samedi 31 décembre 2011
Quelques photos de la temporada 2011
Vic Fezensac cite d'un Dolores Aguirre par Joselillo
Le toro sérieux de Bilbao (Fuente Ymbro)
Bilbao Diego Urdiales face à un Fuente Ymbro
Arnedo novillo de Prieto de la Cal berrendo en melocoton aparejado
samedi 24 décembre 2011
Cadeau de Noël
Animalières
Je ne voulais pas déranger le chat qui dort dans mon fauteuil. On me le reproche. Mais pourquoi le chasser? N'était-il pas là avant moi? Je me glisse furtif, précautionneux.
Ils étaient là bien avant, en effet, le toucan, sur les berges et le petit saurien d'Amazonie ou le piranha vorace. Je ne reconnais pas ce droit sur le fleuve et la forêt où nous prétendons.
Or malgré cette pudeur, je n'insulte pas la tauromachie comme font beaucoup aujourd'hui. Est-ce contradictoire? Non. Cette belle cérémonie où l'homme conduit le fauve à la mort avec les honneurs et en risquant d'y périr, c'est comme s'il soutenait enfin du regard la mort des animaux. Il assume la responsabilité de les condamner - sans être plus tout à fait dupe de son tribunal : dans la désuétude de son propre apparat hispanique, c'est comme s'il se parodiait; digne et conventionnel comme un juge britannique à perruque, il perpétue sa sentence, mais de manière à compenser par ce combat dangereux l'abattage clandestin, le carnage insensé des espèces dont il engraisse sa propre engeance démographique.
Je me souviens
de "l'ours et [du] singe animaux sages"
des chevaux bouclés de Vélasquez et du lion de Barye,
du taureau de Manet, des tigres de Delacroix et des gorilles de Camilla Adami
Le mauvais traitement c'est le domptage. Je le déteste; mais non la domestication, qui anime la maison animalière. Je n'aime pas le cirque, les dresseurs d'orques éclabousseuses à touristes ou des singes pavloviens et des panthères qu'ils font trop obéir. Je hais la synchronie servile, les récompenses diabétiques, la tyrannie puérilisante, et que les animaux miment l'esclavage. Le zoo même, je ne m'y rends pas volontiers, où les Galapagos sont déportées, et les grands prédateurs souillés.
Que faire? Il est trop tard pour arrêter la contamination du dessin animé. Tous les enfants du monde s'y contr'éduquent, dressés à l'américantropomorphisme, se mirant au miroir maléfique où les animaux ressemblent aux mômeries qu'entretiennent leurs parents, où les souris ont des culottes et les biches des yeux de poupée Barbie : bébé en singe d'un singe inoffensif consomme le remake de l'Éden américain.
Eugène Delacroix Jeune tigre jouant avec sa mère (1830)
dimanche 18 décembre 2011
Cinquante raisons de défendre la corrida (3)
Corrida et valeurs humanistes
36. Dans l'arène, un des plaisirs essentiels de l'aficionado est de tenter de comprendre le comportement du taureau, de penser avec lui : on est loin des jouissances perverses.
37. Le plaisir du spectateur vient aussi de son admiration pour l'intelligence du torero. Tel est le sens de la corrida : montrer l'intelligence humaine triomphant de la force naturelle, leçon constante et universelle de tout humanisme.
38. On admire également les vertus morales du torero : courage, panache, maîtrise de soi, sincérité, solidarité.
39. On ne peut confondre les principes de l'humanisme avec ceux de l'animalisme : l'animalisme n'est pas une extension des valeurs humanistes, il en est la négation.
Corrida et valeurs esthétiques
40. La corrida est un spectacle aussi puissant que singulier, un spectacle total de la grandeur et de la démesure.
41. L'art du toreo consiste à créer de la beauté. Le torero met de l'ordre là où il n'y avait que du chaos, il crée du beau à partir de son contraire, la peur de mourir.
42. L'art du toreo est à la fois classique par sa recherche du beau et contemporain par sa présentation brute du corps, de la blessure, de la mort.
43. La corrida est un drame tragique à qui il revient de montrer la mort dans sa réalité. Tout y est représenté comme au théâtre et pourtant tout y est vrai comme dans la vie.
