lundi 20 juillet 2020

Fêtes de Mont-de-Marsan 1963 : une Madeleine très ordinaire




   La temporada taurine connait une timide reprise mais elle est encore quasiment à l'arrêt  dans notre Sud-Ouest où il semblerait que l'épidémie a fait davantage de ravages dans les esprits que dans les corps. Continuons donc à nous pencher sur le passé en nous aidant de notre collection de la revue Toros.
   1963 c'est l'année de la grande finale bordelaise. Celle opposant les deux clubs landais et gagnée, après un match accidenté, par les Montois des frères Boniface au détriment des Dacquois des frères Albaladéjo. Durant la semaine qui précéda, une effervescence extraordinaire régna dans toutes les villes et tous les villages du département. Les enfants, nous avions décoré nos bicyclettes aux couleurs de notre équipe favorite et nous nous exhibions fièrement à travers les chemins et les rues du village. Toutes les pensées, toutes les conversations étaient tournées vers le grand jour. Il semblait que plus rien d'autre n'existait. Paradoxalement je ne me souviens ni du match, ni de ce qui est advenu après. La fièvre de l'avant est souvent le moment le plus marquant d'un évènement trop attendu, les aficionados le savent bien.
   A cette époque, les fêtes de la Madeleine comportaient immuablement trois corridas, les dimanche, lundi et mardi. Il en sera ainsi entre 1959 et 1981. Comme aujourd'hui, on y voyait, les meilleurs matadors face aux élevages les plus réputés ... pour des résultats souvent aléatoires ... comme aujourd'hui.

Dimanche 21 juillet
Six toros de Fermin Bohorquez (faibles) pour Pedres (silence, une oreille), Paco Camino (une oreille, sifflets) et El Viti (silence, silence).
   La grosse déception de la journée vint des toros de Fermin BOHORQUEZ. Ils étaient pourtant attendus avec espoir par les aficionados montois à la suite du grand triomphe de l'élevage lors de la San Isidro madrilène. Mais ceux du jour, pourtant bien faits, montrèrent peu de bravoure en 13 piques et la plupart furent handicapés par leur manque de force. Le plus brave du lot était le cinquième, il fut pourtant à l'origine d'un charivari, comme on les aime, de temps en temps, au Plumaçon. Voici ce qu'écrit Claude Popelin dans Toros n°725 : " Bien armés, la conservation de leurs cornes laissait cependant à redire (sic).  Le très brave cinquième abandonna sa corne droite, antérieurement ébranlée, dans le caparaçon dès sa première rencontre avec le picador et suscita ainsi un beau scandale qui se prolongea tout au long de sa lidia.
   Il serait vraiment temps que la municipalité, si zélée à maintenir la belle tradition de ses Fêtes, si désireuse d'égaler sur le plan des taureaux le triomphe de l'équipe montoise de rugby, se penchât efficacement sur le problème et prît à cœur d'assumer ses propres responsabilités."
   PEDRES qui, avec sa nouvelle manière, plus classique, de toréer, a été le grand triomphateur de la feria d'Avril à Séville, a laissé une très bonne impression et coupera une oreille méritée au quatrième.
    Une belle faena de Paco CAMINO au second lui vaudra également une oreille mais il eut le tort de ne pas abréger avec le cinquième déjà mentionné, ce qui lui valut l'hostilité du public.
   EL VITI n'eut pas une bonne après-midi et laissa le public indifférent.

Lundi 22 juillet
Six toros de Juan Pedro Domecq (encastés) pour Curro Romero (division d'opinions, bronca), Paco Camino (une oreille, une oreille) et El Caracol (vuelta, sifflets).
   Cette seconde après-midi souffrit certainement de l'absence de Jaime Ostos (très grièvement blessé à Tarazona de Aragon - on lui administra même l'extrême onction - la semaine précédente) remplacé par Curro Romero et de Diego Puerta (blessé également) remplacé par El Caracol. Mais elle connut un grand moment avec le combat du second toro de Juan Pedro DOMECQ. "L'animal, terciado, portait le n° 53 et se nommait Puntero. Ce Puntero fit deux ou trois fautes bénignes sur les capes, mais une fois bien fixé par Camino il fut bravissime sous la pique, poussant dur à la première, revenant de lui même pour prendre la seconde (compliquée de chute). A la troisième rencontre, il repoussa le groupe sur plusieurs mètres jusqu'à la barrière et, continuant sa poussée, le ramena au tercio où, rechargeant, il essuya encore un quatrième, puis un cinquième coups de pique. Le sang ruisselait jusqu'au sabot jusqu'à former sur le flanc gauche comme une écharpe, et Puntero fonçait toujours au moindre appel avec un entrain magnifique qui ne décrut pas pendant la faena de muleta." (Paco Tolosa, Toros)
   Paco CAMINO dut puiser dans ses ressources, qui, on le sait sont grandes, pour parvenir, en fin de faena, à dominer Puntero. Il tua mal et coupa une seule oreille. Celle coupée à son second adversaire fut, en revanche, sans signification.
   Malgré quelques moments d'élégance, Curro ROMERO fut dominé par la caste des domecqs, en particulier par le brave premier.
   Quant à EL CARACOL, jeune matador gitan d'Alicante, s'il fit parfois illusion, il fut lui aussi mis en échec par la caste des andalous.
   Heureux temps que celui où les pupilles de Juan Pedro Domecq étaient des toros chargés de dynamite. Le ganadero va s'évertuer à éliminer cette caste et il n'y réussira que trop bien, à tel point qu'il était déjà rare dans les années 70 de voir sortir des Juan Pedro Domecq aussi encastés que ceux combattus ce 22 juillet 1963. Et mieux vaut ne pas parler de leurs descendants actuels ...
   En revanche leur présentation laissa grandement à désirer. Les trois premiers avaient l'allure de novillos et leurs pitones manquait d'aigu.

