, toujours d'un grand intérêt, permettent de mesurer - beaucoup plus qu'on ne l'avait fait jusqu'alors - les différents apports de Joselito à la tauromachie actuelle. Deux textes passionnants de Jean Pierre Hédouin et Domingo Delgado de la Camara analysent son toreo et de quelle manière, en complémentarité avec celui de Juan Belmonte, il se trouve être à l'origine du toreo moderne. Son rôle décisif dans la construction des plazas monumentales (en particulier Las Ventas) est souligné. On évoque aussi sa carrière et notamment, bien sûr, son bref passage en France en 1910 alors qu'il n'était encore qu'un modeste novillero.Enfin de nombreuses anecdotes et une riche iconographie agrémentent en permanence les 48 pages de ce numéro spécial.
   De la lecture pour se confiner au coin du feu ; en vente, pour les non abonnés, dans les maisons de la presse habituelles.
 
 

 

  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
En Espagne deux ouvrages ont paru cette année :

   - une réédition de la biographie du maestro par Paco Aguado, Joselito El Gallo, Rey de los toreros




  
 
 
 
 
 
 
 
 
 - un livre sur toutes les actuations de Gallito dans les anciennes arènes de Madrid
      Manuel Hernández, Joselito el Gallo en la Plaza Vieja de Madrid




 
 
 
 
 
 Manuel Hernández est par ailleurs l'auteur d''un blog d'une richese incroyable sur l'histoire de la tauromachie : La fiesta prohibida
 
 
cliquer sur les titres pour plus d'infos

lundi 9 novembre 2020

Novillada à Medina del Campo

    Nous sommes le dimanche 8 novembre 2020 et je suis devant mon écran d'ordinateur en train de regarder une novillada à Medina del Campo, province de Valladolid. Le spectacle est télévisé mais il se déroule dans une arène entièrement vide de spectateurs. Dans le callejon de la plaza, hormis les toreros, toutes les personnes présentes portent un masque sur le visage.

   Il y a très exactement un an, au cours du mois de novembre 2019, dans la ville chinoise de Wuhan, province du Hubei, quelques personnes ont été atteintes d'une pneumopathie qui, après analyse, ne correspondait à aucun virus ou bactérie connus.




   Après ce préambule qui me parait avoir quelque chose d'étrange et de vertigineux, je me contenterai de relater classiquement la très bonne novillada concours de ce jour, non sans avoir au préalable noté que, si la corrida subit en ce moment des attaques répétées, elle bénéficie également de nombreux soutiens qui ont permis tout au long de ces derniers mois de la maintenir vivante. Ce jour, sans la Junta de Castilla y León et la télévision régionale CyL, rien n'aurait été possible.
   Il s'agissait d'un concours entre ganaderias de la tierra (dénommé desafío car il y eut tirage au sort), avec des novilleros de la tierra. 

   1- Africano de Miranda de Pericalvo (domecq)
Le novillo est bien roulé mais il est défectueux d'armure (gacho y brocho). Première pique appuyée avec carioca, il part de loin sur la seconde mais n'insiste pas sous le fer. Il accuse le châtiment puis va a mas au troisième tiers. Un toro correct, sans plus.
Pablo Atienza, novillero de Ségovie, torée classiquement, avec froideur, et tue d'un bajonazo.

   2- Enfadado d'Antonio Bañuelos (domecq)
Castaño, brocho. Belle charge au capote et belles véroniques. Il pousse sous la première pique puis s'élance avec une belle arrancada pour la deuxième, vite relevée. Le novillo faiblit en début de faena mais, par la suite, il charge bien, avec noblesse.
Daniel Barbero donne une faena un peu longue mais avec de très bons moments. Il est centré, sincère et torée avec la main basse. Mise à mort laborieuse : une atravesada, un pinchazo profond, un descabello.

   3- Pomposito de Pedraza de Yeltes (domecq)
Le castaño de Pedraza fait preuve d'une grande suavité dans les véroniques de réception. Une pique mal positionnée, poussant jusqu'aux tablas, une pique de très loin en poussant. Le novillo répond bien au toreo par le bas du début de faena, puis dans les séries de derechazos et de naturelles, il a gardé beaucoup de mobilité.
Valentin Hoyos, novillero originaire de La Alberca passé par l'école taurine de Salamanque, ne se centre pas et se contente d'aligner les passes. Il garde le meilleur pour la fin avec une trinchera muy torera, puis tue mal : trois pinchazos, une entière.
Vuelta al ruedo pour le bon novillo.

   4- Marinerito de Castillo de Huebra (murube)
Negro, bien armé, le murube prend une bonne première pique mais va a menos aux suivantes : il n'insiste pas sous la deuxième et sort seul de la troisième. Au dernier tiers le novillo a gardé une bonne charge avec une pointe de nerf. Un bicho intéressant.
Pablo Atienza réussit quelques bonnes naturelles mais tue à nouveau d'un affreux bajonazo.

   5- Marques de Brazuelas (domecq)
Peu connue, la ganaderia de Brazuelas est située dans la province de Valladolid. Marques est un novillo colorado, lourdaud et bien armé. A la cape sa charge est peu claire, il faiblit et chute. Première pique violente en faisant sonner l'étrier, idem pour la seconde. Au dernier tiers il se réserve.
Mais Daniel Barbero est un novillero puesto, con sitio. Il consent son adversaire et parvient à tirer quelques naturelles de bonne facture. Deux tiers d'épée. Une oreille.

   6- Misterioso de José Escolar (albaserrada)
Le novillo est un cárdeno typique de l'encaste. Il remate au burladero. Face à la cavalerie il prend une excellente première pique puis, après quelques hésitations, une bonne deuxième (très bien Alberto Sandoval). Au troisième tiers il est d'une fixité impressionnante. Sur la corne droite il charge museau au sol, répétant sa charge à l'infini avec, qui plus est, une douceur toute mexicaine.
A ce novillo de rêve on extraira de la faena de Valentin Hoyos (quel sorteo!) deux séries de derechazos en phase avec le toro mais un peu distanciados. Pinchazo, entière desprendida (le toro mugit), descabello.
Une oreille, vuelta al ruedo pour Misterioso.

   Tous les acteurs de cette novillada concours ont joué le jeu, les mises en suerte au cheval furent impeccables, les deuxièmes tercios toujours rondement menés et bien exécutés. Tout cela permit une novillada très intéressante durant laquelle il fut prouvé que les trois tercios pouvaient être mis en valeur - pour peu que l'on en ait la volonté - pour une tarde de tauromachie complète.

   Il fait nuit, il pleut, à travers les haut-parleurs l'annonce du palmarès résonne sur les gradins de ciment entièrement vides ... Mais un cycle de neuf novilladas non piquées et de deux novilladas piquées a pu se donner en Castilla y León. La fiesta sigue.