44. La corrida est aussi liée à la fête, moment où toute une communauté se voit elle-même dans l'arène, communiant dans une même cérémonie, avec un même sentiment de vivre ensemble un évènement unique.
Les dangers de l'animalisme
45. L'idéologie dont le mouvement anti-taurin est porteur consiste à mettre sur le même plan animaux et hommes. Qu'en est-il des valeurs de justice, de générosité, de fraternité, des valeurs du "vivre ensemble" si l'on réduit la communauté humaine à celle, infiniment moins exigeante, des animaux?
46. L'image aseptisée et doucereuse que l'on se fait actuellement de l'animal dans nos sociétés industrialisées et urbanisées gagne du terrain. La corrida contredit cette vision ingénue et irresponsable.
47. Si l'on interdisait la corrida ne faudrait-il pas interdire aussi la chasse, la pêche, la production de foie gras etc.? Jusqu'où cette folie prohibitionniste pourrait-elle aller?
48. Les principes animalistes trouvent actuellement leur source dans l'impérialisme culturel anglo-saxon.
49. L'actuelle vague animaliste, même si elle n'a pas atteint son apogée, s'appuie sur des valeurs morales trop faibles et douteuses pour mettre à mal la corrida qui a déjà, au cours de sa jeune histoire, surmonté des oppositions autrement plus importantes.
50. Si un jour la corrida meurt c'est qu'elle ne déclenchera plus aucune passion. D'ici-là, il est sage pour le législateur de faire prévaloir le principe de liberté.
"D'un coup vous supprimez la corrida. Que perd-on? On perd d'abord un rapport à l'animalité. Quelle image de l'animal restera-t-il, pour alimenter l'imaginaire de l'homme et la réalité de ses relations avec son Autre qu'est l'animal, en dehors des caniches nains du salon? Toutes les bêtes au travail ont été progressivement remplacées par des machines, et toutes les bêtes productrices de viande sont progressivement remplacées par des machines à viande qu'on n'ose pas appeler "animaux". Est-ce cela la "nature"? Quel rite païen allons-nous conserver, dans une société qui abandonne progressivement toutes ses cérémonies? Voulons nous vraiment n'avoir plus le choix qu'entre l'utilitarisme et le radicalisme religieux? ...
Pour ceux qui l'aiment et la comprennent, la corrida est un lieu de résistance à tout ce que notre post-modernité nous fait perdre chaque jour." (Conclusion)
vendredi 16 décembre 2011
Cinquante raisons de défendre la corrida (2)
19. Défendre la corrida c'est défendre une des dernières formes d'élevage extensif existant en Europe.
20. Les dehesas (lieux d'élevage du taureau de combat) sont des réserves écologiques incomparables pour la faune et la flore.
21. La suppression des corridas entraînerait l'extinction du bos taurus ibericus, le taureau de combat d'origine espagnole.
22. Le taureau de combat est élevé de la façon la plus naturelle possible conformément à sa nature d'animal agressif.
23. L'homme n'est pas un animal comme les autres, il a le devoir de traiter les autres animaux en fonction de leur nature : en ce qui concerne le taureau de combat en lui permettant de vivre de la manière la plus libre possible puis de mourir en combattant dans l'arène.
Le spectacle
24. La corrida n'est pas un spectacle barbare, elle est née au siècle des Lumières comme une illustration du pouvoir de l'homme et de la civilisation sur la nature brute.
25. Les aficionados ne sont ni pervers, ni sadiques; en témoignent Mérimée, Lorca, Bergamin, Picasso et bien d'autres artistes.
26. La plus grande émotion éprouvée dans une arène par les spectateurs est l'admiration : admiration pour la puissance et la bravoure du taureau, admiration pour le courage et le sang-froid de l'homme.
27. Contrairement à ce qui se passe dans les stades de football on n'a jamais vu des actes de violence commis par des spectateurs pendant ou après une corrida; car la corrida est une école de respect : pour le rituel, pour l'animalité et la manière dont elle s'exprime, pour l'humanité.
28. Assister à une corrida c'est pour un enfant l'occasion de dialoguer avec un adulte sur la vie et la mort, d'avoir des explications sur le comportement animal, sur l'art humain, sur les signes du rituel.
Histoire et culture
29. La corrida permet de maintenir le sens des rites, de la mort, de l'animalité dont notre époque s'est considérablement éloignée.
