mercredi 25 décembre 2024

Quelques photos de la temporada 2024

 
   Trois novilleros qui suscitent des espoirs : Jarocho et Marco Perez (à Toro), Aaron Palacio (à Garlin)
 

 




Diego Urdiales, désormais telonero de luxe, a connu une temporada des plus discrètes ; mais il reste un maître du classicisme. La photo de cette demi-véronique ne trompe pas. Almazan, 31 août.



Toro de Margé à La Brède. Dans beaucoup d'arènes françaises dites de première catégorie on a hélas vu des animaux très inférieurs en trapío à celui-ci, surtout lorsque les figures sont au cartel.
 

 



jeudi 19 décembre 2024

Sur Enrique Ponce

 
Jean Pierre Darracq "El Tio Pepe",  revue Toros n° 1338 (octobre 1988) :
 
   "Ça durera ce que ça durera. Mais les Anciens de ma génération se souviennent de l'oncle de ce gamin, ce petit valencien Rafael Ponce "Rafaelillo" qui fit des débuts époustouflants de novillero et tint ensuite la dragée haute aux grandes figures de l'avant-guerre. Or bien, cet après-midi la plaza de Madrid entièrement garnie de spectateurs, a savouré la joie incomparable de découvrir un torero, un vrai torero, en la personne de ce minuscule Enrique que l'on prendrait volontiers pour un élève de Seconde qui n'a pas beaucoup grandi. Ce gamin au cœur de lion cite le toro de face plutôt que de trois-quarts, charge la suerte dans toutes les passes, à droite ou à gauche, aguante au maximum et dégage ensuite le bras pour conduire la passe jusqu'à son remate normal. Et ceci face à deux grands novillos mansos l'un de Lupi, l'autre de La Fresneda, gratteurs de sable, lents à s'élancer, hésitants dans leurs embestidas. Je crois que s'il avait eu la chance de tomber sur le premier novillo de la corrida, qui, du début à la fin, répondit de loin et sans hésiter à tous les cites le gosse nous aurait rendus fous. Quand on le vit brinder au public ce sixième (en réalité le troisième sixième !) dont, apparemment, il n'y avait rien à attendre de bon, et ce fut le cas, personne ne croyait qu'on allait assister à un cours de tauromachie professé par un gamin qui, paraît-il, n'a pas encore dix-sept ans. Or tout le répertoire y est passé, avec une aisance confondante, liant les séries, soignant les remates, enjolivant les adornos comme s'il toréait du bout des doigts, avec délicatesse, mais comme un homme, un macho."



Domingo Delgado de la Camara , Le toreo revu et corrigé , 2002 :

   "Son courage est immense. Il ne le manifeste jamais par de grands gestes, et il réussit à briller face aux toros les plus difficiles. Alors que tous voient le danger de l'animal, Enrique, sans ignorer ce danger, voit avec optimisme quelque vertu cachée du toro que personne n'a vue. Alors, il s'emploie à fond. Sobrement et méthodiquement, il commence à lutter avec les toros les plus épouvantables. Il termine en s'en rendant maître, et ces bêtes sauvages ressemblent à des moutons qui demandent pardon. La faena qu'il réalisa face à un gros toro de Sepúlveda lors de la San Isidro en 1994 fit parler d'elle. Mais celle qu'il réalisa face à ''Lironcito'' de Valdefresno, lors de la San Isidro en 1996, fut encore meilleure. C'est la meilleure démonstration de domination que j'ai vue. La bête était un manso déjà toréé et ouvertement dangereux. Quand on sonna la mise à mort, il était au maximum. Il était devenu le maître. Ponce alla vers lui avec sa détermination naturelle. Les premières charges donnèrent le frisson. Le toro chargeait avec une grande violence, se dirigeant de manière évidente sur le torero. Il donnait les coups les plus sinistres. Ponce, au lieu de l'éviter en fuyant le combat, avançait sa poitrine à chaque passe, se croisant chaque fois plus - c'est exactement ce qu'il fallait faire, même si cela fait très peur. À chaque arrêt correspondait un coup précis de muleta. Le toro passait, chaque fois plus amplement et avec moins de violence. Il termina en le toréant sur les deux cornes avec son esthétique parfaite."