Le palmarès
   ce jour 
      meilleur novillo : Misterioso de José Escolar
         mention à Pomposito de Pedraza de Yeltes
      meilleur puyazo : Alberto Sandoval
      meilleure brega : Andres Revuelta
      meilleure paire de banderilles : Felipe Proenza

   cycle des non piquées
      meilleure ganaderia : Valdellan
      meilleur novillo : Coquilla de Sanchez Arjona
      meilleur novillero : Ismael Martin


photo : José Salvador (site Aplausos)

mercredi 28 octobre 2020

Petit viatique pour temps de coronavirus (6)

    D'après les recensements officiels, un peu plus d'un million de Français ont déjà contracté le coronavirus. Sans doute beaucoup plus si l'on prend en compte les non-homologués. C'est encore insuffisant pour que l'on puisse envisager une immunité collective, seule solution à ce jour, qu'on le veuille ou non,  pour en finir avec Covid 19. Dans un climat de précipitation, de confusion et de terreur savamment entretenue, un confinement partiel vient d'être à nouveau imposé.
  Voici donc pour aider modestement le passage de ces mauvais jours le retour de ce petit viatique.
 
 
                              6 bandes dessinées taurines 6
 
 

Got   L'arène noire   1990 
Le dessinateur du Baron noir nous donne un œuvre courte mais ambitieuse sur l'art taurin. l Très beaux dessins en noir et blanc.











Golo   La taverne des souvenirs imaginaires   1991
Résidant aujourd'hui au Caire mais natif de Bayonne, Golo, de son vrai nom Guy Nadaud, fait preuve dans cet album d'une connaissance approfondie de l'Espagne et de la culture taurine. Baroque, picaresque, foisonnante de vie, cette BD nous mène de Pampelune à Ronda et se termine par un bel hommage à Orson Welles. Indispensable.





Autheman   Place des hommes   1993
José Montes, ancien matador au passé trouble, revient à Arles, sa ville ntale où il a hérité d'un hôtel place du Forum. Un thriller violent et efficace.
 


 
 



Labiano - Jakupi   Matador   1994
Nous sommes dans l'Espagne des années 30, Manuel veut devenir matador. De la bonne BD classique qui ne cherche pas à éviter les clichés.






Flao - Dabitch   Mauvais garçons   2009
Dès les premiers dessins, Manuel torée ...un chien. Cette BD, magnifiquement dessinée, est en fait un hymne au flamenco comme chant et comme mode de vie. Un chef d'œuvre !







Fernandez - Lopez Poy   Matador   2014
A travers la vie de Lorenzo Pascual "Belmonteño", matador de toros né à Belves de los Montes (Zamora) dans les années 20, les auteurs nous donnent à voir les épreuves que doit surmonter un modeste matador dans l'Espagne des années 30 et 40. A découvrir. 






Toutes ces BD sont en vente en librairie ou sur internet.

Lien vers les viatiques précédents :

samedi 3 octobre 2020

Un souvenir de Sébastien Castella

    Après vingt ans de triomphes sur tous les ruedos de la planète taurine, Sébastien Castella a pris la décision d'arrêter sa carrière. Sage décision, qui vaut pour lui constat de réussite et pour nombre de ses compagnons exemple à suivre.
   Il est certain que, lorsque l'on possède le "palmarès" qui est le sien, on peut se permettre, comme il le fait dans son communiqué, de s'accorder un satisfecit justifié. Songeons que le Biterrois est le matador qui, au cours de ces vingt dernières années, a coupé le plus de trophées à Madrid, catedral del toreo (24 oreilles et 5 grandes portes).
   Lorsque j'ai appris la nouvelle de sa despedida, une image de lui m'est aussitôt venue à l'esprit. C'était le 15 août 1998 à Roquefort. A l'issue de la novillada non piquée matinale au cours de laquelle il avait coupé une oreille et laissé une bonne impression, le tout jeune Sébastien, accompagné de son équipe, est passé par hasard près de moi en regagnant le coche de cuadrilla. Ma surprise fut grande de l'entendre récriminer. Non pas contre les novillos, ni contre le public ou la présidence ... mais contre lui-même. Il n'était visiblement pas du tout satisfait de la manière dont il venait de toréer et tentait même, dans des gestes plus accomplis, de refaire sa faena. "Graine de torero", me suis-je alors simplement dit. 



 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
  
photo Juan Pelegrin

Sur L'œil contraire :
   Une photo : Sébastien Castella (la première salida a hombros de Madrid), 2007
   Un livre : Cadeau, 2012

mardi 29 septembre 2020

Une corrida à Dax

  


  "Une corrida à Dax", ce titre est en soi un miracle puisqu'il s'agit de la seule et unique corrida de toros donnée en cette année 2020 dans notre Sud Ouest. Il faut donc une nouvelle fois féliciter les élus et les responsables taurins dacquois pour l'organisation parfaite de cette journée taurine. L'aficion saura s'en souvenir. Et stigmatiser l'attitude des responsables de Bayonne et de Mont-de-Marsan, cités voisines et rivales, incapables d'organiser dans leurs arènes le moindre évènement alors qu'en ce mois de septembre tout était possible, Dax en a administré la preuve. Les quatre mille places mises en vente emportées en trois jours étant la meilleure réponse que l'aficion pouvait faire.
   Le temps froid et venteux, digne d'une journée hivernale, le comportement décevant des toros et de deux des toreros n'ont pas permis que cette journée soit un plein succès. Ainsi vont les choses taurines.

Les Pedraza de Yeltes
   Les courses données par la ganaderia en cette même plaza avaient placé la barre des attentes très haut, la déception n'en fut que plus grande. Ce que l'on attend avant tout de cet élevage c'est un grand combat à la pique. Or, à l'exception du premier novillo (on y croyait encore), aucun des pedrazas lidiés ne put atteindre la troisième pique. Un problème de poder, inhabituel dans l'élevage, des trébuchements à répétition et autres boiteries les ont empêchés de donner leur pleine mesure et toreros et présidences ont stoppé le premier tercio après deux piques (une seule pour le deuxième novillo) sans que l'on puisse trouver à y redire. En revanche, dans la limite de leur poder, tous firent preuve d'une belle franchise au troisième tiers. En somme, un lot, dont la présentation était de plus irréprochable, tout à fait convenable pour une corrida commerciale habituelle de sang domecq ... mais on attend tellement plus des Pedraza !

