mercredi 22 octobre 2025

Jaén

 

 

 

 
A la mémoire de Frédéric Augé, aficionado torista, qui aurait aimé la caste des Victorino mais aurait déploré la manière dont a été mené le tercio de piques. 
 
Samedi 18 octobre 2025                                   Jaén 
très beau temps                                          Coso de la Alameda
media entrada                                                  
 
Six toros de Victorino Martin, bons (8 piques, vuelta au 2 et au 4), pour Curro Diaz (une oreille, une oreille), El Cid (deux oreilles, une oreille) et David Galvan (division d'opinions, deux oreilles).
 
Quelle meilleure manière de terminer une temporada que celle de voir lidier six bons toros de Victorino  Martin ! Le lot de Jaén constituait une belle démonstration de la variété (d'aucuns diront disparité), aussi bien au physique qu'au moral, que l'on rencontre dans le prestigieux élevage de la A couronnée. Avec un dénominateur commun, celui de la caste et donc de l'intérêt et de l'émotion toujours présents dans le ruedo.
C'est précisément la caste du premier qui lui permet de surmonter sa faiblesse et de mettre en difficulté Curro Diaz.
Le second avec une charge magnifique sur les deux cornes est le Victorino dont rêvent tous les toreros qui affrontent cet élevage.
Le troisième est l'alimaña classique de la casa.
Intraitable à la cape, le quatrième, à l'armure de cauchemar, montre vite une belle noblesse sur la corne gauche. 
Le cinquième de charge soutenue mais gardant tête haute.
Charge soutenue aussi pour le dernier dont la mort en brave sera applaudie par le public.
Tous braves mais hélas mal mis en valeur au cheval, le public local montrant peu de goût pour le tercio de piques. Dommage ! Un public par ailleurs porté au triomphalisme, bien aidé en cela par la présidence. Actualité madrilène oblige, rappelons que c'est ici, sur le sable du Coso de la Alameda qu'Antoñete donna en 1999 à l'âge de 67 ans une des meilleures faenas de sa vie face à un petit toro de feu de Victoriano del Rio (voir ici).
On honora en début de course l'excellent professionnel que fut Juan Carlos Garcia (matador de toros puis banderillero) qui mettait fin à sa carrière ce jour. Le Jienense était venu plusieurs fois par chez nous notamment à Vic où il coupa l'oreille d'un Palha en 1997.
Curro Diaz toréa avec la foi d'un débutant. Il fut souvent à la merci du 1 mais une belle estocade lui permit de couper une oreille. Il exploita avec la classe qui caractérise son toreo la bonne corne gauche du 5. La mort fut plus laborieuse en trois épisodes avec cogida impressionnante.
Il va sans dire que le toro de ensueño était pour El Cid dont la réputation de torero heureux lors des sorteos n'est plus à faire. Le Sévillan eut face à lui de bons moments avec quelques enchainements et pechos de qualité mais le tout resta nettement en-dessous des possibilités offertes. Deux oreilles généreuses après entière trasera. Après avoir été débordé à la cape (comme à Mont-de-Marsan en juillet) par la codicia du 5, il eut le mérite de s'accrocher face à un toro qui gardait la tête haute et  auquel il parvint à donner quelques séries dominatrices avant de se désunir à la mort.
David Galvan fut paniqué d'entrée par la dureté du 3, un tío de 583 kilos de charge courte et orientée. Totalement desconfiado, au point de trébucher et tomber sous le museau du toro, sauvé par l'intervention du péonage, il opta pour la brièveté et on le siffla. Il se racheta en accueillant le 6, cornalón et astifino, par une magnifique série de véroniques. La faena manqua en revanche de qualité mais elle sera portée par la musique, la charge vive du toro et le triomphalisme du public. Deux oreilles après entière contraire et mort en brave du toro.
Une course de Victorino Martin de grand intérêt, comme presque toujours. 

