mercredi 8 octobre 2025

José Alameda, historien du toreo

 
   Pepe Alameda, de son vrai nom Carlos Fernández López-Valdemoro (1912-1990), a été à partir des années 40 du siècle précédent un réputé chroniqueur taurin et commentateur de télévision dans un Mexique où la corrida était alors au faîte de sa popularité. Ce Madrilène de naissance était arrivé au pays de Gaona comme réfugié politique après la défaite de la République espagnole.
   Il a à son actif une importante œuvre taurine tant critique ou historique que poétique (voir liste). Longtemps restée marginale car elle allait à contre-courant des idées reçues, cette œuvre rencontre aujourd'hui - notamment depuis que Domingo Delgado de la Cámara a revendiqué son héritage - de plus en plus d'écho au point que les perspectives historiques qu'il a renouvelées sont maintenant largement reconnues. 
 
   L'essentiel de son apport consiste à réévaluer l'importance de toreros comme Joselito, Chicuelo et Manolete dans l'évolution du toreo. On sait que Joselito a longtemps été tenu pour le parangon et quasi dernier représentant du toreo dominateur à l'ancienne. L'avenir de l'art taurin étant incarné en totalité par l'apport de Juan Belmonte. Or il se trouve qu'à la lumière de plusieurs vidéos*, on se rend compte que Joselito  toréait parfois par naturelles suivies en rond, ce qui constitue incontestablement la base du toreo moderne et ce qu'il était le seul à faire au début du siècle. Pepe Alameda est le premier à mettre en évidence cet apport majeur au toreo du XXe siècle (Historia verdadera de la evolución del toreo). Et la filiation toute naturelle jusqu'à nos jours passe par Chicuelo qui parvint à lier avec esthétique plusieurs naturelles en série, puis par Manolete qui systématisa le procédé. Bien sûr cela fut largement facilité par l'évolution du toro de combat vers moins de genio  et de puissance. Évolution  que Guerrita avait commencé à imposer à la fin du XIXe siècle et que les ravages de la guerre civile sur la cabaña brava accentuèrent encore.
   Belmonte de son côté apporta le toreo de près avec une forte charge esthétique et la capacité à ralentir le voyage du toro en se croisant avec lui. Mais sa conception de la faena, dont la base était la passe naturelle systématiquement suivie d'une passe changée, restait traditionnelle. 
   
   Dans son ouvrage Los arquitectos del toreo moderno, Pepe Alameda dit aussi des choses très intéressantes sur le cargar la suerte et sur le temple. C'est sur le concept de charger la suerte qu'il se montre le plus polémique en affirmant que l'expression ne signifie rien de plus qu' "accomplir le second temps de la suerte" lorsque le toro passe au plus près du corps et ce quelle que soit la manière dont on torée. Il récuse ainsi la supériorité du toreo croisé sur la corne contraire avec appui sur la jambe de sortie qu'il voit plutôt comme une manière d'envoyer le toro vers l'extérieur. De même récuse-t-il la supériorité du toreo avec la main avancée qu'il considère comme un avantage que se donne le torero en se masquant à la vue du toro alors que l'attente muleta au niveau du corps laisse au toro le choix de sa proie. De fait, dans son esprit, toutes les formes de toréer se valent si elles sont adaptées aux conditions du toro et permettent de le dominer.
 
   Ce qui est certain c'est que tout ceci constitue de passionnants sujets de réflexion pour l'aficionado sur lesquels L'œil contraire reviendra.


* Toreros para la historia 1 et 2 de Fernando Achucarro (voir ici)
 




       Liste des ouvrages de Pepe Alameda
 
• El toreo, arte católico, Disposición a la muerte   1953
• Los  arquitectos  del  toreo  moderno                  1961
• Los  heterodoxos  del  toreo                                1979
• La pantorilla de Florinda y el origen bélico del toreo   1980 
• Cronica  de  sangre                                              1981
• Seguro  azar  del  toreo  (poésie)                         1984
• Historia verdadera de la evolución del toreo       1985
• El  hilo  del  toreo                                                1989
 
 
Hélas à ce jour aucun d'eux n'a été traduit en français. 
On peut en trouver certains d'occasion, notamment à la librería Rodriguez de Las Ventas.
 
 
  
 
 

vendredi 19 septembre 2025

Croquis de la fête taurine (poèmes 19)

 
Nîmes
 
Sur l'esplanade  ouvert au monde
le bronze de Nimeño
Dans l'amphithéâtre  caressant les vieilles pierres
l'esprit du torero  sa foi
la force de son sourire triste.
 
