Le 20 juin dernier, dans les arènes d'Alicante, Alejandro Esplá, qui venait de prendre l'alternative, a coupé la coleta de son père Luis Francisco. En guise d'hommage, après 35 années de torería du maestro alicantino, cet extrait d'une reseña de Claude Pelletier parue dans le numéro 1256 de la revue "Toros" qui rend compte de son grand triomphe pamplonais du 9 juillet 1985 et constitue aussi une belle analyse de son toreo :
Allegro brillantissimo !
Luis Francisco ESPLA est un prodigieux metteur en scène du spectacle taurin. Et un interprète ahurissant. Ce garçon a des trouvailles fabuleuses. Dix fois ce soir, le Levantin s'est lancé dans une aventure technique particulière : audace de répertoire à la cape, prouesses de terrains aux banderilles, gageures de distances au recibir. On a parfois douté : « Cette fois, il se "plante". Il va trop loin ! » Dix fois le magicien a réussi son tour avec une aisance, une maîtrise qui confondent. Façon d'être et conception de l'acte à l'ancienne, toreo de défis tenus et de bravades assumées... et l'on songe aux coplas d'autrefois, du temps de la « Maricastaña » :
En el café de Chinitas
dijo Montes a su hermano :
Este toro ha de morir
antes de las cuatro y média...
Y era Paquiro en la calle
un torero de cartel !
Quel immense professionnel ! Et quel succès gigantesque ! J'ignore si Esplá est un artiste, mais je le sais grand virtuose. On peut douter de son génie, mais j'affirme qu'il a un talent fou. Et pourquoi faudrait-il primer toujours l'application laborieuse, quand la souveraine aisance a de si belles séductions ? Laissons-nous donc aller...
On a vu des « orticinas », des faroles inversés golden-twenties, une « roblesina » coruscante, des mises en suerte -en manière de « galleo » virevoltant, un recorte définitif, sur la hanche, toile rassemblée, presque le « capote al brazo » du pauvre Reverte ou du Gallo, l'ancien. Le tout parfum de rose ancienne, cartel de toros haute époque !
Aux banderilles, et pour jargonner moderne, une indescriptible maîtrise des relations spatio-temporelles ! Indescriptible, donc ne décrivons pas. A la muleta, simplement agréable, fleuri, enlevé. Puis il cadre parfaitement... recule à quinze pas, avance jusqu'à la distance d'attaque, le toro « s'arranque » seul de six, sept mètres, Esplá se bloque et pose un pinchazo recibiendo invraisemblable ! Et comme personne n'a compris, il récidive, même technique, pour une demi-épée parfaitement lagartijera. Effet fulminant, muleta lancée pile sur la dépouille et Pamplona déclenche le cataclysme !
Deux oreilles, la queue exigée par le public (hum !... et la gauche ?), mouchoir bleu normal et sollicité par Esplá pour « Campesino », un « burraco » de rêve, chaud et noble, de José Luis Osborne.
Photo Juan Pelegrin, reportage complet (et magnifique, comme toujours) de la despedida du maestro sur son site Blog (de fotos) de Manon.
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