jeudi 28 mai 2015

Une photo de Medhi Savalli


















   Le hasard du clic a fait rentrer dans mon petit appareil cette photo de Medhi Savalli toréant le cinquième toro de Valdellan dimanche matin à Vic.
   Je ne me sens pas particulièrement compétent pour analyser la technique du toreo - les commentaires d'aficionados plus pointus sont les bienvenus - mais il me semble que cette photo montre bien pourquoi et comment l'Arlésien est passé à côté (au sens propre comme au figuré) de ce noble toro de Valdellan.
   Résumons la situation : Medhi Savalli a été mis en difficulté par la caste de son premier adversaire mais son second, Huerfanito, seul cárdeno du lot, fait preuve d'une belle noblesse en particulier sur la corne droite. Medhi s'en rend parfaitement compte et exploite la longue et claire charge en plusieurs séries de derechazos templés. Pourtant le public reste tiède, la faena ne monte pas aux étagères.
   Sur la photo on voit bien que torero et toro sont sur des lignes parallèles. Le toro est dirigé par le pico de la muleta. Le torero s'appuie comme il le doit sur la jambe de sortie mais c'est pour allonger la passe en ligne droite et non pour charger la suerte en dirigeant le toro vers l'intérieur par une ligne courbe, ce qui marquerait la domination et l'emprise de l'homme sur le toro.
   Certes il se donne chaque dimanche des dizaines de derechazos comme celui-ci, ils permettent même de couper des oreilles. Mais, devant un public plus exigeant, si l'on veut obtenir un succès indiscutable susceptible de relancer une carrière, cette manière de toréer ne suffit pas.

mercredi 27 mai 2015

Vic : les mystères de Dolores

   Plus je vois de corridas de Dolores Aguirre et plus je trouve cet élevage passionnant. Voilà des toros qui rompent avec le formatage et la prévisibilité installés dans les arènes par l'envahissement du sang domecq.
   Si l'on prend en compte uniquement leur comportement au cheval, les toros du jour peuvent être qualifiés de braves. En témoignent les 17 piques qu'ils ont prises en poussant le plus souvent avec rage et fixité. A noter à nouveau après Aire, l'excellente prestation de Juan Antonio Agudo au second toro de l'après-midi. Agudo est, à ma connaissance, le seul picador capable de piquer dans le morillo.
   Si l'on considère le reste de leur combat, ce serait plutôt le qualificatif de manso qu'il faudrait employer. Ils furent abantos à leur sortie puis, face à la muleta, ils hissèrent le drapeau blanc avec la mobilité galopante de ceux qui cherchent clairement la fuite.
   Ce paradoxe nous conduit à un autre.
   Ils étaient difficiles car leur puissance et leurs courses désordonnées pouvaient être ardues à canaliser.
   Ils étaient faciles car leur fuite n'eut jamais de mauvaises intentions. D'ailleurs, les vieux briscards que sont Rafaelillo et Sanchez Vara passèrent un après-midi confortable, se contentant de les toréer élégamment sur leur voyage naturel, se gardant bien de les contraindre, jusqu'à ce que, inéluctablement, leur mansedumbre  les conduise à refuser le jeu proposé. Pas de triomphe, mais pas d'échec et des risques limités à la gestion des affaires courantes.
   L'attitude d'Alberto Lamelas fut autrement intéressante et révélatrice. A ses deux toros, il se croisa, alla chercher la corne contraire et, malgré un défaut de temple évident, réussit à soumettre leur charge à sa volonté. Et ses deux toros se grandirent, oublièrent les planches et se centrèrent sur la muleta dominatrice que leur proposait le torero. Ils retrouvèrent la bravoure qu'ils avaient exprimée face au cheval.

mardi 26 mai 2015

Un dimanche à Vic


Matin
   6 toros de Valdellan (19 piques, vuelta au 6 Cubano) pour Paulita (applaudissements, silence), Medhi Savalli (silence, silence) et Curro Valencia (une oreille, une oreille avec blessure).
   Vuelta finale de la cuadrilla de César Valencia en compagnie des deux picadors Alberto Sandoval et Ivan Garcia et du mayoral.

Après-midi
   6 toros de José Escolar Gil (13 piques) pour Fernando Robleño (silence, silence), Alberto Aguilar (silence, silence) et Rafael Cerro (silence, silence).


