dimanche 21 mai 2017

Vu à Las Ventas (suite)

Mercredi 17 mai : El Fandi et les quatre paires de banderilles
   Lorsque El Fandi est au cartel, l'aficionado ne va pas à la plaza pour voir de sa part d'exquises faenas. On le sait, en revanche, banderillero spectaculaire et, à Madrid comme ailleurs, on attend de lui des deuxièmes tiers brillants.
   A son premier Fuente Ymbro, après deux poses réussies, le Granadino manque sa troisième paire. Il demande alors au président l'autorisation d'en planter une quatrième, ce que lui refuse celui-ci. Le maestro réitère sa demande, nouveau refus ostensible de l'autorité. La plaza est en ébullition, partagée entre ceux qui veulent du spectacle et appuient le matador banderillero et ceux qui, par soumission de principe à l'autorité, soutiennent la présidence. El Fandi, non sans avoir eu, m'a-t-il semblé, un moment d'hésitation, finit par se plier à la décision présidentielle.
   Mais l'homme a plus d'un tour dans son sac. Hortelano, son second adversaire, est le meilleur toro de la soirée. La première paire est plantée à cornes passées, la deuxième est un sesgo por dentro risqué. El Fandi prend alors deux paires de banderilles à la fois, fait une vague mimique vers la présidence et plante la troisième paire al violin puis dans la continuité de la charge du toro la quatième al cuarteo. Ovation de Las Ventas, matador radieux et président que l'on imagine marri.
   NB1 : L'actuel règlement précise que l'on placera "pas moins de deux ni plus de trois paires de banderilles". Le président avait donc réglementairement la possibilité de refuser bien que la tradition veuille que les matadors banderilleros puissent exceptionnellement demander de poser une quatrième paire, même si le changement de tiers a eu lieu. Tout dépend également de l'interprétation que l'on fait du terme utilisé dans le règlement espagnol ("colocar") qui semble impliquer que les banderilles restent accrochées au toro, c'est d'ailleurs en ce sens qu'on l'entend lorsque le président exige la continuation du tercio tant que quatre banderilles ne sont pas accrochées (ce qui arrivera le lendemain au cinquième toro).
   NB2 : Je voudrais rassurer les partisans de l'ordre taurin qui me lisent. L'autorité présidentielle aura finalement le dernier mot car, après une faena purement fandilesque (c'est à dire commencée et terminée à genoux et fort peu esthétique mais bien menée) face à un toro qui répète ses charges avec alegria, suivie d' une entière desprendida, le président refusera l'oreille au torero malgré une pétition nourrie qu'il jugea sans doute non majoritaire.

Jeudi 18 mai : Petit toro ou grand bœuf
   Lorsque le préposé à l'affichage s'avança vers le centre du ruedo avec la pancarte annonçant le troisième toro de Parladé, une rafale de vent fit s'envoler les chiffres qui annonçaient son poids. 4, 8, 7 dispersés sur le sable de Las Ventas. Le vent, avant le public, avait rendu son verdict. Même bien fait, le torito n'était pas digne de combattre dans la première arène du monde. On le protesta dans tous les secteurs des étagères mais il resta en piste. J'ai peut-être l'esprit mal placé mais je ne peux m'empêcher de voir dans ce toro une tentative de la nouvelle empresa pour introduire à Madrid le medio-toro cher à son cœur. Il se trouve que Lustroso n'était ni brave ni solide et que sa lidia résulta décevante mais eût-il été un bon toro et son maestro eût-il coupé une oreille, une brèche aurait été ouverte.
   Ce même jour sortit en remplacement d'un Parladé renvoyé pour faiblesse de pattes un grand bœuf violent de l'élevage El Montecillo. Un bœuf dangereux! Dès la première passe de cape il mit Ivan Fandiño en difficulté. Le tercio de pique ne fut que coups de têtes, reculades et sauts pour atteindre le picador. La pose des banderilles, un calvaire pour la cuadrilla. En choisissant d'abdiquer sans chercher à lutter, Ivan Fandiño a sans doute perdu l'occasion de retrouver les faveurs du public madrilène. On ne lui demandait pas une faena moderne, impossible face à une telle alimaña  mais je garde le souvenir de la prestation remarquable de courage et de dominio d'Antonio Barrera à Vic devant un animal du même acabit.
   Entre petits toros anodins et grands bœufs, Madrid, ce jour ressemblait plus à une plaza de talenquère qu'à la plus importante arène de la planète taurine.



photo Antonio Heredia (El Mundo)

2 commentaires:

el chulo a dit…

merci velonero pour tes commentaires toujours éclairés et toujours respectueux de tous. je te lis toujours avec bonheur!

velonero a dit…

Merci Chulo d'être un lecteur aussi assidu et bienveillant.