dimanche 16 décembre 2012

Julien Lescarret















Lorsque j'ai vu Julien Lescarret pour la première fois il toréait en non piquée. Il venait de la toute proche Haute Lande, était fils de médecin. On se disait voilà un fils de riche qui se passe un caprice, l'an prochain on n'entendra plus parler de lui; mais on trouvait ça sympa qu'un fils de médecin de Pissos, lycéen à Bordeaux, ait le désir de devenir matador plutôt que guitariste dans un groupe de rock. Moins branché mais plus original.
L'année suivante il était toujours là, en piquée cette fois. On avait envie de lui faire la leçon, de lui rappeler qu'un fils de bonne famille se doit de poursuivre des études sérieuses au lieu de faire le saltimbanque devant des toros. Oui mais, c'est qu'il était loin d'être ridicule, le petit : un bon bagage technique, de la finesse dans les gestes et du courage. Des succès répétés dans les principales plazas du Sud Ouest en témoignent. Je me souviens de deux belles faenas dans l'arène de Roquefort. Et en plus pas prétentieux pour deux sous, ne jouant pas les divas des ruedos. C'est là que tout a basculé, que tout le monde, ici, a pensé qu'il pouvait vraiment devenir un professionnel compétent et respecté.
Une carrière de 10 années de matador de toros a suivi. 10 temporadas, 100 corridas, des hauts et des bas. Les bas ce sera par exemple ces deux échecs qui empêcheront Julien d'intégrer les cartels de luxe. En 2006 à Mont de Marsan face à des Javier Perez Tabernero nobles et mobiles qui offrent un triomphe à Enrique Ponce, le Landais balbutie son toreo et ne peut donner la réplique au maestro de Chivas. Quelques années plus tard, à Dax, un nouvel échec face à un excellent sobrero du conde de Mayalde restera une épine plantée dans le pied du torero.
Mais les succès ne manquent pas. En 2004, dès sa présentation à Vic comme matador de toros, il coupe une oreille à chacun de ses Escolar Gil et sort en triomphe de la plaza gersoise. Attentif à mettre en valeur ses adversaires, lidiador intelligent, bon capeador, muletero inégal mais vaillant, c'est du côté des corridas toristas que Julien Lescarret déploiera sa carrière jusqu'à ce final heureux en cette année 2012 à Mont de Marsan lorsqu'il renouvelle le triomphe face aux Escolar Gil lors de la mémorable corrida de clôture de la Madeleine.
Entre ces deux dates, ses affrontements avec les Miura furent pour le torero des moments importants. Pour Pâques 2009, en Arles, il découvre le fer de Zahariche. Il n'hésite pas à citer son toro salinero de très loin pour des naturelles magnifiques. C'est le miel du succès. L'année suivante à Béziers il a rendez-vous avec un miura cauchemardesque. Même adoucies par le filtre de la télévision et du différé, les images du combat, que l'émission Signes du Toro nous a offertes, sont saisissantes : le torero  semble un fétu de paille face à la puissance et à la malignité d'un des toros les plus dangereux qui soit. Peu de matadors, même (et surtout) parmi les plus huppés, peuvent s'enorgueillir d'avoir affronté un tel fauve et d'en être venu à bout. C'est là tout l'honneur et toute la gloire d'une carrière irréprochable.



3 commentaires:

pedrito a dit…

Hommage combien mérité: je partage à cent pour cent.
Plein de toutes les qualités que tu dépeins, et garçon plein d'humilité, sans JAMAIS se prendre le chou.
Un garçon adorable, à qui, en Espagne, on aurait certainement assuré une autre carrière
Bravo Velonero

Florent a dit…

Irréprochable ? Je ne suis pas d'accord là-dessus. Mais à chacun son point de vue.
Pour ma part, je trouve qu'il a été ultra-protégé durant toute sa carrière par les critiques taurins (tous avec lui) et a profité du système jusqu'à la moelle. Et sinon, en le mettant dans la peau d'un torero espagnol, je pense qu'au contraire, il n'aurait pas toréé une SEULE course ! C'est le fait d'être du Sud-Ouest qui lui a permis de faire carrière. Après, il faut reconnaître qu'il a réalisé une dernière saison (la 2012) de bonne note.

velonero a dit…

Florent, les systèmes existent précisément pour qu'on en profite, on ne peut guère reprocher à un modeste matador de le faire. En revanche, il peut arriver que le système profite de certains matadors. Par exemple en les payant très peu, au prétexte qu'ils ne sont pas figuras, pour affronter les toros réputés les plus durs.