La corrida de samedi était pour moi un petit évènement puisque je n'avais pas vu de corrida de l'élevage Juan Pedro Domecq depuis une éternité. La dernière fois, c'était en 1976 à Dax où leur invalidité avait provoqué un beau scandale. Ils ne sont quasiment jamais revenus dans nos arènes du sud-ouest et on les voit fort rarement dans le nord de l'Espagne. Je n'ai jamais entendu personne s'en plaindre.
En 1976, il s'agissait encore des produits de Juan Pedro Domecq Diez - il était décédé l'année précédente - et la déchéance était déjà bien avancée, faiblesse et invalidité prenant le pas sur la caste et le piquant des domecqs des années soixante.
En cette année 2014, trois ans après la mort de Juan Pedro Domecq Solis qui gérait l'élevage depuis 1975, les toros du jour provenaient d'une des dernières camades du ganadero. Bonne occasion pour examiner en détail leur combat.
A l'exception du 2, plus petit, tous les toros sont bien ou très bien présentés, les armures, en particulier, sont bien dirigées, longues et astifinas.
1. Arrempuro, castaño, 545 kg, 4 ans, invalide, il s'affale dès les passes de cape, mouchoir vert.
1 bis. Hazmerreir, colorado, cornalon, 522 kg, 5 ans, invalide lui aussi, il est maintenu en piste malgré les protestations. Hazmellorar eut été un nom plus indiqué.
2. Guardes, colorado, petit, 493 kg, 4 ans, prend deux piques, la seconde très légère, sa charge est vive, brusque et peu claire.
3. Ballenito, castaño, 513 kg, 5 ans, prend deux piques avec bravoure, la première avec chute du groupe équestre, la deuxième vite relevée par le picador, au troisième tiers il possède une charge qui semble inépuisable con alegria et grande noblesse. Ovation.
4. Fierecillo, 501 kg, 5 ans, encore un invalide remplacé par un réserve manso et laid de Torrealta.
5. Halcon, negro, 523 kg, prend une bonne pique et un picotazo, puis va a menos, réserve ses charges, se défend.
6. Coqueto, negro burraco, 547 kg, 5 ans, belle charge à la cape, première pique poussée jusqu'à la chute puis simple picotazo, lui aussi va a menos et sa charge devient incertaine.
Bilan : 1 très bon toro (le 3), 2 toros acceptables (le 2 et le 6), 1 toro médiocre (le 5) et 3 invalides (1, 1 bis, 4).
Pour voir un bon toro il a fallu supporter trois toros invalides. Le compte n'y est pas et Juan Pedro Domecq Morenes a du pain sur la planche s'il veut retrouver la faveur des aficionados.
Le lendemain, trois toros de Parladé étaient à l'affiche, même propriétaire et, à ce que l'on dit, terrain d'expérience pour JPD.
Les trois toros sont noirs, con trapío.
Amontillado est brave en deux piques, la deuxième vite relevée, puis noble et allègre dans la muleta experte du Juli.
Licorero est le protagoniste d'un tercio de pique inhabituel. Durant plus de cinq minutes, il sera impossible de le décoller du peto, jusqu'à ce qu'un monosabio musclé prenne le toro par la queue et parvienne à lui faire quitter le cheval. Le bicho a laissé toute son énergie dans l'aventure.
Ingrediente est un toro médiocre du début à la fin de sa vie publique.
Le point fort de Zaragoza, dernière étape de la temporada, est que les matadors y donnent généralement le meilleur d'eux-mêmes. Il s'agit en effet de finir l'année en beauté et de se placer favorablement pour la saison prochaine.
Enrique Ponce a été ce qu'il est avec constance depuis 25 ans : un maitre de l'élégance, de l'intelligence et du dominio. Personnellement j'aime et j'admire ... malgré les avantages que se donne parfois le maestro.
Alejandro Talavante, auteur d'une grande faena au meilleur Juan Pedro, a marqué les esprits. Juste ce dont il avait besoin.
Malgré le soutien du public, Diego Urdiales a pu constater combien il est plus difficile d'alterner avec deux figures qu'avec Fulano et Mengano.
Juan José Padilla s'est fait renverser aux banderilles.
Avec un sorteo défavorable, Miguel Angel Perera est passé inaperçu, tandis que le Juli, avec deux bons toros, a connu une grande journée, alternant passages brillants, sincères, voire inspirés comme ces doblones genou à terre à la fin de sa dernière faena et passages plus ventajistas.
