jeudi 26 juillet 2018

Ma madeleine 2018 (2)


Vendredi : corrida de La Quinta

    Aujourd'hui l'élément de base, celui qui fait qu'une corrida va être bonne, était bien présent sur le sable du Plumaçon avec le très bon lot de toros de La Quinta. Un lot de santacolomas comme on les aime : pleins de caste, avec de la mobilité et de la noblesse mais ne pardonnant pas l'erreur, allant a mas malgré (ou grâce à) un physique qui, conformément aux canons de l'encaste, n'avait rien d'excessif. Au cheval généralement braves en 13 rencontres.
   Le premier donna le ton de la corrida. Parfaitement mis en suerte par Juan Bautista il s'élança deux fois vers le piquero avec l'alegria des bons La Quinta; il est parfaitement piqué par Alberto Sandoval. La question de la troisième pique se pose mais le toro a déjà fléchi une fois et fléchira à nouveau lors du quite par chicuelina d'Emilio de Justo. Tout le monde le pense faible et le tercio s'arrête là. Il est en réalité un authentique brave qui va aller terriblement a mas durant tout le troisième tiers au point de mettre en difficulté le maestro arlésien sur les deux cornes.
   Après un tercio de pique gâché par la maladresse du piquero, le second fera preuve d'une noblesse pastueña qui autorisera à de Justo une faena templée et desmayada. Ce sera le toro le plus conciliant de la soirée.
   Le troisième sera piqué trois fois ce qui ne l'empêche pas de se montrer vif et exigeant au dernier tiers.
   Le quatrième fera des choses de manso face au lancier mais il est encasté et va a mas par la suite.
   Point besoin de bon cinquième aujourd'hui, de fait, soso et tirant vers les planches, il sera le moins intéressant de la corrida.
   Le dernier, enfin, fait preuve d'une charge soutenue pleine de caste et de codicia qui met Thomas Dufau en difficulté.
   Avec le sorteo le plus favorable, Emilio de Justo a su obtenir un triomphe qui fera date. Grande faena au second avec un temple jamais pris en défaut, une douceur parfaitement adaptée à la charge du toro et un empaque qui porta sur les gradins. Faena classique, sans un geste superflu, terminée, en guise d'adorno, par des naturelles de face. Deux oreilles indiscutables après une entière un poil desprendida. Il sut retenir le cinquième dans sa muleta et coupa une nouvelle oreille.
   Face au même élevage, Juan Bautista avait connu, ici même, l'an dernier, un triomphe historique. La tarde de cette année fut plus difficile. Face à deux toros très encastés qui le poussaient en permanence dans les cordes, il dut faire appel à toutes ses ressources morales et technique pour ne pas prendre un mauvais coup, et finir vainqueur, aux points, de l'affrontement. En témoigna à chaque conclusion, la mise en scène parfaitement maitrisée qui lui permit, seul en piste, de porter le dernier coup fatal de descabello (applaudissements, une oreille).
   Thomas Dufau n'a pas connu, lui non plus, la même réussite que l'an dernier. Il parvint pourtant  à donner lors de ses deux débuts de faenas  de bonnes séries de derechazos bien liés et rythmés mais il perdit peu à peu le contrôle des opérations en particulier lorsqu'il prit la main gauche (silence, applaudissements).
   Au bilan, une corrida passionnante.

Samedi : Armagnac

   A une quinzaine de kilomètres des flonflons de la Madeleine, à Saintjustin très précisément, dans le Bas-Armagnac, il est une petite ferme landaise à l'ombre de chênes centenaires qui abrite des trésors d' Armagnac. Louis Dupuy le maitre des lieux est mort il y a quelques années déjà mais ses héritiers perpétuent la tradition d'un Armagnac d'artisan. La dégustation des années 1986, 1985, 1983 montre à quel point chaque millésime a sa personnalité. Je repars avec un flacon de 1986 pour 66 €, le prix d'une très bonne place pour la corrida de cet après-midi à Mont de Marsan, à laquelle je n'irai pas. Il faut savoir faire des choix.

