samedi 25 juillet 2009

Madeleine 2009 (3)

Jusque là la feria a été bonne, au moins aussi réussie que celle de l'an dernier mais...

Mardi : La corrida de la honte

Honte pour les organisateurs, Simon Casas et Marie Sara, qui ont tenté, au final, de faire passer la corrida telle qu'ils la conçoivent : des toritos indécents pour triomphes à gogo(s).
Honte pour les responsables montois qui se sont humiliés en n'osant pas dire non.

Honte pour l'éleveur, Fernando Domecq. Comment peut-on en arriver à produire ça et à oser le présenter au public. 6 animalcules mal foutus, certains si chétifs qu'on avait envie de leur tendre une poignée d'avoine; qui plus est affublés de cornettes comme plantées sur le frontal au hasard. Et le moral à l'avenant : grattant, trébuchant, refusant de charger.

Honte enfin aux matadors et en particulier à celui qui est en position de force, El Juli, toujours dans les mauvais coups en ce qui concerne la présentation du bétail.

Bronca finale à l'éleveur, aux organisateurs... pour que cela ne se reproduise plus...

vendredi 24 juillet 2009

Madeleine 2009 (2)


Lundi matin : Un duo qui fonctionne

Thomas DUFAU et Mathieu GUILLON, les deux jeunes novilleros landais, ont montré qu'ils avaient suffisamment de bagage technique mais aussi d'entrega et de sens du spectacle pour pouvoir tourner dans le circuit des novilladas de France et d'Espagne et continuer ainsi leur apprentissage.
Thomas DUFAU se montra classique et élégant face à ses deux adversaires. On peut toutefois lui reprocher d'être passé un peu vite, face à son second novillo, à la tauromachie encimiste. Il coupa les deux oreilles d'un novillo à l'innocence rêvée par qui débute dans sa ''capitale''.
Mathieu GUILLON, plus léger et pétillant, m'a paru excellent aux banderilles, mais il se montra trop nerveux face au seul novillo retors de la matinée.
Les pupilles d'Enrique PONCE, de présentation correcte, monopiqués, furent nobles et mobiles à l'exception du dernier qui avait du piquant. Le second de Thomas Dufau fut gratifié par la présidence d'une vuelta ridicule.


Lundi après-midi : Questions

Encore une corrida de haut niveau grâce à un lot de cinqueño de Samuel FLORES. Leur bonne sortie du jour devrait redorer un blason qui avait un peu terni au cours des dernières temporadas. Les uniques toros d'origine Gamero Civico à paraître dans les grandes ferias ont leur personnalité et leur intérêt même si le fil sur lequel repose leur bravoure est ténu, à tel point que l'on se demande parfois, en observant certains de leurs comportements si l'on a affaire à des bœufs de labour ou à des toros de combat. Côté bœuf, leur sortie paisible, comme quittant à regret la tranquillité de leur étable, puis, dans la cape, les fuites éperdues, les bonds, la tête qui part d'un côté, les pattes de l'autre, enfin dans la muleta, chez certains, un excès de soseria, de douceur qui s'apparente plus au descastamiento qu'à la noblesse. Mais on vit aussi des toros au trapío imposant, la tête fier levée, douze piques sérieuses, certaines prises en mettant les reins, de la mobilité et de la noblesse encastée, en particulier chez Chiquillon, le cinquième.
Fallait-il pour autant que le président sorte le mouchoir bleu? A mon avis, sur ses qualités propres Chiquillon était un toro de vuelta. Il prit deux grosses piques, dont le but était de le détruire, sous lesquelles il poussa sans relâche. Paradoxalement, alors qu'il avait trébuché dans la cape du Cid, il en sortit tout ragaillardi et ne cessa dès lors de galoper avec noblesse sur les deux cornes dans la muleta du Sévillan. Mais ce toro n'a jamais été mis en valeur, en particulier au premier tiers où il prit les piques sans avoir été mis en suerte. Il a cherché les barrières en fin de faena. Personne dans le public ne demanda la vuelta. Alors, une belle ovation à l'arrastre aurait peut-être suffi.