La novillada matinale
   Dès le matin, les novillos avaient donné le ton de la journée avec un premier handicapé d'une patte avant, un second piqué une seule fois et un quatrième, certes honoré d'une vuelta pour avoir été un très bon novillo de troisième tiers, mais n'ayant pris qu'une pique et un picotazo.
   Maxime Solera ne put rien montrer de positif face au novillo handicapé, très vite réfugié aux tablas.
   Francisco Montero (une oreille) possède une vraie et belle personnalité de torero, alternant les passages classiques et templés et les moments de pur trémendisme. Il avait accueilli son novillo par trois farols de rodillas donnés avec le capote de paseo. Un phénomène !
   El Rafi (une oreille) a incontestablement de l'allure. De la technique aussi qui lui permet un bon début de faena, mais lorsqu'il s'agit d'approfondir son toreo il y a quelque chose qui ne vient pas et son travail reste inabouti. "Elève Raucoule, vous avez des possibilités mais vous devez encore travailler'', pourrait lui dire un vieil instituteur.
   Face à Portico, novillo plein de feu au troisième tiers, José Fernando Molina (une oreille) fut la révélation de la matinée. Belle faena, bien liée, de bon goût. Le jeune homme manqua un peu d'assurance pour donner des séries plus longues qu'aurait permises le novillo, mais à ce stade et en ayant si peu toréé la faute est vénielle.

La tarde, les matadors
   Heureusement il y avait Daniel Luque. Placement juste, tempo parfait, muletazos profonds face à un toro anodin au départ mais qui va a mas, mis en appétit par une muleta si persuasive (une oreille). Malheureusement son second adversaire, handicapé de l'avant train, ne permit pas au Sévillan de redondear la tarde.
   Lopez Simon touche un remplaçant en or (le titulaire s'est cassé la corne sur le premier burladero qu'il a rencontré). Chaque fois que je le vois, ce garçon me met terriblement mal à l"aise. Si l'on devait inventer un robot torero il prendrait à coup sûr la forme de ce Lopez Simon, ni bon, ni mauvais, formule parfaite d'une tauromachie désincarnée.
   Alvaro Lorenzo a constitué une grosse déception. Passe encore face au troisième mollasson, mais le dernier offrait quelques possibilités. Le public l'a bien senti qui l'a un moment soutenu, hélas, sans sitio ni dominio, le Tolédan a finalement rendu copie blanche, à quoi il faut rajouter une mise à mort calamiteuse.
   La mode est, en fin de faena, au jeter de l'épée sur le sable suivi d'un pénible épisode de passes embrouillées et sans saveur. Aucun torero ne nous a épargné ce moment, et dans ce domaine Lorenzo a battu avec le sixième les records du ridicule.

   La temporada 2021 ne sera pas pire.

dimanche 20 septembre 2020

Nîmes















Vendredi 18 septembre    Nîmes    arènes romaines
beau temps
entrée limitée en raison de la crise du coronavirus

Cinq toros de Victoriano del Rio et un de Toros de Cortes (3ème), très bien présentés et bons (12 piques, tous ovationnés à leur entrée en piste et à l'arrastre, vuelta au 3 Descreído) pour Enrique Ponce (une oreille, deux oreilles), Curro Díaz (salut, vuelta) et Emilio de Justo (une oreille, salut).

Il faut avant tout féliciter la ville de Nîmes pour avoir monté une feria importante en dépit des restrictions imposées par les autorités et de la peur instillée jour après jour auprès de la population.
En toute logique devant la rareté des opportunités de faire combattre son bétail, Victoriano del Rio avait visiblement envoyé sur le sable de l'amphithéâtre romain le meilleur de son élevage. Il ne s'est pas trompé. Six toros d'une présentation magnifique dont le déboulé en piste déclencha chaque fois l'ovation du public en raison de la perfection des formes et du sérieux de chaque toro. Et tous étaient également pourvus des qualités morales que l'on attend d'un toro de combat : bravoure qui s'exprima à plusieurs reprises par de longues poussées au cheval et noblesse. Et si les premier, second et quatrième avaient possédé un peu plus de poder, le qualificatif d'exceptionnel n'eût pas été galvaudé pour qualifier le lot.
Après trente années d'alternative passées au plus haut niveau, Enrique Ponce possède encore et toujours une soif de triomphe et une qualité de toreo qui continuent à subjuguer les publics ... et les toros. Douceur et temple alliés à une précision d'horloger et à un mando parfait, élégance jamais démentie : les arguments du maître valencien lui ont permis de marquer une nouvelle fois de son empreinte les arènes de Nîmes. De ses faenas, parfaitement construites et de répertoire large, on retiendra les doblones initiaux, les droitières qui soumettent la charge, l'harmonie des changements de main et le point d'orgue des naturelles citées d'un  mouvement du revers de la pointe de la muleta.
La tâche n'en était que plus ardue pour ses compagnons de cartels. Curro Díaz réalisa toutefois au cinquième un début de faena par trincherazos et pases de la firma de toute beauté. Il tua chaque fois en plusieurs épisodes.
Emilio de Justo commença la course de mauvaise manière en se faisant vilainement prendre par le second lors d'un quite. On peut mettre ensuite à son débit un mauvais geste. Après que son premier adversaire, l'excellent Descreído, eut pris une magnifique première pique ovationnée et alors que le toro était parfaitement placé au centre de la piste pour un second assaut que le public savourait d'avance, il le rapprocha du cheval pour une rencontre devenue de ce fait ordinaire. Manque de respect blâmable pour le toro et pour le public. Pour le reste, face à deux toros encastés, il se montra vaillant et sincère, mais pas toujours efficace épée en main.
Ainsi ai-je vu ma première corrida de la temporada.

  

jeudi 17 septembre 2020

Miettes

 La crise du coronavirus a réduit les activités sociales et culturelles à si peu de choses que l'aficionado a los toros a dû se résoudre à picorer quelques miettes ici ou là. Pour votre serviteur, à ce jour, quatre spectacles dont deux vus à la télé.

 

Dimanche 19 juillet   Avila   corrida vue sur CMM (Castilla La Mancha Media)

 Les toros d'Adolfo Martin laissent une très bonne impression et permettent aux trois matadors (Octavio Chacon, Morenito de Aranda, Gomez del Pilar) de montrer leur valeur, en particulier del Pilar en net progrès, m'a-t-il semblé. Plusieurs des Adolfo lidiés ce jour étaient prévus pour Mont-de-Marsan, ce qui me donne l'occasion de déplorer la pusillanimité (en langage taurin macho : le manque de cojones) des responsables montois, incapables d'organiser le moindre spectacle taurin au Plumaçon cette année.


Dimanche 30 août   Añover de Tajo   corrida vue sur CMM

Les toros portugais de Murteira Grave constituent une excellente surprise. Puissants, nerveux, mobiles, ils se partagent entre trois mansos difficiles et trois braves offrant de belles possibilités. Sergio Serrano est étonnamment calme malgré son peu de pratique. Juan Leal passe largement à côté du sujet. Il accumule les erreurs : faena interminable au 2,  puis il ne fait pas assez piquer le 5, un dur à cuire. Ce garçon est-il bien conseillé ? José Garrido torée remarquablement de cape et triomphe avec le bon sixième.


