samedi 29 octobre 2011

Antoñete vu par Georges Dubos

En 1982, après son excellente faena à un toro de Cuadri en début de feria, Antoñete connut un triomphe grandiose le 3 juin face aux toros de Garzon.
Voici quelques extraits de la reseña parue dans le journal Sud Ouest sous la plume de Georges Dubos, grand critique taurin dont il est bon de préciser qu'il n'était pas un revistero particulièrement prodigue en dithyrambe.

"Alors que le rideau s'apprête à tomber sur cette Isidrada 1982, il devait être écrit, dans un quelque part  mystérieux, que nous allions connaître, jeudi, non seulement la plus forte émotion artistique de la feria, mais de la temporada, voire d'une décennie, avec l'extraordinaire, la monumentale faena réalisée au quatrième toro du programme par Antoñete.
En cette soirée pluvieuse - le paseo avait été retardé d'une demi-heure afin d'assécher la piste - le merveilleux diestro a été, à 48 ans, après un retour à l'activité qui constitue un sujet d'étonnement et d'admiration pour l'aficionado, l'incarnation de la plus haute expression du classicisme et de l'art taurin, en même temps que le plus accompli des toreros de sentiment.
D'aucuns penseront que c'est lui assigner un place bien haute; en vérité, je crois, et avec moi tous ceux qui se font une certaine idée de la corrida, qu'elle lui revient sans discussion. (...)


Le premier salamancais qui avait manifesté avec de la puissance sous la lance une âpreté développée, donna au Madrilène l'occasion de mettre à l'épreuve l'une et l'autre par doblones et trincheras correctifs. Avec un sens prodigieux du "sitio" et de la distance à donner au cornu afin qu'il soit reçu dans la bonne vitesse de sa charge, il l'attaqua à gauche par deux séries de sa marques interrompues par un coup de tête inattendu de l'animal qui accrochait de façon impressionnante son adversaire; jeté à terre Antoñete se relevait miraculeusement indemne pour reprendre, avec une totale sérénité, le cours de sa magistrale démonstration, achevée d'un pinchazo et d'une demie de côté (pétition et tour de piste chaud, très chaud).
Qui l'aurait cru ce n'était là qu'un simple hors d'œuvre comparé à la suite, la seconde faena du maestrazo; le quatrième, pousseur tenace sous le solipède où il laissa une partie de ses forces mais venant bien sur la flanelle, fut pris en charge par Antonio muletero de charme par la précision de son placement, sa justesse de geste et sa maîtrise tranquille. Celle des rares élus. Le résultat : une vingtaine de passes templadas, mandonas, courant au rythme de la charge,  d'une pureté d'eau de source. Avec un monument, un summum, une double séquence de derechazos et un enchaînement trinchera, naturelle, pecho réalisé sur la surface d'un mouchoir de poche. "Eso no se escribe", et Las Ventas frappée de folie, scandant "To-re-ro! To-re-ro!".
Toujours calme, le visage éclairé d'une joie sereine, Chenel entrait droit pour mettre l'acier en bonne place (deux oreilles, deux tours de piste, rappel au centre au milieu d'une gigantesque clameur). Grandiose, i-nou-bli-able!" (...)


"Quant à la sortie triomphale du glorieux maestro aux cris renouvelés de "To-re-ro! To-re-ro!", elle revêtait une ampleur à la mesure de l'événement. Un événement qui fait que, maintenant, Madrid ne sait plus prononcer d'autres noms que ceux de Victorino Martin et de "son Antoñete"."

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