Samedi 23 avril : annonce des cartels de la temporada dacquoise.
L'aficion les salue pour leur sérieux et leur originalité. En comparaison, les cartels de la préfecture, parus quelques jours plus tôt, semblent avoir été concoctés par un petit épicier mesquin.
Dimanche 11 septembre : fin de la dernière corrida de la temporada dacquoise.
Le public est en colère et l' "aficion indignée" à l'image d'une banderole apparaissant sur les gradins.
Entre ces deux dates, une succession de corridas décevantes avec des toros mal présentés et le plus souvent faibles et décastés.
Personnellement, je me réjouis des critiques subies par les organisateurs dacquois : il est juste que les erreurs (les errements, devrait-on dire) soient dénoncées. Mais je voudrais essayer ici d'aller plus loin.
Il faut d'abord rappeler que les arènes de Dax fonctionnent en gestion municipale. C'est à dire que la municipalité, propriétaire des lieux, confie, par l'intermédiaire d'une commission taurine, l'organisation des corridas à des aficionados locaux et que l'intégralité des bénéfices (et à Dax ces dernières années ils sont considérables) vont dans les poches de la commune. Inutile de dire que ce système ne plaît pas à tout le monde et qu'à chaque vacillation les vautours du Mundillo sont prêts à fondre sur la proie.
Malgré leur indépendance et leur aisance financière les Dacquois se retrouvent, après cette temporada désastreuse, dans une situation pour le moins inconfortable. Pour mieux en comprendre les tenants et les aboutissants la lecture des propos de Christian Laborde, actuel président de la commission taurine, publiés par Sud Ouest au lendemain du 11 septembre est précieuse.
Christian Laborde nous dit deux choses : 1- C'est nous et personne d'autre qui sommes responsables du choix des toros.
2- Paradoxalement, les attaques qu'il porte ne sont pas dirigées contre les éleveurs mais contre les matadors : "pour moi, surtout, il y a un bilan toreros qui m'a laissé sur ma faim", "cette époque où je suis parti à Madrid courir, supplier, batailler, c'est terminé", "ça va être à prendre ou à laisser maintenant".
Pas masochiste, Christian Laborde laisse au lecteur le soin de faire les liens : si nous avons choisi de si petits toros c'est pour complaire aux figuras à qui, en outre, nous offrons des sommes extravagantes pour venir toréer dans notre ville.
Aveu implicite d'un double échec : celui de se soumettre de soi-même au desiderata des vedettes en ce qui concerne la présentation du bétail et celui de se faire avoir en surpayant les prestations médiocres de ces mêmes vedettes.
Mais à quelque chose malheur est bon et il semblerait que les responsables aient pris la mesure de l'impasse dans laquelle ils se trouvent. Dans ce même entretien des changements sont annoncés :
- "aller chercher des toros plus forts et avec plus de tête"
( Ce ne sera pas difficile au vu de ce qui est sorti des chiqueros cette année, mais cela semble répugner à Christian Laborde puisqu'il rajoute : "C'est regrettable que le jugement des spectateurs s'arrête à ça mais c'est une indication." Après de tel propos, ce monsieur ne semble pas être le mieux placé pour conduire une politique taurine digne de ce nom car le minimum que puisse offrir un organisateur respectueux de son public ce sont des toros dignement présentés.)
- annoncer les cartels moins tôt
- baisser le budget des corridas
(Ce qu'on peut traduire par "moins de figuras" ou "des figuras moins payées" et aussi, en toute logique, par "le prix des places va baisser".)
De bonnes résolutions donc qui pourraient permettre à Dax de sortir de la crise par le haut...
Mais Christian Laborde a remarqué aussi que le public de Dax "est un public de consommateurs qui veut voir du spectacle".
Une ambition plus grande encore serait donc de se proposer de créer un public d'aficionados plutôt que de consommateurs. Et cela pourrait passer par une revalorisation du tercio de pique (la plaza de Dax le nécessite vraiment) et par une attribution plus rigoureuse des trophées ce qui reste le moyen le plus simple de ne pas donner l'habitude aux spectateurs de prendre des vessies pour des lanternes et pour une arène de devenir respectée et respectable.
Aficionados dacquois, bon vent, vous avez du pain sur la planche...