Mardi 23 juillet
Six toros du Marquis de Domecq (jeunes et faibles) pour César Giron (vuelta, sifflets), Mondeño (une oreille, vuelta) et El Cordobés (une oreille et deux oreilles et la queue).
   Cette troisième et dernière corrida des fêtes de la Madeleine a connu un final triomphal avec les deux oreilles et la queue coupées par EL CORDOBES à l'ultime toro de la feria. " Le sixième est plus léger, se révèle fuyard sur la cape et sous la première pique, acceptée en ruant. Manuel le fixe avec habileté. Le bicho s'améliore au cours de trois autres rencontres. El Cordobés signe un trasteo intéressant, avec le souci de toréer, de garder la bête et réussit des séquences impavides, en courant la main comme aux plus beaux jours; ente autres, notons un redondo à double tour reprenant la bête après arrêt à trois reprises. Quoique brève, la faena emballa le public. Plongeant sur le garrot, Manuel porte une entière, mis entre les cornes, est projeté au sol où il reste immobile. Émotion générale et quite collectif. Relevé, la culotte déchirée, le torero voit le toro s'effondrer. C'est du délire sur les gradins debout. Les deux oreilles et la queue sont accordées." (Georges Lestié, Toros)
   Rappelons que Manuel Benitez vient de prendre l'alternative à la feria de Cordoue. Il a déjà gagné des sommes importantes lors de ses campagnes précédentes de novillero et beaucoup pensent que le passage au stade de matador de toros mettra fin à ce qu'ils considèrent comme une hérésie et une supercherie ...
   César GIRON qui remplace le jeune Palmeño retenu en Espagne par le service militaire, connaitra une journée contrastée. Il donne au premier, mal tué, une belle faena classique qui lui vaut un tour de piste mais il ne fait aucun effort avec le beau cinquième ce qui déclenche la colère des gradins.
   Décidé, calme et sincère, MONDEÑO donnera une prestation satisfaisante. Son style est toujours sec et étriqué mais il s'appliqua dans la lidia et eut le souci d'allonger le bras plus que de coutume.
   Les toros du Marquis de DOMECQ paraissent jeunes, ils pèchent par leur faiblesse ce qui obligera à abréger les piques et à écourter le deuxième tercio. Ils sont assez bien armés ... mais avec certaines pointes un peu abîmées.


   Malgré ses deux points forts - la lidia de Puntero de Juan Pedro Domecq par Camino et le triomphe final d'El Cordobés - cette feria a été bien ordinaire. Elle a connu beaucoup de déceptions, en particulier avec le comportement des toros de Bohorquez et le manque d'investissement de beaucoup de matadors pour qui notre pays fait trop souvent figure de délices de Capoue. Le public montois, qui n'hésite pas à montrer son mécontentement, s'est faché à plusieurs reprises. Ordinaire, elle l'a été aussi dans le sens où l'on y a vu ce que l'on voit trop souvent en France, années après années, arènes après arènes : des toros jeunes et suspects d'être afeités. Au début de la temporada 63 Arles avait pourtant réussi à construire une feria sérieuse avec des toros limpios et d'âge réglementaire mais les autres grandes arènes françaises ne sont pas parvenues à imposer cette ligne. Ce sera pour l'aficion de notre pays un combat de longue haleine parsemé de hauts et de bas, de victoires et de défaites ... et qui dure encore. Dans les années qui vont suivre, ce combat connaitra quelques succès avec l'adoption de la proposition française du marquage de l'année de naissance des toros ainsi que la création de l'Union des Villes Taurine de France.




 
   
   

1 commentaire:

Frédéric. a dit…

Il est vraiment regrettable que les organisateurs Français soient si frileux. Lorsque l'on voit les deux toros d'Adolfo Martin, sortis en quatrième et cinquième position à Avila et qui étaient prévus initialement pour la Madeleine 2020, nos regrets ne peuvent être qu'avivés. Nous aurions sûrement eu une course passionnante.

Il y avait pourtant des possibilités d'organiser quelque chose en septembre/octobre.

Dommage, vraiment dommage.