"La critique de la défaillance du toro-toro est toujours plus sévère que celle du toro moderne. Comme si la défaillance était dans la nature propre du second, et inadmissible dans celle du premier." (Manolillo, Toros n° 2007-08, septembre 2015)
Il a raison, Manolillo, c'est en tout cas ainsi que, personnellement, je juge bien souvent les toros. Une différence de traitement qui mérite qu'on s'y attarde.
Une mauvaise corrida "moderne" (entendons par corrida moderne une corrida pour figures, en général d'origine domecq) est quelque chose de si attendu par l'aficionado qu'il se contente de pester pour la forme. Il y a en effet pour ce type de toro une logique ganadera bien particulière. La recherche exclusive de la toréabilité au derniers tiers, et, a minima, d'un toro qui ne gène pas trop la figura, va de pair avec la réduction du nerf et de la force au minimum exigible, et implique que les produits d'une telle alchimie sont toujours sur le fil du rasoir. Pour un qui atteint les objectifs de toréabilité de l'éleveur, de nombreux autres, faibles et décastés, n'apportent qu'ennui à l'aficionado et au grand public.
Au contraire, on attend systématiquement de la force et de la caste de la part des élevages qui s'enorgueillissent d'élever du "toro-toro". Et si en plus, cerise sur le gâteau, ils ont de la bravoure et de la noblesse, tant mieux.
Et lorsque sortent des chiqueros des toros faibles, décastés, sosos, ennuyeux, l'aficionado estimera qu'il y a tromperie sur la marchandise s'il s'agit d'un fer réputé "dur". S'il s'agissait en revanche d'un élevage moderne, il se dira que c'est le prix à payer pour voir les figures et que demain, peut-être...
On en est là aujourd'hui, dans cet état schizophrénique subi par l'aficionado. Subi mais parfois entretenu, car le parti-pris ou bien les positions trop rigides voire carrément sectaires contribuent aussi à cliver les jugements. Ainsi il est parfois difficile à un aficionado "toriste" d'admettre l'excellence du comportement de certains toros issus de ganaderias "commerciales". Et, à l'inverse, dès que sort un lot très encasté dont la lidia est compliquée mais passionnante, on entend le chœur des effarouchés (dirigé par certains critiques taurins) clamer que ces toros sont illidiables, d'une époque révolue.
Heureusement, parfois, les lignes se rapprochent. A Madrid, la semaine dernière, le bon jeu des toros de Saltillo, que d'aucuns attendaient de muy mala casta, a permis à deux modestes parmi les modestes de couper des oreilles. Et je me souviens de l'excellente corrida de Nuñez del Cuvillo qui, en 2011, à Bilbao, avait permis à Morante de la Puebla un triomphe de lidiador et d'artiste et avait fait suer la goutte à Manzanares fils et à David Mora. Il n'y avait plus alors de corrida toriste ou torériste mais LA CORRIDA.
6 commentaires:
Cher Velonero, je suis tout à fait d'accord comme très souvent avec toi. Et depuis toujours hostile à ce clivage torista torerista. Il y a des toros avec leurs caractéristiques bons ou mauvais. Il et aussi vrai que les élevage dits comerciaux ont recherché par sélection des toros "faciles" et qui permettent beaucoup de passes.
Tout est bien plus une question de sélection que de sang.
Pour en revenir aux cuadri de dax, je dirai que deux auraient certainement mérité autre chose, peut être trois. Mais il eut fallu les réduire par le bas par une faena à l'ancienne, de chatiment, avant peut etre espérer d'autres séquences. Hélas on dirait que le public demande la même faena pour tous les toros, et les toreros actuels ne savent plus lidier de cette façon ou ne veulent pas le faire. Pour illustrer ceci, d'une façon générale, les Montalvo sortent bien en ce moment, c'est a dire avec de la bravoure et une pointe de piquant et de caste.
Sans parler de l'ânerie de vouloir faire partir du centre de la piste les toros pour les piques, et ce dès la première pique. Même les mansos peuvent partir de loin. C'est sous le fer qu'on voit la bravoure.A mon avis la première pique devrait être donnée de plus près pour tester la bravoure, et ensuite donner un peu de distance, sachant que de plus les toros peuvent se défaire ou s'abimer sous certains tanks, en venant de loin et avec force.
Abrazo
Ce Txulo ,de bonne compagnie , dit on ,.. est aussi de bon conseil !
On déglutit..bieeeen !
her nesto
Chulo, merci pour ton long commentaire,j'ajouterai que les toros des ganaderias commerciales ont la chance d'avoir face à eux les meilleurs matadors, il suffit d'un ou deux bons toros (ou même simplement correct) dans le lot pour que la corrida soit "triomphale". Les ganaderias "dures" permettent parfois à des toreros modestes de se distinguer, et ce n'est que justice, mais, bien souvent, les hommes, au bagage trop modeste, contribuent à maintenir ces courses dans la médiocrité. Cercle vicieux!
Bonsoir,
Je suis d'accord avec vous et la corrida que j'ai vue il y a 48 heures à Logroño illustre bien me semble t-il votre analyse.
Sans quelques guiboles un peu flageolantes chez deux d'entre eux, le lot de toros de Fuente Ymbro aurait été parfait et faisait à la fois l'amalgame entre noblesse (jamais idiote), sérieux et parfois dureté. Du piquant, du vivant et du vivace.
Face à eux, deux lions, deux géants qui ont tout donné. Et pourtant l'un des deux est considéré comme une figura qui choisit ses toros. Mais ces deux-là, si l'on regarde bien, sont quand même en décalage par rapport au système et ils paraissent de plus en plus inclassables.
Ce mano a mano improvisé a tenu le public en haleine jusqu'au bout, les deux toreros se tirant la bourre jusqu'au 6° où Castella a fait rugir l'arène dans ses divers quites hallucinants à la cape.
Pour une fois je me suis senti en accord avec les propos tenus sur " mundotoro "...ils ont rendu à la corrida la vérité, le relief de ce que doit être un vrai combat.
Si l'on anonymait tous les noms, nous aurions pu voir cette corrida à Vic, à Ceret même...
à méditer
Jean
Bonsoir,
La superbe corrida que j'ai vue à Logroño mercredi dernier est une belle illustration de votre propos.
Un lot de toros alliant noblesse et piquant, avec parfois un danger sourd.
Deux toreros au sommet de leur art; deux lions prêts à tout dévorer, même après avoir assuré la sortie a hombros.
Un vrai combat qui a rendu cette tarde passionnante jusqu'à la dernière seconde.
Beñat
Merci Jean et Beñat pour votre témoignage.
Heureusement ce genre de corrida a lieu de temps en temps. C'est sans doute l'espoir d'y assister qui nous fait courir sur les routes de la planète taurine. Et ce sont bien sûr de telles courses qui fomentent l'aficion.
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