 
 
Salamanque
 
De l'université aux cathédrales  des cathédrales à la plaza Mayor 
de la plaza Mayor à la plaza de toros
à Salamanque
tout est chemin de paradis ! 
 
 
 
Valence
 
Au cœur du maelstrom de la cité en fête
Un havre de calme 
et de sérénité 
Charme inattendu des arènes de Valence. 
 
 
 
 

 
 
 

mardi 16 septembre 2025

Valladolid

 

 

 

 
Vendredi 12 septembre 2025                               Valladolid 
beau temps
lleno
 
Six toros de Garcigrande (bien présentés, 6 piques) pour Emilio de Justo qui remplaçait Morante de la Puebla (salut, salut), Roca Rey (une oreille, silence) et Marco Perez (une oreille, salut).
 
Une corrida de Morante sans Morante c'est devenu fréquent ces deux dernières années et ça reste toujours frustrant car, on le sait, Morante est irremplaçable. Si cette absence fut la mauvaise surprise du jour, la bonne viendra de la présentation des Garcigrande, un lot sérieux, homogène, correctement armé. La chose est donc possible même avec un cartel cinq étoiles comme celui du jour.
Emilio de Justo se montra solide et dominateur, rien à reprocher à cet honorable remplaçant.
L'évènement de la tarde fut l'impressionnante cogida de Roca Rey lors de la réception à la cape du second toro. Dans les véroniques du Péruvien, le toro fait preuve d'une charge douce qui va en se ralentissant, lors du remate le torero - est-il surpris par tant de lenteur ? - se découvre, il est pris, projeté à terre puis repris à nouveau deux fois violemment au sol. Autre interprétation possible : le toro coupe le terrain, il file directement sur le torero, ce qu'il fera à nouveau face aux péons durant le second tercio. Remis sur pied et malgré des douleurs évidentes, le maestro remet les choses en ordre au troisième tiers : il affirme sa domination par des derechazos poderosos, main très basse. Estocade. Oreille et départ pour l'infirmerie. Il reviendra tuer son second adversaire en dernière position, sans succès face à un animal aux charges brusques.
Marco Pérez a connu une bonne journée. Il a su connecter rapidement avec le public grâce notamment à un jeu de cape original et efficace (quite par navarras er tafalleras). Il donne à son premier une faena complète d'où émergent des redondos courant parfaitement la main mais donnés avec le pico, idem pour les pechos tournants, périphériques et avortés qui portent pourtant sur le public. Final par luquecinas, bonne entière après pinchazo. Oreille (le président n'accorde pas la sienne). Le sixième (sorti en 5) se révèlera invalide total et sera lidié sous la bronca après le refus de changement du président.
Une tarde avec des hauts et des bas mais d'où l'émotion ne fut pas absente. 
 
 

dimanche 14 septembre 2025

Los Santos de la Humosa

 

 

 

 
Jeudi 11 septembre 2025                  Los Santos de la Humosa (Madrid)
très beau temps
lleno de sin billete
 
Un novillo de Santafé Marton pour Roberto Armendariz, deux toros de Domingo Hernandez pour Victor Hernandez (deux oreilles, deux oreilles) et deux novillos de Macandro pour Olga Casado (deux oreilles, deux oreilles et la queue).
 
Les petites arènes de Los Santos de la Humosa sont situées dans un cadre magnifique. À l'ouest la vue plonge vers Madrid et sa banlieue, au nord le village surmonté de son église surplombe la plaza elle-même enserrée dans une colline plantée de pins.
En ce jour de fête, tout le village s'y était donné rendez-vous pour honorer le matador local Victor Hernandez dont le toreo de qualité suscite depuis quelque temps dèjà l'espoir des aficionados. Face à deux toros bien présentés de Domingo Hernandez (noble et mobile l'un, cinqueño manso et rajado l'autre) Victor donna, bien entendu, le meilleur de lui-même, dans le style classique et sincère qui est le sien. Malgré des épées tendidas il eut la chance de voir tomber rapidement ses adversaires ce qui lui permit de couper chaque fois les deux oreilles. La veille à Navalcarnero il n'en fut pas de même et son inefficacité à l'heure de la mort lui avait valu d'entendre des sifflets malgré la qualité de ses faenas. 
La tarde avait débuté sur une fausse note lorsque le second rejon placé par Roberto Armendariz laissa son novillo paralysé du train arrière. Il fallut le puntiller et le cavalier dut rentrer dans sa Navarre Gros-Jean comme devant. 
L'affiche annonçait un spectacle mixte mais sans doute eut-il fallu préciser que la partie novillada se donnerait sur le mode festival. En effet les deux novillos de Macandro prévus pour Olga Casado semblaient plutôt destinés à une course de rejon tant leurs armures étaient réduites. Mais à cheval donné on ne regarde pas les dents ... 
La jeune novillera est incontestablement pétrie de qualités : bonne capeadora, capable de toréer de manière classique mais aussi en utilisant le toreo vertical, zapatillas clavadas en la arena, de surcroît bonne estoqueadora. Le tout avec beaucoup de calme et une retenue pleine de classe. Bien entendu, si elle souhaite continuer sa carrière il faudra que vienne, après le temps des protections, celui de l'affrontement avec des adversaires dignes de ce nom. 

