mercredi 21 janvier 2009

Nomenclature en hommage aux victimes du toreo de André Lopez Lorente

L'objet de ce livret est de recenser toutes les victimes du toreo entre 1771 et 1999, un travail de bénédictin réalisé par André Lopez, l'archiviste de "La Muleta" fameuse société taurine arlésienne fondée en 1906 . Au delà de la brutalité des faits, c'est un hommage qu'a voulu rendre l'auteur à tous ces toreros, la plupart modestes, en les tirant de l'anonymat dans lequel le temps les avait plongés.
L'auteur a ainsi relevé le nom de
184 novilleros
149 banderilleros
73 picadors
58 matadors
8 rejoneadors
3 puntilleros
soit 475 victimes
parmi lesquelles 15 ont péri en France.

A la lecture de ces chiffres, il est frappant de constater à quel point les toreros les plus modestes - les apprentis (novilleros) et les prolétaires (banderilleros)- constituent de très loin les principales victimes de la fiesta.


Les trois ganaderias qui ont causé le plus de décès sont
Miura 8
Veragua 8
Anastasio Martin 7

Pas de surprise concernant les deux premières étant donné leur réputation de difficulté et de puissance.
Moins connu, l'élevage d'Anastasio Martin est d'origine Vistahermosa (dérivation Joaquin Giraldez). Bien que très discret, il existe toujours sous l'appellation Dolores Rufino Martin. Il couvre actuellement des nuñez.



J'ai essayé pour ma part, sur la base des statistiques d'André Lopez, de rechercher la période qui, au cours des deux siècles passés, a été la plus meurtrière. Pour cela, j'ai comptabilisé le nombre total de victimes par décennie. Voici les résultats :

1770 : 2
1780 : 2
1790 : 4

1800 : 4
1810 : 6
1820 : 4
1830 : 4
1840 : 13
1850 : 12 
1860 : 13 
1870 : 9 
1880 : 28 
1890 : 44 
 
1900 : 46 
1910 : 62 
1920 : 62 
1930 : 46 
1940 : 34 
1950 : 36 
1960 : 20 
1970 : 9 
1980 : 8 
1990 : 7


Bien sûr, ces chiffres n'ont pas de caractère scientifique. Ils sont sûrement incomplets pour ce qui concerne les XVIIIème et XIXème siècles et il faudrait, pour être vraiment précis, corréler le nombre de tués avec le nombre de spectacles donnés.

Malgré tout, un certain nombre de constatations peuvent être faites. La période la plus meurtrière s'étend des années 1890 aux années 1950, avec pour chaque décennie plus de 30 victimes. A l'intérieur de cette période, ce sont les années 1910, 1920, 1930 qui sont les plus meurtrières avec une soixantaine de décès chaque fois (46 pour les années 30, mais si l'on tient compte de la baisse considérable du nombre de corridas lors de la guerre civile espagnole, la proportion de victimes est la même qu'au cours des deux décennies précédentes).
Il serait intéressant de rechercher les causes de la brusque augmentation du nombre de morts à partir des années 1880. En effet, on passe d'une dizaine de tués au cours des décennies 1840 à 1870 à trois fois plus au cours des années 1880. Plusieurs hypothèses sont envisageables : statistiques incomplètes, augmentation du nombre de spectacles, prise de risque plus grande des toreros, plus grande dangerosité des toros combattus.
En revanche, la diminution du nombre des issues fatales s'explique facilement à la fin du XXème siècle par les progrès exceptionnels de la médecine et de la chirurgie.

Et, puisqu'on parle beaucoup, ces derniers temps, de piques et de picadors, j'ai pensé qu'il serait intéressant de comptabiliser le nombre de picadors tués. J'ai placé entre parenthèse le pourcentage que cela représente par rapport au nombre total de victimes pour chaque décennie.


1770 : 1 (50%)
1780 : 0 (0%)
1790 : 2 (50%)
1800 : 1 (25%)
1810 : 5 (83%)
1820 : 1 (25%)
1830 : 4 (100%)
1840 : 3 (23%)
1850 : 3 (25%)
1860 : 5 (38%)
1870 : 4 (44%)
1880 : 9 (32%)
1890 : 7 (16%)

1900 : 5 (11%) 
1910 : 6 (10%)  
1920 : 8 (13%) 
1930 : 2 (4%)
1940 : 3 (8%)  
1950 : 1 (3%) 
1960 : 1 (5%) 
1970 : 0 (0%) 
1980 : 0 (0%) 
1990 : 2 (28%)


Il me semble que, pour les picadors, on observe trois périodes différentes.
Jusqu'à la décennie 1880 (comprise), le pourcentage de picadors tués est important par rapport au nombre total de victimes : 40% en moyenne avec une pointe à 100% dans la décennie 1830. Ils constituent les principales victimes de la fiesta.
Entre 1890 et 1920 le nombre de picadors tués reste important mais le pourcentage est considérablement réduit : 12% en moyenne.
Enfin à partir des années 1930 la baisse du nombre de victimes est très significative, conséquence évidente de la généralisation du peto à partir de 1928.



Goya La mort du picador 1794

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très intéressante statistique. On peut effectivement s'interroger sur les variations des chiffres, par ex. concernant les picadors - l'usage du peto a dû sauver beaucoup de cavaliers de la mort- et concernant les différences très importantes des accidents mortels pour les toreros à pied à partir des années 1880, augmentation très probablement dûe à la hausse significative du nombre des corridas.
VChapeau pour ce travail d'investigation

Anonyme a dit…

Quel boulot et quelle hécatombe et dire qu'il y a des gens qui fustigent la corrida !!!!
il est à remarquer si je me trompe pas que ce sont "les sans grades" qui ont subi le plus....la malchance frappe toujours les memes!!!!!!!!!