mardi 23 juillet 2024

Impressions sur la feria montoise (2)

 
   Samedi, je vais à la corrida de La Quinta plein d'espoir. Le cartel me plait, la tarde sera grande et effacera les déconvenues précédentes, c'est sûr ! Deux heures et demi plus tard, j'en ressors avec un sentiment de déception. Non pas à cause des toros : c'est un lot que l'on pourrait qualifier de médiocre mais ils sont décemment présentés (à l'exception du petit deuxième), de comportement varié, les deux derniers intéressants. En d'autres mains, dans d'autres circonstances, la belle noblesse de certains aurait pu conduire à une corrida triomphale, comme on l'a vu dans le passé avec ce même fer (la queue de Jalabert, les triomphes de Luque).
   Ce sont les hommes  qui m'ont déçu. En particulier Emilio de Justo. Il commence par faire assassiner par son piquero le premier qui a eu le tort de montrer d'entrée son mauvais caractère (muy mal torero !). L'animal se couchera avant même l'estocade, voilà une tarde qui commence bien mal ! On retrouve ensuite le torero hurleur; il aura quelques bons moments mais restera très en dessous des deux toros qu'il a toréé, le fade et très noble troisième et le bon cinquième. Tueur médiocre qui plus est.
   Clemente qui avait été la révélation de la feria passée face au même fer, se rappelle d'emblée à notre bon souvenir : capeador de classe (ah! ces chicuelinas et ces delantales), poignets de soie, capacité à templer les charges du toro. Il coupe l'oreille de son premier. Puis sa prestation part à vau-l'eau. Il ne trouve pas ses marques face au quatrième qui a failli l'embrocher lors d'une tentative de porta gayola. Pour finir,  il se montre  totalement désorienté face au difficile dernier et écoute des sifflets.
 
 



   Dimanche, la corrida de la dernière chance, celle de Victorino Martin. Il y a plus de vingt ans, c'était devenu habituel, la corrida de Victorino venait sauver, le dernier jour, une feria jusque là très médiocre. C'était aussi l'époque des Fernandez Meca, El Tato, Pepin Liria. En sera-t-il de même en cette année 2024 ?
   La journée est sinistre, il pleut continuellement, on se rend aux arènes sans être sûr que la corrida pourra avoir lieu. Une fois sur les gradins, l'espoir renait : la piste parait en bon état, le trio présidentiel, d'un pas assuré, se dirige vers le palco.
   Mais c'est lorsque sort le premier Victorino que tout s'éclaire. Il est beau et transpire la caste par toutes les pores de la peau, par tous les poils noirs et blancs harmonieusement mêlés. Et il en sera de même pour les cinq suivants. Un lot d'une extraordinaire homogénéité dans le trapío, la caste, la fixité, la capacité à charger en humiliant. Le retour de la vérité de la corrida.
   Le grand homme de l'après-midi sera Morenito de Aranda, toujours sincère, dominateur, réussissant à s'imposer à des toros très exigeants. Un bémol ? Lui aussi est un torero bruyant.
   Manuel Escribano, à son avantage aux banderilles, fit preuve par la suite de son bon professionnalisme sans excès de zèle.
   Enfin Joselito Adame, toujours à la limite de la rupture, dut puiser dans ses ressources le plus profondes pour faire face, tant bien que mal, à la grande caste de ses adversaires.

   Victorino Martin aura donc une fois de plus permis le sauvetage in extremis de la feria. Ce qui ne doit pas,bien sûr, épargner aux organisateurs la nécessité d'une profonde remise en question. Comme leurs prédécesseurs (Chopera/Cazade; Marie Sara/Guillaume), ils sont sur un siège éjectable, aussi bien la commission taurine censée être l'émanation de l'aficion locale, que le véritable organisateur, Jean Baptiste Jalabert, incarnation du mundillo taurin dans ce qu'il a trop souvent d'irresponsable.
 

