samedi 19 juin 2010

Hemingway, un grand aficionado (2)

Bien que paru en 1932, Death in the afternoon (Mort dans l'après-midi, 1938 en France) reste aujourd'hui encore un des meilleurs livre d'initiation à la corrida. D'abord parce que Ernest Hemingway, en à peine une dizaine d'années et malgré une fréquentation forcément irrégulière du monde taurin, a réussi à connaître et à comprendre la tauromachie aussi parfaitement que les meilleurs aficionados espagnols. Ensuite, parce qu'on s'aperçoit, à la relecture du livre, que la corrida a très peu changé entre le début des années 30 et notre époque. Conséquence de la révolution belmontine, la faena de muleta est déjà devenue le moment le plus important du combat; le tercio de pique pose de nombreux problèmes (le peto introduit en 1928 est la dernière innovation d'importance); certains éleveurs - ceux de Salamanque, à cette époque - se sont lancés dans l'élevage de toros destinés à faciliter le triomphe des vedettes; on n'indulte pas mais on coupe oreilles, queues et même pattes à foison. Une différence : la mort des toreros. Fleming n'a pas encore sa statue devant les arènes de Madrid, c'est l'époque où la mort frappe le plus durement, en particulier les modestes (cf Nomenclature en hommage ... ).
En outre Hemingway a pleinement conscience des enjeux liés à l'évolution de la tauromachie ... mais laissons lui la parole, voici quelques extraits de son livre :


"La corrida est une institution espagnole. Elle existe, non pas pour les étrangers et les touristes, mais en dépit d'eux. Chaque modification qu'on y fait pour obtenir leur approbation, qu'on n'aura jamais, est un pas vers la suppression complète." (chapitre 1 )

"Tout le mal, dans la technique moderne de la course de taureaux, est qu'on l'a rendue trop parfaite. Elle se pratique si près du taureau, si lentement et avec une telle absence de défense ou de mouvement de la part du matador, qu'elle ne peut s'exécuter qu'avec un taureau à peu près fait sur mesure." ( chapitre 14 )

"Après avoir été aux courses de taureaux pendant un certain temps, après avoir vu ce qu'elles peuvent être, si elles finissent par signifier quelque chose pour vous, alors, tôt ou tard, vous êtes forcé de prendre une position définie à leur égard. Ou bien vous tenez pour les vrais taureaux, les toreros achevés, et vous espérez que de bons toreros se formeront, qui sauront combattre, comme sait faire, par exemple, Marcial Lalanda, ou qu'un grand torero se montrera, qui puisse se permettre de briser les règles comme fit Belmonte; ou bien vous acceptez la fiesta dans son état actuel, vous connaissez les toreros, vous comprenez leur point de vue; il y a toujours, dans la vie, de bonnes et valables excuses pour toutes les chutes; et vous vous mettez à la place du torero, vous portez au compte du taureau leurs désastres, et vous attendez le taureau qu'ils veulent avoir. Dès que vous faites cela, vous devenez aussi coupables que tous ceux qui vivent de la course de taureaux et la ruinent, et vous êtes plus coupable encore parce que vous payez pour aider à cette ruine." (chapitre 14 )

"Vous devez, comme spectateur, montrer que vous appréciez le travail bon et valable, même réduit à l'essentiel et sans éclat. Vous devez apprécier le travail bien fait et la mise à mort correcte d'un taureau avec lequel il était impossible de faire un exploit brillant." ( chapitre 14 )

à suivre...



En 1931 Heminway aux arènes de Pampelune avec son fils John et sa femme Pauline (publié par Fernando Hualde, Hemingway cien años y una huella)

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