30. La corrida n'est pas liée au franquisme (elle existait bien avant et a continué à se développer après); comme toute grande création culturelle, elle est politiquement neutre.
suite
jeudi 15 décembre 2011
Cinquante raisons de défendre la corrida (1)
Torture?
- La corrida n'a pas pour but de faire souffrir un animal.
- La corrida a pour fondement la combativité du taureau, sans elle la corrida perdrait son sens.
- Le deuxième fondement de la corrida est l'engagement du torero qui doit affronter le taureau en se mettant lui-même en danger de mort.
- Loin de fuir, dans l'arène le taureau combat en redoublant ses attaques : le combat est le contraire de la torture.
- Parler de torture à propos de la corrida est une insulte pour tous les suppliciés du monde.
Souffrance?
6. D'après les études expérimentales du professeur Illera del Portal le taureau souffre lors de son embarquement et lors de sa sortie dans l'arène (stress).
7. Puis lors du combat, il produit des bêtaendorphines et des neurohormones qui anesthésient la douleur et provoquent une excitation agessive.
8. De ce fait il ne réagit pas aux blessures par la fuite mais par l'attaque.
9. Si le taureau combat c'est donc parce qu'il agit conformément à sa nature.
10. La corrida est un combat inégal (le taureau doit mourir, illustration de la supériorité de l'intelligence humaine sur la force brute animale) mais il faut que ce combat soit loyal (le taureau doit avoir des armes - sa puissance, ses cornes - qui peuvent lui permettre de tuer l'homme).
Mort du toro
11. A l'inverse de la mort honteuse et cachée des animaux dans les abattoirs industriels, la mort du taureau dans l'arène a lieu au cours d'un rite respectueux.
12. Le taureau est tué pour des raisons symboliques (l'animal vaincu par l'homme doit mourir), éthiques (la mise à mort est l'acte le plus risqué pour l'homme), esthétiques (une estocade réussie achève l'œuvre du matador).
13. Ce serait s'il était tué après la corrida que le taureau souffrirait le plus, blessé, enfermé dans un espace confiné, attendant la mort sans pouvoir combattre.
14. Dans la corrida, le taureau est combattu avec respect, et non abattu comme une bête nuisible ou achevé à la sauvette comme une simple machine à produire de la viande.
15. L'éthique de la corrida veut que l'homme ne s'estime en droit de tuer le toro qu'au péril de sa propre vie.
16. Le taureau de corrida est considéré comme un individu singulier doté d'un nom propre et d'un lignage, les aficionados admirent sa beauté et sa combativité.
17. Ce qui est conforme à la nature sauvage et rebelle du taureau c'est une vie libre et une mort en combattant.
18. C'est un sort beaucoup plus enviable que celui du bœuf de boucherie.
suite
lundi 12 décembre 2011
Liste de livres récents pour défendre et expliquer la corrida
Voici une liste des ouvrages parus ces dernières années :
- Francis WOLFF Philosophie de la corrida Fayard 2007
- P. CORDOBA - F. WOLFF Ethique et Esthétique de la corrida revue Critique n° 723-724 2007
- A. MAÏLLIS - F. WOLFF D'un taureau l'autre - la tauromachie dans tous ses états Au diable Vauvert 2008
- GARDÈRE - GARZELLI - MANO - NORMANDIN Les pourquoi de la corrida Cairn 2008
- CHAY - Le GUELLAUT - MASSIP 250 réponses à vos questions sur la tauromachie Gerfaut 2009
- Pedro CORDOBA La Corrida Le Cavalier Bleu 2009
- Francis WOLFF Cinquante raisons de défendre la corrida Suerte 2010 Mille et une nuits 2010
- A. MAÏLLIS - F. WOLFF Nous n'irons plus à Barcelone - Posture et impostures du mouvement ant-corrida Cairn 2011
- Francis WOLFF L'appel de Séville - discours de philosophie à l'usage de tous Au Diable Vauvert 2011
- Francis WOLFF Filosofia de las corridas de toros Edicions Bellaterra 2008
- Fernando SAVATER Tauroética Turpial 2010
- Rodrigo de ZAYAS La Tauromaquia y el afán totalitario de su prohibicion Almuzara 2010
- Francis WOLFF 50 razones para defender la corrida de toros Almuzara 2011
- Salvador BOIX Toros si : una defensa razonada Ediciones Temas de Hoy 2011
mardi 6 décembre 2011
Arène yankee (sans toros)
dimanche 27 novembre 2011
Vaches et Thoreau dans le Massachusetts
samedi 19 novembre 2011
Bilan 2011
6 toros de José Escolar Gil 6
Morante de La Puebla
Sergio Aguilar
David Mora
C'est un beau rêve que celui qui permet de voir Morante face aux Escolar Gil. J'imagine une grosse bronca à son premier, expédié sans une passe. Mais au deuxième, vingt passes parfaites face à un tío médusé.
