lundi 29 mars 2021

1961 : La dernière temporada des arènes de Bordeaux-Bouscat

  

 
   Le récent livre d'Antoine Briscadieu, Bordeaux capitale tauromachique, publié par l' UBTF, constitue une bonne occasion de se pencher sur la dernière temporada des arènes du Bouscat.
   En 1961, la plaza de toros de Bordeaux-Bouscat est en activité depuis très exactement quarante ans. Elle a en effet été inaugurée le 8 mai 1921 avec la lidia de toros de Graciliano Perez Tabernero par les espadas Luis Freg et Saleri II. On en célèbrera donc le centenaire dans quelques semaines. Avec ses 10 500 places, l'arène bordelaise est, avec celle de Bayonne, la plus importante du Sud-Ouest. Emile Lataste, empresa des anciennes arènes de la Benatte démolies en 1918, en est le concepteur et le propriétaire. Une trop lourde charge pour un homme seul ...
   Agé, il n'organise plus lui-même les corridas depuis un certain temps déjà. En 1961 c'est Rafael Garcia associé avec l'empresa de Madrid qui dirige les arènes.



Jeudi 11 mai 1961     corrida de la Presse
Six toros de Carlos Nuñez pour Antonio Ordoñez, Manolo Vázquez et Jaime Ostos
 
   Beau succès populaire pour cette première corrida de la saison vu ainsi par Don Claro dans la revue Toros : "La nouvelle empresa avait mis plusieurs et solides atouts dans son jeu pour l'ouverture de la Temporada Bordelaise aux arènes du Bouscat. - Présentation d'un excellent cartel composé d'hommes classés et d'une ganaderia réputée pour sa noblesse donc très prisée par les toreros. - Choix d'un jour férié en semaine, ce qui à Bordeaux, exclut les départs massifs du public local vers les plages proches lors des Weekends. - Enfin le patronage et le concours efficace de la Presse et de la Radio.
   Ainsi, cette corrida de la PRESSE a connu un inhabituel et réconfortant succès d'affluence pour l'Aficion Bordelaise.
   Si l'on ajoute à cela un temps très ensoleillé on comprendra pourquoi les gradins furent à peu près totalement garnis d'une foule bruyante et colorée qui malheureusement ne manifesta pas toujours à bon escient au cours du spectacle."
  Conformément à la tradition de sérieux de l'arène bordelaise, les Carlos Nuñez sont bien présentés, avec des armures bien développées. Ils se révèlent durs et âpres avec une tendance à se réserver après le tercio de piques. Le quatrième est un manso intégral qui, après neuf rencontres avec ruades et une pique plus appuyée, devient dangereux.
   Antonio Ordoñez torée avec classe et parvient à donner au manso "quatre magistrales naturelles aussi valeureuses qu'inattendues" (Don Claro). Mais selon son habitude, il tue bas. (Division d'opinion, salut).
   Manolo Vázquez est peu vu en France où sa nonchalance est peu prisée. Ce jour, il donne la mesure de son art à son premier mais tue sans s'engager et fait couper par sa cuadrilla une oreille non attribuée par la présidence.
   Jaime Ostos connait une journée noire  et entend sifflets et bronca.
   La tarde n'a pas été un franc succès mais elle a permis de montrer qu'un bon cartel pouvait remplir les vastes arènes de Bordeaux. L'avenir semble radieux ...
 

 

Dimanche 4 juin 1961
Six novillos de Francisco Ramirez pour Tomas Sanchez Jimenez, Alfredo Sanchez et Orteguita.
 
  "Expérience  concluante", titre Don Claro dans Toros, "Malgré un temps gris et menaçant toute la matinée, quelques brèves mais fortes ondées en début d'après-midi qui ont certainement retenu chez eux pas mal de spectateurs, cette course s'est déroulée devant des rangées confortablement garnies.
   Assistance populaire et moins sévère qu'à l'habitude mais toute heureuse sembla-t-il de renouer avec la novillada et les avantages pécuniers qu'elle offre".
   De fait la novillada résulta entretenida. En premier lieu grâce aux novillos de Francisco Ramirez (origine Atanasio), fougueux, vifs, encastés. Quant aux novilleros, avec leurs limites, ils donnèrent le meilleur d'eux-mêmes. Tomas Sanchez Jimenez est encore très vert mais c'est un banderillero spectaculaire (oreille, vuelta). 
   Alfredo Sanchez excelle lui-aussi dans la pose des banderilles. A la muleta il n'hésite pas à toréer de la main gauche et donne des naturelles de bonne qualité. Une entière foudroyante à son premier (oreille), une demi-estocade habile à son second (deux oreilles). "Sans être un artiste, Alfredo Sanchez possède un bagage et un entrain qui lui permettront de remporter d'autres succès".
   Orteguita, relevant de blessure et moins bien servi, fait preuve de chic et d'intelligence mais il s'engage moins que ses camarades (vuelta, silence).