   Deux corridas à la présentation indiscutable aussi bien au niveau des armures que du volume des toros. De beaux et imposants toros comme on veut les voir ici à Vic. En revanche une grande différence entre la matinée, passionnante de bout en bout, et la soirée, qui se traîna dans un ennui profond. Et cette différence nous la devons à la caste, notion pas toujours facile à définir mais dont la journée offrait une belle démonstration pratique de ce qu'elle est et de ce qu'est son absence. Les toros du matin en étaient abondamment pourvus, ceux de l'après-midi en manquaient cruellement. Y mettre des mots : vivacité, énergie, tempérament, agressivité, pouvoir.
   Les toros de Valdellan possédaient toutes ces qualités. De fait, ils poussèrent avec force sous les piques et trois d'entre eux offraient  au troisième tiers de réelles possibilité de succès. Le troisième auquel Cesar Valencia coupa une oreille, le quatrième que Paulita ne toréa jamais et le cinquième à côté duquel passa Medhi Savalli. La matinée se termina en apothéose avec l'imposant Cubano, un magnifique combattant comme on les aime ici. Il enflamme le public dans un tercio de pique d'anthologie malgré quelques ratés du piquero. Il mettra ensuite la cuadrilla en difficulté au deuxième tiers. Puis, sa tête toujours haute, sa puissance, sa mobilité en feront un adversaire redoutable pour le jeune Vénézuélien qui sera pris en tentant de porter l'estocade à toro non fixé.
   Il m'a semblé retrouver chez certains Valdellan la caste des Fraile bayonnais de la grande époque (même origine Graciliano), jusque dans la manière du quatrième de se briser une corne contre le burladero (il fut remplacé par un toro du même fer).

   Malgré leur trapío digne de tous les éloges, les Escolar Gil de l'après-midi ont souffert de la comparaison. Sosería, toros allant a menos, se décomposant. Une perte de caste assez inquiétante pour un élevage qui, il y a peu, chassait sur les terres de Victorino. Aujourd'hui ils ressemblaient davantage à de mauvais buendías qu'à des albaserradas encastés.
   La terna de la tarde, médiocre du début à la fin - on regretta l'absence de Sergio Aguilar - n'aura rien arrangé mais elle n'aurait pu, au mieux, que masquer les carences de fond du lot.


La sortie de Cubano (photo Velonero)

vendredi 22 mai 2015

Notes sur quelques jours passés à Madrid (2)

Le tercio de piques
   Je m'étais imaginé innocemment que le temps des chevaux-forteresses était révolu y compris à Madrid. Il n'en est rien. Le cheval de Madrid est toujours un char d'assaut entouré d'un caparaçon muraille de Chine. Les toros se estrellan consciencieusement deux fois chacun contre eux puis repartent dégoûtés vers d'autres combats. Un toro de 600 kilos réussit à peine à les faire trembloter.
   Même Tito Sandoval aux ordres de Miguel Abellan pique comme un cochon et refuse un cite de loin.
   Le 7, juste derrière, qui monte sur ses grands chevaux dès qu'un toro trébuche ou qu'un torero se trouve un poil décentré, est quasiment aphone lors du tercio de piques.
   Dans de telles conditions, ce sont les toros braves et puissants qui ne peuvent s'exprimer et montrer leurs qualités au premier tiers. A Madrid aussi les corridas sont incomplètes.

mercredi 20 mai 2015

Notes sur quelques jours passés à Madrid

La blessure de Jiménez Fortes
   Jiménez Fortes est venu à Las Ventas a por todas.
   D'entrée sa volonté et ses bonnes manières lui valent la sympathie du public.  Il a coupé une oreille à son premier toro et la puerta grande est à moitié ouverte lorsque sort Droguero, 640 kg, cinqueño, un colorado de Salvador Domecq, le toro le plus lourd de la soirée. Comme ses frères il semble limité en caste et en force et pour cela il est peu châtié en deux piques. Le Malagueño commence sa faena par des doblones peu appuyés par crainte de faire chuter l'animal. Puis, malgré le vent violent il cite au centre de l'arène, de loin, pour des derechazos. Le toro vient avec force et donne des hachazos, il accroche la muleta puis désarme le torero. Celui-ci sent que le triomphe lui échappe et joue son va-tout. Il se plante en los medios, à bonne distance, la muleta dans la main gauche. Mais le vent empêche tout cite précis. Le toro charge, prend le matador, le projette à terre où il lui transperce le cou d'un coup de corne. Jiménez Fortes se relève, porte la main à son cou ensanglanté et court vers l'infirmerie avant d'y être emporté par son valet d'épée et deux peons. La plaza est frappée de stupeur. Sur le ruedo de Las Ventas restent une cape, un lot d'épées et face au tendido 7 Uceda Leal qui estoque Droguero.
   On apprendra plus tard que le pire est évité, mais une fois de plus Jiménez Fortes aura payé au prix fort sa soif de triomphe.

















