vendredi 8 mars 2013

En relisant Claude Popelin (7)

La temporada reprend. Face à la crise économique qui sévit en Europe beaucoup d' organisateurs vont réduire le nombre de corridas. En espérant que les arènes se rempliront, car le rôle du public  est essentiel en corrida. Essentiel par ses réactions qui vont en partie déterminer ce qui va se passer dans le ruedo. Essentiel aussi par le fait que la corrida est un des rares spectacles culturels à vivre quasiment sans subvention. Dans les grandes arènes il est, de surcroît, grâce aux impôts et au montant des adjudications, une manne pour les collectivités territoriales.
Mais, voici ce qu'en dit Claude Popelin :

Public
   Précédée d'aucune répétition, soumise à l'impératif d'une improvisation continue, la corrida est, plus que tout autre spectacle, tributaire de la participation du public. On pourrait presque dire qu'avec le taureau et le torero, il en constitue le troisième personnage. Quelle que soit, d'un lieu à l'autre, sa majorité dominante, paysanne, ouvrière, citadine, latino-américaine, européenne, voire composée de touristes, il obéit toujours dans son ensemble à deux motivations principales.
   La première est la recherche passionnée de l'émotion, créée par la présence en piste d'un animal sauvage et redouté. Le taureau a beau représenter pour le torero un danger connu, dont il se joue, le spectateur n'en vit pas moins intérieurement la peur [miedo] qu'il éprouve à occuper, en pensée, sa place. Cette forte sensation diminue aussitôt que des bêtes, dépourvues de force ou sans réelle agressivité, cessent de l'entretenir. Toutes les hardiesses, parfois plus symboliques que réelles, du torero ne réussissent guère à pallier la frustration qui s'ensuit.
   En revanche, la quête d'une sensation artistique - seconde motivation du public - ne peut être satisfaite que par le torero. Tantôt par sa merveilleuse sécurité technique, tantôt par le déploiement d'une grâce où s'exprime son inspiration,il fait du combat une vision d'art, rend à l'assistance le souffle, qu'elle avait coupé, la charme, la subjugue et l'associe intimement à son triomphe personnel sur la mort. (...)
   Avec l'arrivée d'importantes couches de nouveaux spectateurs moins éclairés, et sous le prétexte de respecter une soi-disant "évolution de leurs goûts", les professionnels de l'arène s'efforcent d'acclimater maintenant un toreo moins risqué, quoique agrémenté d'effets apparemment plus sensationnels, dont le secret réside malheureusement dans une réduction méthodique de la force du bétail, qu'ils cherchent à imposer. Seul, le barrage constitué par l'aficion les a tenus plus ou moins en échec, à ce jour. Sa vitalité et son recrutement continu répondent de la préservation de la sincérité du spectacle, ainsi que de la défense des droits les plus légitimes du public. Toute manœuvre visant à dissocier ce dernier de l'aficion n'aboutirait qu'à une extrême confusion.

Voilà qui est clair!
Concernant l'avenir de la corrida et les attaques qu'elle a subies ces dernières années je crois que la question du public est une question clé. Quand les arènes sont pleines, quand une proportion importante d'aficionados dans le public permet, comme le dit Claude Popelin, de préserver la sincérité du spectacle, les attaques des anti-taurins ne sont que des picotazos de peu de conséquences. Si les arènes de Barcelone avaient été pleines tous les dimanches et pas seulement lorsque toréait José Tomas il y aurait encore des corridas à Barcelone.

1 commentaire:

el Chulo a dit…

Très clair en effet!
La corrida a besoin de public, mais certainement pas de n'importe quel public.C'est tout le problème, car elle perd la frange de public averti, pas seulement "toriste" au sens pur et dur mais qui sait "voir" les toros et les toreros.