 
 
photos Laurent Bernède : belle estocade de Manuel Escribano au premier Victorino
                                          Jesus Martinez "Morenito de Aranda", triomphateur de la feria avec une oreille d'un Flor de Jara et deux des Victorino Martin.
  

lundi 22 juillet 2024

Impressions sur la feria montoise (1)

 
   Mercredi pour la première corrida, la tarde débute par une Marseillaise incongrue. Cette multiplication d'hymnes nationaux (c'est la même chose en Espagne) me semble surtout témoigner de pays qui cherchent à se rassurer sur leur existence. Le chant guerrier est suivi d'une étonnante séance d'arrosage, sans doute pour laver le sang impur.
   Les toros étaient annoncés du Puerto de San Lorenzo mais seuls les deux premiers sont de ce fer et donc d'encaste Atanasio - Lisardo, les autres sont des domecqs de la Ventana del Puerto des mêmes propiétaires. Pourquoi pas ? mais encore eut-il fallu que l'affiche le précisât, sans quoi on peut parler de tromperie. Que dirait-on, par exemple si l'on remplaçait un torero artiste du niveau de Morante par un sin sabor comme Alejandro Talavante alors que Pablo Aguado ou Juan Ortega, autres artistes incomparables, ne toréent pas ce jour ?
   Pour être assidu aux corridas de La Brède, modeste arène portative, je peux affirmer que les toros y sont en général bien mieux présentés que ceux lidiés ce jour au Plumaçon, arène de première catégorie, faut-il le préciser. Cherchez l'erreur !
   Tous de format très réduit, rondouillards (acochinados), irréguliers d'armure, et ce manque de physique en parfaite concordance avec un manque de fond qui les rendait fades et ennuyeux, même si certains ont pris les piques honorablement.
   Pas de chance, l'accablant Madrilène touche les deux seuls bichos à peu près potables, notamment le premier, un toro en sucre candy, sans doute un des rares de la camade San Lorenzo à ne pas s'enfuir à la vue des leurres.
   Daniel Luque, habituellement capable de transformer le plomb en or, n'a pu cette fois passer la rampe devant ses deux ectoplasmes.
   Quant à Dorian Canton, pétri de qualités, il va falloir qu'il se penche sérieusement sur sa manière de tuer.


   Jeudi, la deuxième corrida pour vedettes n'a pas vraiment relevé le niveau de la première, c'est le moins qu'on puisse dire. Ces courses constituent un pensum pour l'aficionado et une déception pour le grand public. Le lot de Victoriano del Rio était clairement un lot de rebut : des cinqueños sans trapío et, pour certains, aux cornes douteuses. En clair, les invendables de la saison dernière ... On espère qu'au moins ils n'auront pas coûté cher aux organisateurs.
   Le cinquième fut le seul à sortir du lot. Il se montra actif sur la première pique, vint facilement mais n'insista pas sous la seconde puis fit l'avion sur les deux cornes au troisième tiers, avec cependant une charge manquant de chispa. Gines Marin composa une bonne faena, templée, complète, portant sur le public. On pourra toutefois lui reprocher un placement souvent fuera de cacho. Oreille après pinchazo et estoconazo et premier succès de la feria.
   Sébastien Castella débuta par une longue suite de véroniques très ajustées, puis, face à des adversaires d'une grande fadeur, il dut user du toreo de proximité, qu'il maîtrise parfaitement, pour intéresser le public. Le Biterrois semble en ce moment en grande délicatesse avec la rapière.
   Yon Lamothe, présent dans les quites, montra de la verdeur et de l'insécurité, chose normale pour un matador qui torée sa première corrida de l'année. L'épreuve était d'importance et le sorteo ne lui fut pas favorable, en particulier avec le sixième, un manso comme la ganaderia en produit de plus en plus, qui aurait mis en difficulté de plus expérimentés que lui.
   Comme hier, bronca finale aux organisateurs.