Dimanche 18 juin      corrida de l'Oreille d'or
Six toros d'Alvaro Domecq pour Antonio Ordoñez, Diego Puerta et Paco Camino.
 
   La buena racha continue. L'excellent cartel proposé par les organisateurs a rempli les tendidos d'un public qui s'améliore. "Depuis quelque temps, le clinquant cède le pas devant le TOREO sincère et classique et de plus en plus le public réagit judicieusement et spontanément devant le travail de valeur", note Don Claro dans Toros. Il faut dire qu'un cartel de ce niveau ne peut que tirer le public vers le haut.
   "Le déroulement de la course fut toujours intéressant, passionnant parfois et émotionnant en raison de l'âpreté de certains combats.
   Et puis les trois diestros étaient décidés ce qui donna à la course une empreinte sérieuse.
   La plupart des toros de Don Alvaro Domecq se sont vraiment battus et il n'était pas question de fignoler ou de composer la figure. Il fallait s'arrimer".
   Le grand triomphateur de la corrida fut Antonio Ordoñez. Face à Rabioso, quatrième toro de l'après-midi, brave et noble, honoré d'un tour de piste, il se montre sous son meilleur jour, ses naturelles sont admirables. "Trasteo d'une grande pureté, d'un classicisme parfait qui incita la foule à réclamer les deux oreilles et la queue". Antonio Ordoñez sera donc le dernier vainqueur de l'Oreille d'or.
   Diego Puerta, payant toujours comptant, coupe l'oreille du second mais il éprouvera des difficultés à dominer ses adversaires.
   Paco Camino se trouve dans un moment délicat de sa carrière. Physiquement et moralement il a du mal à porter sur ses épaules de tout jeune homme le poids de son statut de figure. Depuis le début de la temporada il alterne les triomphes d'anthologie avec les journées de fracaso et de renoncement. Ce jour il rassure les aficionados à son premier adversaire auquel il coupe une oreille après une bonne faena mais échoue avec le dernier.
   A l'issue de cette corrida pleinement satisfaisante et qui s'inscrivait dans une temporada sérieuse, portée par un public nombreux et un solide noyau d'aficionados, on pouvait penser que les toros à Bordeaux étaient sur le point de connaitre une nouvelle jeunesse.
   Hélas ! le fatal 9 juillet va tout remettre en question.


               suite et fin prochainement ...


2 commentaires:

Frédéric a dit…

Voici un bien intéressant article nous faisant regretter la disparition de la tauromachie sur Bordeaux.
Devenu depuis l'accident, un ensemble immobilier, je n'ai malheureusement pas connu ces arènes du Bouscat, bien que résident à moins de 3 kms de son emplacement. Par contre, le cartel Ordonez, Puerta, Camino, cité ici, constitua deux années plus tard mon tout premier rendez-vous avec les toros dans le cadre des anciennes arènes de San Sebastian.
Pendant un temps, Floirac reprit la tradition taurine Bordelaise avec plus ou moins de réussite selon les années, mais cette plaza portative, si décriée par beaucoup, eut néanmoins l'immense mérite d'exister et de permettre aux aficionados de pouvoir se retrouver deux fois par an.
Reverrons nous un jour des toros sur la métropole Bordelaise ? Rien n'est moins sur, hélas. La Brède risque de rester longtemps comme la plaza en activité la plus au nord du monde.

christian a dit…

J'ai cherché une explication à ce mystérieux accident et j'ai trouvé.
Ainsi que des photos.
Waow.ca plaisantait pas.
Comment dit on ? Plaza de resposabilita !
Bonjour pierre ,bonjour frédéric.