Mardi 1 septembre   Vieux-Boucau   course landaise mixte

A partir de la mi-juillet les arènes de Vieux-Boucau ont donné deux fois par semaine, comme chaque été, leurs traditionnelles courses mixtes destinées aux touristes. Course landaise en première partie, jeux taurins pour amateurs ensuite. L'enthousiasme du public tout au long du spectacle faisait plaisir à voir. Ce jour, devant les vaches de Dargelos (choisies parmi les plus faciles, comme il se doit pour ce genre de course), la cuadrilla Lilian Garanx, composée de vieilles gloires et de jeunes promesses, donna le meilleur d'elle-même. 


Dimanche 13 septembre   Captieux   fiesta campera

La Coordination des Associations Taurines de la Gironde avait organisé cette fiesta campera afin de ne pas laisser la Gironde, pointe septentrionale de la géographie taurine, sans toro après l'annulation au printemps de la novillada de Captieux et de la corrida de La Brède. Une situation exceptionnelle qui valait bien un soutien malgré le peu d'intérêt que présente à mes yeux ce type de spectacle taurin.

Le premier novillo buvait le leurre et Julien Lescarret, silhouette inchangée, buvait du petit lait en le toréant ... jusqu'à l'estocade qui fut malheureuse.

Clemente m'avait séduit il y a quelques années de cela alors qu'il débutait en novillada piquée dans ces mêmes arènes. Il est aujourd'hui matador de toros et, face à un novillo pastueño à l'extrême, il a pu montrer toutes ses qualités : un toreo con arte et temple basé sur un répertoire varié. A lui de ne pas laisser échapper les opportunités - quelles qu'elles soient - qui, on l'espère, ne manqueront pas de se présenter.

Clément Hargous, novillero débutant, fit preuve d'autorité avec la main droite et laissa la meilleure estocade de la matinée.

Les qualités de noblesse des novillos de Jean François Majesté ''La Espera" (origine domecq) étaient tout à fait adaptées au spectacle de ce jour, mais attention, sans le soutien d'un poder plus important ce genre de bétail, on ne le sait que trop, génère bien souvent l'ennui.

Puisque cette journée était placée sous le signe de l'aficion girondine et des toreros girondins, je voudrais évoquer le meilleur d'entre eux. José Cubero ''Yiyo'' aurait eu 56 ans cette année et le maestro prestigieux qu'il serait devenu aurait pu honorer de sa présence cette journée si le 30 août 1985, à Colmenar Viejo, Burlero de Marcos Nuñez n'en avait décidé autrement. Grandeur et tragédie de la tauromachie. A quelques encablures de l'ancienne ganaderia d'Angel Ruiz où il donna ses premières passes, l'esprit du Yiyo dominait cette journée.

 

dimanche 30 août 2020

A défaut de toros ...

... on a voyagé au pays des vaches.

La Hollande d'abord où la densité humaine est la plus élevée d'Europe ... mais où la densité bovine doit aussi battre tous les records.



 

 

 

 

 

 

Grâce à l'eau qui tombe du ciel et à celle qui, en tous lieux, partage les terres, les pâturages y sont toujours gras et verts, et ce pays bas fait figure de véritable paradis pour la gent bovine.

Quoique, à y regarder de plus près, lorsque l'on voit les vaches Holstein traîner leur pis surdimensionné par la sélection génétique et tendu par les dizaines de litres de lait qu'il peut contenir on se dit que le sort des vaches braves espagnoles sur leurs terres sèches et austères, est bien préférable.

 

A Delft, l'ancienne Halle des bouchers :






Dans le Cantal - autre lieu de pérégrination estivale - on se plaît aussi à rendre hommage à la race bovine. Ici la fontaine de Montgreleix met en valeur la belle tête des vaches Salers : 













 

La race Salers originaire du Cantal est d'un trapío sans pareil : robe acajou, poil long, cornes en lyre, tamaño imposant, le tout donnant une impression de puissance et de sauvagerie.











Peut-être ont-elles une origine commune avec les fameux toros Jijon, eux aussi de couleur rouge, sélectionnés au XVIIè siècle par Juan Sanchez Jijon parmi les troupeaux sauvages de La Mancha et des monts de Tolède.

C'est bien sûr avec leur lait que l'on fabrique le célèbre fromage du même nom. Il faut savoir que les vaches Salers ne se laissent traire qu'en présence de leur veau. Un signe de sauvagerie que contredit leur comportement considéré par ailleurs comme très pacifique. Dommage !

lundi 17 août 2020

Relativiser

 Les voyages forment la jeunesse, dit-on. Ils permettent surtout, et cela à tout âge, de relativiser ce que nous vivons dans notre petit univers et de constater à quel point la parole de Pascal est aujourd'hui encore pertinente en dépit de l'accélération récente de la mondialisation : "Vérité en deçà de Pyrénées, erreur au delà".


Cette photo a été prise le 23 juillet dernier dans le marché couvert de Rotterdam. Aux Pays-Bas, à l'exception des transports publics où son port est obligatoire, personne ne se risque à porter un masque, ni dans les rues, ni à l'intérieur des espaces publics, comme on peut le voir sur la photo. Et pourtant, ce sage pays au sens civique affirmé n'est pas constitué de citoyens irresponsables. Mais les citoyens hollandais, malgré le tribut qu'ils ont payé comme les autres au covid 19 ce printemps dernier, ne sont visiblement pas victimes de la paranoïa qui atteint nombre de pays européens. Sans doute une forme de confiance en soi et de lucidité. 

On nous abreuve en effet en permanence de chiffres de contamination qui remontent. A vrai dire on est étonné qu'ils ne soient pas plus importants compte tenu d'une part du brassage des populations européennes depuis la fin du confinement et le début des vacances d'été, d'autre part du nombre considérable de tests réalisés quotidiennement depuis que ceux-ci sont disponibles. Ce que l'on oublie en revanche de préciser, c'est que le nombre de cas graves, d'hospitalisations, de personnes en réanimation, de morts sont en baisse continuelle et ont atteint un niveau très faible. Faits qui, s'ils devaient se confirmer dans les jours  prochains, montreraient que le coronavirus est en train de devenir un tigre de papier !

     - données officielles françaises

     - statistiques du journal Le Monde


Ce préambule pour essayer de comprendre la situation taurine en cette fin du mois d'août. On aurait pu penser que la fin du confinement ait conduit à un retour progressif de l'organisation  de novilladas et de corridas dans les principales arènes de France et d'Espagne. Il se serait agi de montrer son aficion, son attachement à la cause taurine, et, ce n'est pas le moindre des arguments, de permettre aux ganaderos de faire lidier leurs toros, aux toreros d'exercer leur profession à un moment où un gouvernement espagnol gangrené par la mouvance antitaurine dénie aux subalternes tous droits sociaux.