samedi 13 septembre 2025

Laguna de Duero

 

 

 

 
Mardi 9 septembre 2025                            Laguna de Duero (Valladolid) 
beau temps                                                 
faible entrée
 
Six novillos de  Prieto de la Cal (9 piques, mobiles, encastés) pour Mariscal Ruiz (salut, palmas), Pedro Andres (une oreille, une oreille) et Tomas Gonzalez (vuelta, une oreille).
 
Dans les vastes arènes de Laguna de Duero, cité de la banlieue de Valladolid, les novillos de Prieto de la Cal ont permis, grâce à leur mobilité et à leur caste, une novillada entretenue.
Après des sorties hésitantes, tous ont rematé contre les planches, ont fait preuve de bravoure face aux piqueros (sauf le second cherchant dès le début refuge au toril) et se sont révélés durs à la mort. Les 1, 3 et 6, negros, furent les plus nobles. Les 4 et 5, deux magnifiques jaboneros, se montrèrent plus difficiles ; le puissant quatrième, prenant peu à peu l'ascendant sur le torero, m'a rappelé les terribles Prieto de Parentis à la fin des années 80.
De Mariscal Ruiz on retiendra de jolis delantales pour accueillir son premier adversaire, puis deux séries de naturelles de qualité. Lui et sa cuadrilla  se trouvèrent en grande difficulté pour venir à bout du 4, tombé à la limite du troisième avis. 
Je découvrais Pedro Andres ce jour et ce fut une véritable révélation. Il donna au second de magnifiques et profondes véroniques puis fit preuve tout au long de l'après-midi de deux qualités fondamentales dans ce métier : le temple et l'engagement. Cela lui permit de toujours peser sur ses novillos et de les dominer, en particulier le difficile cinquième. Tueur engagé également. Un défaut ? Il n'a pas la planta torera des premiers de l'escalafon.
Tomas Gonzalez, malgré un sorteo particulièrement favorable, ne pesa, lui, jamais sur ses adversaires, se contentant de les faire passer.
A l'issue du spectacle, l'encierro qui clôturait les fêtes patronales de la ville avait attiré dans les rues bien plus de monde que la novillada dans les arènes.
 
 

lundi 8 septembre 2025

Bayonne samedi 30 août 2025 (Thierry Wagniart)

 
Bayonne samedi 30 août 2025. Une grosse demi-arène pour une corrida annoncée la « corrida des promesses ». Les absents ont eu tort. Corrida de Toros y Toreros. Les taureaux d’ Arauz de Robles et les cinq Toreros du jour ont remis l’église au milieu du village. 6 taureaux magnifiquement carrossés, encastés, braves, nobles, cherchant la bagarre pour certains d’entre eux… Attention ! Pour tous les taureaux, il fallait présenter ses papiers en ordre ! Corrida un peu à l’ancienne, dure et noble, pas plus de 25-30 passes, qu’il fallait s’appliquer à lidier correctement. Mis à part le cadeau du jour offert ( gracieusement ?) à Molina, un « morucho de categoría » inintéressant au possible et tellement différent de ses frangins à tous les niveaux, les cinq autres nous ont offert une course soutenue, une vraie corrida de taureaux, le type même de corrida qui booste un peu plus votre Afición a los toros.