Énorme succès populaire d'Enrique PONCE (trois oreilles). La maestria du Valencien semble incombustible. Tant mieux pour nous.
El CID remontera-t-il la pente? Difficile en tout cas de tomber plus bas qu'à son premier adversaire, un toro gazapon, devant lequel il erra comme une âme en peine avant de l'abattre d'une des plus laides estocades que j'ai vue de ma vie d'aficionado.
Il fit, face au toro de la vuelta, bonne figure. D'abord par un début de faena par le bas muy torero, puis en restant toujours maître de la situation, enfin en tuant bien (oreille). Mais on était loin du meilleur CID : les séries étaient accélérées et le maestro toujours à distance des cornes. Hier, Sergio Aguilar avait montré comment, dans une même série, par la grâce du temple et de l'engagement - c'est a dire de la contrainte sur la charge du toro - on pouvait progressivement passer d'un toreo rapide à une dernière passe d'une grande lenteur.
Salvador VEGA peut-il réintégrer le groupe des figures? Il montra à son premier qu'il n'avait rien perdu de la qualité de son toreo...mais il n'y avait pas de toro en face et lorsqu'il y en eut un (le sixième) tout s'effilocha...
photos :
Thomas Dufau dans un derechazo
novillo d'Enrique Ponce

jeudi 23 juillet 2009

Madeleine 2009 (1)

Je n'ai pas assisté aux corridas de vendredi et samedi. De l'avis (quasi) général, les Victoriano del Rio étaient de la branche sérieuse de l'élevage et Sébastien Castella a si bien toréé qu'il semble avoir convaincu les plus sceptiques à son égard.


Dimanche : caste, toreo, estocades

Grande corrida que celle de dimanche où tous les éléments d'une journée mémorable étaient réunis : toros, toreros, public.
Bien que sans toro complet, le lot de FUENTE YMBRO constitua, par sa variété de comportement et son sérieux, la matière première à partir de laquelle l'émotion fut sans cesse présente, permettant à chaque torero d' exprimer ses qualités et ses limites.
Mes préférés : Caldero le premier et Taranta le troisième, celui-ci né en août 2003 et donc tout près de souffler les six bougies(!). Trois piques pour chacun. Assorties de deux chutes à l'actif de Calderero dont la bravoure brute n'était pas exempte de malignité. Grand tercio pour Taranta (avec le bémol d'être sorti seul de la seconde pique), excellemment piqué par Luis Miguel Leiro (grade ovation et salut) et mis en suerte comme il se doit par Luis BOLIVAR. Leur poder et leur férocité étaient si manifestes qu'ils firent frissonner les gradins d'émotion durant la totalité de leur combat. Emotion saine car, face à eux, se trouvaient deux professionnels (Julien LESCARRET et Luis BOLIVAR) conscients et capable de les lidier avec oficio.
Les quatre autres toros prirent deux piques chacun et firent preuve de noblesse au troisième tiers. Avec une charge vibrante sur les deux cornes pour Marques (sixième). Allant a menos pour Volante le cinquième, mais Sergio AGUILAR avait beaucoup exigé de lui. Révélée dans la cape de Morenito d'Arles lors d'un trop long tercio de banderilles mais inexploitée par la suite pour Huron (quatrième). Finalement seul Libertador sorti en deuxième position, à la noblesse fade, dépareilla le lot.

Respect pour Julien LESCARRET qui fit face avec sang froid au galop encasté mais sournois de Calderero. Le public ne s'y trompa pas et l'ovationna chaudement après une belle estocade. Pour Julien les problèmes surgissent lorsqu'il se retrouve face à un toro noble comme son second. Il pâtit alors d'un manque d'aguante qui l'empêche de templer les charges. Qui l'aidera à progresser à la muleta?
Après-midi triomphale pour Sergio AGUILAR (trois oreilles). Élégance, sincérité, temple, grandes estocades : une tauromachie de haut niveau.
Merci à Luis BOLIVAR pour avoir parfaitement mis en suerte Taranta par trois fois au premier tiers. Bonne faena à Marques et grand coup d'épée pour terminer (deux oreilles).

