jeudi 12 décembre 2024

Enrique Ponce


 
   Le pouvoir d'Enrique Ponce ! Maître incontesté des années 90, trente-cinq temporadas passées sur les sommets de la toreria ! Combien de toros, dans cette longue carrière, l'auront mis en échec ? Très peu assurément. Sa capacité à tirer parti de tous, en particulier des toros mansos, rétifs, fuyards, a été une constante tout au long de sa carrière. Par quelle alchimie a-t-il eu le pouvoir de transformer de manière si régulière et parfois si radicale le comportement de ses adversaires, d'insuffler un zeste de bravoure à ceux qui en paraissaient dépourvus ? 
   Cette transmutation ne relève pas de la magie noire. En premier lieu, la confiance en soi qui émane du torero lorsqu'il commence à entrer en relation avec le toro se transmet progressivement à celui-ci. Avoir confiance en soi donne confiance aux autres, cette règle élémentaire des relations humaines s'applique aussi, les aficionados l'ont constaté depuis longtemps, à la relation du torero avec le toro, de l'homme avec l'animal. Mais cette confiance possède des fondements. Le principal d'entre eux est le courage. C'est lui qui va permettre de fouler les terrains que l'on a choisi, de s'y maintenir le temps nécessaire et de garder tout au long de la passe une lucidité parfaite qui va assurer un maniement de l'étoffe au rythme juste de la charge du toro. Cette lucidité permanente n'est possible que par l'assurance intime de sa capacité à toujours diriger les trajectoires de l'animal. Elle est à l'origine du temple, qui n'est donc pas état de grâce mais pouvoir du courage. 
   Et, pour peu que l'on ait une tête bien faite, la somme de ces expériences se transformera dès le plus jeune âge en science du combat. Le natif de Chiva partage ce privilège avec Paco Camino.
   Enfin si, porté par l'ambition, on donne chaque jour le meilleur de soi-même, on devient Enrique Ponce, figure du toreo.  
   Loin du mythe du torero né, le Valencien doit tout à sa volonté de puissance et fort peu à de supposées capacités innées. Sauf sans doute une conformation physique : élégance du corps, souplesse des articulations, qui lui a permis de toujours séduire publics et toros. Enrique Ponce, en revanche, n'a jamais été un torero de duende. Son toreo cérébral, basé comme celui de Luis Miguel Dominguin sur la constance dans le succès et la domination de tous les toros, était à l'opposé de ce ''miracle qui arrive à produire un enthousiasme presque religieux'' (Lorca).
   Une autre de ses grandes vertus a été de comprendre que, pour atténuer cette froideur que donne immanquablement toute supériorité technique, il devait affronter régulièrement des toros de fort trapío et posant problème. C'est pourquoi il combattit sans la moindre réticence les toros destartalados de Samuel Flores ou les imposants mansos de l'encaste Atanasio-Lisardo. Et c'est devant ces encastes-là qu'il obtint ses plus marquants triomphes. S'il profita bien sûr des facilités en matière de toro qu'offre la position de figure il ne fut pas, contrairement à certains de ses compañeros de succès, de ceux qui cherchent à imposer systématiquement aux empresas et au public le toro amoindri et docile.

   Pour toutes ces années d'élégante et de probe maestria, merci Monsieur Enrique Ponce.
 
 

 
 
photos : 1- Madrid  2 juin 2006  (Paloma Aguilar)
              2- Nîmes  18 septembre 2020 (Velonero) On se rappellera qu'Enrique Ponce fut la seule figure à dar la cara lors de l'épisode du Covid.