mardi 27 juillet 2021

Mont-de-Marsan : Madeleine 2021

    


   
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
   Comme les bons toros, cette feria est allée a mas pour se terminer par l'apothéose de la corrida de Pedraza de Yeltes.
   Après Vic, elle a eu aussi le mérite de montrer qu'une feria taurine pouvait exister sans le secours d'une feria populaire, rappelant ainsi à ceux qui auraient tendance à l'oublier que la fête taurine est constitutive de toutes nos ferias.


Les toros
 
   La présentation des toros a été supérieure à celle de l'année 2019, elle a bénéficié de l'offre pléthorique qui existe actuellement dans tous les élevages en raison du nombre réduit de corridas.
 
   Les Jandilla, cinqueños, aux armures longues et astifinas, sans graisse superflue, constituaient un lot magnifique. Malheureusement le ramage ne correspondit en aucune manière au plumage. D'abord en raison de leur faiblesse : le 1 est faiblissime puis les 2 et 2 bis doivent être renvoyés au corral pour invalidité. Après ce préambule catastrophique on était peu enclin à apprécier la mauvaise caste des suivants qui se traduisit par des charges brusques et sans fixité.

   Très bien présentés aussi les Alcurrucén, avec leur typique corps ensellé. Ils firent des sorties timides puis sautèrent dans les capes qu'on leur présentait, enfin se montrèrent plus bravucones que braves au cheval en une quinzaine de piques et décevants à la muleta où ils finirent souvent sosos, de demi-charge. Le premier fut le plus intéressant. Imposant et puissant, il fut châtié durement trois fois avant de prendre deux rations supplémentaires au réserve (bronca). Le cinquième, pas totalement exploité, se montra très noble au troisième tiers mais avec de la fadeur.

   Comme toujours on attendait beaucoup des Adolfo Martin. Et l'on fut déçu. De présentation honorable mais discrète, le lot se montra bravito au premier tiers (12 rencontres), partant sans rechigner vers le cheval mais y poussant peu. Leur caractéristique fut ensuite la sosería, avec pour les 2 et 3 une innocente noblesse et un dernier toro suffisamment mobile pour permettre un final triomphal. En somme le lot torériste de la feria.

   Changement de décor avec le grand lot de toros de Pedraza de Yeltes le dernier jour qui, pour leur présentation au Plumaçon, permirent une tarde d'une telle intensité qu'elle restera dans le souvenir de tous les spectateurs. Tout avait pourtant mal commencé avec le premier, un grand bœuf qui laissa présager le pire. Mais les quatre suivants furent très proches du toro idéal dont rêve chaque aficionado. Imposants de charpente, irréprochables d'armures (terrifique le 5). Et braves. S'élançant avec franchise vers les canassons, ils poussèrent avec ténacité, arc-boutés sur leurs pattes arrières. Trois fois les 3 et 5, placés à chaque rencontre plus loin du cheval. Un bémol ? Oui, celui de n'avoir jamais renversé les chevaux. Mais la fête se poursuivit au troisième tiers car tous chargèrent le drap rouge sans hésiter, avec une grande noblesse le 2 et le 5 (vuelta al ruedo à chacun), avec plus d'âpreté les 3 et 4. Et tous résistèrent à la mort bouche cousue. Le 6, seul noir du lot, sera un ton en-dessous. Vuelta triomphale finale du mayoral en compagnie d'Alberto Lamelas dans une grande ferveur populaire.

Les matadors
 
   Miguel Angel Perera fit preuve de maîtrise technique en dominant deux toros différents, l'un faible, l'autre de mala casta. L'épée est toujours son point faible, mais il a justifié pleinement sa présence en remplacement du néo-retraité Enrique Ponce.
 
   Daniel Luque a lui aussi dominé deux mauvais toros et a mal tué. Très beau début de faena au réserve d'Antonio Bañuelos dont il accompagnera ensuite les fuites continuelles avec un grand sens de l'esthétique.
 
   Rude journée pour le local Thomas Dufau, honoré en piste en début de corrida à l'occasion des 10 ans d'alternative prise en ces mêmes arènes. On l'imagine rêvant, en guise de cadeau, de jandillas au sang bleu et donc à la noblesse avenante. Il en fut tout autrement. L'encasté troisième le contraint à rester sur la défensive, puis le dernier de la tarde lui met par deux fois la corne dans le ventre, la première fois sans sommation. Le corps endolori mais miraculeusement indemne, le Landais joue alors la carte du courage qui aurait pu lui valoir des lauriers sans un échec à la mort. 

   Face aux Alcurrucén, Diego Urdiales fut le seul matador de la terna à connaitre le succès. Une sereine maturité semble l'habiter et son toreo artistique, con empaque, toujours adapté aux conditions du toro reçut un accueil chaleureux du bon public montois. Il coupa l'oreille du quatrième après un pinchazo et une bonne entière pour une faena d'art subtil à un toro médiocre.

