mercredi 16 août 2023

Psychose

 

 
   Ce fut une longue soirée : trois heures de combat entre des toros et des hommes. Où l'on fut pris en permanence entre deux émotions : la tension et l'intérêt suscités par une lutte sans merci qui constitue le fondement de la corrida, la tristesse, voire le dégoût devant le mauvais vouloir ou l'incapacité de certains des acteurs bipèdes.
   Par son réel danger, le premier novillo donna le ton de la course. Un animal puissant, astifino, manso refusant les piques puis se réfugiant au toril et surtout, sautant à la gorge de qui l'approchait, et ce dès la première passe de cape. La panique des gens à pied ne fit qu'aggraver le problème mais elle était justifiée et compréhensible en raison de la dangerosité extrême de la bête. Dès lors un climat de psychose s'instaura qui transforma les plus médiocres des acteurs (et il y en avait beaucoup en ce dimanche 13 août sur le sable de Roquefort) en marionnettes totalement inhibées et incapables du moindre geste taurin.
   Le problème c'est qu'il restait cinq Yonnet à tuer. Tous magnifiques, puissants, braves ou mansos con casta, mais dont aucun ne possédait le caractère assassin du premier. Un lot de grand intérêt qui en d'autres circonstances et avec d'autres lidias aurait pu se révéler meilleur encore. 
   Difficile moment pour les corridas toristes, trop souvent condamnées a être lidiées par des incompétents par le fait que les meilleurs toreros (y compris dans le rang des novilleros) refusent de les affronter.
   Il faut toutefois mettre à l'honneur ceux qui ont, ce jour, accompli leur tâche avec dignité. En premier lieu José Antonio Valencia. Le Vénézuélien, d'une grande vaillance, parvint à construire deux faenas qui rencontrèrent de l'écho dans le public. La belle mort du sixième par une estocade delantera d'effet fulgurant, le toro chargeant le maestro dans un dernier élan de caste et mourant à ses pieds, lui permit de couper une oreille et de terminer la soirée dans une alegria qu'elle n'avait jusqu'alors jamais connue. Mathieu Guillon "El Monteño" en deux belles paires de banderilles (salut) montra le grand professionnel qu'il était. Enfin les piqueros accomplirent leur office plutôt correctement en 15 dures rencontres.
   Cette inconfortable après-midi de toros rappela aux vieux habitués de la Monumental des pins d'autres tardes du même acabit, fréquentes dans les années 80 et 90. On se souvient en particulier de la terrible novillada d'Infante da Camara qui, en 1983, avait créé chez les porteurs de coleta un mouvement de panique identique à celui de ce jour. Où bien les Barcial de 1996 dont le premier avait envoyé Francisco José Porras à l'hôpital, créant le même état de psychose que ce jour.
   Des après-midis d'émotion pour rappeler que la tauromachie c'est aussi cela.
 
Roquefort, dimanche 13 août 2023, six novillos de Yonnet, imposants, pour Diego Peseiro (à la dérive), José Rojo (tueur calamiteux) et José Antonio Valencia (valiente). 




photos : Laurent Bernède
  

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