mercredi 18 mars 2020

Petit viatique pour temps de coronavirus

   L'humanité, dans sa déjà longue et dramatique histoire, a connu des moments bien plus tragiques et bien plus angoissants que celui que nous vivons actuellement. Toutefois, nous voici confinés, peut-être pour une longue période, dans nos querencias privées en attendant que le spectre du navire couronné veuille bien disparaitre à l'horizon.
   A défaut de pouvoir nous rendre dans nos arènes désertées, voici quelques suggestions pour passer, malgré tout, de bons moments en compagnie des toros, de la corrida, de l'Espagne (cliquer sur les liens bleus). Car il va falloir nous armer de patience ...

   J'ai eu récemment l'occasion de voir le film Don Quichotte tourné par le génial cinéaste et grand aficionado Orson Welles. Le plus espagnol des artistes américains (en compagnie d'Hemingway, bien sûr) a porté ce film durant toute sa vie ... sans jamais réussir à l'achever. Il y a une fatalité pour les cinéastes désireux de se frotter au mythe de Cervantes. Quelques décennies après Welles, Terry Gilliam devra lui aussi affronter des difficultés telles qu'il sera amené à renoncer. On peut voir le témoignage de cette mésaventure dans Lost in La Mancha, savoureux making-of de la non réalisation du film. Mais revenons à Orson Welles. Il tourne dans les années 50 et 60 des dizaines d'heures de pellicule au Mexique, en Italie, en Espagne. Et les contretemps s'accumulent. Francisco Reiguera, acteur espagnol émigré au Mexique qui joue le rôle de don Quichotte ne peut tourner dans l'Espagne franquiste où il est persona non grata pour raisons politiques; de plus il est très âgé et décèdera en 1969. L'argent manque continuellement. Orson Welles doute. Le film ne sera jamais achevé. Mais, en 1992, à l'occasion de l'exposition universelle de Séville, les autorités andalouses confient à Jess Franco, un cinéaste espagnol spécialisé dans les films à petit budget de série B voire X, le projet de récupérer les rushes disséminés un peu partout dans le monde et d'effectuer un montage respectant les intentions d'Orson Welles. Bien qu'il n'ait sans doute pas été le cinéaste idéal pour un tel défi, Jess Franco s'acquittera de sa tâche et le fruit de son travail sera projeté lors de l'exposition sévillane.
   On pourra reprocher au film d'être parfois excessivement bavard contrairement au souhait  de Welles, mais on y voit de très beaux paysages et ciels, et la silhouette de Francisco Reiguera et Akim Tamiroff incarne parfaitement l'image mythique que nous avons de don Quichotte et de Sancho Pança. Enfin le film constitue un documentaire très intéressant sur l'Espagne des années 50 et 60. On y voit notamment de longues scènes de la fête des "Moros y Cristianos" à Alcoy et, pour le plus grand plaisir de l'aficionado, une longue séquence tournée durant la San Fermin à Pamplona. Nous savons qu' Orson Welles est allé à Pamplona pour les ferias de 1955, 1961 et 1966. Il semblerait que les images de la San Fermin que l'on voit dans le film aient été tournées en 1961 mais on peut penser que Welles a aussi rajouté des images de No-Do, en particulier celles d'un impressionnant monton à l'entrée de la plaza qui correspond à l'encierro des toros de Guardiola le 7 juillet 1957.
   Par ailleurs, toujours à la recherche d'argent pour le financement de ses films, Orson Welles vendra à la télévision italienne les scènes documentaires qu'il a tourné en Espagne durant l'année 1961. Dans les 9 courts métrages qui en sont issus, la tauromachie et les traditions populaires tiennent une place majeure.On n'y cherchera pas toutefois une rigueur géographique absolue : les lieux sont parfois joyeusement mélangés.

Don Quichotte  d'Orson Welles  avec Francisco Reiguera  (montage de Jess Franco, 1992)
également en vente sur internet (dvd)

Nella terra di Don Chisciotte documentaire d'Orson Welles pour la RAI
   1- Itinéraire andalou
   2- Espagne sainte
   3- La feria de San Fermin
   4- L'encierro de Pamplona
   5- Bodega de Jerez
   6- Séville
   7- Feria de abril à Séville
   8- Flamenco
   9- Rome et l'Orient en Espagne 




(à suivre)

1 commentaire:

christian a dit…

Relevé dans le remarquable bouquin de René Pons une citation du génial obèse :
le toréro est un comédien à qui il arrive de vraies choses.
rien à ajouter.
ah si !!! c'est quoi le navire couronné ?
patience !!!