   Paco Ureña a connu une matinée discrète. Son premier adversaire avait des charges violentes, brusques, désordonnées et personne ne lui en voulut de ne pas s'arrimer. En revanche un torero de sa classe est capable de tirer parti mieux qu'il ne le fit de la noblesse fade du cinquième.

   Emilio de Justo, face à deux toros de charge réduite, joua excessivement de la voix et d'une vaillance un peu vaine. Il est des jours où il faut savoir ne pas triompher.

   Le one-man-show d'Antonio Ferrera face aux Adolfo Martin a été une grande réussite. Tout semblait parfaitement orchestré : déjà deux oreilles coupées à la mort du troisième et deux nouvelles oreilles au dernier qui se prêta parfaitement au jeu dans une ambiance survoltée. J'ai personnellement beaucoup aimé la mise en suerte systématique des toros à la pique depuis l'autre bout de la piste. Une innovation du maestro qui prête à débat et sur laquelle il faudra revenir. J'ai beaucoup aimé aussi sa manière de tuer à deux occasions par ce que l'on pourrait appeler un recibir al encuentro, le torero marchant vers le toro fixé à une quinzaine de mètres. Autre innovation d'une puissance émotive extraordinaire.
   Ce que l'on pourra en revanche reprocher au torero c'est son jeu de cape limité et très mobile ce jour ainsi que des faenas, certes en recherche de pureté, mais taillées sur le même patron. 
   Il faut enfin souligner qu'il piqua remarquablement le sixième portant le public au rouge vif et préparant ainsi l'apothéose finale d'une tarde qui fut un vrai évènement parfaitement géré par le professionnalisme du maestro.

   Chef de lidia pour la soirée des pedrazas, Lopez Chaves connut une journée accidentée. Il n'y avait rien à tirer du premier, le seul manso de la journée. Il fut pris violemment par le quatrième en début de faena, heureusement sans autre dégât que vestimentaire. Face à un animal à la charge soutenue et brusque, Domingo reprit peu à peu l'ascendant en un combat émouvant. Chaude vuelta après échec à la mort.

   Gomez del Pilar, en demi-teinte, connut de bons moments à chacun de ses coriaces adversaires mais sans jamais parvenir à s'imposer totalement.

   Admirable Alberto Lamelas, venu dans la ''capitale landaise'' pour triompher quoi qu'il en coûte et qui, aujourd'hui, connut un sorteo favorable (deux toros de vuelta) et sut en profiter. Il accueillit chacun de ses adversaires par une larga a puerta gayola puis s'attacha à construire des faenas classiques et dominatrices où se côtoyèrent des moments de grande limpidité tel un magnifique changement de main et d'autres plus accrochés. Grosse frayeur lorsque l'impressionnant cinquième le renversa et le chercha longuement au sol avec ses dagues suraigües sans autre dommage là encore que vestimentaire. Estoconazo au 2 et entière desprendida au 5 avec oreille chaque fois et émouvant triomphe.

   Ainsi se termina, par une corrida de verdad, cette feria atypique où les extérieurs de la plaza semblaient sinistrés par on ne sait quelle calamité, mais où le public, à l'intérieur, avait gardé intacte la flamme de l'aficion.



  
   
  

3 commentaires:

Frédéric a dit…

Décidemment, bien que pensant avoir tout vu depuis août 1962 (date de ma première corrida), la tauromachie me surprendra toujours. En ce samedi 24 juillet 2021, il s’est produit dans les arènes du Plumaçon, un phénomène incroyable et difficilement descriptible auprès des absents à cette tarde. Nous avons assisté en effet à une corrida avec 6 toros, mal présentés, sans trapio, décastés, insipides lidiés avec des faenas plutôt fades, car répétitives et ne transmettant aucune émotion particulière et pour compléter le tableau une majorité de coups d’épée des plus quelconques, exceptés bien évidemment les deux formidables « recibirs al encuentro ».

En temps normal, tout ceci se serait terminé par une bronca et pourtant, l'immense majorité du public (et je me range dans cette catégorie) est repartie avec un large sourire sur ses lèvres, à défaut d’être totalement satisfait de son après- midi. Ceci était d’autant plus visible puisque l’immense majorité de l’assistance était démasquée au désespoir de la représentante locale des pouvoirs publics.

La réussite de cette tarde est avant tout celle d’un homme nommé Antonio Ferrera. Sa manière de communiquer avec le public, son autorité sur ses cuadrillas et l’émotion qu’il a su faire partager aux 3000 spectateurs présents ont transformé un naufrage prévisible en un miracle.