   Vendredi, c'est la corrida concours et l'on pense en avoir fini avec la médiocrité des corridas commerciales des jours précédents. Mais la mayonnaise n'a pas pris, le public n'était pas prêt à accepter l'énorme disparité de trapío et de comportement entre les toros. Deux toracos impressionnants ( Saltillo,  Yonnet). Deux petits (Peñajara, Flor de Jara), une partie du public s'acharne contre le Peñajara, bien fait mais minuscule, le climat est malsain. Auparavant les cornes en pinceau du Dolores Aguirre avaient déjà mis le feu aux poudres. A ce stade, la concours est déjà morte et enterrée. Pour comble de malchance, le magnifique Yonnet qui termine la course se révèle invalide total.
   Nonobstant, il y eut un grand moment, à vrai dire impertinent dans une corrida concours : une grande faena devant un toro de troisième tiers. Morenito de Aranda a donné des muletazos sublimes à Capuchero de Flor de Jara qui portait au bout de ses cornes toutes les qualités de plusieurs générations de l'encaste buendia santacoloma. Ce fut un moment de précieuse beauté.
  Autre moment d'une émotion toute différente parce que relevant davantage du tremendisme, mais toute aussi taurine, lorsque Alberto Lamelas donne au toraco de Yonnet quatre largas de rodilla successives dont la première a porta gayola, manquant de peu chaque fois de se faire décapiter. Cet homme est fou ! Non, il est torero...

lundi 8 juillet 2024

Céret 2024 : corrida du dimanche

 


Enfin une belle lumière ! 
Chaleur et nuages avec de belles apparitions du soleil. 
Arènes combles... Une apothéose? 
La musique du paseo de Pascal Comelade qui vous tord les tripes dans le contexte pour lequel elle a été créée. 
C'est parti! 
Le premier bien présenté comme d'ailleurs tous ses frères. 
Mais rarissime chez Escolar je lui ai trouvé ( ça n'engage que moi) un fond de mansedumbre qu'on ne voit jamais chez les pensionnaires de Lanzahita! 
Robleño n'en a cure et torée prudemment... Très prudemment. Silence. 
Sergio Flores lui aussi est prudent avec le deuxième, un vrai escolar qui fera tomber la seule oreille de la tarde dans les mains du Mexicain et sera chaudement applaudi à l'arrastre. 
À partir de là on ne verra plus que des vrais toros d'escolar ...  Mais plus de toreros. 
Entre vice et vermine il n'y a que profil bas à faire et même Gomez del Pilar rongé par le feu de l'envie qui le caractérise fait ici le dos rond! 
Mais on ne s'ennuie pas vu que le danger est toujours là qui rôde avec les Escolar. Un banderillero de gdp en fait les frais encorné aux fesses, le sang coule fort et ça calme tout le monde. Y compris le toreo de Gomez qui ne sait plus où il habite. 
Tout ceci nous emmène au sixième où un événement vient semer le trouble... Il est 20h et les portables se mettent à bruisser de partout, et quasi instantanément les réactions prennent le pas sur tout le reste ... En tout cas dans mon quartier : incrédulité, satisfaction, insatisfaction, heureusement qu'il y a des Espagnols pour faire la claque parce que la France a autre chose à penser! 
Lorsque je refais le focus sur le ruedo... Vision d'apocalypse!! Le bateau ivre!!! Des banderilleros de toutes les cuadrillas squattent le sable. Pourquoi ? Je ne comprends pas, j'ai perdu le fil. Les hommes de Gomez del Pilar plantent des banderilles une à une, d'autres s'agitent comme des poulets sans tête... On est chez Fellini! 
Le bicho me semble infumable et gdp est de mon avis puisque, à l'image de Morante, même pas deux passes et il va chercher l'épée de mort... Bronca. 
J'ai bien aimé cette corrida : on se serait  cru dans un théâtre au temps du grand William où ça brassait plus dans le public que sur le plateau. 
Rien que pour ce souvenir je serai dûment présent l'an prochain. 
Viva Céret!!!! 
 