J'ai choisi David Mora mais j'aurais tout aussi bien pu choisir Ivan Fandiño, enfin des têtes nouvelles qui viennent titiller les pontifes du G10. On aimerait voir plus souvent aussi Diego Urdiales et Sergio Aguilar, celui-ci lamentablement écarté cette année de Bilbao alors qu'il avait failli s'y faire égorger en 2010. Una vergüenza de la part de la Junta Administrativa.
Ma grande frustration de l'année en ce qui concerne les toros aura été l'absence à Vic des Escolar Gil pour raisons sanitaires. Dommage car ils furent d'un très bon niveau, dit-on, à Madrid, Céret et Saint Sébastien. Ils figurent donc dans mon cartel de rêve en espérant qu'ils deviendront réalité l'année prochaine.
Les Alcurrucen, remarquables tout au long de la temporada, ou les Nuñez del Cuvillo dont quelques lots, celui de Bilbao en particulier, ont permis de voir, chose rare, des domecqs à leur meilleur niveau, auraient aussi pu figurer dans ce cartel. Mais c'eut été un rêve plus ordinaire.
2010
David Mora à Vic Fezensac face à un Dolores Aguirre |
mercredi 9 novembre 2011
Toreros para la historia 18 Antoñete
C'est en découvrant les images d'un festival à Las Ventas avec prise de son direct que l'on se rend compte à quel point les olés, l'ambiance de la plaza, le run run sont partie intégrante d'un grand moment de tauromachie. Leur absence, jamais vraiment compensée par la musique, d'aussi bon goût soit-elle, empêche bien souvent une adhésion totale aux images vidéos de grandes faenas qui se retrouvent ainsi privées d'une dimension essentielle, celle qu'apporte le public, troisième élément d'une corrida après le toro et le torero.
Ce qui frappe dans le toreo d'Antoñete c'est la justesse des gestes : distance d'appel, placement, capacité à conduire le toro à l'endroit même où la passe suivante pourra être enchaînée sans perte de terrain.
C'est aussi la sincérité : les passes sont conduites avec la panza de la muleta, l'usage du pico est rarissime. Et cette jambe contraire qui s'avance discrètement lors du cite.
Il y a aussi de la douceur, une recherche d'harmonie prolongée dans l'allongement de la charge. On semble parfois être pris dans un rêve. Mais le réel réapparaît lorsque la corne derrote dans la muleta. Accroc indispensable pour nous rappeler la fragilité d'un homme seul face au toro comme face à la vie.
samedi 29 octobre 2011
Antoñete vu par Georges Dubos
Voici quelques extraits de la reseña parue dans le journal Sud Ouest sous la plume de Georges Dubos, grand critique taurin dont il est bon de préciser qu'il n'était pas un revistero particulièrement prodigue en dithyrambe.
"Alors que le rideau s'apprête à tomber sur cette Isidrada 1982, il devait être écrit, dans un quelque part mystérieux, que nous allions connaître, jeudi, non seulement la plus forte émotion artistique de la feria, mais de la temporada, voire d'une décennie, avec l'extraordinaire, la monumentale faena réalisée au quatrième toro du programme par Antoñete.
En cette soirée pluvieuse - le paseo avait été retardé d'une demi-heure afin d'assécher la piste - le merveilleux diestro a été, à 48 ans, après un retour à l'activité qui constitue un sujet d'étonnement et d'admiration pour l'aficionado, l'incarnation de la plus haute expression du classicisme et de l'art taurin, en même temps que le plus accompli des toreros de sentiment.