Puertas gayolas
   Huit puertas gayolas en trois corridas, ça en dit beaucoup sur la détermination des toreros à Madrid mais, pour le public, l'habitude finit par user, par émousser l'émotion.
   C'est au Prado, face aux toiles du Greco, de Zurbaran, de Ribera, que j'ai compris que les hommes qui s'agenouillent sur le sable de Las Ventas sont de la même trempe que les mystiques hallucinés que j'avais sous les yeux.


Parte facultativo de JF, photo Velonero
  
   



mardi 19 mai 2015

Réflexions sur le public de Madrid

   Sans doute faudrait-il parler des publics plutôt que du public tant on rencontre de divergences d'opinion sur les étagères madrilènes. Il est bien loin le temps des broncas féroces et unanimes de la fin des années soixante-dix. Je me souviens en particulier d'une corrida de Pablo Romero au cours de laquelle chaque matador avait entendu une bronca à la mort de chaque toro. Nous étions en 1976 et il est évident que, dans la période politique très incertaine que vivait l'Espagne à ce moment-là - Franco venait juste de mourir et c'était le tout début de la Transition - Las Ventas était un des seuls endroits de la capitale où il était possible de protester en toute impunité. El País venait juste d'être créé et l'on pouvait, au petit matin, se faire arrêter pour le simple fait de l'avoir acheté en bas de chez soi. Dans les années qui ont suivi j'ai toujours trouvé le public vif, nerveux, excessif dans ses rejets aussi bien que dans ses admirations.
   En ce printemps 2015, où je retrouvais les gradins venteños après de nombreuses années de purgatoire, le public m'a semblé beaucoup plus froid et mou qu'auparavant. C'est un public déséquilibré, qui va claudicant, avec une jambe faible, celle des gens désireux de pasarlo bien, et une jambe excessivement réactive et puissante, le tendido 7. Toujours au complet, semblant bien organisé, inébranlable dans ses certitudes, bruyant dans ses manifestations, le tendido 7 est vraiment impressionnant. L'aficionado vivant au pays de Montaigne que je suis a parfois du mal à supporter la rigidité et l'intolérance de ces bataillons braillards. Il faut reconnaître toutefois qu'ils ont souvent raison et que, sans ces gardiens du temple, Madrid aurait tôt fait de devenir une arène comme les autres. Je vois pourtant quelques inconvénients à l'excessive place qu'ils ont acquise par leur comportement. Tout d'abord, en se regroupant en un même lieu et en cristallisant le mécontentement depuis leur tendido ils ont conduit le reste de l'arène à la passivité. Inutile de broncher, le 7 s'en charge. Ensuite la systématisation de leurs protestations finit par banaliser leur action et la rendre vaine. A force de crier au loup... Enfin, et c'est peut-être le plus gênant, je ne pense pas que, si je découvrais la corrida parmi eux, j'aurais envie de devenir aficionado.



lundi 18 mai 2015

Madrid





















Vendredi 15 mai   plaza de toros Monumental de Las Ventas   Madrid.
Soleil, vent violent.
Lleno de no hay billetes.

6 toros de Parladé (cinqueños, 12 piques, ovation aux 4 et 6)  pour Miguel Abellán (une oreille, division d'opinions), Miguel Angel Perera (applaudissements, silence) et Ivan Fandiño (silence, pétition d'oreille).
Salut du banderillero Joselito Gutierrez au 2.

La corrida a été marquée par le vent violent qui a pratiquement empêché tout toreo de cape et a considérablement gêné les matadors durant les faenas de muleta.
Les toros de Parladé, d'excellente présentation, ont fait preuve à des degrés divers de bravoure et de noblesse  mais, sauf le 4, tous ont manqué d'alegria dans les charges et sont allés a menos.
Oreille un peu bénévole pour Miguel Abellán au 1 pour quelques belles naturelles données une à une en se croisant au maximum. Il resta en revanche en dessous du 4, le plus mobile de la soirée. Son échec fut souligné avec cruauté par le tendido 7.
Le vent et la fadeur de ses adversaires ne permirent à Miguel Angel Perera de montrer la douceur et le temple de sa muleta que parcimonieusement.
Après l'échec de son encerrona du début de la temporada, Ivan Fandiño s'est enlevé l'épine du pied grâce à une excellente faena au 6. Pinchazo avec violente cogida qui laisse le matador groggy dans l'émotion générale, puis belle entière qui, elle, laisse le président de marbre malgré la pétition. Le soir, au tablao flamenco La Quimera, la magnifique énergie des artistes faisait écho en moi à l'impression de force retrouvée chez le Basque.




