Passer de 6 toros de Victorino, ganado à la personnalité accusée, à 12 NUNEZ del CUVILLO n'est pas évident pour l'aficionado. Il ne faut pas revoir ses critères à la baisse, mais on sait pourtant que l'intérêt viendra avant tout des toreros et de l'ambiance de la Maestranza.
Leur présentation est bonne et régulière. Tous sont bien armés, astifinos (seul le premier de Castella aura une corne abîmée). Les poids s'échelonnent de 535 kg à 589 kg. Les plus beaux me paraissent être les noirs, très nettement minoritaires (4 sur 12).
Leur comportement à la pique est inquiétant. Non qu'ils la refusent mais ils en ressortent sonnés, comme s'ils avaient reçu un uppercut, même lorsque celle-ci n'est qu'un simple picotazo (ce qui correspond à la majorité des cas). Seul Aguaclara, premier toro du Juli permet un bon tercio : une chute à la première, puis une bonne pique par le réserve. Il garda ensuite une charge vive qui permit une competencia au quite entre Roca Rey et Juli, puis il ira a menos au cours de la faena.
Au troisième tiers leur comportement est varié. La noblesse domine. Anodine et réduite par la faiblesse (1, 4, 10), pastueña (2), avec plus de vivacité (5, 7, 8). Toutefois plusieurs ont des charges peu claires, compliquées ou incertaines (3,6,11,12).
En résumé, sur 12 toros présentés aucun toro complet, une prédominance de la faiblesse et de l'anodin. Et, si, malgré tout, les deux courses ont toujours été intéressantes, c'est dans l'attitude des toreros qu'il faut en trouver la cause.
Sebastien CASTELLA (silence, silence) : R. A. S., actuation anodine à l'image de ses deux toros.
José María MANZANARES (une oreille, une oreille) : N'ayant jamais eu l'occasion d'abuser de Manzarinade j'ai trouvé le José María de ce jour bon. Sitio, douceur, empaque. Il cita ses deux toros de loin évitant ainsi d'étouffer leur charge et sut s'adapter à leur comportement (pastueño mais faible l'un, mobile et vif l'autre). Deux bons volapiés pour terminer. Bien sûr, il n'est pas interdit de penser qu'il avait touché un lot de porte du Prince.
José GARRIDO (salut, silence) : L'Extremeño se montra remarquablement tenace devant un lot âpre qui le mit souvent en difficulté. Cela lui valut la sympathie du public ... et un passage à l'infirmerie après une grosse cogida à la mort de son premier adversaire. A noter un joli quite par chicuelina au 2.
Morante de la PUEBLA (silence, deux oreilles) : Malgré les fractures du passé, malgré les trois prestations précédentes inabouties, voire médiocres, personne dans mon entourage du tendido 9 n'aurait songé à reprocher quoi que ce soit au torero de La Puebla : c'est que Morante est un artiste et ici on aime ça plus que tout. Même si certaines sont accrochées, ses premières véroniques sont somptueuses et la place rugit de bonheur. Il en sera de même lors du début de la faena. Mais le maestro trouve sans doute le toro un peu vif, il prend ses distances, ne se croise plus. Autour de moi, tout le monde se calme, plus question de soutenir le torero s'il ne torée pas de verdad, on attendra le prochain...
Dudosito, le dixième Cuvillo est précisément le huitième et dernier adversaire de Morante pour la feria. C'est un toro terciado, parfaitement inodore, incolore et sans saveur, et lorsque le maestro s'avance vers lui, la muleta pliée pour le cartouche de pescado, je n'y crois pas le moins du monde. Et pourtant le miracle va s'accomplir. Sacré Morante! Naturalité, temple, douceur, sincérité absolue. Et lorsque José Antonio se laisse accrocher la muleta, la reprend et donne, en toute spontanéité, une demi-véronique, quasi chicuelina, qui le libère de l'étreinte du toro, c'est une explosion atomique qui secoue la Maestranza. Pas un de mes voisins de tendido qui ne frise à ce moment l'apoplexie. Estocade en se mouillant les doigts et deux oreilles. Je ne peux m'empêcher de penser que le génie de Morante est bien grand pour avoir été capable de tirer tant d'effet de si peu de chose que ce toro.
EL JULI (salut, salut) : Le Madrilène aussi bénéficie de l'appui des tendidos. Il se montre sincère, paie comptant, au point de se faire renverser par son second adversaire qui le blesse (le maestro se rendra à pied à l'infirmerie après l'avoir tué et avoir salué). Mais il est vraiment en difficulté à l'épée : un très laid julipié lui fait perdre l'oreille de son premier et, sa blessure l'empêchant de sauter, il ne se défait de son second qu'à la troisième tentative perdant une autre possibilité de trophée.
ROCA REY (une oreille, salut) : Le Péruvien fait preuve de mucho aguante et alterne toreo classique et templé, et virtuosité moderne (dont il a tendance à abuser).
Ainsi se termine mon passage (heureux) par Séville.
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