D'aucuns penseront que c'est lui assigner un place bien haute; en vérité, je crois, et avec moi tous ceux qui se font une certaine idée de la corrida, qu'elle lui revient sans discussion. (...)
Le premier salamancais qui avait manifesté avec de la puissance sous la lance une âpreté développée, donna au Madrilène l'occasion de mettre à l'épreuve l'une et l'autre par doblones et trincheras correctifs. Avec un sens prodigieux du "sitio" et de la distance à donner au cornu afin qu'il soit reçu dans la bonne vitesse de sa charge, il l'attaqua à gauche par deux séries de sa marques interrompues par un coup de tête inattendu de l'animal qui accrochait de façon impressionnante son adversaire; jeté à terre Antoñete se relevait miraculeusement indemne pour reprendre, avec une totale sérénité, le cours de sa magistrale démonstration, achevée d'un pinchazo et d'une demie de côté (pétition et tour de piste chaud, très chaud).
Qui l'aurait cru ce n'était là qu'un simple hors d'œuvre comparé à la suite, la seconde faena du maestrazo; le quatrième, pousseur tenace sous le solipède où il laissa une partie de ses forces mais venant bien sur la flanelle, fut pris en charge par Antonio muletero de charme par la précision de son placement, sa justesse de geste et sa maîtrise tranquille. Celle des rares élus. Le résultat : une vingtaine de passes templadas, mandonas, courant au rythme de la charge, d'une pureté d'eau de source. Avec un monument, un summum, une double séquence de derechazos et un enchaînement trinchera, naturelle, pecho réalisé sur la surface d'un mouchoir de poche. "Eso no se escribe", et Las Ventas frappée de folie, scandant "To-re-ro! To-re-ro!".
Toujours calme, le visage éclairé d'une joie sereine, Chenel entrait droit pour mettre l'acier en bonne place (deux oreilles, deux tours de piste, rappel au centre au milieu d'une gigantesque clameur). Grandiose, i-nou-bli-able!" (...)
"Quant à la sortie triomphale du glorieux maestro aux cris renouvelés de "To-re-ro! To-re-ro!", elle revêtait une ampleur à la mesure de l'événement. Un événement qui fait que, maintenant, Madrid ne sait plus prononcer d'autres noms que ceux de Victorino Martin et de "son Antoñete"."
jeudi 27 octobre 2011
Antoñete
Son aura de torero classique et pur était venue jusqu'à moi par des cheminements variés : le récit d'aficionados bien plus âgés que moi qui l'avaient vu dans les années 50, la lecture d'anciennes reseñas dans les pages jaunies de quelque vieux Toros, l'écho de la mythique faena au toro blanc d'Osborne.
J'étais prêt à me contenter de l'image de ce mythe, à me borner à rêver à sa tauromachie épurée lorsque, au début des années 80, sa réapparition dans les ruedos eut l'effet d'un coup de tonnerre dans le paysage taurin atone de l'époque.
Je le vis pour la première fois en 1981 à la feria de Bilbao. Dans l'océan de médiocrité que fut la feria cette année-là il représentait, lui le vétéran, à la fois une référence et un espoir. Des détails, rien de complet mais quels détails! Des naturelles citées à plus de 10 mètres face aux buendias, on ne voyait pas cela à l'époque! Puis le dernier jour, face aux pablorromeros, encore des naturelles douces comme la soie, le sommet de la feria. L'année suivante, je le vis pour la San Isidro à Madrid dans une faena, cette fois complète, con arte y dominio, face à un cuadri. Le sommet enfin, à Bayonne, en 1983 face à un buendia, une des plus belles et profondes faenas que j'ai vue.
Durant ces quelques années Antoñete arpenta les ruedos en étant parfaitement fidèle au mythe qui le précédait : inconstant et fragile mais si juste dans ses gestes, si humble et profond à la fois. Un maître de la rigueur castillane, rigueur que magnifiait la douceur de ses gestes.
Mais Antonio Chenel c'était aussi une vie romanesque et sulfureuse. Femmes, jeu, alcool, tabac ("le tabac est mon oxygène", dira-t-il) pour un homme que la mélancolie rendait inapte à se satisfaire des triomphes de l'arène et d'un mariage bourgeois (avec une fille de riche banquier!).