vendredi 10 juillet 2009

Luis Buñuel

A lieu actuellement à la cinémathèque de Paris, et ce jusqu'au 2 août, une rétrospective des films du génial cinéaste aragonais. Parallèlement, trois de ses films (L'ange exterminateur, Viridiana et Simon du désert) sont ressortis sur les écrans. Belle occasion pour se replonger dans l'œuvre de celui qui fut un des cinéastes les plus créatifs du XXème siècle (on trouve également en dvd l'essentiel de sa filmographie).
Quel était le rapport de Buñuel avec les toros? Sans doute assez distant. On peut penser que le côté "Espagne de pandereta" que la corrida porte inévitablement en elle devait l'horripiler grandement. La tauromachie est, en tout cas, assez peu présente dans son œuvre et dans ses propos. Il n'en dit quasiment rien dans son livre de souvenirs Mon dernier soupir. Lorsqu'il en parle, c'est toujours indirectement, en rapport avec ses amis : il fut très lié avec Federico Garcia Lorca, avec José Bergamin et connut également Luis Miguel Dominguin, en particulier lorsqu'il fit tourner, dans Cela s'appelle l'aurore, la très belle Lucia Bose, alors jeune épouse du torero.
Il y a pourtant une importante séquence taurine dans La fièvre monte à El Pao, film mexicain de 1959 avec Gérard Philipe. On y voit une longue scène de corrida au cours de laquelle est combattu - si ma mémoire est bonne - un toro lucero (un Barcial?). Le procédé est un peu lourd (défaut rare chez Buñuel) mais ne manque pas d'intérêt pour l'aficionado. Joseph Losey, dans L'assassinat de Trotsky, utilisera d'une manière identique la métaphore taurine.
Au début de Los Olvidados, les enfants jouent à la corrida dans un terrain vague de leur quartier misérable.



Dans La vie criminelle d'Archibald de la Cruz (Ensayo de un crimen), c'est le simple portrait d'un torero, au-dessus d'une paire de banderilles, qui évoque le thème taurin. Nous sommes dans l'appartement d'une coquette et Archibald l'interroge :
- Quien es este torero?
- Mejillo, me brindó un toro que le mató de una cornada en la boca.

Enfin dans Cet obscur objet du désir, son dernier film (1977), un passager, dans le compartiment d'un train, tente d'engager la conversation avec un nain qui vient de prendre place :
- Est-ce que vous n'étiez pas à la corrida dimanche?
- Si, impossible de me confondre avec un autre.

Je n'ai pas souvenir d'autres références taurines dans l'œuvre de Luis Buñuel, mais certaines ont pu m'échapper. Si d'éventuels lecteurs sont plus perspicaces...


mercredi 1 juillet 2009

Le taureau de Pair-non-Pair


C'est un doux paysage de collines calcaires plantées de vignes. Au loin, en contrebas, on aperçoit parfois les eaux limoneuses de la Dordogne ou de l'estuaire de la Gironde. Cette torride fin du mois de juin convient parfaitement aux cabernets et merlots qui donneront dans quelques mois l'excellent (et financièrement très abordable) Côtes de Bourg. Parfois, une colline éventrée rappelle que c'est avec les pierres d'ici que les Romains d'abord, puis les riches armateurs et négociants, ont bâti Bordeaux.
Dimanche est jour de toros et, à l'heure où, à Saint Sever, combattaient les novillos de Fuente Ymbro, j'avais, dans cette campagne idyllique, rendez-vous avec un magnifique taureau qui, depuis 30 000 ans, est gravé sur les parois de la grotte de Pair-non-Pair. Bien armé, le morillo proéminent, ensellé, il partage la fraîcheur des lieux avec d'autres animaux. A l'émotion liée à la présence de ce taureau s'ajoute, bien sûr, celle des autres gravures : bouquetins, chevaux, mammouths ainsi qu'un rare mégalocéros. Mais aussi l'émotion suscitée par l'intérêt historique de la grotte. Il s'agit en effet d'une des rares grottes ornées qui a également été, pendant des millénaires, habitée par les hommes préhistoriques. En outre les gravures (il n'y a pas de peintures) sont parmi les toutes premières effectuées par la main de l'homme.