dimanche 27 août 2023

Retour à Bilbao

 

    Me revoici à Bilbao pour deux jours, ma dernière venue ici, en 2019, avait été marqué par l'énorme triomphe de Paco Ureña. Beaucoup d'eau a coulé sous le pont de l'Arenal depuis. Il y a eu du bon : la rénovation des arènes par la nouvelle empresa (Chopera/Bailleres) et beaucoup de mauvais : deux années d'interruption par peur d'un virus, une accentuation de la baisse de fréquentation (catastrophique les jours sans figures), et dernier avatar, l'hostilité de la municipalité (PNV) qui a refusé cette année la participation aux festejos taurins de la Banda Municipal de musique et ne mentionne plus les corridas dans le programme des fêtes. En contrepartie, l'empresa a pris l'initiative de financer une campagne de publicité dans la ville. Initiative heureuse qui se doit d'être portée à son crédit. Les rues et le tramway sont pavoisés, nul à Bilbao ne peut ignorer qu'on y donne des corridas et je dois dire que c'est une belle satisfaction pour l'aficionado de se promener dans une ville au milieu de magnifiques photos de toros et portraits de toreros. Il est nécessaire aujourd'hui d'affirmer notre culture dans son histoire et sa tradition mais aussi dans sa réalité contemporaine. Sans complexes ! À Bilbao, c'est en s'appuyant sur l'existence des Corridas Generales que l'Aste Nagusia (Semana Grande) a vu le jour et aujourd'hui la corrida reste le spectacle des fêtes capable de réunir le plus grand nombre de spectateurs payants. 

   La petite demi arène de ce jeudi montre toutefois qu'il reste du chemin à parcourir. Il faut dire que la température extrême (44° à l'ombre) n'a pas incité les non possesseurs de billet à se déplacer. Sans compter que le prix des places aux tendidos de sombra est lui aussi extrême : de 194 € la barrera à 73 € la file 19. Un calcul sommaire permet de se rendre compte que pour simplement 1000 places vendues l'empresa empoche largement plus de 100 000 € ! Je n'ai rien contre le fait de faire payer les riches (et il y en a beaucoup dans une ville comme Bilbao) mais les gens ne sont pas non plus des gogos, ce qui explique que, alors que les tendidos ont du mal à se remplir, la galerie ombre (la partie la plus haute de l'arène) où les places sont à 16.50 €, est toujours copieusement garnie. 
   Ayant estimé que voir lidier une corrida de Juan Pedro Domecq ne méritait pas de frais excessifs c'est là que je me trouvais. On y perd incontestablement en émotion si le combat est rude, beaucoup moins si le travail est artistique et l'endroit est parfait pour juger du placement des toreros. À ce sujet, j'ai noté l'effort de sincérité de Manzanares à son premier toro avant qu'il ne retombe dans le néant taurin à son second. En tout état de cause ses deux domecqs furent sous-employés. Mais lorsque à la fin de la corrida, devant les arènes, José Maria a passé un très long moment à se faire photographier et à signer des autographes, j'ai compris qu'il était, à cet instant précis, en train d'accomplir ce pourquoi les organisateurs l'avaient embauché.
   J'attendais si peu des JPD que je ne les ai pas trouvés si mauvais que ça. Excellemment présentés (Bilbao oblige), ils sont allés au cheval avec facilité et quatre d'entre eux n'ont pas par la suite offert de grandes facilités aux toreros. C'est sans doute ce qui leur sera reproché, tant aujourd'hui, aussi bien parmi la majorité des critiques que parmi les aficionados des plus grandes arènes espagnoles, un toro n'est pas bon s'il ne met pas la tête au raz du sol en faisant l'avion. C'est devenu quasiment le seul critère d'excellence. 
   Les deux qui ont offert des facilités échurent entre les mains d'Alejandro Talavante qui sut en profiter. L'Extremeño semble être dans un moment heureux. Détendu, souriant, faisant preuve d'un répertoire varié, tueur sûr, il se montra torero tout au long de la soirée, coupa trois oreilles et sortit a hombros de Vista Alegre. Mais il faut relativiser ce triomphe car le sixième domecq, d'excellente bravoure et noblesse était aussi le plus faible de l'envoi et il ne permit pas au maestro de donner la faena profonde que les aficionados attendaient et qu'il semblait en capacité de donner.
   Morante connut une journée noire. Rien à son premier toro : bronca. Dès sa sortie le second le serre, Morante se précipite vers la barrière, la franchit difficilement, aidé par le toro et retombe violemment sur le ciment de la contrepiste. On craint le pire mais le maestro se relève. Il tentera malgré tout de donner faena à ce toro avisé lorsque, des gradins, fuse une insulte. Le maestro de la Puebla va aussitôt chercher l'épée de verdad  et, sous la bronca, en finit avec le toro sans autre forme de procès. Le public de Bilbao n'a jamais brillé par sa subtilité ni par ses compétences, de ce point de vue les temps ne changent pas.

(à suivre)


7 commentaires:

christian a dit…

Au vu des jauges,une nouvelle fois,catastrophiques de bilbao cette année je prends de suite les paris: encore un jour de moins l'an prochain.

velonero a dit…

Oui , ce serait assez logique.

RAFAEL a dit…

Malheureusement, d'ici 4 à 5 années, il ne restera plus que 4 journées de toros à Bilbao. Du jeudi au Dimanche...dans le meilleur des cas.

Diano a dit…

Il y a encore 10-12 ans, les cartels de jeudi et samedi auraient fait "no hay billetes"; je pense que l'aficion se perd en Espagne à la fois pour des raisons politiques mais aussi à cause du système qui nous sert toujours la même soupe dans un état d'esprit clanique malsain.
Il y a aussi beaucoup moins de français qu'auparavant, pour la raison que je viens d'évoquer.
Je suis allé le vendredi à la course des Zalduendo...Une véritable catastrophe!! C'est la meilleure façon de donner raison aux absents.

Beñat

christian a dit…

De retour d'espagne et apres y avoir bien observé le jeune non pas intermittent mais espagnol,le constat est sans appel:90% des jeunes n'en ont définitivement rien à cirer de la corrida.
J'en ai interrogé quelques uns.ce qui ressort : ringard,fasciste,cruel,pour les vieux et par dessous tout vive le real et le fc barcelone !!!
Tout n'est pourtant pas cuit: remettre des toros sauvages et des toreros avec de l'envie et de l'orgueil alors l'intérêt reviendra...peut etre.

velonero a dit…

D'où viennent alors toutes ces vocations de toreros ? Les ennemis de la fiesta disaient que la corrida disparaitrait le jour où tout le monde mangerait à sa faim en Espagne car il n'y aurait plus de toreros. Tout faux !

christian a dit…

Voilà un des points cruciaux du débat!!!
Je butes sans cesse devant ce mystère : l'heure n'est pas à l'optimisme pour le mundillo, plus personne en Espagne ne creve de faim et pourtant et pourtant : qu'est ce qui pousse des hommes à aller se mettre devant des toros?
Il y a un truc qui a à voir avec la mort et les samouraïs mais je n'arrive pas à mettre en ordre le puzzle.
Ne vous génez pas pour m'éclairer.