C'était aussi l'homme de conviction qui ne s'était jamais laissé aller à se compromettre avec le pouvoir franquiste. Mon admiration pour lui n'en fut que plus grande.
samedi 22 octobre 2011
Une belle lidia
Placé trois fois à bonne distance du cheval, il fut parfaitement et spectaculairement (la première pique avec cite a caballo levantado!) cité par Tito Sandoval. Magistralement lidié et banderillé ensuite au deuxième tiers par Marco Galan (brega), David Adalid et Francisco Javier Rodriguez (salut des trois). Toréé enfin dans une faena parfaitement adaptée à ses qualités, Javier Castaño le citant de loin au début, puis utilisant un toreo de proximité justifié lorsqu'il s'affaiblit et que sa charge se raccourcit.
Tout fut si parfaitement exécuté que Remendon apparut sans doute plus brave qu'il n'était en réalité. En effet, s'il accourut avec franchise à l'appel du picador, il n'insista pas sous le fer et sortit seul. C'est pourquoi son frère Maquinista qui avait auparavant culbuté le cheval et envoyé le piquero dans le callejon avant de pousser encore longuement sous une deuxième pique aurait davantage mérité de recevoir le prix du meilleur toro de la feria du Pilar.
Souhaitons en tout cas aux toros de Yonnet qui seront combattus demain à Aire sur Adour d'avoir la chance de se voir offrir - d'autant que Javier Castaño est au cartel - d'aussi belles lidias.
dimanche 9 octobre 2011
Quelques photos d'Arnedo
L'ancienne plaza n'est plus qu'un souvenir.
mercredi 5 octobre 2011
Baltasar Iban conservatoire de la bravoure du toro de lidia
Santanero, le cinquième sera l'unique novillo de l'après-midi à sortir seul de la pique. Pique unique et bien insuffisante. Il puntée nerveusement dans la muleta. Face à un tel adversaire, la verdeur d'Angel PUERTA est si manifeste que malgré sa vaillance désordonnée il est peu à peu dominé par le novillo qui, lui, va a mas. Toutefois, c'est avec plaisir que je le reverrais l'an prochain car le garçon possède l'envie et le courage qui font les novilleros authentiques.
Et bien sûr final triomphal aussi pour l'élevage avec la sortie a hombros du mayoral.
mercredi 28 septembre 2011
Jazz et corrida
- Duke ELLINGTON La virgen de la Macarena 1955
- Duke ELLINGTON El Viti 1966
- Barney KESSEL Carmen (LP) 1958
- Miles DAVIS Flamenco Sketches 1959 in Kind of blue (LP)
- Miles DAVIS Sketches of Spain (LP) 1960
- John COLTRANE Olé 1961
- Art BLAKEY et ses Jazz Messengers El Toro 1961 in The freedom rider (LP)
- Kenny DORHAM Matador (LP) 1962
- Eric DOLPHY Music Matador 1963
- Gil EVANS El Toreador 1964 in The individualism of Gil Evans (LP)
- ART ENSEMBLE OF CHICAGO Toro 1969 in The spiritual (LP)
- Chick COREA Stan GETZ La fiesta 1972 in Captain Marvel (LP)
- Chick COREA Herbie HANCOCK La fiesta 1978 in An evening with (LP live)
- Chick COREA Spain 1972 in Light as a fever (LP)
- Chick COREA My spanish heart (LP) 1976
- Paul BLEY El Cordobés 1972
- WEATHER REPORT Manolete 1973 in Sweetnighter (LP)
- Woody HERMAN La fiesta 1978
- Jean Marc PADOVANI Tres horas de sol (LP) 1988
- Jean Marc PADOVANI Nimeño (LP) 1991
jeudi 15 septembre 2011
Pain sur la planche
L'aficion les salue pour leur sérieux et leur originalité. En comparaison, les cartels de la préfecture, parus quelques jours plus tôt, semblent avoir été concoctés par un petit épicier mesquin.
Dimanche 11 septembre : fin de la dernière corrida de la temporada dacquoise.
Le public est en colère et l' "aficion indignée" à l'image d'une banderole apparaissant sur les gradins.
Entre ces deux dates, une succession de corridas décevantes avec des toros mal présentés et le plus souvent faibles et décastés.
Personnellement, je me réjouis des critiques subies par les organisateurs dacquois : il est juste que les erreurs (les errements, devrait-on dire) soient dénoncées. Mais je voudrais essayer ici d'aller plus loin.