Jesus Hernandez, ganadero de Los Bayones , revue Terres Taurines n°69 ,  juin 2017 :

   ''À l'époque où Ponce tuait beaucoup d'Atanasios, beaucoup de toros sortaient sans offrir beaucoup de possibilités en apparence. Mais il leur laissait du temps sans rien exiger d'eux, puis les obligeait davantage et à la fin, ils embistaient du feu de Dieu. Ces toros ont besoin qu'on leur apprenne à embister. Ponce permit à l'encaste de vivre une époque dorée. Il tuait ta corrida et c'était une garantie. Il les rendait tous bons.''


Thierry Vignal , revue Toros n°2228 , novembre 2024 :

   "Ponce aura été un torero relativement ''court'' en ce sens qu'il aura été avant tout un muletero. Il lui est arrivé de très bien toréer à la cape, mais sa conception essentiellement cérébrale du rapport avec le toro l'aura conduit à voir dans le capote avant tout un instrument permettant d'évaluer les qualités et défauts du toro, une vision, donc, plus utilitaire qu'esthétique."
 
 



jeudi 12 décembre 2024

Enrique Ponce


 
   Le pouvoir d'Enrique Ponce ! Maître incontesté des années 90, trente-cinq temporadas passées sur les sommets de la toreria ! Combien de toros, dans cette longue carrière, l'auront mis en échec ? Très peu assurément. Sa capacité à tirer parti de tous, en particulier des toros mansos, rétifs, fuyards, a été une constante tout au long de sa carrière. Par quelle alchimie a-t-il eu le pouvoir de transformer de manière si régulière et parfois si radicale le comportement de ses adversaires, d'insuffler un zeste de bravoure à ceux qui en paraissaient dépourvus ? 
   Cette transmutation ne relève pas de la magie noire. En premier lieu, la confiance en soi qui émane du torero lorsqu'il commence à entrer en relation avec le toro se transmet progressivement à celui-ci. Avoir confiance en soi donne confiance aux autres, cette règle élémentaire des relations humaines s'applique aussi, les aficionados l'ont constaté depuis longtemps, à la relation du torero avec le toro, de l'homme avec l'animal. Mais cette confiance possède des fondements. Le principal d'entre eux est le courage. C'est lui qui va permettre de fouler les terrains que l'on a choisi, de s'y maintenir le temps nécessaire et de garder tout au long de la passe une lucidité parfaite qui va assurer un maniement de l'étoffe au rythme juste de la charge du toro. Cette lucidité permanente n'est possible que par l'assurance intime de sa capacité à toujours diriger les trajectoires de l'animal. Elle est à l'origine du temple, qui n'est donc pas état de grâce mais pouvoir du courage. 
   Et, pour peu que l'on ait une tête bien faite, la somme de ces expériences se transformera dès le plus jeune âge en science du combat. Le natif de Chiva partage ce privilège avec Paco Camino.
   Enfin si, porté par l'ambition, on donne chaque jour le meilleur de soi-même, on devient Enrique Ponce, figure du toreo.  
   Loin du mythe du torero né, le Valencien doit tout à sa volonté de puissance et fort peu à de supposées capacités innées. Sauf sans doute une conformation physique : élégance du corps, souplesse des articulations, qui lui a permis de toujours séduire publics et toros. Enrique Ponce, en revanche, n'a jamais été un torero de duende. Son toreo cérébral, basé comme celui de Luis Miguel Dominguin sur la constance dans le succès et la domination de tous les toros, était à l'opposé de ce ''miracle qui arrive à produire un enthousiasme presque religieux'' (Lorca).
   Une autre de ses grandes vertus a été de comprendre que, pour atténuer cette froideur que donne immanquablement toute supériorité technique, il devait affronter régulièrement des toros de fort trapío et posant problème. C'est pourquoi il combattit sans la moindre réticence les toros destartalados de Samuel Flores ou les imposants mansos de l'encaste Atanasio-Lisardo. Et c'est devant ces encastes-là qu'il obtint ses plus marquants triomphes. S'il profita bien sûr des facilités en matière de toro qu'offre la position de figure il ne fut pas, contrairement à certains de ses compañeros de succès, de ceux qui cherchent à imposer systématiquement aux empresas et au public le toro amoindri et docile.

   Pour toutes ces années d'élégante et de probe maestria, merci Monsieur Enrique Ponce.
 
 

 
 
photos : 1- Madrid  2 juin 2006  (Paloma Aguilar)
              2- Nîmes  18 septembre 2020 (Velonero) On se rappellera qu'Enrique Ponce fut la seule figure à dar la cara lors de l'épisode du Covid.