Au lieu de cela, dans le Sud Ouest, région pourtant largement épargnée par le virus, le néant total. Un déballonage sans vergogne ! C'est un peu mieux dans le Sud Est, avec quelques réussites exemplaires et quelques projets sérieux, mais en Espagne silence de mort dans toutes les grandes arènes. Et, au moment où un mouvement se dessinait en faveur d'une lente reprise, un coup de poignard dans le dos des aficionados a été porté par ceux qui dans leurs discours démagogiques disaient soutenir la tauromachie. A savoir la coalition au pouvoir en Andalousie (PP + Vox) qui vient d'imposer un mètre et demi de séparation dans les arènes mettant ainsi fin à toute possibilité d'organiser un spectacle dans les provinces andalouses.

Pendant ce temps le Puy du Fou réussit à mettre 12 000 spectateurs dans ses "arènes" pour des pitreries pour touristes. Vérité en deçà des Pyrénées ...

jeudi 13 août 2020

Roquefort, la saga des Isaías y Tulio Vázquez

 

Pas de novillada cet été à Roquefort, tout comme dans les autres plazas du Sud Ouest. Un vide abyssal qui ne laisse pas d'inquiéter sur l'état de prostration de l'aficion de la région. En organisant une course landaise le samedi 8 août (ganaderia Armagnacaise, cuadrilla Gaëtan Labaste), le Comité des Fêtes a néanmoins permis que le sable de la Monumental des Pins vibre au galop de bêtes à cornes en cette triste année 2020.


Dans les années 50, les organisateurs roquefortois créèrent l'évènement en présentant en France le fer réputé des frères Isaias y Tulio VAZQUEZ. C'est le samedi 15 août 1953 qu'eut lieu cette présentation avec un lot au trapío magnifique. Elle attira de nombreux aficionados de toute la région ainsi que du Sud Est, sevrés du combat de véritables toros de lidia. Il faut rappeler qu'à cette époque, les toros qui sortaient en corrida n'étaient trop souvent que des novillotes. Ainsi les toros de La Corte toréés à Nîmes le 27 septembre de cette même année donnèrent un poids moyen en canal de 226 kg (soit 377 kg en vif). Les novillos de Tulio Vazquez de Roquefort pesèrent quant à eux 275 kg (459 kg en vif). Cherchez l'erreur ! Cette novillada ainsi que les trois autres du même fer lidiées en 1956, 1957 et 1958 contribuèrent à la renommée toriste de la plaza de Roquefort-des-Landes, renommée qui s'est maintenue jusqu'à aujourd'hui. Les quatre novilladas ont laissé des traces profondes dans la mémoire locale à tel point que, durant mon enfance et mon adolescence, l'évocation du combat des "terribles Tulio Vazquez" revenait sans cesse dans les récits des aficionados du cru. La réalité se transformait peu à peu en légende. Ainsi se crée l'aficion. 

 

 1953


 Le premier novillo donne le ton et marque les esprits : à sa sortie, il démonte la porte et pénètre dans le callejon, créant ainsi une panique totale. Tous seront magnifiquement présentés, puissants, durs. Ils prendront 24 piques pour une chute. Le plus brave sera le troisième qui va a mas en 5 piques puis passe bien au troisième tiers avec vigueur et rapidité mais en donnant de très forts coups de tête. Les second et cinquième seront mansos.

Les nombreuses piques prises et l'allant des bichos permirent aux trois novilleros d'intervenir lors des quite avec brio et variété. Ce fut pour les toreros le seul moment où ils surent se montrer à leur avantage car leur faible bagage et leur manque de confiance ne leur permirent pas de briller au troisième tiers, ni lors de la faena, ni pour la mise à mort.

Le Mexicain Alfredo LEAL (silence, vuelta) remplaçait Miguel Ortas, porté pâle. Manolo SEVILLA (silence, vuelta) est brillant avec cape et banderilles mais complètement dépassé par la suite. Le Basque Manuel CHACARTE a du mal à maitriser ses adversaires mais il plait au public par sa vaillance (vuelta, ovation).


1956

 

Trois années plus tard, le 12 août 1956, les novillos d'Isaias y Tulio Vazquez foulent à nouveau le sable de l'ovale roquefortois. La course est encore supérieure à celle de 1953. Les six Tulio vont prendre 36 piques pour une chute. "Les tigres cornus des frères Vazquez ont combattu en vraies fieras. De ce fait cette novillada très 1900 a été vivante, animée et surtout émouvante de bout en bout : les aficionados recherchant la lutte âpre, dure, sont sortis ravis de cette petite arène placée sous le signe du taureau", écrira Raymond Massoutier dans Toros. Pour Refilon de la dépêche du Midi, "Les frères Vazquez avaient envoyé un lot de toros comme on en voit rarement dans les grandes corridas. Tous furent braves et nerveux, de pattes solides et puissants, mettant en évidence leur caste extraordinaire dans leurs nombreux contacts avec la cavalerie."

De leur côté, les hommes s'arriment jusqu'au bout. Mariano Martin "CARRILES" (une oreille, vuelta), Antonio VERA (division d'opinions, une oreille) et le Vénézuélien Antonio ALBERTO (ovation, vuelta) accompagneront à la fin de la course le mayoral de l'élevage au cours de son tour de piste. On notera que le grand banderillero Luis Gonzalez, au service d'Antonio Alberto, a posé de magnifiques paires de banderilles.


1957

Un toro a été tué dans les corrals par ses congénères. Il sera remplacé par un Fermin Bohorquez. Les cinq Tulio prennent 35 piques pour 3 chutes au cours de tercios de piques durs et d'une grande animation. Ils partent de loin vers les montures, poussent arc-boutés jusqu'à la barrière et tout cela n'entame pas la fougue des novillos. Malgré des lidias désordonnées, quatre d'entre eux furent parfaitement toréables et le troisième eut droit à une vuelta al ruedo.

Manolo SEGURA coupera une oreille à chacun de ses adversaires. Manolo BLAZQUEZ eut quelques détails à la cape mais il subira deux désastre à la muleta et à l'épée. Quant à Antonio COBO il coupera l'oreille du troisième et ne put rien faire devant le sobrero de Bohorquez, manso.


1958

Encore un lot d'une grande puissance qui permet des tercios de pique d'anthologie. "Le comportement (insolite de nos jours) des Vazquez est bien fait pour promouvoir la grande joie de l'aficionado (toriste par définition) ... Il peut à loisir vanter les mérites des toros d'Isaias y Tulio Vazquez et chanter leur bravoure mise à l'épreuve par 42 coups de pique, ainsi que leur puissance responsable de 5 chutes, quelque peu anachroniques" (Paul Montastruc, Toros).

Hélas ce fut l'échec du côté des hommes. Seul Luis ORTEGA coupera une oreille au troisième, honoré d'une vuelta. Miguel Mateo "MIGUELIN", à quelques jours de l'alternative est peu enclin à se battre et le Portugais Armando SOARES écoutera deux broncas à la suite de ses désastres à l'épée.