Il faut d'abord rappeler que les arènes de Dax fonctionnent en gestion municipale. C'est à dire que la municipalité, propriétaire des lieux, confie, par l'intermédiaire d'une commission taurine, l'organisation des corridas à des aficionados locaux et que l'intégralité des bénéfices (et à Dax ces dernières années ils sont considérables) vont dans les poches de la commune. Inutile de dire que ce système ne plaît pas à tout le monde et qu'à chaque vacillation les vautours du Mundillo sont prêts à fondre sur la proie.
Malgré leur indépendance et leur aisance financière les Dacquois se retrouvent, après cette temporada désastreuse, dans une situation pour le moins inconfortable. Pour mieux en comprendre les tenants et les aboutissants la lecture des propos de Christian Laborde, actuel président de la commission taurine, publiés par Sud Ouest au lendemain du 11 septembre est précieuse.
Christian Laborde nous dit deux choses : 1- C'est nous et personne d'autre qui sommes responsables du choix des toros.
2- Paradoxalement, les attaques qu'il porte ne sont pas dirigées contre les éleveurs mais contre les matadors : "pour moi, surtout, il y a un bilan toreros qui m'a laissé sur ma faim", "cette époque où je suis parti à Madrid courir, supplier, batailler, c'est terminé", "ça va être à prendre ou à laisser maintenant".
Pas masochiste, Christian Laborde laisse au lecteur le soin de faire les liens : si nous avons choisi de si petits toros c'est pour complaire aux figuras à qui, en outre, nous offrons des sommes extravagantes pour venir toréer dans notre ville.
Aveu implicite d'un double échec : celui de se soumettre de soi-même au desiderata des vedettes en ce qui concerne la présentation du bétail et celui de se faire avoir en surpayant les prestations médiocres de ces mêmes vedettes.
Mais à quelque chose malheur est bon et il semblerait que les responsables aient pris la mesure de l'impasse dans laquelle ils se trouvent. Dans ce même entretien des changements sont annoncés :
- "aller chercher des toros plus forts et avec plus de tête"
( Ce ne sera pas difficile au vu de ce qui est sorti des chiqueros cette année, mais cela semble répugner à Christian Laborde puisqu'il rajoute : "C'est regrettable que le jugement des spectateurs s'arrête à ça mais c'est une indication." Après de tel propos, ce monsieur ne semble pas être le mieux placé pour conduire une politique taurine digne de ce nom car le minimum que puisse offrir un organisateur respectueux de son public ce sont des toros dignement présentés.)
- annoncer les cartels moins tôt
- baisser le budget des corridas
(Ce qu'on peut traduire par "moins de figuras" ou "des figuras moins payées" et aussi, en toute logique, par "le prix des places va baisser".)
De bonnes résolutions donc qui pourraient permettre à Dax de sortir de la crise par le haut...
Mais Christian Laborde a remarqué aussi que le public de Dax "est un public de consommateurs qui veut voir du spectacle".
Une ambition plus grande encore serait donc de se proposer de créer un public d'aficionados plutôt que de consommateurs. Et cela pourrait passer par une revalorisation du tercio de pique (la plaza de Dax le nécessite vraiment) et par une attribution plus rigoureuse des trophées ce qui reste le moyen le plus simple de ne pas donner l'habitude aux spectateurs de prendre des vessies pour des lanternes et pour une arène de devenir respectée et respectable.
Aficionados dacquois, bon vent, vous avez du pain sur la planche...
dimanche 11 septembre 2011
Barney Kessel joue Carmen
jeudi 1 septembre 2011
Novillada de Mont de Marsan - Saintperdon
Pour la troisième année consécutive les novillos de Baltasar Iban foulaient le ruedo montois. Cette année, la présentation était particulièrement soignée.
Ils prirent avec bravoure 8 piques pour une chute, mais une certaine faiblesse empêcha trop souvent qu'on les y ramène pour les juger vraiment.
Trop de faiblesse, deux novillos complètement parados au troisième tiers. Un lot inférieur à ceux des années précédentes.
vendredi 26 août 2011
Bilbao, mardi 23 août 2011
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Les toros de Nuñez del Cuvillo
Aux antipodes du toro actuel habituellement lourd, manso, rajado ou bobalicon.