                                              Christian



dimanche 7 juillet 2024

Céret 2024 : novillada du dimanche matin

 

 
On y retourne! 
Jolie assistance, un peu plus de ciment qu'hier mais pas de quoi pinailler : quasi lleno y punto! 
Ciel couvert, pas de vent et une température idéale. 
Tous les novillos avec un bon fond de caste, deux ou trois de vrais tios et au moins deux avec un problème à l'arrière train qui ne les faisait pas boiter non mais avec comme une raideur et une façon de freiner que je n'avais jamais vu : en traînant le sabot dans le sable comme un crochet... Suis je assez clair? 
Le site Terre de toros parlait de consanguinité et bien je crois en avoir vu là un bel exemple. 
Cela peut être un problème pour une présentation en France surtout dans une place comme Céret. 
Heureusement, leur malice permit de compenser cet embêtant détail! 
En effet, l'air de rien et alors que personne ne s'y attendait ils étaient sur les hommes et leur demandaient leurs papiers. 
Les hommes justement, Mario Arruza loupe son premier, loupe encore plus son deuxième et se demande s'il ne devrait pas changer de métier. Même son troisième homme foire le n°4 pour parachever le désastre. À oublier vite. 
Miguel Andrades, novillero de bientôt 30 ans, a eu tout le temps d'assimiler son El Fandi illustré pour les nuls: j'ai rarement vu un tel copié collé. Perso ça me laisse de marbre mais il y a des amateurs... Beaucoup. 
Non, l'homme du jour fut Jésus de la Calzada, en voilà un qui a du potentiel et de la personnalité, quelques détails à peaufiner et il peut (doit) passer à la catégorie reine. 
Le palco lui a refusé une oreille par toro et la bronca fut de mise. 
Mon voisin disait fort justement que ce président confondait corrida et novillada, catégorie où l'on se doit d'encourager les bonnes volontés que diable!! 
Nous lui octroyâmes deux vueltas hautement méritées. 
Suivez cet homme. 
Les picadors? Rarement vu un tel travail de goret! À part celui du deuxième dudit Jésus cité plus haut qui fit un travail remarquable le reste ne fut qu'approximation et pseudo boucherie. Honteux. 
Pour les banderilles, se référer au clone du Grenadin qui n'a pas encore la roublardise de son mentor. 
J'attends au frais dans un parc le climax de la feria avec les Escolar
Tarde de expectation...? 
 
                                               Christian

 

Céret 2024 : corrida du samedi

 Christian est un aficionado savoyard. Présent à Céret pour cette édition de Céret de Toros, il nous donne ses impressions sur la feria.
 



Débarquement à Céret sous un ciel des plus maussade. 
Il commence à pleuvoir pendant que je gare mon auto. Ça commence mal. 
Émotion sur le parcours puisque je croise ma première manif anti taurine! 
Une militante me propose un tract brûlot, je décline son offre, lui expliquant malicieusement que je ne puis accepter puisque je viens justement voir mourir des toros!!! Elle repart mi méprisante mi dépitée. 
Ce n'est pas cette année que la limonade sauvera la tauromachie à Céret : le temps minable a coupé la soif de tout le monde. Je croise un aficionado flamand qui a pris l'avion jusqu'à Perpignan pour assister aux corridas de Céret !!  On se tombe dans les bras, isolés que nous sommes chacun dans notre aficion solitaire et éloignée des terres sacrées. 
Ouverture des portes et là je ne vois pas d'autre explication que celle d'Ernest et Pablo qui ont intercédé auprès du grand patron pour couper l'eau pile à l'heure du paseo!!!! 
Et bien, puisqu'il en est ainsi en piste donc!!! 
Les toros ? Le premier bien armé et un bon cinquième qui laisse tomber une oreille dans la poche de Gomez del Pilar. À mon goût, tout ça est un peu trop gâché par du Domecq. 
Les toreros ? Damian Castano aux fraises, pas à son aise du tout, un peu mieux à son deuxième mais la mort reste un vrai pensum avec lui !! 
Déception pour Juan de Castilla dont j'attendais beaucoup et que j'ai trouvé trop pueblerino. 
Reste Gomez del Pilar toujours soucieux de bien faire le métier encore aujourd'hui et qui nous soulève un œil avec le cinquième cité plus haut. 
Juan est en train d'estoquer son deuxième toro quand le robinet se remet à goutter!! 
Musique pour personne et silence pour tout le monde... Ou presque n'est ce pas Gomez? 
Mañana otra vez.
 
                                                Christian