Ainsi en quatre après-midis les pensionnaires d'Isaias y Tulio Vazquez ont montré ce que pouvaient être de véritables toros de combat. Des animaux bien présentés, en pointes, puissants et nerveux, dotés d'une bravoure qui permet des tercios de pique d'une grande intensité. En outre, au delà des difficultés inhérentes à leur condition de toros braves et puissants, ces novillos furent majoritairement toréables, permettant aux toreros de montrer toute leur valeur lorsqu'ils en avaient. Ils ont enchanté aficionados et grand public par l'émotion que provoquait leur combat et laissé des souvenirs inoubliables à ceux qui ont eu la chance d'assister à ces novilladas.

 

Les Tulio Vazquez reviendront à Roquefort en 2003 à l'occasion du cinquantenaire de leur présentation. Il s'agissait d'une novillada non piquée et les quatre érals, aux lignes magnifiques malgré leur jeune âge, eurent un comportement des plus intéressants, manifestant pour certains beaucoup de caste. Antonio Joao Feirrera et Ambel Posada coupèrent chacun une oreille.

Aujourd'hui la ganaderia, une des rares de la cabaña brava à être issue du prestigieux sang Garcia Pedrajas, ne fait plus beaucoup parler d'elle. Après avoir comblé les aficionados jusque dans les années 90, l'élevage est entré dans un long bache. Récemment les héritiers des frères Vazquez ont rafraichi le sang avec du bétail d'origine Yerbabuena (encaste Garcia Pedrajas également) et peut-être un jour la bravoure des Tulio Vazquez inondera-t-elle à nouveau de lumière les ruedos de France et d'Espagne.

 


Sources :

revue Toros (année 1953)

Bernard Carrère, Histoire et évolution de la tauromachie à Roquefort-des-Landes, UBTF, 1980

 

Sur la ganaderia :  

Terre de Toros

                                                                                                                                                                            

lundi 20 juillet 2020

Fêtes de Mont-de-Marsan 1963 : une Madeleine très ordinaire




   La temporada taurine connait une timide reprise mais elle est encore quasiment à l'arrêt  dans notre Sud-Ouest où il semblerait que l'épidémie a fait davantage de ravages dans les esprits que dans les corps. Continuons donc à nous pencher sur le passé en nous aidant de notre collection de la revue Toros.
   1963 c'est l'année de la grande finale bordelaise. Celle opposant les deux clubs landais et gagnée, après un match accidenté, par les Montois des frères Boniface au détriment des Dacquois des frères Albaladéjo. Durant la semaine qui précéda, une effervescence extraordinaire régna dans toutes les villes et tous les villages du département. Les enfants, nous avions décoré nos bicyclettes aux couleurs de notre équipe favorite et nous nous exhibions fièrement à travers les chemins et les rues du village. Toutes les pensées, toutes les conversations étaient tournées vers le grand jour. Il semblait que plus rien d'autre n'existait. Paradoxalement je ne me souviens ni du match, ni de ce qui est advenu après. La fièvre de l'avant est souvent le moment le plus marquant d'un évènement trop attendu, les aficionados le savent bien.
   A cette époque, les fêtes de la Madeleine comportaient immuablement trois corridas, les dimanche, lundi et mardi. Il en sera ainsi entre 1959 et 1981. Comme aujourd'hui, on y voyait, les meilleurs matadors face aux élevages les plus réputés ... pour des résultats souvent aléatoires ... comme aujourd'hui.

Dimanche 21 juillet
Six toros de Fermin Bohorquez (faibles) pour Pedres (silence, une oreille), Paco Camino (une oreille, sifflets) et El Viti (silence, silence).
   La grosse déception de la journée vint des toros de Fermin BOHORQUEZ. Ils étaient pourtant attendus avec espoir par les aficionados montois à la suite du grand triomphe de l'élevage lors de la San Isidro madrilène. Mais ceux du jour, pourtant bien faits, montrèrent peu de bravoure en 13 piques et la plupart furent handicapés par leur manque de force. Le plus brave du lot était le cinquième, il fut pourtant à l'origine d'un charivari, comme on les aime, de temps en temps, au Plumaçon. Voici ce qu'écrit Claude Popelin dans Toros n°725 : " Bien armés, la conservation de leurs cornes laissait cependant à redire (sic).  Le très brave cinquième abandonna sa corne droite, antérieurement ébranlée, dans le caparaçon dès sa première rencontre avec le picador et suscita ainsi un beau scandale qui se prolongea tout au long de sa lidia.
   Il serait vraiment temps que la municipalité, si zélée à maintenir la belle tradition de ses Fêtes, si désireuse d'égaler sur le plan des taureaux le triomphe de l'équipe montoise de rugby, se penchât efficacement sur le problème et prît à cœur d'assumer ses propres responsabilités."
   PEDRES qui, avec sa nouvelle manière, plus classique, de toréer, a été le grand triomphateur de la feria d'Avril à Séville, a laissé une très bonne impression et coupera une oreille méritée au quatrième.
    Une belle faena de Paco CAMINO au second lui vaudra également une oreille mais il eut le tort de ne pas abréger avec le cinquième déjà mentionné, ce qui lui valut l'hostilité du public.
   EL VITI n'eut pas une bonne après-midi et laissa le public indifférent.

Lundi 22 juillet
Six toros de Juan Pedro Domecq (encastés) pour Curro Romero (division d'opinions, bronca), Paco Camino (une oreille, une oreille) et El Caracol (vuelta, sifflets).
   Cette seconde après-midi souffrit certainement de l'absence de Jaime Ostos (très grièvement blessé à Tarazona de Aragon - on lui administra même l'extrême onction - la semaine précédente) remplacé par Curro Romero et de Diego Puerta (blessé également) remplacé par El Caracol. Mais elle connut un grand moment avec le combat du second toro de Juan Pedro DOMECQ. "L'animal, terciado, portait le n° 53 et se nommait Puntero. Ce Puntero fit deux ou trois fautes bénignes sur les capes, mais une fois bien fixé par Camino il fut bravissime sous la pique, poussant dur à la première, revenant de lui même pour prendre la seconde (compliquée de chute). A la troisième rencontre, il repoussa le groupe sur plusieurs mètres jusqu'à la barrière et, continuant sa poussée, le ramena au tercio où, rechargeant, il essuya encore un quatrième, puis un cinquième coups de pique. Le sang ruisselait jusqu'au sabot jusqu'à former sur le flanc gauche comme une écharpe, et Puntero fonçait toujours au moindre appel avec un entrain magnifique qui ne décrut pas pendant la faena de muleta." (Paco Tolosa, Toros)
   Paco CAMINO dut puiser dans ses ressources, qui, on le sait sont grandes, pour parvenir, en fin de faena, à dominer Puntero. Il tua mal et coupa une seule oreille. Celle coupée à son second adversaire fut, en revanche, sans signification.
   Malgré quelques moments d'élégance, Curro ROMERO fut dominé par la caste des domecqs, en particulier par le brave premier.
   Quant à EL CARACOL, jeune matador gitan d'Alicante, s'il fit parfois illusion, il fut lui aussi mis en échec par la caste des andalous.
   Heureux temps que celui où les pupilles de Juan Pedro Domecq étaient des toros chargés de dynamite. Le ganadero va s'évertuer à éliminer cette caste et il n'y réussira que trop bien, à tel point qu'il était déjà rare dans les années 70 de voir sortir des Juan Pedro Domecq aussi encastés que ceux combattus ce 22 juillet 1963. Et mieux vaut ne pas parler de leurs descendants actuels ...
   En revanche leur présentation laissa grandement à désirer. Les trois premiers avaient l'allure de novillos et leurs pitones manquait d'aigu.

