Mercredi pour la première corrida, la tarde débute par une Marseillaise incongrue. Cette multiplication d'hymnes nationaux (c'est la même chose en Espagne) me semble surtout témoigner de pays qui cherchent à se rassurer sur leur existence. Le chant guerrier est suivi d'une étonnante séance d'arrosage, sans doute pour laver le sang impur.
Les toros étaient annoncés du Puerto de San Lorenzo mais seuls les deux premiers sont de ce fer et donc d'encaste Atanasio - Lisardo, les autres sont des domecqs de la Ventana del Puerto des mêmes propiétaires. Pourquoi pas ? mais encore eut-il fallu que l'affiche le précisât, sans quoi on peut parler de tromperie. Que dirait-on, par exemple si l'on remplaçait un torero artiste du niveau de Morante par un sin sabor comme Alejandro Talavante alors que Pablo Aguado ou Juan Ortega, autres artistes incomparables, ne toréent pas ce jour ?
Pour être assidu aux corridas de La Brède, modeste arène portative, je peux affirmer que les toros y sont en général bien mieux présentés que ceux lidiés ce jour au Plumaçon, arène de première catégorie, faut-il le préciser. Cherchez l'erreur !
Tous de format très réduit, rondouillards (acochinados), irréguliers d'armure, et ce manque de physique en parfaite concordance avec un manque de fond qui les rendait fades et ennuyeux, même si certains ont pris les piques honorablement.
Pas de chance, l'accablant Madrilène touche les deux seuls bichos à peu près potables, notamment le premier, un toro en sucre candy, sans doute un des rares de la camade San Lorenzo à ne pas s'enfuir à la vue des leurres.
Daniel Luque, habituellement capable de transformer le plomb en or, n'a pu cette fois passer la rampe devant ses deux ectoplasmes.
Quant à Dorian Canton, pétri de qualités, il va falloir qu'il se penche sérieusement sur sa manière de tuer.
Jeudi, la deuxième corrida pour vedettes n'a pas vraiment relevé le niveau de la première, c'est le moins qu'on puisse dire. Ces courses constituent un pensum pour l'aficionado et une déception pour le grand public. Le lot de Victoriano del Rio était clairement un lot de rebut : des cinqueños sans trapío et, pour certains, aux cornes douteuses. En clair, les invendables de la saison dernière ... On espère qu'au moins ils n'auront pas coûté cher aux organisateurs.
Le cinquième fut le seul à sortir du lot. Il se montra actif sur la première pique, vint facilement mais n'insista pas sous la seconde puis fit l'avion sur les deux cornes au troisième tiers, avec cependant une charge manquant de chispa. Gines Marin composa une bonne faena, templée, complète, portant sur le public. On pourra toutefois lui reprocher un placement souvent fuera de cacho. Oreille après pinchazo et estoconazo et premier succès de la feria.
Sébastien Castella débuta par une longue suite de véroniques très ajustées, puis, face à des adversaires d'une grande fadeur, il dut user du toreo de proximité, qu'il maîtrise parfaitement, pour intéresser le public. Le Biterrois semble en ce moment en grande délicatesse avec la rapière.
Yon Lamothe, présent dans les quites, montra de la verdeur et de l'insécurité, chose normale pour un matador qui torée sa première corrida de l'année. L'épreuve était d'importance et le sorteo ne lui fut pas favorable, en particulier avec le sixième, un manso comme la ganaderia en produit de plus en plus, qui aurait mis en difficulté de plus expérimentés que lui.
Comme hier, bronca finale aux organisateurs.
Vendredi, c'est la corrida concours et l'on pense en avoir fini avec la médiocrité des corridas commerciales des jours précédents. Mais la mayonnaise n'a pas pris, le public n'était pas prêt à accepter l'énorme disparité de trapío et de comportement entre les toros. Deux toracos impressionnants ( Saltillo, Yonnet). Deux petits (Peñajara, Flor de Jara), une partie du public s'acharne contre le Peñajara, bien fait mais minuscule, le climat est malsain. Auparavant les cornes en pinceau du Dolores Aguirre avaient déjà mis le feu aux poudres. A ce stade, la concours est déjà morte et enterrée. Pour comble de malchance, le magnifique Yonnet qui termine la course se révèle invalide total.
Nonobstant, il y eut un grand moment, à vrai dire impertinent dans une corrida concours : une grande faena devant un toro de troisième tiers. Morenito de Aranda a donné des muletazos sublimes à Capuchero de Flor de Jara qui portait au bout de ses cornes toutes les qualités de plusieurs générations de l'encaste buendia santacoloma. Ce fut un moment de précieuse beauté.
Autre moment d'une émotion toute différente parce que relevant davantage du tremendisme, mais toute aussi taurine, lorsque Alberto Lamelas donne au toraco de Yonnet quatre largas de rodilla successives dont la première a porta gayola, manquant de peu chaque fois de se faire décapiter. Cet homme est fou ! Non, il est torero...
1 commentaire:
Foutue Marseillaise, comme vous je ne sais pas quel sens ce chant guerrier vient donner à une ouverture de corrida.
Quel dommage l'estampe de chez Yonnet!
Morenito fut superbe, mais j'étais un peu frustré de voir cette faena en corrida concours car le toro de Flor de Jara n'avait rien d'un toro de concours.
Beñat
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