Dimanche : corrida de Dolores Aguirre

   La corrida de dimanche a été ce que l'on appelle aujourd'hui une corrida toriste, une vraie : des toros au trapío impressionnant, issus d'un encaste devenu rare, d'un comportement non calibré, face à trois matadors qui ne sont pas des figures. Ce fut une corrida intéressante durant laquelle on ne s'ennuya jamais. Ni les amateurs du genre, ni, je crois, le grand public. Ce ne fut pas toutefois une grande corrida car les toros de Dolores Aguirre manquèrent par trop de bravoure dans leur combat pour donner à l'après-midi la tonalité d'une funcion inoubliable.
   Le lot était de quatre et deux. D'abord quatre toros impressionnants par leur volume, par la sensation de puissance qui émanait de leur physique. Mais c'était des toros mansos : sorties de bœufs paisibles, fuites diverses, charges retenues, avec toutefois de la ténacité et du poder sous le fer et la possibilité pour les toreros, avec du courage et de la technique, de les faire consentir à charger la muleta. Les deux derniers, plus légers, avacados (le dernier protesté pour, en outre, des embouts abimés) m'ont fait penser aux Atanasio Fernandez que l'on voyait régulièrement dans les années soixante-dix et face auxquels les figures de l'époque triomphaient régulièrement (rappelons nous la queue de Palomo Linares à Madrid et les triomphes dacquois de Paquirri). Contrairement aux quatre premiers, ils firent preuve de mobilité dès leur sortie du toril et la conservèrent par la suite.
   Paradoxalement, pour qu'une corrida toriste soit réussie, il faut de bons toreros. Et il y en eut en ce dimanche de clôture de la feria montoise.
   Octavio Chacon est en train de s'affirmer comme l'homme indispensable pour ce type de corrida. Il toréa à la perfection son premier adversaire par des derechazos templés, profonds et dominateurs. Hélas, il est moins à son aise épée en main, ce qui lui fit perdre l'oreille (chaude vuelta néanmoins), recevant en prime, en donnant l'estocade, un mauvais coup de corne à la main gauche qui l'obligea à se rendre à l'infirmerie puis à quitter le ruedo après la mort du quatrième.
   Pepe Moral est desservi du point de vue esthétique par sa grande taille. Il domina le cinquième par des séries de naturelles distanciadas mais templées et coupa une oreille après une entière tendida.
   On sait que le courage ne manque pas à Juan Leal. Je l'ai trouvé en net progrès muleta en main, capable maintenant de toréer classiquement sur les deux mains avant de passer à son péché mignon que constituent ses prévisibles redondos inversés (culerinas). Il est en revanche un tueur calamiteux ce qui lui fit perdre l'oreille de chacun de ses toros.

    Ainsi se termina une feria qui ne fut ni bonne ni mauvaise, durant laquelle l'empresa fit des économies de bouts de chandelles en ne distribuant pas les feuilles annonçant toros et cuadrilla, et pour laquelle on pourra regretter une présentation des lots de toros sans homogénéité et en dessous de ce que l'on peut attendre d'une arène de première catégorie.


2 commentaires:

Frédéric a dit…

C'est vrai qu'entre une bonne bouteille d'Armagnac et un mano à mano opposant Ponce à Castella sur des toros ( ?) de Nunez del Cuvillo, il n' y a pas photo. J'aurai fait exactement le même choix que toi.

Laurent B. a dit…

Bonjour je n'ai pas fait ce choix là, strictement mais j'aurais du...

Hormis la passionnante course de La Quinta (supérieure à celle de l'an passé) et l’intéressante mais très compliquée course de Dolores, avec surtout une lidia parfaite de Chacon au 1, le reste fut une cata...c'est à dire les 3 courses de Domecq, elles n'ont eu strictement aucun intérêt, sans parler de la formule mano a mano mais tu sais ce que j'en pense !

Au 19 août à la Monumental...