lundi 7 janvier 2008

Un an d'œil contraire

Je ne sais si les deux ou trois lecteurs réguliers espérés dans mon premier texte sont au rendez-vous. Il paraît que l'on peut comptabiliser le nombre de ses lecteurs, j'ai vu cela dans certains blogs : des compteurs infernaux qui transforment, sans autre forme de procès, chaque nouveau lecteur en nombre. Brrr!
Pour ma part, j'ai toujours préféré les mots aux chiffres, c'est pourquoi mon seul souhait serait d'avoir davantage de messages de mes éventuels lecteurs...
Cet anniversaire je le fête donc en poésie, avec les mots de Patrick Espagnet, pour mieux attendre le prochain paseo.


PASEO

Il me tarde
Déjà des oiseaux d'or ont jailli
des trompettes
Et des canards
Des couacs d'après-buvette
Gibier de blanc limé
On monte vers le ciel
Sardines serrées dans la boîte béton
Dans l'escalier de bousculade
de frôlements de belles
La foule tremble de désir fauve
Un bruit d'affamé
Une odeur de pisse et d'Hermès
De pinard
de cigare
Un bruit de grande gueule
Les fesses ont des femmes
café au lait
L'été se congestionne et sue
dans les brouillards d'anis
et le violon des hirondelles
Les gradins sont braisés
La lumière assassine
les yeux
Et le rond du ruedo est un soleil
à l'envers
Ma voisine une grosse s'éventaille
Elle a l'accent d'ici
Elle travaille
aux PTT
Je le sais
Ses nuits sont peuplées de toros lourds
et de lettres
recommandées
Il me tarde
Une envie de pisser
Une attente de bête
Un silence d'affût
Un respect d'enfant de chœur
La musique manoletine
Alors ils déboulent
Soldats de plomb dorés sur tranche
Visages d'aspirine ou de chocolat
Danseurs figés de paso
doble
Ils saluent avec ennui le propriétaire
des mouchoirs
Déjà la peur leur tord
les couilles
Des grimaces pleurent sous leurs yeux
d'enfants
Ils balayent le sable rouge de leurs capes
roses
Derviches d'opérette
et de mort
Et les destriers destroyers
matelas mousse
cliquetis de clés
menace de lances
bides de curés
Les alguazils choucas ont des virevoltes
saccadées
Avec des cavales aux larges croupes
damassées
Gonzalez
Ils seront les corbeaux
de la cérémonie
Et les maîtres de la cérémonie
Les maîtres des maestros
S'ils ne fouaillent pas les entrailles
de leurs chapeaux crochus
Ils coupent des oreilles
comme des coiffeurs
bourrés
Alors les clarines lâchent les loriots dans
le ciel
du sacrifice

Patrick ESPAGNET
Les Noirs
Editions Loubatières 2002

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Suis-je à mettre au compte des "trois lecteurs réguliers espérés" ? Je ne sais... Il est vrai que je ne suis pas prompt aux commentaires. Mais là, il se trouve qu'aujourd'hui, dans mes errances dans les mondes virtuels j'ai vu passer Patrick Espagnet. Mais quoi, comme je suis assez ignorant, j'ai continué mon chemin. De quoi s'agissait-il donc ? Une image, celle d'un café, je crois... C'est que j'ai quelques obsessions : le vin, les café (et le café)... Bon, maintenant je repars sur la toile (en fait, j'y suis à demeure) et là je trouve grâce à l'ami Google : Patrick Espagnet est mort le 19 janvier 2004 : "Patrick Espagnet est mort hier, probablement au lever du jour, chez lui à Bordeaux, seul, à quelques pas de la place de la Victoire. L’ancien journaliste de « Sud Ouest » aurait eu 54 ans en août." (Christian Seguin, Sud Ouest,lundi 19 janvier 2004. Source : http://iutbdx.ouvaton.org/article.php3?id_article=50).
Et je découvre qu'on peut rédiger des articles sur le rugby, aimer la corrida et écrire de beaux poèmes. Logique, la littérature, aussi, est un sport de combat.

Anonyme a dit…

très bien velonero pour cet insert où espagnet tire sur sa mèche d'allumé.
c'était un homme.
de ceux de la grande famille des tourments partagés autour des ailes brûlées.
il y a "les noirs", "la gueuze" et ces "15 histoires de rugby" qui racontent un jeu où l'humanité, ses tréfonds, ses envolées, ses morves,n'est jamais triviale.
et puis ses articles dans SO. ses reseñas de rugby. qui savait raconter cela mieux que lui ?
sa vision des taureaux était imbibée, au propre comme au figuré,jusqu'à en avoir des sensations incarnées par d'autres acuités, d'une synesthésie troublante et d'une sensualité renouvelée pour qui sait ce que peut revêtir de difficile et éprouvant le fait de monter son derche jusqu'aux tendidos d'une arène.
en ce moment tourne le spectacle que christian vieussens a mis en scène autour de ses textes "ovales" et qui s'intitule "chandelle". parce que le coeur est aussi, d'abord, surtout, un muscle. mais pas que ça.
à voir.
bonne vie à ce blog.

ludo

Unknown a dit…

Bravo pour ton blog, moi j'y viens régulièrement.
Au fait oeil contraire veut dire que tu as l'oeil gauche à la place du droit ?
Ton blog est très bien.
J'en ai deux dans la même trame que toi.
Un fait à partir de photos d'arènes, l'autre ou il y a surtout des photos taurines.

velonero a dit…

atc, ludo, ll, merci pour vos messages