Mardi 23 juillet
Six toros du Marquis de Domecq (jeunes et faibles) pour César Giron (vuelta, sifflets), Mondeño (une oreille, vuelta) et El Cordobés (une oreille et deux oreilles et la queue).
   Cette troisième et dernière corrida des fêtes de la Madeleine a connu un final triomphal avec les deux oreilles et la queue coupées par EL CORDOBES à l'ultime toro de la feria. " Le sixième est plus léger, se révèle fuyard sur la cape et sous la première pique, acceptée en ruant. Manuel le fixe avec habileté. Le bicho s'améliore au cours de trois autres rencontres. El Cordobés signe un trasteo intéressant, avec le souci de toréer, de garder la bête et réussit des séquences impavides, en courant la main comme aux plus beaux jours; ente autres, notons un redondo à double tour reprenant la bête après arrêt à trois reprises. Quoique brève, la faena emballa le public. Plongeant sur le garrot, Manuel porte une entière, mis entre les cornes, est projeté au sol où il reste immobile. Émotion générale et quite collectif. Relevé, la culotte déchirée, le torero voit le toro s'effondrer. C'est du délire sur les gradins debout. Les deux oreilles et la queue sont accordées." (Georges Lestié, Toros)
   Rappelons que Manuel Benitez vient de prendre l'alternative à la feria de Cordoue. Il a déjà gagné des sommes importantes lors de ses campagnes précédentes de novillero et beaucoup pensent que le passage au stade de matador de toros mettra fin à ce qu'ils considèrent comme une hérésie et une supercherie ...
   César GIRON qui remplace le jeune Palmeño retenu en Espagne par le service militaire, connaitra une journée contrastée. Il donne au premier, mal tué, une belle faena classique qui lui vaut un tour de piste mais il ne fait aucun effort avec le beau cinquième ce qui déclenche la colère des gradins.
   Décidé, calme et sincère, MONDEÑO donnera une prestation satisfaisante. Son style est toujours sec et étriqué mais il s'appliqua dans la lidia et eut le souci d'allonger le bras plus que de coutume.
   Les toros du Marquis de DOMECQ paraissent jeunes, ils pèchent par leur faiblesse ce qui obligera à abréger les piques et à écourter le deuxième tercio. Ils sont assez bien armés ... mais avec certaines pointes un peu abîmées.


   Malgré ses deux points forts - la lidia de Puntero de Juan Pedro Domecq par Camino et le triomphe final d'El Cordobés - cette feria a été bien ordinaire. Elle a connu beaucoup de déceptions, en particulier avec le comportement des toros de Bohorquez et le manque d'investissement de beaucoup de matadors pour qui notre pays fait trop souvent figure de délices de Capoue. Le public montois, qui n'hésite pas à montrer son mécontentement, s'est faché à plusieurs reprises. Ordinaire, elle l'a été aussi dans le sens où l'on y a vu ce que l'on voit trop souvent en France, années après années, arènes après arènes : des toros jeunes et suspects d'être afeités. Au début de la temporada 63 Arles avait pourtant réussi à construire une feria sérieuse avec des toros limpios et d'âge réglementaire mais les autres grandes arènes françaises ne sont pas parvenues à imposer cette ligne. Ce sera pour l'aficion de notre pays un combat de longue haleine parsemé de hauts et de bas, de victoires et de défaites ... et qui dure encore. Dans les années qui vont suivre, ce combat connaitra quelques succès avec l'adoption de la proposition française du marquage de l'année de naissance des toros ainsi que la création de l'Union des Villes Taurine de France.




 
   
   

vendredi 10 juillet 2020

Pamplona : San Fermin 1927 (suite)




Dimanche 10 juillet 
Huit toros de José Encinas pour Antonio Marquez, Pablo Lalanda, Martin Agüero et Rayito.
   Si hier on ne parlait que de faenas de toreros, aujourd'hui c'est la caste des toros de José ENCINAS qui emporta l'adhésion.
   "Une grande tarde de toros, de toros braves, francs, sans défauts pour la plupart. Un lot homogène, fin de formes, remarquablement présenté.
   Le numéro 53, qui sortit en second lieu, Farineto, negro, fut un toro admirable, suave, brave, suivant le leurre jusqu'à son agonie; un toro rêvé par les toreros ! On lui fit faire le tour de piste, et on l'ovationna à l'arrastre, ainsi que les quatrième, n° 8, Limeto, cardeno oscuro, cinquième, n° 29,  Bravo, negro,  et sixième, n° 9, Monudito, negro bragao. Le premier n'eut d'autre défaut que de aplomarse rapidement. Le troisième très franc et noble, un peu tardo, contribua au succès de Agüero; le septième, brave également, arriva réservé à la muleta; le dernier, qui parut d'abord chercher la fuite, se montra brave aux piques, puis bronco à la muleta. Ils eurent à peu près tous une magnifique forme de embestir. Bravo au ganadero !
   Les 8 toros prirent 28 piques pour 16 chutes; ils ne laissèrent que 3 chevaux sur le sable, mais on en emmena à l'écurie une demi douzaine qui auraient dû être puntillés sur place. Ils pesèrent en moyenne 275 kilogs" (460 kg en vif).
   Notons que la ganaderia porte le fer de José Vega, elle a été achetée par José Encinas à Victorio Villar, elle est donc issue du fameux croisement Veragua Santa Coloma qui a longtemps fait les beaux jours du Campo Charro, elle est installée à Ledesma (Salamanca). Le fer existe toujours, après avoir longtemps appartenu à Justo Nieto, il est aujourd'hui propriété de Jesus Angel Perez Villareal, un négociant aragonais qui s'est empressé d'éliminer les vega villar pour les remplacer par du sous domecq d'El Montecillo.
   Antonio MARQUEZ connut à nouveau une après-midi grise avec bronca à son premier.
   Face à deux bons adversaires, Pablo LALANDA se montra "d'une nullité désolante".
   Le triomphateur de la tarde fut Martin AGÜERO. Il tua son premier d'un grand volapié, "de ceux que l'on voit si rarement, l'estocade portée en pleine cruz et le torero sortant limpio par les costillares. Quelle ovation, lorsque les deux oreilles et la queue furent concédées au vaillant muchacho que l'on applaudit follement pendant la vuelta al ruedo !"
   RAYITO fut sans recours ni dominio et ses parones suicidaires ne sont pas à encourager. Il tua avec sincérité de deux bons coups de rapière.