Lorsqu’on entend dire qu’il n’y a plus de Toreros…ça me fait doucement marrer.
Hier on a vu cinq bons voir très bons toreros. Des toreros qui n’ont pas beaucoup de contrats, mais qui ont démontré qu’il était temps pour les organisateurs français (et espagnols ) de passer à autre chose, de laisser les figuras et leurs taureaux à trois balles au bord de la route… Le changement ! C’est maintenant ! Oui ! Aussi…
Juan de Castilla de Medellin est hors norme. Il se donne à chaque course, il ne lâche rien. Un cœur et des « huevos » énormes. Hier il a payé le prix fort et est passé au bord de la catastrophe. Cornada très dure… mais de cela on ne s’ est rendu compte qu’une fois que l’épée entière a foudroyé le dénommé « Chinchón ». Grosse oreille que la cuadrilla emmène à l’infirmerie où l’on stabilise le Colombien.
Le Sévillan Rafael Serna a beaucoup plu. « Labrador « est exigeant, il s’emploie bravement au cheval. Le torero s’applique et monte une jolie faena des deux côtés, la muleta est solide. Moins à l’aise avec les aciers, malheureusement pour lui…
Le torero français du jour, Dorian Canton, a réalisé une excellente première partie de lidia. Bien au capote, accompagnant joliment avec des chicuelinas marchés « Especial » au cheval. Début de faena très autoritaire par le bas. Le taureau a du moteur, Le Français le guide remarquablement dans de bonnes séries de derechazos. Les choses se gâtent par la suite, « Especial » est attiré par les planches. Échec avec l’épée. Dommage.
Le torero d’Albacete, José Fernando Molina m’a déçu. « Lotero » était le taureau de la tarde. C’est celui qui a duré le plus longtemps, avec certes, ses exigences, mais c’était un taureau de triomphe. Molina a tenu sa muleta du bout du « palo », toréant sur le passage, superficiel…décevant… Le public a pourtant voté pour lui, et lui a offert le 6ème taureau. Comme quoi la quantité compte plus que la qualité…
Un qui a toréé de verdad, et avec profondeur, c’est Victor Hernandez. Malgré le fait qu’il ait affronté un taureau auquel il manquait beaucoup de choses et un peu d’essence dans le moteur, le torero madrilène nous a offert les passes de la soirée. Deux séries de naturelles, le torero placé de trois quart, les pieds comme soudés au sol, le poignet et la ceinture faisant le reste. Un ami « muy aficionado » l’a comparé sur le coup à José Tomas. Le garçon n’est pas à son coup d’essai, le mundillo et les aficionados surveillant ses faits et gestes. Prometteur.
Alors que l’on attendait le Sévillan Rafael Serna pour le « regalo » de la tarde, le peuple et la présidence de la corrida ont choisi José Fernando Molina. Je pense que le garçon ne s’attendait pas affronter ce taureau…qui était un cadeau empoisonné ( voir plus haut ). De plus , il lui mettra un méchant coup de tronche de bagarreur alors qu’il lui portait le descabello…direction infirmerie !
Les trois toreros valides traversent la Plaza sous une belle ovation. Merci à eux, au ganadero et aux organisateurs de cette course unique qui commence à prendre sa place dans le calendrier taurin français.
Une corrida avec des valeurs, comme on aimerait en voir plus souvent.

Thierry Wagniart

 


 

 

mercredi 3 septembre 2025

Un été maudit ou la non chronique de Christian


L'annonce de la défection de Morante à San Sebastian de los Reyes me fait définitivement renoncer à une chronique de mon été taurin en Espagne.

Pourquoi ? Parce qu'il n'y a tout simplement pas grand-chose à raconter.

Qu'on en juge : Cenicientos ? Circulez il n'y a ( quasi) rien eu à voir!

Piedralaves et Almorox ? Douleurs au dos et canicule de dingue ont brisé toutes velléités d'aficion.

Casavieja ? Annulé par un promoteur nébuleux.

San Sebastian ? Le cigarrero traine encore la patte jusqu'au 3 septembre. Et je fais pas 200 bornes pour José Maria Manzanares qui n'a plus une goutte de jus dans le poireau!!!! Tant pis pour mes 35 balles d'achat en ligne.

Reste Arenas de San Pedro ce dimanche : il y a Julio Mendez ...mais il y a aussi El Fandi et du rejon et ça fait beaucoup d'idioties à se fader pour le seul petit jeune valable du cartel.

Bref, quand ça veut pas.....

Il y en aura d'autres, tant d'autres.

Christian

 


                                            photo : Patricia de Melo Moreira