Film de Ladislao Vajda avec Domingo Ortega, Antonio Bienvenida et Enrique Vera 1956
Trois toreros s'affrontent dans les arènes de Madrid. La vieille gloire (Domingo Ortega), le torero de moda (Antonio Bienvenida) et le jeune espoir (Enrique Vera). L'enjeu de la corrida est non seulement la suprématie dans l'arène mais aussi la capacité à exercer son pouvoir sur les femmes. Le récit se déroule quasiment dans le temps réel de la corrida. L'habileté du réalisateur consiste à alterner avec brio les scènes taurines (une vraie corrida à Las Ventas), les scènes de public, les enjeux sentimentaux et les scènes d'infirmerie. A l'exception des gitaneries, le film constitue un répertoire assez complet des lieux communs attachés à la corrida, depuis les superstitions et bondieuseries diverses jusqu'à l'espontaneo au destin tragique en passant par la mauvaise foi du public. Les deux touristes françaises qui voient leur première corrida sont particulièrement savoureuses. Elles sont croquées avec une cruauté non exempte de réalisme. Domingo Ortega est tout à fait convaincant dans le rôle du vieux maestro plein de dignité. Très belle la scène dans laquelle il ne ramasse pas, lors de son tour de piste triomphal, le bouquet que lui a lancé son odieuse femme.
Pour l'aficionado d'aujourd'hui, l'intérêt principal du film réside, bien sûr, dans son aspect documentaire, car on y voit une bonne partie de la lidia de trois toros d'Antonio Perez de San Fernando par les trois matadors précités. En effet, contrairement à beaucoup de films sur la corrida, les scènes taurines ne sont pas des reconstitutions tournées artificiellement. Il s'agit ici d'une corrida donnée à Las Ventas le 15 juillet 1955. Ce sera la dernière parution de Domingo Ortega en costume de lumières. Le film est donc un précieux document sur la tauromachie d'il y a un demi-siècle.
Le bétail d'Antonio Perez a un physique des plus réduits. Visiblement il s'agit de novillos, de plus les armures sont peu développées. Certains font preuve de faiblesse de pattes mais ils attaquent les picadors - qui piquent dans le dos - avec codicia, au point de provoquer des chutes. Il faut dire que les chevaux de l'époque ne ressemblent pas aux forteresses actuelles. Les novillotes sont loin d'être des foudres de guerre mais, à la muleta, leur tête mobile ou leur vivacité pose des problèmes aux toreros. A cette époque les toros, à leur entrée en piste, sont arrêtés par les péons que l'on voit parfois toréer à une main.
Domingo Ortega, vêtu d'un magnifique costume ivoire et or, m'a paru d'une grande élégance. Il exécute un magnifique quite par orteguinas, suerte de son invention. Antonio Bienvenida joue la carte d'une tauromachie fleurie et un peu superficielle. Enrique Vera est le seul qui s'essaie avec une certaine réussite au toreo fondamental. Il donne une belle série de naturelle à son second adversaire.
Le film nous permet également de pénétrer dans des lieux habituellement inaccessibles comme la chapelle des toreros ou l'infirmerie. Mais peut-être que tout cela n'est, en fin de compte, que du cinéma.
On peut trouver le film en Espagne dans la série 100 años de oro del ciné español.
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