Mardi 12 juillet
Deux novillos de Celso Cruz del Castillo pour le rejoneador Antoño Cañero et six toros du Conde de la Corte pour Antonio Marquez, Marcial Lalanda et Cagancho.
   Il faisait un temps si exécrable le lundi 11 juillet que l'on dut reporter la corrida au lendemain.
   Cette tarde permit à la feria de s'achever dans l'enthousiasme en raison de l'immense triomphe de CAGANCHO. Le gitan aux yeux verts, qui avait pris l'alternative en début d'année à Murcie, coupera les deux oreilles et la queue du dernier toro de la feria. "Ses lances sont classiques et purs, d'une tranquillité absolue. Il s'imposa plus encore à la muleta, toréant de près, dominant complètement. A son premier, il fut désarmé et esquissa une espanta après un pase de tête à queue et un de pecho; il se reprit aussitôt, et sous les olé, aux sons de la musique, il continua une faena grande qu'il dut prolonger à la demande du public et qui lui valut ovation et vuelta malgré que le sort ne l'accompagnât pas pour mater. Sa dernière faena fut énorme, de vaillance et d'art, avec des parones formidables et des passes de toute beauté. Le toro était fuyard; Cagancho le torea d'abord par le bas, se faisant avec lui, l'obligeant à embestir comme un toro brave, et le fit passer sous la muleta. La musique joue, le public, debout, acclame ce torerazo, qui fait dérouler devant nos yeux, des images de beauté."
   Antonio MARQUEZ, en torero artiste qu'il est, se racheta à son dernier toro de ses six échecs antérieurs (vuelta).
   Marcial LALANDA, en torero complet qu'il est, se montra également à son avantage (vuelta).
   Les toros de La CORTE prirent 21 piques pour 10 chutes et 4 chevaux. Ils pesèrent 268 kg en moyenne (450 kg). Leur comportement donna satisfaction au public et aux toreros. La dépouille des quatrième et cinquième fut honoré par une vuelta al ruedo et le mayoral fut appelé à saluer, mais Miqueleta a préféré les Encinas de la veille, plus braves et plus puissants mais tout aussi nobles.
   En début de corrida Antonio CAÑERO se défit de deux novillos mansos de Celso CRUZ del CASTILLO qui ne lui permirent pas de briller. Il tua le premier en mettant pied à terre et le second d'un rejon dans tout le haut.


Quelques réflexions en guise de bilan
   Ce qui m'a frappé à la lecture des reseñas de Miqueleta, c'est le peu de poids des toros combattus. Si l'on excepte les Pablo Romero qui sont nettement au-dessus de 500 kg (on considère généralement que 300 kg en canal correspondent à 500 kg en vif) tous les autres toros sont nettement en dessous, avec 268 kg pour les plus légers, les La Corte. Ils sont toutefois considérés comme bien présentés, ce qui laisse à penser qu'il s'agit de la norme à l'époque. Deux explications peuvent être données à ce peu de poids. En premier lieu, leur âge. Il s'agit peut-être tout simplement de novillos. En second lieu, la nourriture. Le pienso compuesto industriel n'est pas encore utilisé et les toros de l'époque sont nourris avec l'herbe des pâturages et le fourrage produit à la propriété. Ils ne sont pas "préparés" comme ceux d'aujourd'hui. Il semble que dans ces conditions le poids normal d'un toro de quatre ans se situe autour de 500 kg, un peu en dessous même pour beaucoup d'encastes. On le voit, on est loin de certains mastodontes suralimentés d'aujourd'hui dont l'apparence est cependant en parfaite harmonie avec les excès (et les goûts) de notre société de consommation. On est loin aussi des toros d'épouvante du XIXè siècle. Mais ceux-ci relèvent sans doute en grande partie du mythe, même si l'on peut penser que l'action de Guerrita puis de Joselito pour réduire le trapío de leurs adversaires n'est pas restée sans effets.
   Le mal dont ils ne souffrent pas en revanche est la faiblesse de pattes. Ils peuvent être braves ou fuyards, plus ou moins poderosos, parfois quedados, mais jamais la faiblesse de pattes n'est mentionnée. Toutefois, les "scores" de leur combat face à des chevaux sans caparaçon restent modestes. On imagine les carnages que feraient les toros qui sortent aujourd'hui dans le ruedo navarrais s'ils étaient piqués dans les même conditions.

   Côté toreros, le triomphe le plus marquant de la feria est celui de Cagancho, ce qui montre bien l'évolution du toreo et des goûts du public vers une tauromachie artistique. Le jour des Pablo Romero, Miqueleta note en conclusion de sa reseña : "Le public est sorti de la plaza enchanté, discutant avec animation les diverses faenas de la tarde." Une telle conclusion eut été impensable une quinzaine d'années auparavant, avant la révolution initiée par Belmonte et Joselito.  On vient désormais aux arènes pour voir de belles faenas. On remarquera dans le même ordre d'idée qu'un bon toro est désormais un toro qui permet "la faena".
   On notera à propos de la corrida de Pablo Romero - la mieux présentée de la feria et un fer redouté - qu'elle fut combattue par trois figures, dont le plus prestigieux torero de l'époque, Juan Belmonte.
   Notons aussi pour terminer que la tauromachie de l'ancien temps continue à émouvoir les foules; en témoigne le grand triomphe obtenu pour sa vaillance et une grande estocade  par l'un de ses grands représentants de l'époque, le Bilbaino Martin Agüero.
   On le voit, les années 20 du siècle dernier sont pour la corrida des années passionnantes. Celles où un changement radical s'est imposé dans les valeurs taurines et les goûts du public. La corrida que nous connaissons aujourd'hui, avec toutes les nuances qui la composent, est l'héritage de cette révolution.


Documentaire sur les Sanfermines dans les années 20
   Je mets ici le lien de la page du blog Desolvidar sur laquelle on pourra visionner un documentaire passionnant d'une vingtaine  de minutes constitué d'archives sur les fêtes de Pampelune tournées dans les années 20. Les amoureux de la capitale navarraise trouveront de nombreuses explications complémentaires dans le texte qui accompagne le film et dans le blog en général.
            Desolvidar : Sanfermines 1928 (actualizado)


   
La plaza de toros de Pamplona (rénovée laidement en 1967) a été inaugurée en 1922.