samedi 28 octobre 2017

Victorino après Victorino

   Le dimanche 12 septembre, quelques mois après la "corrida du siècle", dans les arènes de Dax, Ruiz Miguel et Nimeño II, en mano a mano, coupaient six oreilles à des toros de Victorino Martin fort peu piqués et dont au moins quatre d'entre eux offraient leurs oreilles à qui voulait les prendre. Ce lot aurait fait le régal de toutes les figures de l'époque. Je me souviens parfaitement être sorti des arènes avec un sentiment de malaise et  beaucoup de questions en tête tant la corrida réelle avait été différente de la corrida attendue. Cette course ne donnait-elle pas un avant goût de ce que pourraient devenir les victorinos dans le futur? Avec le recul, je me dis aujourd'hui que le malin Victorino savait , dès cette époque, ce qu'il possédait dans ses cercados. Il savait qu'il avait des toros terriblement puissants et dangereux mais qu'il avait aussi des toros d'une infinie noblesse. Et il ne s'était pas trompé en envoyant ces toros-là à Dax.
   Au cours des années qui suivirent, la ganaderia ne chercha pas à donner à ce filon une importance trop grande. Au contraire, elle devint une icône des ganaderias toristes, préférant asseoir son succès sur la présentation et la dureté de ses toros.
   Et, de fait, aujourd'hui encore, affronter les toros de Victorino Martin reste considéré pour un matador comme la marque d'une valeur plus grande et, si l'on est une figure, comme un geste. Pourtant, depuis quelque temps, les aficionados ont perçu une évolution des victorinos vers plus de douceur. Les grands tercios de pique sont de plus en plus rares, les traditionnelles alimañas - si elles existent toujours - sont elles aussi moins fréquentes. Certains lots, celui de Bilbao par exemple cette année, font preuve d'une faiblesse de patte inhabituelle dans l'élevage. Enfin des lots entiers se montrent d'une grande noblesse - celui de Logroño en septembre dernier par exemple. Je ne sais s'il faut y voir la marque de Victorino Martin fils qui, en raison de l'âge avancé de son père, a sans doute depuis quelques années déjà, pris les rênes de la ganaderia. Si c'est le cas, on peut craindre, maintenant qu'il a les mains totalement libres, une évolution encore plus marquée vers la production de toros de troisième tiers. Quand on voit le résultat catastrophique que cette recherche a donné chez Juan Pedro Domecq et autres Zalduendo (pour ne citer que deux des pires représentants de l'encaste domecq) on ne peut manquer d'être inquiet par une telle perspective.
   Toutefois une telle évolution constituerait un reniement de toute la philosophie de l'élevage voulue par son créateur Victorino Martin père, mais aussi une mise en cause de la réputation et de la  valeur commerciale qui en découle. L'intérêt bien compris des héritiers de Victorino Martin me parait donc être dans le maintien d'une ligne sérieuse voire dure (au moins partielle), sous peine de banalisation. C'est aussi l'intérêt des aficionados et, à l'heure de l'uniformisation de la corrida par la prolifération du sang domecq, l'intérêt de la tauromachie tout entière.




2 commentaires:

Frédéric a dit…

Excellent article sur lequel il n'y a pas grand chose à rajouter. Si ce n'est ( est ce une coïncidence ?) que l'absence des toros de Victorino au premiers tiers remonte au début des années 2000, date de l'arrivée de son fils aux affaires. Merci, en tout cas d'avoir évoqué ce sujet au travers de ton blog vu qu'il est totalement ignoré par la plus part des sites que nous fréquentons régulièrement.
Longue vie à ton blog (le mien passe demain le cap des 2 ans, c'est encore loin du tien).
Frédéric.

velonero a dit…

Bon anniversaire à Ballad into Blues, Rock and Folk of the seventies et bravo pour ta capacité à le faire vivre quotidiennement.