Ceux du jour : braves, mobiles, nobles, con alegria... et une pointe de genio.
Une alchimie rare mais précieuse.
Nobles y con genio car ils furent des toros exigeants, francs dans leur attaque mais toujours prêts à donner de la corne à droite ou à gauche, toujours prêts à un retour fulgurant.
Braves : tous sortis au galop cherchant le combat; tous morts bouche close en résistant; 13 piques sans hésitations, quelques unes a caballo levantado, d'autres en poussant jusqu'aux planches, d'autres - un bémol - en sortant seuls.
Alegria dans la charge : capacité à illuminer le gris du sable et le gris du ciel.
Genèse d'une faena
Dès sa sortie, Cacareo laisse apparaître une coquetterie dans le galop. Pas une vraie boiterie, pas une faiblesse mais, parfois, comme une irrégularité, une ébauche de claudication. Habituelles protestations du public et hésitation générale, on attend que le toro trébuche pour de bon ou qu'il s'affale pour que le président sorte le mouchoir vert. Mais rien de tout cela, malgré le désordre de la lidia le toros va a mas, prend deux piques et ne montre aucun signe de faiblesse. Morante s'avance vers lui avec sa cape, le toro y plonge sans hésiter et répète avec codicia... Des possibilités s'ouvrent ... La résignation (on ne verra rien ) fait place à un espoir encore fragile. Car le picador, malgré la sonnerie des clarines, est toujours là en embuscade, la cuadrilla regarde ailleurs et le toro vient prendre une troisième pique.
Après un tercio de banderilles sans problème, Morante attaque Cacareo par des doblones impitoyables, certains donnés à deux mains, en gagnant le centre. Moment magnifique mais incertain car on ne sait (Morante le sait-il lui-même?) s'il s'agit du prélude à une grande faena ou à une estocade crapuleuse. Sur les étagères les avis sont partagés... Et Morante met sa muleta dans la main droite... La suite, il faut l'avoir vue ou l'imaginer. Mais attention, pas de contresens, il ne s'agit pas d'une faena faite de langoureux étirements. Non, une faena de lidiador, maciza, profonde, inspirée, construite. Elle se termine comme elle avait commencé, par du toreo à deux mains, cette fois de classiques ayudados por alto.
Les deux autres
José Maria Manzanares s'accroche face au 5 qui a ses aspérités, et finit par le dominer. Bonne estocade. Oreille. Mais qu'il est difficile de passer après Morante!
David Mora est remarquable à la cape dans deux quites, l'un par chicuelinas, l'autre par gaoneras. Très bonne faena au 3 en citant de loin mais échec à la mort. Face au 6, il prend tous les risques devant un toro aux charges courtes et brusques.
Aujourd'hui était le jour.
Photo : Alfredo Alda/EFE
jeudi 25 août 2011
Dur d'être un Miura...
Si vous êtes brave et noble, le chœur des toristas éplorés déclame que décidément les miuras ne sont plus ce qu'ils étaient.
Si vous êtes un vrai fils de pute et sautez au cou du cheval et au ventre du matador, le chœur des vierges toreristas vous traite de morucho.
Mais tout le monde se met d'accord, avec raison, lorsque vous êtes invalide pour vous juger inapte au combat de l'arène.
Pour le retour des Miura à Bilbao, après presque une décennie d'absence, j'ai vu (par l'intermédiaire du petit écran) quelques très beaux toros (le 1 sardo de 549 kg, le 3 cárdeno de 535 kg), un toro brave et exigeant (le 1), deux fils de pute (le 4 et le 5). Ce qui fait trois toros intéressants (une bonne moyenne), mais, hélas, pas de toro complet et surtout deux toros invalides qu'il fallut renvoyer au corral. Chez Miura un problème récurrent qui n'a toujours pas trouvé de solution.
... Mais c'est encore plus dur d'être un matador de Miura. Les trois du jour se firent violemment prendre, heureusement sans conséquence grave. Juan José Padilla lors de l'estocade au 4 qui lui mit la corne dans le ventre. Rafaelillo sur un extraño du 5, au cours d'une faena héroïque. Raul Velasco par le 3 dès son troisième doblon. Honneur à eux qui se montrèrent courageux et professionnels.