mardi 11 décembre 2007

Philosophie de la corrida de Francis Wolff (3) - citations

De nos devoirs vis-à-vis des animaux en général et des taureaux de combat en particulier

"Les devoirs que nous avons vis-à-vis des autres espèces, mêmes les plus proches de nous, sont subordonnés à ceux que nous avons vis-à-vis des autres hommes, mêmes les plus lointains. Il faut toujours et inconditionnellement sauver l'enfant inconnu contre l'animal familier." (p 46)

"Le combat de l'arène a beau être fondamentalement inégal, il est foncièrement loyal. Le taureau n'est pas traité comme une bête malfaisante qu'on peut exterminer ni comme le bouc émissaire qu'on doit sacrifier, mais comme une espèce combattante qu'on doit affronter. Il faut donc que ce soit dans le respect de ses armes naturelles. Physiquement, les forces du taureau ne doivent pas avoir été diminuées artificiellement ni ses cornes rognées. Moralement, l'homme doit feinter le taureau, mais de face, jamais de dos, en se laissant toujours ''voir'' le plus possible, en se plaçant délibérément sur la ligne de sa charge naturelle -c'est ce qu'on appelle ''charger la suerte''." (p 48)

"Toute tauromachie repose sur la bravura, la furor latine, qui se manifeste par l'attaque spontanée, immédiate, violente, répétée, du taureau sur sa proie, en particulier dès qu'il se trouve dans un espace clos dont le prototype est le rond de l'arène. Et toute l'éthique tauromachique consiste à permettre à cette charge violente du taureau, à cette force active, à cette ''nature'' de se manifester. La corrida ne consiste pas à abattre une bête. C'est tout le contraire. La corrida, comme son nom l'indique (corrida=course), consiste à laisser le taureau courir, attaquer, combattre. La corrida n'aurait ni intérêt, ni sens, ni valeur, si le taureau n'était pas supposé naturellement combatif. Affronter un animal désarmé, inoffensif ou passif, ce serait de l'abattage. L'éthique animalière de la corrida consiste à permettre à la nature du taureau de s'exprimer. Doublement, dans sa vie et dans sa mort." (p 73)

"L'aficionado va certes aux arènes pour voir des toreros s'exprimer face aux taureaux, mais aussi, et souvent d'abord, pour voir des taureaux s'exprimer dans leur combat." (p 74)

"Un des spectacles les plus sublimes est celui d'un taureau arrêté loin du picador immobile, fixant la masse indistincte du cavalier monté sur son cheval protégé, et s'élançant à l'assaut de cette forteresse pour la renverser." (p 75)

"Le taureau réalise son plus grand bien en vivant librement et en mourant au combat : il réalise ainsi toute sa nature." (p 91)

"Qui aime la corrida aime forcément les taureaux. Il se rêve sûrement lui-même en taureau -il n'y a guère d'exception à cette règle. Il se plaît à cette pensée : devenir taureau -à défaut de pouvoir être torero. Il se dit simplement ceci : de toutes les espèces animales que l'homme s'est appropriées pour servir ses fins, de toutes les espèces qui peuplent l'imagination des hommes, un des sorts les plus enviables n'est-il pas celui de cet animal qui vit librement pour mourir en combattant? Comparez!" (p 93)


PS Puisqu'il est question actuellement de la feria de Lima, je signale un très intéressant article de Francis Wolff sur la tauromachie dans la capitale péruvienne publié dans le numéro 1169 de la revue Toros (janvier 1982). J'ignore si un quart de siècle plus tard la place de la corrida est toujours la même mais les spectacles donnés en plaza de Acho sont apparemment toujours aussi décevants.

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