4 commentaires:
mon cher velonero,
quelques remarques:
le fameux "trapio" qui est un mélange subtil de comportement, de vibration de fiereza et de respect a parfois peu à voir avec le poids (surpoids) voire même des cornes de zébus. las ventas ont sombré aussi d'avoir voulu imposer systématiquement des toros de 600 kgs et plus.
je pense aussi que le problème majeur se situe dans le mode de sélection qui systématiquement écarte la "caste" qui a pratiquement disparu du vocabulaire taurin. je ne suis pas persuadé qu'on ne puisse pas faire ressortir cette caste dans n'importe quel encaste.le seul problème de la caste est que fondamentalement, elle donne des produits "irréguliers" au sens de la corrida moderne, et qu'elle peut être "bonne" ou "mauvaise" au sens des toreros, et aussi qu'elle n'intéresse par la lidia austère qu'elle peut supposer, qu'une infime partie du public.
il faut également accepter que certains encastes "purs" mais peut t'on parler de celà aujourd'hui, c'est bien le problème, portent moins de viande ou aient moins de tête s'ils sont parfaitement dans le type zootechnique, maintenant si bidouillé, et ont précisément du "trapio".
enfin, le "goût" et l'identité du public dacquois s'est bâti au cours des décennies. on y adhère ou pas, ça c'est un autre problème, et aussi une organisation telle que celle de dax a un besoin absolu de ne pas perdre d'argentet de faire le plein.
prétendre bouleverser ces paramètres du jour au lendemain me paraît illusoire et demanderait une volonté unanime partagée et un travail d'information vis à vis du public.
enfin la nécessité de "transparence" sur les transactions, si je l'appelle de mes voeux, me paraît également illusoire, pour une infinité de raisons, qui ne dépendent pas seulment des toreros mais aussi de la guerre que se livrent les organisations entre elles lorsqu'elles sont en compétition sur les dates.
enfin., je n'entends jamais parler, par nos penseurs, du rôle essentiel que pourraient jouer les petites arènes à budgets tendus, role d'incubateur, de découverte de certains élevages voire toreros, plutôt que d'être systématiquement "massacrées" par le mundillo.
sacré chantier!
Merci Chulo pour ton long commentaire.
Tu fais bien de souligner le rôle important des petites arènes dans le maintien et le développement de l'aficion.Les chagements de date prévus par certaines arènes qui pourraient avoir pour conséquence de "gêner" des arènes comme Tyrosse, Orthez ou Garlin seraient particulièrement malvenus. Cela me rappelle que dans les années 70 Dax en prenant le créneau du 15 août qui n'était pas traditionnel pour elle a fortement déstabilisé Roquefort.
Les crises sont des occasions (qu'il faut savoir ne pas manquer) de faire les changements nécessaires. A Dax il serait dommage que la crise actuelle ne débouche pas sur des changements positifs. Des choses toutes simples et évidentes auxquelles tous les aficionados pensent : des toros mieux présentés (si l'on ne peut agir sur la caste au moins que le physique soit irréprochable, pour Dax pas des monstres bien sûr mais des "beaux toros"), tercio de piques revalorisé, récompenses non bradées, types de corridas plus variés ....
je n'ai absolument pas dit que les changements ne s'imposaient pas, ou si on peut tirer cette conclusion de mon intervention, c'est que je me suis mal exprimé.mais sans doute faudra t'il procéder par étapes, et mettre en effet l'accent sur les toros, sans pour autantaller aux antipodes de la culture dacquoise.
J'approuve dans ses grandes lignes le comentaire del Chulo; mais aujourd'hui où est la caste, la vraie, trop souvent confondue avec son ersatz le genio? Vous pouvez vous creuser les méninges, la cabaña s'est largement pasteurisée, de même que la toreria. Et le public actuel, qu'il soit de sensibilité torerista ou torista, prend facilement les vessies pour des lanternes.
Cela dit il me paraît tout à fait sain que l'aficion dacquoise, qui n'a fait que souffir chez elle les conséquences des dérives que l'on constate partout ailleurs, rappelle à la commission taurine son rôle de garde-fou. Je ne crois pas qu'il s'agisse de réclamer que le Juli ou Manzanares tuent des Palha, mais la course de Joselito à Bayonne (même si certainement D. Julian Lopez est persuadé du contraire)me paraît être le point équilibre pour une corrida de figuras. Après, le haut de l'escalafon n'est probablement pas disposé à "tragar" 70 ou 80 tardes comme celle-là par saison, ni même la moitié. Mais ces toreros du haut du pannier comprendront-ils que comme le fait Jose Tomas on peut gagner autant d'argent, voire plus, en toréant moins, en conservant à chacune de leurs apparitions un coté événementiel, en marquant la différence avec les toreros de catégorie inférieure non seulement par la hauteur de leurs prétentions financières mais aussi par la démonstration de leur supériorité? L'émergence de David Mora, de Fandiño, matadores qui se gagnent partout le respect des publics devant des toros dignes tout en étant à mille lieues des cachets des vedettes, incite à penser qu'il est encore possible d'enrayer la machine à vider les arènes. Je ne dis pas qu'il faut une féria de Dax (ou d'ailleurs) sans figuras, mais il faut ouvrir les corridas de prestige à des toreros à la fois capables et désireux de bousculer la hiérarchie, et ne pas faire aux vedettes la faveur de les laisser toréer entre elles; certes annoncer des cartels trés aboutis est une satisfaction pour l'empresa, et une illusion de garantie pour la taquilla, mais la pire des publicité pour la feria de l'année suivante est une course d'où le public sort en ayant la sensation d'avoir été floué.
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