Toujours souriant, tout en gardant suffisamment de sérieux pour ne pas tomber dans la vulgarité, il a, par ses attentions (quel beau geste et inoubliable souvenir pour les handicapés de le voir monter sur les tendidos venir leur faire un abrazo), su séduire un public sevré de tauromachie par deux décevantes précédentes courses. S’il désire se reconvertir après sa carrière taurine et à la condition qu’il possède une voix suffisante, je conseillerai volontiers à Antonio Ferrera de se tourner vers le music -hall, car son talent de showman suffirait largement pour lui ouvrir les portes des plus grandes salles. Plus sérieusement, son incroyable mise en scène sur son fort quelconque sixième et dernier toro constitue une performance de haut vol et force le respect.

Le triomphe d’un homme ne doit pas cependant masquer le naufrage ganadero de la tarde. Et ceci est bien sur fort préoccupant. Comment un éleveur comme Adolfo Martin a-t-il pu oser envoyer un tel lot dans une arène de première catégorie ? Certes, chacun comprendra qu’il est impossible de fournir 6 toros présentés à la « Madrilène » dans le cadre d’un exercice en solo, mais entre 6 » monstres » et ce qui nous a été présenté en ce samedi 24 juillet, il y avait la place pour fournir un lot digne de la réputation d’Adolfo Martin, ganadero adoré à Madrid, et en mesure de satisfaire l’aficion torista Montoise.

La nouvelle commission taurine de Mont de Marsan devrait y réfléchir. Elle n’aura pas tous les jours un Antonio Ferrera à sa disposition pour sauver les meubles. Pour les Pedraza, je suis moins enthousiaste. Ils ont poussé à la pique certes, mais vu leur corpulence c’est le minimum demandé, mais ils n’ont jamais réellement mis la cavalerie en difficulté et les deux vueltas sont à mes yeux bien généreuses et n’auraient surement pas été accordées dans une plaza torista comme Céret. Mais venant après trois courses désastreuses sur le tercio de varas, il est compréhensible et logique que le lot ait pu séduire un large public.

Et puis, à titre personnel, Pedraza, c’est l’overdose. Dax, Mont de Marsan, Bayonne, Béziers et même Mimizan, cet élevage est en train de prendre la place de toutes les autres ganaderias dîtes « dures ». Nous allons finir par croire qu’en 2021, la corrida torista se résume aux seuls Pedraza de Yeltes. Messieurs les organisateurs, savez-vous que Cuadri, Cebada Gago, Dolores Aguirre Ybarra, Valverde, Palha, Saltillo, Escolar Gil, Miura, Fraile, Moreno de Silva et tant d’autres existent ? Organiser une féria, c’est aussi oser prendre quelques risques. A ce titre, Céret représente l’exemple à suivre.

christian a dit…

Gros mano a mano de resenas!!!!

Perso antonio ferrera,sans etre dénué de présence et d'expérience,me parait plus hystrion que show man.
Mais des diables lui rongent la tête et je lui accorde donc ma sympathie.
...et je n'ai pas encore compris le sublime de son recibir al encuentro.
La corrida de dimanche valait tout de meme son pesant de cacahuètes et je l'ai regardé avec plaisir meme si mon gomez del pilar etait encore entre deux eaux!
Castilla la mancha samedi et dimanche avec des corridas de 3eme cat ou le feu peut prendre et toros samedi avec des bichos sympas et des figuras artistiques.
Il y en a pour tout les gouts!
Jolis papiers messieurs.
Christian

Anonyme a dit…

Samedi je n'ai pas vécu une grande corrida et pourtant j'ai vécu un moment inoubliable. Je ne suis pas fan de Ferrera mais il m'a bluffé par la générosité qui émane de lui. Certes il est truqueur, il apparaît démago aux yeux de certains, mais je suis persuadé qu'il était réellement heureux à la fin de cette corrida et qu'il avait envie de transmettre.
Et en effet avec ce lot pour le moins très fade et souvent mal présenté cet après-midi aurait pu se terminer en bronca seismique; et si ce ne fut pas le cas, ce n'est pas en raison d'un coup de baguette magique invisible, ni en raison de l'inanité de 3000 âmes.

Dimanche j'ai vécu en revanche une grande corrida, et malgré l'overdose ressentie par certain, les Pedrazas du jour ont été la base d'une tarde emplie d'émotions. Si je suis d'accord sur le caractère généreux de la vuelta accordée au 2° toro, celle du 5° m'apparaissait indiscutable et peut-être que même à Céret cet immense toro aurait aussi obtenu cette récompense.
Mais on peut craindre qu'à être trop répété, ce fer ne lasse et surtout déçoive certains organisateurs et publics.
Côté toreros, après Vic Lopez Chaves a montré qu'il est peut-être ce qui se fait de mieux en ce moment, et Alberto Lamelas, malgré ses scories, a su ne pas naufrager; mieux, à force de courage il a gagné une très légitime sortie à hombros. Sympathie éternelle pour ce vaillant et modeste torero.
Petite déception causée par Gomez del Pilar à qui il n'a pas manqué grand chose pour se grandir encore.
Le Plumaçon a retrouvé un peu de son lustre.
Beñat