lundi 11 mai 2015

Juin 2015 : Toros en Gironde


CAPTIEUX
dimanche 7 juin 
17h   novillada
El Tajo La Reina
Lilian Ferrani - Louis Husson - Andrés Roca Rey

Rugby y toros, le blog




LA BREDE
samedi 20 juin
11h30  novillada sans picadors
Frères Bats "Alma Serena"
Baptiste Cissé - Tibo Garcia

18h   corrida
Pedres
Curro Diaz - Lopez Simon - Juan Leal

programme

 2015-La-Brede


samedi 2 mai 2015

Novillada-concours d'Aire : une belle réussite

   Pour qu'un concours de ganaderias soit réussi il faut deux conditions:
- que les hommes à pied et à cheval soient prêts à jouer le jeu et qu'ils aient les capacités techniques pour le faire
- que les toros sélectionnés possèdent suffisamment de bravoure pour ne pas rendre l'exercice vain.
   Mais lorsque l'on a en plus un novillo brave et de fort tempérament et un torero d'excellent niveau qui donne deux leçons de bon toreo, il y a de quoi sortir entièrement satisfait d'un spectacle qui constitue toujours un pari.

   Le concours opposait six novillos d'origine santacoloma.

Escribano de José ESCOLAR GIL (ligne Albaserrada) est un cárdeno sans puissance ni fixité en deux piques puis mobile et noble (sur la corne droite) bien que distrait. Applaudissements.

Torrealta de VALDELLAN (ligne Graciliano) sera le novillo de l'après-midi. Negro. 4 piques prises en partant avec un franc galop mais un défaut, celui de ne pas pousser très longtemps, on peut se demander si le fait que le picador retire très vite la pique n'incite pas le novillo à cesser son effort. Au troisième tiers il est vif, codicioso avec une charge franche et soutenue en particulier sur la corne droite. Vuelta al ruedo.

Africanito de FLOR DE JARA (ligne Buendía), cárdeno, peu fait, semble posséder les bonnes qualités de son encaste (bravoure et noblesse) mais sa faiblesse l'empêche de les exprimer.

Quirurgico de RASO DE PORTILLO (encaste Buendía par Dionisio Rodriguez, le romantisme, mais aussi son comportement, voudrait qu'il subsistât en lui quelques gouttes de la vieille race de Castille). Negro, charpenté. Puissant en quatre piques remarquablement citées et données par Juan Antonio Agudo. Il y pousse par à coups, puis au troisième tiers il est mobile et noble mais sort des passes la tête haute. Ovation.

Clarinero de Pablo MAYORAL (ligne Buendía). Cárdeno oscuro, peu armé. 4 piques. C'est un toro que l'on sent en permanence tenté par la fuite; à la muleta il chargera avec noblesse, voire candeur. Applaudissements.

Jabato de COQUILLA de SANCHEZ ARJONA. Noir, haut, bien armé. 2 piques prises avec plus de nerf que de bravoure. Sa charge est brusque et piquante, remarquablement canalisée et modelée par son matador. Ovation.

   Si l'on doit tirer un enseignement de l'ensemble de ces combats c'est la facilité avec laquelle tous les novillos sont allés au cheval - même si aucun n'y a poussé de verdad, ainsi que leur capacité à charger au troisième tiers avec noblesse  et sin rajarse. Un bon point pour l'encaste santacoloma.

   Borja ALVAREZ, basto, hésitant, plein de bonne volonté mais très limité en tout, joua le jeu et réussit quelques droitières méritantes à ses deux novillos.
   Louis HUSSON montra une grande aisance dans le maniement de la cape et fut  souvent remarquable dans les mises en suerte. Excellent tueur aussi, qui s'engage à fond. Sa marge de progression à la muleta est encore très grande. Une oreille du novillo de Valdellán.
   Dès que ROCA REY s'est ouvert de cape on a senti que l'on était dans une autre dimension, celle d'un novillero puesto qui semble déjà prêt à tutoyer les figures sur leur terrain. Sitio, élégance, temple, rythme, tout avait chez lui la saveur des élus. Avec un tel niveau il peut retirer de son répertoire les culerinas par lesquelles il termina ses faenas. Grande estocade et deux oreilles après avoir canalisé et dominé la charge brute du Coquilla. On pourra le revoir en juin à Captieux et pour le 15 août à Roquefort.

      prix au meilleur novillo : Torrealta de Valdellán
      prix au meilleur picador : Juan Antonio Agudo qui piqua le Raso de Portillo