4 commentaires:
Mon cher Velonero, quelle bouffée de bonheur, une telle aficion, obstinée, savante et bienveillante.
Parlant des Domecq, même génériques, je suis de ceux qui pensent que la caste existe, sauf que la sélection, pour complaire aux figuritas a tout fait pour la gommer.
Pour parler de Juan Pedro, Solis, celui qui est mort, il me fait penser à un Fragua Irribarne de la tauromachie? Très intelligent, il a bâti un modèle lui permettant de dominer toute la corrida, de s'attirer les faveurs des figuritas, en entrainant la corrida vers un modèle, "moderne" si on est gentil, en tous cas, supposé plaire au plus grand nombre. Un peu comme confondre Le Cid avec Bibi fricotin, surtout pour fricoter. Mort, des électrons se sont détachés, dont notre Viard, qui plaident pour un toro de verdad.
La vérité est que cette temporada on a vu du "Domecq" sortir très bien, du Parlade aussi.
Je reste toujours aussi opposé à ces distinctions absurdes entre toristas et toreristas, car une grande faena de Morante met tout le monde d'accord non?
Mais lorsqu'on engueule des novilleros contratés au rabais, inexpérimentés, d'avoir peur devant des saloperies dont satan ne voudrait pas, je me dis qu'il y a là quelque chose de mortifère. Coupables, les écoles taurines bien sûr qui ne donnent pas ce type de bagage, mais aussi les organisateurs qui vont chercher des novillos qui sortiraient largement en corrida et venant d'élevages dont on connait et recherche la dangerosité. Le genio, la mala casta, si pour certains est "spectaculaire", n'ont rien à voir ni avec la bravoure, ni avec la caste, encore moins avec la race.Ce sont tout simplement, des saloperies intoréables.
Merci Chulo pour tes commentaires. Morante met tout le monde d'accord lorsqu'il torée un toro sérieux mais ça lui arrive désormais très rarement (sauf à Dax?!). C'est un crève-cœur de lui voir tuer toute l'inutile camada de Zalduendo de son apoderado mexicain.
Le gros avantage qu'ont les domecqs c'est que lorsqu'il en sort un de bon il est toréé par une figure qui en général ne passe pas à côté. Du coup on oublie les 5 toros médiocres qui l'accompagnaient. Chance que n'a pas eu le bon toro de Palha sorti dimanche à Madrid...
Velonero,
Merci de ces chroniques et de ce "passage en revue" quelques 38 ans plus tard de l'oeuvre de JP Domecq (père, fils et maintenant petit-fils).
Chulo, assez d'accord avec toi sur la dichotomie toristas/toreristas mais de quels élevages causes-tu quand tu écris les "saloperies intoréables"? Je ne serais pas aussi catégoriques que toi sur les intentions de certaines organisations quant au choix de leurs élevages.
A bientôt et longue vie à L'oeil contraire
Laurent Larrieu
Ne voulant pas entrer dans des polémiques inutiles, (en citant des sangs et des élevages, il a toujours été apprécié dans certaines plazas de mettre du bétail difficile devant des gosses inexpérimentés. Quand je jouais au rugby, on parlait pour certaines équipes du Sud Est en particulier de "cadets de la guerre de 14". Pour dire que les gabarits, dureté n'avaient rien à voir avec les standards.
Moi, même si on peut dire très hypocritement, que c'est le métier qui rentre, voir des novilleros sans recours devant des toros sans passe et dangereux, ça me fait très peur, et, en quelque sorte je me rends complice de quelque chose de pas bien. d'autant, qu'à la différence d'il y a quelques dizaines d'années le public et certains aficionados purs et durs ne supportent pas qu'on se contente d'une mise en place et d'une estocade où on peut. Attendant toujours cent passes.Ceci dit, chaque toro doit recevoir la Lidia qu'il mérite, c'est toute la complexité, et de juger le toro, les pros se trompent aussi, et devant ce toro, comme on disait à Madrid, lorsque la monumental était la monumental et son public certainement le plus savant du monde, etre "regular". Ce qui n'était déjà pas si mal. Je respecte toujours le torero, ou le matador, surtout inexpérimentés et mis à l'épreuve de toros durs, car eux sont en piste, pas moi.
Enfin, j'espère que velonero perdonnera ce commentaire trop long, les éleveurs en savent aussi beaucoup sur leurs toros, au niveau précisément de la dangerosité de chacun, mais aussi de leur "toréabilité"
Enregistrer un commentaire