mercredi 8 octobre 2025

José Alameda, historien du toreo

 
   Pepe Alameda, de son vrai nom Carlos Fernández López-Valdemoro (1912-1990), a été à partir des années 40 du siècle précédent un réputé chroniqueur taurin et commentateur de télévision dans un Mexique où la corrida était alors au faîte de sa popularité. Ce Madrilène de naissance était arrivé au pays de Gaona comme réfugié politique après la défaite de la République espagnole.
   Il a à son actif une importante œuvre taurine tant critique ou historique que poétique (voir liste). Longtemps restée marginale car elle allait à contre-courant des idées reçues, cette œuvre rencontre aujourd'hui - notamment depuis que Domingo Delgado de la Cámara a revendiqué son héritage - de plus en plus d'écho au point que les perspectives historiques qu'il a renouvelées sont maintenant largement reconnues. 
 
   L'essentiel de son apport consiste à réévaluer l'importance de toreros comme Joselito, Chicuelo et Manolete dans l'évolution du toreo. On sait que Joselito a longtemps été tenu pour le parangon et quasi dernier représentant du toreo dominateur à l'ancienne. L'avenir de l'art taurin étant incarné en totalité par l'apport de Juan Belmonte. Or il se trouve qu'à la lumière de plusieurs vidéos*, on se rend compte que Joselito  toréait parfois par naturelles suivies en rond, ce qui constitue incontestablement la base du toreo moderne et ce qu'il était le seul à faire au début du siècle. Pepe Alameda est le premier à mettre en évidence cet apport majeur au toreo du XXe siècle (Historia verdadera de la evolución del toreo). Et la filiation toute naturelle jusqu'à nos jours passe par Chicuelo qui parvint à lier avec esthétique plusieurs naturelles en série, puis par Manolete qui systématisa le procédé. Bien sûr cela fut largement facilité par l'évolution du toro de combat vers moins de genio  et de puissance. Évolution  que Guerrita avait commencé à imposer à la fin du XIXe siècle et que les ravages de la guerre civile sur la cabaña brava accentuèrent encore.
   Belmonte de son côté apporta le toreo de près avec une forte charge esthétique et la capacité à ralentir le voyage du toro en se croisant avec lui. Mais sa conception de la faena, dont la base était la passe naturelle systématiquement suivie d'une passe changée, restait traditionnelle. 
   
   Dans son ouvrage Los arquitectos del toreo moderno, Pepe Alameda dit aussi des choses très intéressantes sur le cargar la suerte et sur le temple. C'est sur le concept de charger la suerte qu'il se montre le plus polémique en affirmant que l'expression ne signifie rien de plus qu' "accomplir le second temps de la suerte" lorsque le toro passe au plus près du corps et ce quelle que soit la manière dont on torée. Il récuse ainsi la supériorité du toreo croisé sur la corne contraire avec appui sur la jambe de sortie qu'il voit plutôt comme une manière d'envoyer le toro vers l'extérieur. De même récuse-t-il la supériorité du toreo avec la main avancée qu'il considère comme un avantage que se donne le torero en se masquant à la vue du toro alors que l'attente muleta au niveau du corps laisse au toro le choix de sa proie. De fait, dans son esprit, toutes les formes de toréer se valent si elles sont adaptées aux conditions du toro et permettent de le dominer.
 
   Ce qui est certain c'est que tout ceci constitue de passionnants sujets de réflexion pour l'aficionado sur lesquels L'œil contraire reviendra.


* Toreros para la historia 1 et 2 de Fernando Achucarro (voir ici)
 




       Liste des ouvrages de Pepe Alameda
 
• El toreo, arte católico, Disposición a la muerte   1953
• Los  arquitectos  del  toreo  moderno                  1961
• Los  heterodoxos  del  toreo                                1979
• La pantorilla de Florinda y el origen bélico del toreo   1980 
• Cronica  de  sangre                                              1981
• Seguro  azar  del  toreo  (poésie)                         1984
• Historia verdadera de la evolución del toreo       1985
• El  hilo  del  toreo                                                1989
 
 
Hélas à ce jour aucun d'eux n'a été traduit en français. 
On peut en trouver certains d'occasion, notamment à la librería Rodriguez de Las Ventas.